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Les décisions liées au système de relations avec l’environnement

COMMERCE: UN MODÈLE SYNTHÉTIQUE

1.2 Les décisions liées au système de relations avec l’environnement

Les relations de l'entreprise avec son environnement se présentent comme un double système de relations, avec le marché des facteurs de production d'une part, et avec le marché des biens, constitué par les fournisseurs de matière première (riz ou paddy) et les utilisateurs du produit (les clients), d'autre part.

1.2.1 les relations avec les détenteurs des facteurs de production

Les ressources nécessaires aux fonctions opérées par les entreprises de commerce sont de natures différentes, que l’on peut regrouper sous quatre catégories: les équipements matériels, les ressources financières, le travail et le savoir-faire. L'utilisation de ces ressources appelle une série de décisions communes aux différents types de facteurs, dont les caractéristiques en termes d'information possédée par le décideur et de séquentialité seront présentées successivement.

La première concerne la durée pour laquelle l'entreprise s'engage à supporter le coût du produit. Elle conditionne la rapidité et le coût de l’adaptation à des modifications de l’environnement économique, telles que l’apparition de nouvelles techniques qui étaient inexistantes au moment de la transaction et la sensibilité au comportement opportuniste du fournisseur.

La deuxième décision est celle qui porte sur le prix du facteur à acquérir. Le commerçant est dans l'impossibilité de connaître précisément le prix payé par l'ensemble des autres commerçants pour un facteur identique à celui qu'il acquiert, ce qui induit une incertitude sur le prix à payer.

Le volume du facteur qui sera nécessaire à la production n'est pas prévisible à l'avance dans la mesure où le volume de la collecte de riz ainsi que la taille des débouchés sont eux-mêmes incertains et dépendent des choix des autres acteurs sur le marché.

L'évaluation de la qualité du facteur à acquérir constitue une quatrième décision. Les caractéristiques des facteurs ne sont pas observables parfaitement au moment de la transaction, comme le montrent un nombre croissant de travaux sur les problèmes de qualité dans les transactions: dans le cas des équipements matériels, le rendement du facteur ne peut pas être connu avec précision avant sa mise en œuvre effective (Akerlof, 1970); dans le cas des ressources financières, une forte incertitude pèse sur la volonté du créditeur d'accorder et

de reconduire son financement en cas de besoin1 (Rivaud-Dansey et Salais, 1992); l'incertitude inhérente à la relation de travail, étudiée par H.-A. Simon (1951), et qui caractérise également la relation de sous-traitance (Baudry, 1992), est maintenant bien connue; enfin, l'efficacité future de compétences acquises à un moment donné ne peut pas être évaluée avant leur mise en application pratique.

L'identification de l’ensemble des offres de facteurs est impossible sans coûts et sans délais, comme le montrent les modèles de "quête" ("search") (Laffont, 1985). Elle est clairement de nature séquentielle.

Le sixième type de décision concerne le choix du contractant, une fois les offres disponibles identifiées. Ce sont ici les caractéristiques de l'offreur qui sont en jeu, et en particulier ses dispositions au comportement opportuniste. Or, nous savons que ces caractéristiques sont a priori impossibles à connaître avec certitude avant le déroulement du contrat, notamment lorsque la transaction se déroule dans un environnement très fluctuant, ce qui est le cas des économies africaines2 (Nugent et Nabli, 1989). On note que, dans le cas du facteur travail, cette décision se ramène à celle qui porte sur la qualité du facteur.

La dernière décision concerne l'identité de la personne ou du service qui, au sein de l'entreprise commerçante, réalise la transaction d'acquisition du facteur. L'efficacité de ce choix dépend de la nature des décisions que cette personne ou ce service auront eux-mêmes à prendre, qui sont impossibles à prévoir avec certitude au moment de leur désignation.

1 Elle tient à ce que le créditeur ne peut pas s’assurer que le débiteur fait tous les efforts nécessaires pour assurer le remboursement de son prêt ("hasard moral"). Cette incertitude est d’autant plus élevée que l’activité du débiteur est elle-même soumise à des fluctuations imprévisibles, en particulier de la demande du marché et des ponctions opérées par la famille. Il est en effet difficile de distinguer, en cas de défaut de remboursement, ce qui tient à la mauvaise volonté du débiteur de ce qui tient aux fluctuations de l’environnement.

2 Ces auteurs considèrent en effet qu’il est impossible, dans un environnement très incertain, de distinguer si les perturbations affectant le déroulement du contrat ont pour origine des événements imprévus ou des comportements opportunistes du contractant.

1.2.2 les relations avec le marché des biens

L’acquisition du riz ou du paddy, ainsi que la vente auprès des utilisateurs du produit final, mettent en jeu les mêmes types de décisions que celles qui concernent l’acquisition des facteurs de production, même s'il convient d’identifier avec précision leurs sources de risque spécifiques.

Les processus d'achat et de vente impliquent respectivement un choix sur la durée de l'engagement à acheter avant la réalisation de la transaction3 et sur la durée pendant laquelle le produit va être mis à la disposition du client. Cette durée conditionne le risque d’apparition d’événements imprévus au moment de la décision et le risque de comportement opportuniste du fournisseur ou du client, qui peuvent finalement décider de ne pas honorer la commande.

Par ailleurs, la connaissance des prix et des volumes qui maximisent le bénéfice du commerçant est incertaine, car l’état de l’offre et de la demande dépend des transactions qui s’effectuent au même moment par les autres commerçants, qui supportent des coûts différents. La coïncidence de ces décisions peut avoir pour effet une chute ou une hausse des prix due à un niveau d’offre supérieur ou inférieur à celui qui était prévu. A l'achat, par exemple, l'irrégularité de l’offre de riz saisonnière et inter annuelle, ajoutée aux différences de coûts de production entre les paysans, ne permettent pas au commerçant de connaître avec précision les prix proposés par l’ensemble des fournisseurs.

L'identification de la qualité du produit à l'achat, ou le choix d'une qualité du produit à la vente, se heurtent respectivement à l'impossibilité d'observer l'action du paysan ayant des conséquences sur les caractéristiques du produit et à l'impossibilité de connaître l'information dont le consommateur a besoin pour être rassuré sur la qualité du produit. En effet, la variabilité des techniques de culture et de première transformation du riz induit une variabilité de la qualité des produits mis sur le marché par les paysans qui se répercute tout au long de

3 Le commerçant peut en effet décider, pour s’assurer la priorité de la vente, de commander le produit au fournisseur, en s’engageant sur les éléments de la transaction avant l’échange effectif.

la chaîne de commercialisation4. S'ajoute à cela l'incertitude liée aux possibilités de manipulation par l'une des parties des unités de mesure utilisées pour la pesée, qui est fréquemment soulignée par les recherches sur le commerce en Afrique.

La faible taille des unités agricoles et de commerce, ajoutée à l’irrégularité de l’offre paysanne, ne permettent au commerçant de connaître ni la localisation des quantités offertes à la vente par les paysans ni les volumes des lots offerts5. Du côté de la vente, le commerçant se heurte également à l'impossibilité d’appréhender de manière certaine les préférences des consommateurs et donc d'identifier le consommateur désireux de payer un prix correspondant à son coût d’opportunité.

Le choix du contractant, fournisseur ou client, se fait, comme pour l'acquisition des facteurs de production, en situation d'information imparfaite sur le comportement futur de celui-ci.

Enfin, le choix de la personne ou du service qui réalise les opérations d'achat et de vente au sein de l'entreprise de commerce implique une incertitude sur la nature des décisions que cette personne ou ce service aura à prendre, et donc sur l'efficacité de ce choix.

Il apparaît donc clairement que l'ensemble des décisions impliquées par le fonctionnement d'une entreprise peuvent être affectées, sans exception, par des événements non connus et non probabilisables, car dépendant des décisions que prennent simultanément d'autres agents. Le caractère incertain de ces décisions implique par ailleurs que le transfert sur un marché des relations existant entre l'entreprise et les détenteurs des facteurs de production, ses fournisseurs ou ses clients n'est pas réalisable sans coûts.

En outre, il faut tenir compte du fait que les entreprises considérées disposent de ressources financières limitées. Donc tout choix d'immobiliser des fonds dans l'acquisition d'un actif ou dans l'achat de matières premières et tout choix de cession de produit, auront pour conséquence, compte tenu de ces éléments, de restreindre l’ensemble des actes futurs

4 Par exemple, dans le cas de l’achat de paddy pour le décorticage, le degré d'humidité du paddy, qui dépend lui-même de la précocité de la récolte, peut induire un écart de rendement du décorticage d'environ 10%.

5

L'information sur la localisation de l'offre disponible dans les zones de production fait fréquemment l'objet de manipulations stratégiques de la part des paysans, qui cherchent à attirer le commerçant pour minimiser leurs coûts de transport.

possibles par rapport à la solution où aucune décision ne serait prise.

De telles décisions sont donc clairement séquentielles et, partant, présentent des caractéristiques d'irréversibilité. Dans cette mesure, elles n'admettent pas de solution efficace

a priori mais appellent des solutions d'ordre procédural, qui nécessitent une coordination.

Puisque le commerçant ne peut pas choisir directement les éléments des transactions (prix, qualité, quantité par exemple), il doit sélectionner les règles qui peuvent lui garantir une prévisibilité minimale de ces éléments.