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Cyp2b2, Cyp3a1 et Cyp3a2 et sur l'expression protéique des CYP3A

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Les traitements au fipronil et au fipronil sulfone ont entrainé une augmentation significative de l'expression des ARNm des Cyp3a1 et Cyp2b2 (p<0.01). L'expression des ARNm des Cyp3a1 était 22.1 et 18.7 fois plus haute et celle des Cyp2b2 10.1 et 7.0 fois plus haute lors d'un traitement au fipronil et au fipronil sulfone que lors d'un traitement au solvant. Le traitement n'a eu aucun effet sur l'expression des ARNm des Cyp1a1, Cyp1a2 et Cyp3a2 (p>0.05, figure 24). Le signal d'immunoréactivité correspondant au CYP3A a été détecté à environ 52 kDa. L'expression des CYP3A a été respectivement multipliée par 4.2 et 4.5 lors d'un traitement au fipronil ou au fipronil sulfone (p<0.05, figure 25).

CHAPITRE 3: TOXICOLOGIE COMPARATIVE IN VIVO

Figure 24: Effet du fipronil et du fipronil sulfone sur l'expression des ARNm des cytochromes P450 métabolisant le fipronil et/ou l'antipyrine.

L'expression moyenne (± ES) des ARNm des Cyp1a1 (A), Cyp1a2 (B), Cyp2b2 (C), Cyp3a1 (D) et

Cyp3a2 (E) a été déterminée à partir des échantillons de foie prélevés 48h après la dernière

administration de solvant (vert, n = 5), de fipronil (bleu, 1.5 mg/kg/j, n = 4) ou de fipronil sulfone (orange, 1.55 mg/kg/j, n = 6) chez des rates THX + T3. Significativement différent du groupe

CHAPITRE 3: TOXICOLOGIE COMPARATIVE IN VIVO

Figure 25: Signal d'immunoréactivité correspondant au CYP3A obtenu pour une rate THX + T3

représentative traitée au solvant, au fipronil ou au fipronil sulfone (A) et intensité relative moyenne (± ET) de ce signal pour chaque groupe (B).

L'expression protéique des CYP3A a été mesurée à partir des fractions microsomales des échantillons de foie prélevés 48h après la dernière administration de solvant (vert, n = 5), de fipronil (bleu, 1.5 mg/kg/j, n = 4) ou de fipronil sulfone (orange, 1.55 mg/kg/j, n = 6). L'intensité du signal d'immunoréactivité pour chaque échantillon a été normalisée par l'intensité du signal pour un pool de référence. Significativement différent du groupe solvant: *p<0.05.

CHAPITRE 3: TOXICOLOGIE COMPARATIVE IN VIVO

D. Discussion

Cette étude a confirmé qu'un traitement au fipronil conduit à une augmentation des clairances de la T4 totale et de la T4 libre dans un modèle de rats pseudo-euthyroïdiens thyroïdectomisés et supplémentés en T3. Ces résultats sont en accord avec les résultats précédemment obtenus dans le laboratoire par Leghait et al. (2009). De plus, un traitement au fipronil sulfone permettait ici de reproduire les effets d'un traitement au fipronil sur la clairance de la T4, suggérant que le fipronil sulfone est un perturbateur thyroïdien chez le rat.

Les précédents résultats du laboratoire (Leghait et al., 2009) montraient également que la perturbation thyroïdienne était associée à une augmentation de l'activité des UGT1A, résultat que nous avons confirmé. Dans notre étude, nous avons en outre montré que l'augmentation d'activité des UGT1A était associée à une augmentation de l'expression des ARNm des Ugt1a1 similaire lors d'un traitement au fipronil ou d'un traitement au fipronil sulfone suggérant que les UGT1A pouvaient être impliquées dans l'augmentation de l'élimination de la T4.

D'autres enzymes de conjugaison semblaient impliquées dans l'augmentation de l'élimination des hormones thyroïdiennes lors d'un traitement au fipronil ou au fipronil sulfone. En effet, l'expression des ARNm des Sult1b1 a été augmentée de la même manière par un traitement au fipronil ou par un traitement au fipronil sulfone. Cependant, aucun des deux traitements n'a eu d'effet significatif sur l'activité de conjugaison du 2-naphthol des SULT conjuguant les phénols. Cette divergence des résultats pourrait s'expliquer par le fait que la mesure de l'activité des SULT conjuguant les phénols ne permet pas de différencier l'activité de plusieurs isoformes des SULT1. En effet, les SULT1A1, SULT1A3 et SULT1C2 qui sont moins impliquées dans la sulfoconjugaison de la T4 dans le foie des rats femelles que les SULT1B1 (Kester et al., 2003) conjuguent toutes le 2-naphthol (Falany et al., 2005). Il est donc tout à fait envisageable qu'une augmentation de l'activité des SULT1B1, résultant d'une augmentation de l'expression des ARNm des Sult1b1, ait été masquée par l'activité des autres isoformes des sulfotransférases mesurée lors du dosage.

Nos résultats sur l'expression des ARNm des Ugt1a1 et des Sult1b1 et sur l'activité des UGT1A montraient que les traitements au fipronil et au fipronil sulfone induisaient des augmentations comparables des voies de conjugaison de la T4. Ceci suggérait qu'un traitement au fipronil sulfone avait un potentiel perturbateur thyroïdien via une augmentation des voies de conjugaison de la T4 au moins équivalent à celui d'un traitement au fipronil. Cependant, l'implication d'autres voies métaboliques de la T4 comme la voie de désiodation des hormones thyroïdiennes ne peut pas être exclue. Afin d'avoir un meilleur aperçu des voies de désiodation potentiellement impliquées dans la perturbation

CHAPITRE 3: TOXICOLOGIE COMPARATIVE IN VIVO

thyroïdienne engendrée par un traitement au fipronil ou au fipronil sulfone, nous nous sommes intéressés aux effets des deux traitements sur les concentrations plasmatiques en T3 (radioimmunologie et UPLC/MS/MS) et en T2 (UPLC/MS/MS) dans notre modèle de rats pseudo-euthyroïdiens. Dans les échantillons collectés approximativement 24h après l'administration de T4 et 22h après celle de T3 et dosés par radioimmunologie, les concentrations en T3 étaient significativement plus faibles chez les animaux traités au fipronil sulfone que chez les animaux traités au solvant. De même, les concentrations plasmatiques en T3 et en T2 dosées par UPLC/MS/MS dans les pools de plasma étaient toujours plus faibles dans les groupes traités au fipronil ou au fipronil sulfone que dans le groupe traité au solvant. Cet effet pourrait s'expliquer par une augmentation des clairances de la T3 et de la T2 similaire à celle de la T4 via une induction des voies de conjugaison de la T3 et de la T2 mais également par la diminution de la production de T3 ou de T2 par inhibition des désiodases. En effet, la conjugaison de la T3 ou de la T2 est une voie connue d'élimination de ces métabolites et fait appel aux mêmes systèmes enzymatiques que pour la conjugaison de la T4 (Wu et al., 2005; Curran and DeGroot, 1991). Une inhibition des désiodases régulant la production des hormones thyroïdiennes a déjà été décrite après l'incubation de microsomes de foie avec des contaminants phénoliques halogénés qui, comme le fipronil, entrainent des modifications des taux circulants en hormones thyroïdiennes (Butt et al., 2011). La mesure de l'évolution temporelle des concentrations plasmatiques en T3 aurait du permettre de dégager des pistes quant à l'implication éventuelle des désiodases. Toutefois, il a été impossible avec notre protocole expérimental de déterminer l'origine précise de la T3 mesurée, c'est-à-dire désiodation de la T4 ou injection de T3 pour maintenir l'état pseudo-euthyroïdien. Nous n'avons donc pas été en mesure de démontrer qu'une autre voie de métabolisation que la voie de conjugaison ait pu être impliquée dans la perturbation induite par un traitement au fipronil ou un traitement au fipronil sulfone chez le rat. Cependant, quel que soit le paramètre étudié (profil métabolique, activité des enzymes, expression des protéines ou des ARNm), un traitement exclusif au fipronil sulfone a toujours conduit aux mêmes résultats qu'un traitement au fipronil.

Les deux traitements étaient associés à une augmentation de la clairance de l'antipyrine qui est considérée comme un biomarqueur pertinent de l'activité des CYP in vivo dans plusieurs espèces (Chan and Yeung, 2006; St Peter et al., 1991). En accord avec les données sur le métabolisme hépatique de l'antipyrine (Engel et al., 1996), cette augmentation de l'activité des CYP était associée avec une augmentation de l'expression des ARNm des Cyp3a1 et Cyp2b2 chez le rat. Cela concordait avec les données obtenues

CHAPITRE 3: TOXICOLOGIE COMPARATIVE IN VIVO

Cyp3a4 et Cyp2b6 humains, orthologues des Cyp3a1 et Cyp2b2 de rat. L'augmentation de l'expression des ARNm des Cyp3a1 en réponse à une traitement au fipronil ou à un traitement au fipronil sulfone était associée à une augmentation de l'expression protéique des CYP3A. Le fipronil sulfone est donc capable d'induire les enzymes favorisant sa propre formation et ainsi d'accélérer sa formation à partir du fipronil lors d'une exposition chronique. La biotransformation du fipronil en fipronil sulfone pourrait donc conduire à une augmentation du risque lié à une exposition du fipronil sulfone. Bien que l'expression des ARNm des Cyp1a1 ait été augmentée suite à un traitement au fipronil dans les hépatocytes humains (Das et al., 2006), nous n'avons pas montré d'effet du fipronil ou du fipronil sulfone sur le Cyp1a1 chez le rat. Il faut cependant noter que l'induction du Cyp1a1 dans les hépatocytes humains avait lieu pour des concentrations en fipronil dans le milieu de culture cellulaire globalement plus hautes que les concentrations plasmatiques en fipronil et en fipronil sulfone observées dans notre étude in vivo. En conclusion, dans l'ensemble nos résultats montrent que le fipronil sulfone est un inducteur des CYP au moins aussi efficace que le fipronil lui-même et cible les mêmes isoenzymes, et qu'un certain nombre d'enzymes induites chez le rat in vivo le sont aussi chez l'Homme in vitro.

Une augmentation significative du poids des foies a été observée lors d'un traitement au fipronil ou au fipronil sulfone dans l'expérimentation étudiant les effets des deux traitements sur la clairance de la T4. Cette hépatomégalie concordait avec les résultats des évaluations toxicologiques réglementaires qui ont montré une augmentation du poids des foies de rat après une traitement au fipronil (AFSSA, 2005). L'hépatomégalie et l'augmentation de l'activité des enzymes hépatiques pouvaient toutes deux être liées à une activation de récepteurs nucléaires xénosenseurs. Par exemple, l'activation des récepteurs Constitutive Androstane Receptor (CAR) et Pregnane X Receptor (PXR) est associée à une hépatomégalie (Huang et al., 2005, Ross et al., 2010) et à une régulation des enzymes hépatiques de phase I, en particulier les CYP2B et CYP3A, et de phase II impliquées dans le métabolisme des xénobiotiques et des hormones thyroïdiennes (Konno et al., 2008). Notre étude montrait clairement que plusieurs de ces voies étaient induites par le fipronil ou son métabolite. De plus, le fipronil est un ligand du PXR humain in vitro (Lemaire et al., 2006). On peut donc supposer que les récepteurs nucléaires CAR et/ou PXR pourraient être des médiateurs de la perturbation thyroïdienne engendrée par un traitement au fipronil ou au fipronil sulfone. Cette hypothèse sera étudiée dans le chapitre 5.

En conclusion, le traitement de rats au fipronil sulfone permet de reproduire les effets d'un traitement au fipronil sur le métabolisme hépatique de la T4 et sur l'expression et l'activité des enzymes de conjugaison et des CYP. Le métabolite serait alors au moins

CHAPITRE 3: TOXICOLOGIE COMPARATIVE IN VIVO

aussi efficace que le fipronil pour induire un perturbation thyroïdienne. Toutefois, dans cette étude, les rats étaient traités avec des doses relativement fortes en fipronil et en fipronil sulfone. Nos conclusions ne concernent donc que l'effet maximal du fipronil et du fipronil sulfone. Seule une approche type dose-réponse permettrait de déterminer les puissances relatives (concentrations conduisant à la moitié de l'effet maximal) des deux molécules et de statuer définitivement sur leur potentiel respectif à induire une perturbation thyroïdienne. De plus, ce type d'approche devrait permettre de déterminer dans quelle fenêtre de concentrations le fipronil ou le fipronil sulfone peuvent induire une augmentation de l'élimination des hormones thyroïdiennes. On pourra ainsi savoir si le potentiel perturbateur thyroïdien du fipronil ou du fipronil sulfone peut s'exprimer pour des concentrations plasmatiques faibles, de l'ordre du ng/mL, semblables à celles retrouvées chez l'Homme dans le cadre d'une utilisation domestique ou professionnelle du fipronil (AFSSA, 2005, Herin et al., 2011) et/ou d'une intoxication accidentelle à l'insecticide (Mohamed et al., 2004). D'autres évaluations du rôle du métabolisme du fipronil comme facteur déterminant de son potentiel perturbateur thyroïdien semblaient donc indispensables. Un des objectifs de la suite de notre travail de thèse était d'élaborer un modèle de toxicologie comparative d'espèce in vitro afin de caractériser le potentiel effet perturbateur thyroïdien du fipronil et du fipronil sulfone chez l'Homme (chapitre 4) et donc la pertinence des modèles animaux. Ce point semblait d'autant plus important que la contribution potentielle du fipronil sulfone à la perturbation thyroïdienne induite par un traitement au fipronil a été jusqu'alors négligée et ce en dépit du fait que le fipronil sulfone est le principal métabolite du fipronil formé in vivo chez l'Homme et qu'il persiste dans l'organisme plus longtemps que le fipronil lui-même.

CHAPITRE 4: TOXICOLOGIE COMPARATIVE IN VITRO

A. Problématique, hypothèses et objectifs

Le fipronil est un perturbateur thyroïdien chez le rat (AFSSA, 2005; Leghait et al., 2009, Roques et al., 2012) mais n'a qu'un effet limité chez le mouton (Leghait et al., 2010). Cette perturbation thyroïdienne résulte d'une augmentation du métabolisme hépatique des hormones thyroïdiennes (Roques et al., 2012). Or, le rat est un modèle controversé en ce qui concerne l'étude de ce type de perturbation thyroïdienne. En effet, il ne possède pas, contrairement à l'Homme et au mouton, de TBG, protéine plasmatique de liaison des hormones thyroïdiennes hautement spécifique supposée jouer un rôle protecteur contre la perturbation thyroïdienne. Il existe également des différences interspécifiques en termes d'enzymes hépatiques responsables de la métabolisation des hormones thyroïdiennes (Emi et al., 2007; Visser et al., 1998).

Nous avons montré dans le chapitre 3 que, chez le rat, la métabolisation du fipronil en fipronil sulfone pourrait être responsable du potentiel perturbateur thyroïdien d'un traitement au fipronil. Ceci est d'autant plus critique que le fipronil sulfone persiste beaucoup plus longtemps dans l'organisme que le fipronil lui-même (chapitre 2). Cependant, les expériences in vivo ne permettaient pas de dissocier les effets propres du fipronil de ceux de son métabolite puisque la biotransformation du fipronil en fipronil sulfone n'a pas pu être efficacement inhibée. Il est également à noter que les doses de fipronil utilisées chez le rat conduisaient à un niveau d'exposition bien supérieur à celui observé chez l'Homme lors d'une ingestion accidentelle de fipronil (Mohamed et al., 2004) ou dans le cadre d'une utilisation domestique ou professionnelle (AFSSA, 2005; Herin et al., 2011). Enfin, il existe des différences interspécifiques en termes d'exposition au fipronil sulfone. En effet, la forte perturbation thyroïdienne observée chez le rat lors d'un traitement au fipronil est associée à une forte exposition au fipronil sulfone, alors que le mouton est beaucoup moins exposé au métabolite.

Pour connaître le potentiel perturbateur thyroïdien du fipronil chez l'Homme, il est donc nécessaire de caractériser les différences interspécifiques de métabolisme des hormones thyroïdiennes et de biotransformation du fipronil pour déterminer quel modèle animal, entre le rat et le mouton, est le plus proche de l'Homme. Pour cela, nous avons choisi de développer un outil permettant de caractériser sur le plan quantitatif les effets du fipronil et/ou du fipronil sulfone sur le métabolisme hépatique des hormones thyroïdiennes tout en établissant une toxicologie comparative d'espèce de ces effets perturbateurs thyroïdiens. Cet outil consistait en l'établissement d'une courbe dose (fipronil, fipronil sulfone) - réponse (perturbation thyroïdienne) sur culture primaire d'hépatocytes de rat, de mouton et d'Homme.

CHAPITRE 4: TOXICOLOGIE COMPARATIVE IN VITRO

B. Développement sur hépatocytes de rat: détermination des

conditions de mise en culture pour étudier un effet perturbateur

thyroïdien

Les objectifs de cette partie étaient de déterminer sur hépatocytes de rat:

1) si, comme in vivo, le fipronil était fortement et rapidement transformé en fipronil sulfone,

2) s'il fallait traiter les hépatocytes avec de la T3 pour maintenir l'activité des enzymes hépatiques ou si la supplémentation du milieu de culture en T3 pouvait être évitée,

3) si, comme in vivo, le fipronil et le fipronil sulfone étaient capables d'induire une augmentation de l'expression protéique des CYP3A,

4) quelle dose de T4 et quels temps de prélèvements du milieu de culture après ajout de T4 permettaient d'observer une diminution des concentrations extracellulaires en T4 pendant suffisamment longtemps pour estimer une clairance de l'hormone et déterminer le potentiel perturbateur thyroïdien des différents traitements in vitro.

1. Matériels et méthodes

a. Préparation des solutions d'hormones thyroïdiennes

Des solutions concentrées de T3 (2.3 mM, triiodothyronine, Sigma-Aldrich, Saint- Quentin Fallavier, France) et de T4 (2.5 mM, L-thyroxine, Sigma-Aldrich, Saint-Quentin Fallavier, France) ont été obtenues en dissolvant de la T3 ou de la T4 dans du DMSO. Les concentrations finales de T3 (23 nM) et de T4 (25 nM) dans le milieu de culture ont été obtenues par dilution au 1/100e des solutions concentrées dans du DMSO (obtention de solutions à 23 µM pour la T3 et à 25 µM pour la T4) puis au 1/1000e des solutions précédentes dans le milieu de culture utilisé pour traiter les hépatocytes.

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