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Cyclicité de l’activité du Yasur enregistrée par la variation de flux du SO 2

3 Le dégazage volcanique

7.5 Chimie du panache du Yasur

7.6.2 Cyclicité de l’activité du Yasur enregistrée par la variation de flux du SO 2

Il est généralement admis que la fluctuation de flux du SO2 est représentative de l’évolution de l’activité volcanique (ex: Rose et al., 1982 ; Casadevall et al., 1983 ; Malinconico, 1987 ; Chartier et al., 1988 ; Andres et al., 1993 ; Kyle et al., 1994 ; Watson et

al., 2000), et le Yasur ne fait pas exception. Les résultats de nos mesures de flux du SO2 varient en moyenne entre un minimum de 216 t.j-1 et un maximum de 1166 t.j-1. Cette variation du flux de SO2 ressemble à celle mesurée sur le Stromboli, où Allard et al. (1994) ont noté une variation de 320 à 1200 t.j-1. Compte tenu d’un même type d’activité sur ces deux volcans, il n’est pas surprenant d’avoir un taux de dégazage du même ordre. Allard et al. (1994) ont estimé que le dégazage de Stromboli entre 1980 et 1993 nécessite un dégazage annuel de 0.01-0.02 km3 de magma, ce volume est 100 à 200 fois plus important que le volume des produits magmatiques réellement éjectés en surface, ce qui implique qu’une part extrêmement importante du magma soit stockée en profondeur. Si on admet que la même proportion du volume de magma est responsable du dégazage sur Yasur, et sachant que l’activité strombolienne du Yasur existe depuis au moins 2 siècles (depuis le passage de Cook en 1774), on devrait avoir au minimum 2,3 km3 de magma stocké sous le Yasur. Or le volume de l’édifice volcanique du Yasur (0.4 km3) est 6 fois moindre que ce volume. L’édifice du

Yasur ne peut donc pas s’accommoder avec ce type de stockage. En revanche, si on associe au Yasur, le block du Yenkahe (6 km de long, 3 km de large et 300 m de haut), on obtient un volume global de 5.8 km3 qui pourrait contenir le stock de magma non éjecté en surface. Rappelons tout de même que le volume magmatique est généralement déduit des analyses des inclusions fluides, qui n’ont pas encore été faites sur le Yasur. L’influence du bloc de Yenkahe dans le système du dégazage du Yasur doit être considérée. De nombreuses sources hydrothermales sur le bloc du Yenkahe témoignent l’existence d’une source magmatique sous-jacente. D’importantes surrections du Yenkahe au cours des derniers 1000 ans (Chen et

al., 1995) sont également des preuves de l’existence d’une chambre magmatique et/ou d’intrusion magmatique sous le Yenkahe. Cette dernière alimenterait le Yasur. Des mesures GPS effectuées sur 3 années consécutives (2002-2005) montrent des déformations sur le Yenkahe, suggérant des mouvements de masse d’est vers l’ouest sous le Yenkahe sur des périodes englobant les fortes activités de Yasur en 2002 et 2004 (Erre, 2005, Lardy et al., 2006). De telles migrations magmatiques suggèrent de nouvelles alimentations magmatiques sous le Yasur. Lorsqu’un magma mafique est injecté dans un réservoir différencié, il subit une baisse de température et déclenche la cristallisation des minéraux, favorisant l’exsolution des volatils (Andres et al., 1991, Westrich & Gerlach, 1992). Les gaz ainsi formés alimenteront le dynamisme explosif du Yasur qui débute généralement par une phase de débourrage libérant d’importantes quantités de gaz volcaniques comme en juillet 2004 où nous avons observé le premier pic du SO2 (12,3 kg.s-1).

Au cours des 19 mois de mesures (2004-2005) sur Yasur, nous avons obtenu globalement 2 pics de flux du SO2 (juillet 2004 et novembre 2005), séparés par un flux minimum du SO2 en mars 2005 (fig.7.7). Cette variation de flux du SO2 apporte un argument supplémentaire de plus pour la cyclicité de l’activité volcanique du Yasur (Lardy et al., 1999 04/1999 BGVN 24:04) et chaque maximum du flux de SO2 suggére une nouvelle incursion magmatique sous le Yasur.

La cyclicité de l’activité du Yasur est parfaitement suivie par les enregistrements sismiques sur la période de notre étude (2004-2005). On retrouve avec ceux-ci des pics d’activités coïncidant avec ceux du flux de SO2 (fig.7.7). La présence des anomalies thermiques (MODVOLC) sur le Yasur durant la période 2004-2005 est également un indicateur de l’évolution de l’activité du volcan de Tanna. Les deux pics d’anomalies thermiques sont synchrones avec les maxima de l’activité sismique et du flux de SO2 (fig.7.7).

Figure 7-7. Corrélations entre la fréquence d’apparition des anomalies thermiques (MODVOLC), l’activité sismique et les flux de SO2.

7.7 Conclusion

Le Yasur est depuis longtemps considéré comme source d’importance mondiale pour le SO2 et il est classé parmi les 49 grands émetteurs volcaniques (Andres et Kasgnoc, 1998). La mise au point de spectromètre comme le mini-DOAS nous a permis, compte-tenu de l’accessibilité du Yasur, de réaliser 86 profils entre avril 2004 et décembre 2005. Nous avons pu mettre en évidence l’importance et la fluctuation des taux de SO2 en relation avec l’activité sismique mesurée en temps réel et les anomalies thermiques enregistrées à partir des mesures du satellite MODIS. Nous avons aussi mis en évidence grâce au OP-FTIR, un écart important du rapport SO2/HCl entre chaque explosion strombolienne et dégazage passif, lié à un apport de phases gazeuses pauvre en HCl initiées en profondeur (Oppenheimer et al., 2006b).

La moyenne des flux, variant entre un minimum de 216 t.j-1 mesuré pendant une phase calme et un maximum de 1166 t.j-1 en période de forte activité, confortent la place du Yasur dans le groupe des principaux émetteurs naturels de SO2 dans le monde (15e position sur les 49 volcans reconnus comme des sources importantes du SO2). La fluctuation de flux du SO2 sur Yasur observée sur la période 2004-2005 est vraisemblablement en relation avec les intrusions magmatiques régulières venant du bloc du Yenkahe.

D’importantes quantités d’halogènes sont libérées par le Yasur que nous avons estimé à 0,1 Mt de HCl et 66,2 t de BrO par an ; Yasur est ainsi une source importante d’halogènes.

Compte tenu des taux élevés des émissions du Yasur à moins de 370 m d’altitude, et du nombre relativement important des habitants autour du volcan, il est nécessaire d’étudier l’impact du dégazage du Yasur sur l’environnement et la santé des habitants.

CHAPITRE 8

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