A m e .
S eB . I I I .149
Locke avouait franchement qu’il ne penfait pas tou jours quand il dormait. Un autre philofophe a dit : lç propre de l’homme ejl de penfer ; mais ce n'ejl pas fou
efjhice.
Laifîons à chaque homme la liberté & la confola- tion de fe chercher fo i-m êm e, & de fe perdre dans fes idées.
Cependant il eft bon de favoir qu’ en 1750 un phi lofophe effuia une perfécution affez forte pour avoir avoué, avec Locke, que fon entendement n’était pas exercé tous les momens du jour & de la n u it, de même qu’il ne fe fervait pas à tout moment de fes bras & de fes jambes. Non-feulem ent l’ignorance de cour le perfécuta , mais l’ignorance maligne de quel ques prétendus littérateurs fe déchaîna contre le per- fécuté. Ce qui n’avait produit en Angleterre que quel ques difputes philofophiques , produifit en France les plus lâches atrocités ; un Français fut la victime de
Locke.
Il y a eu toujours dans la fange de notre littérature plus d’un de ces miférables qui ont vendu leur plu me, & cabale contre leurs bienfaideurs mêmes. Cette remarque eft bien étrangère à l’article Ame mais fau drait-il perdre une occaiion d’effrayer ceux qui fe ren dent indignes du nom d’homme de lettres ; qui prof- tituent le peu d’efprit & de confcience qu’ils ont à un vil in térêt, à une politique chimérique , qui tra- hiffent leurs amis pour flatter des fots , qui broyent en fecret la ciguë dont l’ignorant piaffant & méchant veut abreuver des citoyens utiles ?
A rriva--t-il jamais dans la véritable Rome qu’on dénonçât aux confuls un Lucrèce pour avoir mis en vers le fyftême d'Epicure ? un Cicéron pour avoir écrit plufieurs fois, qu’après la mort on ne rdjjfent aucune douleur? qu’on accufât un Pline, un Van-Un, d’avoir
eu des idées particulières fur la Divinité ? La liberté de penfer fut illimitée chez les Romains. Les efprits durs, jaloux & rétrécis , qui le font efforcés d’écrafer pàrtni nous cette liberté inère de nos connaiffartces, & premier relfort de l’ entendement humain , ont pré texté des dangers chimériques. Ils n’orit pas fongé que les Romains qui pouffaient cette liberté beaucoup plus loin que nous , n’en ont pas moins été nos vain queurs , nos légiflateurs, & que les difputes de l’école n’ont pas plus de rapport au gouvernement que le tonneau de Biogène n’en eut avec les victoires à’A- iexandret
Cette leçon vaut bien une leçon fur Famé ; nous aurons peut - être plus d’une occafion d’y revenir.
4
Ënfin, en adorant D I E U de toute notre ame , cdii- feffons toûjours notre profonde ignorance fur cette ame , fur cette faculté de fentir & de penfer que nous tenons de fa bonté infinie. Avouons que nos fai- blë's raifoniiemens ne peuvent rien ôter , rien ajouter à la révélation & à la foi. Concluons enfin que nous dévons employer cette intelligence, dont la nature eft inconnue, à perfeétionner les fciences qui font l’ob jet de l’Encyclopédie, comme les horlogers employant dés refforts dans leurs montres, fans favoir ce que c’eft que le reffort.S e c t i o n q. u a t r i é m e.
Sur Pâme Ef? fiir nos ignorances.
II eft dit dans la G enèfe, Di e u fouffia auvifage de P homme un fouffle de vie, & il devint ame vivante; & l’ ame des animaux ejl dans le faug ; £5* ne tuez
fo in t mon ame , &c.
Ainfi l’ame était prife èn général pour Fdrigine & là caufe de la vie j pour la vie même. C’eft pourquoi
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A
mÉ. SeS. I V .
I5icertaines nations croyaient fans raifonner que quand la vie fe diilipait l’ame fe diffipait de même.
Si l’on peut démêler quelque chofe dans le cahos des hiftoires anciennes , il femble qu’ au moins les Egyptiens furent les premiers qui eurent la fagacité de diftinguer l’intelligence & l’ame ; & les Grecs ap prirent d’eux à diftinguer auffi leur noüs , leur pnett- m a, leur skia*
Les Latins à leur exemple diftinguèrent animus & anima, & nous enfin nous avons eu auffi notre ame & notre entendement. Mais ce qui eft le principe de notre vie , ce qui eft le principe de nos penfécs , font - ce deux chofes différentes ? eft - ce le même être ? ce qui nous fait digérer & ce qui nous donne des fenfations & de la mémoire, reiïemble - 1 - il à ce qui eft dans les animaux la caufe de leurs fenfations & de leur mémoire ?
C’eft là l’éternel objet des difputes des hommes ; je dis l’éternel objet ; car n’ayant point de notions primitives dont nous puiffions defcendre dans cet examen, nous ne pouvons que nager & nous débat tre dans une mer de doutes. Faibles & malheureufes machines à qui Di e u daigne communiquer le mou vement pendant les deux rnomens de notre exiftence , qui de nous a pu appercevoir la main qui nous fou- tient fur ces abîmes ?
Sur la foi de nos connailfanCeS acquifes nous avons ofé mettre en queftion fi l’ame eft créée avant nous , fi elle arrive du néant dans notre corps ? à quel âge elle eft venue fe placer entre une veffie & k s intef- tins cæcum Sâreftnm ? fi elle y a requ ot* apporté quelques idées , & quelles font ces idées ? ü après nous avoir animés quelques rnomens fon effènce eft de vivre après nous dans l’éternité fans l’intervention de Di e u même ? Si étant efp rit, & Di e u étant
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éfprit , ils font l ’un Sc l’autre d’une nature fembla- ble ( /' ) , ces queftions paraiffent fublimes ; que font- elles ? des queftions d’aveugles-nés fur la lumière.
Quand nous voulons connaître groffiérementun mor ceau de m étal, nous le mettons au feu dans un creu- fet ; mais avons -nous un creufet pour y mettre l’ame ?
Que nous ont appris tous les philofophes anciens & modernes ? un enfant eft plus fage qu’eux ; il lie penfe pas à ce qu’il ne peut concevoir.
Qu’il eft trifte , direz-vous, pour notre infatiable curiofité, pour notre foif in tari fiable du b ie n -ê tre , de nous ignorer ainfi ! j’en conviens, & il y a des cho- fes encor plus trilles ; mais je vous répondrai ,
Sors tua «sortait! , non eft mariale quoi optas.
T e s d e f t i n s f o n t d ’ u n h o m m e , & t e s v œ u x f o n t d ’ u n D I E U , i i
Il paraît, encor une fois que la nature de tout prin cipe des chofes eft le fecret du Créateur; Comment les airs portent-ils des fons? comment fe forment les animaux ? comment quelques - uns de nos membres obéïflent-ils conftamment à nos volontés ? quelle main place des idées dans notre mémoire, les y garde com me dans un régiftre, & les en tire tantôt à notre gré & tantôt malgré nous ? Notre nature, celle de l’univers, celle de la moindre plante , tout eft plongé pour nous dans un gouffre de ténèbres.
&
L ’homme eft un être agiffant, fentant & penfant ; voilà tout ce que nous en favons ; il ne nous eft donné de connaître ni ce qui nous rend fentans & penfans,
( i ) C e n ’ é t a i t p a s f a n s
d o u t e l ’ o p i n i o n d e St. Au-
gujlitt q u i , d a n s l e l i v r e h u i t
d e la Cité de Di e u , s’ e x p r i m e
a i n f i '.Que ceux-là fe taifent qui
*
font pas ofê à la ‘vérité, dire
que Di e u cfi un corps, mais
qui ont cru que nos antes font
de même nature que lui. Ils
n'ont pas été frappés de
l'extrè-I
A
m e. Se&. I V.
1 5 3 éni ce qui nous fait agir , ni ce qui nous fait être. La facuité agiffante eil auffi incompréhenlible pout nous^ que la faculté penfante. La difficulté eft moins de concevoir comment ce corps de fange a des fenti- mens & des idées , que de concevoir comment un être , quel .qu’il fo it, a des idées & des fentiniens.
Voilà d’un côté l’ame d'Archimède, de l’autre celle d’un imbécilie ; font - elles de même nature ? Si leur effence eft de penfer elles penfent toujours, & indé pendamment du corps qui ne peut agir fans elles. Si elles penfent par leur propre nature , l’efpèce d’une ame qui ne peut faire une règle d’arithmétique , fera- t - e lle la même que celle qui a mefuré les d eu x? Si ce font les organes du corps qui- ont fait penfer A r chimède, pourquoi mon idiot mieux conftitué qu' Ar- \ chimèd e ,plus vigoureux,digérantm ieux,faifantm ieux j j
toutes fes fondions,.ne p en fe-t-il point ? C’eft, dites- vous , que fa cervelle n’eft pas li bonne. Mais vous le fuppofez ; vous n’en favez rien. On n’a jamais trouvé ç. de différences entre les cervelles fîmes qu’on a diffé- * quées ; il eft même très vraifamblable que le cervelet d'un fot fera en meilleur état que'celui A’Archimède qui a fatigué prodigieufement, & qui pourait être ufe
& raccourci. 1
Concluons donc ce que nous avons déjà conclu , que nous fournies des ignorans fur tous les premiers principes. A l’égard des ignorans qui font les fuffifans, | ils font fort au-deffous des linges.
Difputez maintenant, colériques argumentans ; pré- fentez des requêtes les uns contre les autres ; dites
È
me mutabilité île notre ame qu'il n'efl pas permis d’attribuer à
Di e u.
,, Cedant & illi quos qui-
dem puduit dicere Deum
,, corpus efle , verumtamen
„ e j u f d e m n a t u r æ , c u j n s p ü e „ e f t , a n i n i o s n o f t r o s e f l e p u - „ t a v e r u n t ; i t a n o n e o s m o - „ v e t t a n t a m u t a b i l i t a s a n i -
„ m æ , q u a m De i n a t u r æ t r i -
„ buere nefas eft. “
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* Ï4 A m e . &£?. J T .
des injures -, prononcez vos fentences , vous qui ne favez pas un mot de la queftion.
S e c t i o n c i n q u i è m e . D u paradoxe de Warburton fu r l'immortalité de Famé.
Warburton éditeur & commentateur de Sbakefpear, & évêque de Glocefter, ufant d e là liberté anglaife, & abufant de la coutume de dire des injures à fes adverfaires , a compofé quatre volumes pour prouver que l ’immortalité de Famé n’a jamais été annoncée dans le Pentateuque ; & pour conclure de cette preuve même que la million de Moife , qu’il appelle Légation , eft divine. Voici le précis de fon livre qu’il donne lui-même pages 7 & g du premier tome.
„ i° . La doBrine d'une nie a v en ir, des récompen- ,, fes des cbàtimens après la mort ejl nécejfaire à ,, toute fociéte civile.
,, 2°. Tout le genre-humain ( & c’ ejl en quoi il „ Je trompe ) , £<■? fpècialement les plus fig es £5? les ,, plus fanantes nations de l'antiquité fe font accordées ,, à croire £5? à enfeigner cette doBrine.
„ 30. Elle ne peut fe trouver en aucun endroit de „ la loi de Moïfe ; donc la loi de Moïfe ejl d'un origi- ,, nal divin ; ce que je vais prouver par les deux Jil- „ logifmes Juin ans.
„ P r e m i e r s i l l o g i s m e .
>>
,, Toute religion, toute fociéte que n'a pas l'immor talité de Famé pour fon principe , ne peut être J'ou- tenue que par une providence extraordinaire ; la reli gion juive n'avait pas F immortalité de l’ame pour principe , donc la religion juive était foutenue par une providence extraordinaire.
A M E.
j, S
e c o n d s i l é o g î s m e.
„ Les anciens législateurs ont tous dit qu’une reli- „ gion qui n’enfeigrierait pas l’immortalité de l ’ame ne „ pouvait être J'outenue que par une providence extra- „ ordinaire. Moïfe a inftitué une religion qui ti’ ejl pas ,, fondée fu r l’immortalité de l’ am edonc Moïfe croyait „ fa religion maintenue par Une providence extraor- „ Ainaire. “
Ce qui efl bien plus extraordinaire ^ c’eft cetté afler- tion de Warburton, qu’il a mife en gros caractères à la tête de fon livre. On lui a reproché fouvent l’extrê me témérité & la mauvaife foi avec laquelle il ofe dire, que tous les anciens légiflateurs ont cru qu’une ; religion qui n’eft pas fondée fur les peines & les ré- ' eompenfes après la mort, ne peut être foutenue que i !’ par une providence extraordinaire ; il n’y en a pas un !' feul qui l ’ait jamais dit. Il n’entreprend pas même i d’en apporter aucun exemple dans fon énorme livre farci d’une immenfe quantité de citations, qui toutes font étrangères à fon fujet. Il s’eft enterré fous un amas d’auteurs Grecs & Latins, anciens & modernes, de peur qu’on ne pénétrât jufqu’à lui à travers une multitude horrible d’enveloppes. Lorfqu’enfin la criti que a fouillé jufqu’au fond , il eft reffufcité d’entre tous ces morts pour charger d’outrages tous fes ad- verfaires.
Il efl; vrai que vers la fin de fon quatrième volu me , après avoir marché par cent labyrinthes, & s’être battu avec tous ceux qu’il a rencontrés en chem in, il vient enfin à fa grande queftion qu’il avait laiffce là. 11 s’en prend au livre de Job qui paffe chez les favans pour l ’ouvrage d’un A rabe, & il veut prouver que Job ne croyait point l’immortalité de l’ame, En- j fuite il explique à fa façon tous les textes de l’Ecri- i turc par lefquels on a voulu combattre fon fentiment.
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Tout ce qu’on en doit dire , c’ eft que s’il avait rai- fo n , ce n’était pas à un évêque d’avoir ainfi raifon. Il devait fentir qu’on en pouvait tirer des conféquences trop dangereufes ( k ) ; mais il n’y a qu’heur & mal heur dans ce inonde. Cet homme, qui eft devenu déla teur & perfécuteur , n’a été fait évêque par la protec tion d’un miniftre d’état qu’immédiatement après avoir fait fon livre.
A Salamanque , à Coimbre , à R om e, il aurait été obligé de fe rétracter & de demander pardon. En An gleterre il eft devenu pair du royaume avec cent mille livres de rente ; c’était de quoi adoucir fes mœurs.
S e c t i o n s i x i è m e .
Dis befoin de la révélation. : Le plus grand bienfait dont nous foyons redeva- blés au nouveau Teftam ent, c’eft de nous avoir ré vélé l'immortalité de l’ame. C’eft donc bien vaine ment que ce ÏVarburton a voulu jetter des nuages fur cette importante vérité , en repréfentant conti nuellement dans fa légation de Moïfe , que les anciens Juifs n’avaient aucune connaiffance de ce dogme ni- cejfaire, que les fadticêens ne F admettaient pas du tems de notre Seigneur J E S ü s.
Il interprète à fa manière les propres mots qu’on fait prononcer à Jé s u s- C hkist. ( / ) W avez-vous pas lu ces paroles que D I E U vous a dites : je fu is le
( k ) On les a tirées en effet ces dangereufes conféquences. On lui a d it, la créance de l’â me immortelle eft néeeffaire ou non. Si elle n’eft pas né-
eeffàire , pourquoi JëSUS-
Ch rist l ’a - t - i l annoncée? Si elle eft néeeffaire, pourquoi
Mcifs n’en a-t il pas fait la bafe de fa religion ? ou Moife était inftruit de ce dogme, ou il ne l’était pas. S’il l’i gnorait , il était indigne de donner des loix. S’il la favait & la cachait, quel nom vou lez-vous qu’on lui donne ? De
...»
A
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Sec?. V LildéU-Di e u «f Abraham, k Di e u «flfaac ê? le D i eu de Jacob. Or Di e u it’ efl pas le D I E U des morts, mais des vivons. Il donne à la parabole du mauvais riche un fens contraire à celui de toutes les églifes. Sberlok évêque de Londres, & vingt autres favans , Font ré futé. Les phîlofophes Anglais même lui ont reproché combien il eft fcandaleux dans un évêque anglican de manifelter une opinion fi contraire à l’églife angli cane ; & cet homme après cela s’avife de traiter les gens d’impies , femblable au perfonnage d’arlequin dans la comédie du Dévalifeur de m aifons, qui après avoir jette les meubles par la fenêtre , voyant un hom me qui en emportait quelques-uns , cria de toutes fes forces, Au voleur,
Il faut d’autant plus bénir la révélation de l’immor- i talité de l’ame & des peines & des récompenfes après la m ort, que la vaine philofophie des hommes en a toujours douté. Le grand Céfar n’en croyait rien ; il s’en expliqua clairement en plein fénat lorfque , pour empêcher qu’on fît mourir Catilina, il repréfenta que la mort ne biffait à l’homme aucun fentim ent, que tout mourait avec lui ^ & perfonne ne réfuta cette
opinion. , i
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Cicéron qui doute en tant d’endroits , t’explique dans fes lettres auffi clairement que Céfar. Il fuit bien plus ; il dit devant le peuple Romain , dans fon orai- fon pour Chientius , ces propres paroles ; Quel mal lui a fait la -mort ? A moins que nous ne foyons afjez im- becilks pour croire des fables ineptes , & pour
ïma-qnelqne côté que vous vous tourniez vous tombez dans un abîme qn’nn évêqne ne devait pas ouvrir. Votre dé dicace aux Fran.cs-penfans, vos fades plaifanteries avec eux , ; & vos baffetTes auprès de ray-& l.ord ffardwicke ne vous
fauvç-ront pas «le l'opprobre dont vos contradictions continuel les vous ont couvert ; & vous apprendrez que quand on dit des chofes hardies , il faut les dire modeftement.
(/) St. Matthieu ch. XXII. v. 31. & 32.
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M E , Se& . V I ,« «
üincr qu’il ejl condamné au fnpplice des mècbans. Mais Ji ce font là de pures chimères , comme tout le monde en eji convaincu, de quoi la mort t a - t - elle privé, Jlnon du jéutiment de la douleur ?
„ Nam mmc quidem quid tandem illi mali mors „ attulit ? ni fi forte ineptiis ac fabulis ducimur , ut „ exiftimemus ilium apud inferos impiorum fupplicia „ perferre & c. ? Quæ fi falfa fu n t, id quod omnes „ intelligunt, quid ei tandem aliud mors eripuitpræ- „ ter fenfum doloris ?
L ’empire Romain était partagé entre deux grandes fedtcs principales ; celle d’Epicure qui affirmait que la Divinité était inutile au monde , & que Famé périt avec le corps ; & celle des ftoïciens qui regardaient Famé comme une portion de la Divinité , laquelle après la mort fe réunifiait à fon origine , au grand ( tout dont elle était émanée. Ainfi, foit que l’on crût g l’ame mortelle , foit qu’on la crût immortelle, toutes ' les feétes fe réunifiaient à fe moquer des peines & !
des récompenfes après la mort. I
Cette opinion était fi üniverfeile , que dans le tems même que le chriftianifme commençait à s’ établir, on chantait à Rome fur le théâtre public , par l’autorité des magiftrats, devant vingt mille citoyens ,
Fuji mortem nihil e jl, ipfaque mors nibil ejl.
R i e n n ’ e f t a p r è s l a m o r t , l a m o r t m ê m e n ’ efl: r i e n .
Il nous refte encor cent monumens de cette croyance des Romains. C’eft en vertu de ce fentiment profondé ment gravé dans tous les cœurs , que tant de héros & tant de fimples citoyens Romains fe donnèrent la mort fans le moindre fcrupule ; ils n’attendaient point qu’un tyran les livrât à des bourreaux.
Les hommes les plus vertueux même & les plus
t fuadés de l’exiftence d’un D I E U, n’efpéraient alors aucune récompenfe , & ne craignaient aucune peine. Nous verrons à l’article Apocryphe , que Clément qui' fut depuis pape & faint , commença par douter lui- même de ce que les premiers chrétiens difaient d’une autre vie ; & qu’il confulta St. Pierre à Céfarée. Nous fournies bien loin de croire que St. Clément ait écrit cette hiftoire qu’on lui attribue ; mais elle fait voir quel befoin avait le genre - humain d’une révélation précife. Tout ce qui peut nous furprendre, c’ elt qu’un dogme fi réprimant & fi falutaire ait laiffé en proie à tant d’horribles crimes des hommes qui ont fi peu de tems à vivre , & qui fe voyent preffés entre deux éternités.
S e c t i o n s e p t i è m e .
r r Ame des fois ç«? des monjlres. ! [ ',]i Un enfant mal conformé naît abfolument im bécille, t n’a point d’idées , vit fans idées ; & on en a vu de cette efpèce. Comment définira - 1 - on cet animal ? des docteurs ont dit que c’eft quelque chofe entre l’homme & la bête ; d’autres ont dit qu’il avait une ame fenfitive, mais non pas une ame intellectuelle. Il