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3 Le dégazage volcanique

6.4 Suivi de l’activité d’Ambrym par satellites

6.4.1 Les anomalies thermiques (MODIS)

Une anomalie thermique correspond à un ou plusieurs pixels qui contrastent avec le milieu environnant par leurs fortes radiations dans l’infrarouge et dans le proche infrarouge. La présence d’un corps magmatique à haute température est responsable de ces anomalies thermiques car elle provoque une augmentation des radiations thermiques d’au moins 400 % dans les proches infrarouges et de 1 % dans l’infrarouge thermique (Wright et al., 2002). Utilisant les données du capteur MODIS (Moderate Resolution Imaging Spectroradiometer) porté par les satellites Terra et Aqua, Wright et al. (2004) ont développé un algorithme MODVOLC visant à cartographier en temps réel la distribution des anomalies thermiques d’origine volcanique sur l’ensemble de la surface de la Terre. Ces auteurs ont déterminé un indice NTI (Normalised Thermal Index) permettant de discriminer les corps volcaniques chauds. Le NTI est obtenu en calculant le rapport des bandes 22 et 32 ou 21 et 32 du MODIS.

NTI = 32 22 32 22 + − ou (si la bande 22 est saturée)

NTI = 32 21 32 21 +

Toutes valeurs de NTI sur des pixels > -0.8 indiquent la présence d’un corps volcanique chaud en surface (coulée de lave, lac de lave, …), ou une éruption volcanique. Sur Ambrym, compte tenu de la présence de lacs de lave, l’indice NTI affiche régulièrement des valeurs supérieures à -0.8 depuis 2000 (année des premières mesures de MODIS). En utilisant les données MODVOLC et en regroupant toutes les alertes entre 2000 et 2005 selon leurs coordonnées géographique (X,Y) sur une carte d’Ambrym (fig.6.14), on découvre que (1) les activités du Benbow et du Marum sont bien individualisées, (2) l’indice NTI sur les deux cônes est relativement important [>-0.2 (fig.6.15)] entre mi-2002 et mi-2005 et (3) le nombre des pixels affectés par mois sur chaque cône est sensiblement identique (fig.6.15).

Figure 6-14. Superposition des centres des pixels dont le NTI est supérieur à -0.8 sur une carte d’Ambrym sur la période 2000-2005. Les activités dans les deux cratères peuvent être suivies individuellement par des canaux thermiques.

Selon Wright et al. (2002), un sol nu à 300K couvrant une surface de 1x1 km émet 0.4 et 9.5 W m-2sr-1µm-1 dans les longueurs d’onde de 4 et 11 µm respectivement. En revanche, si un corps magmatique de 850 K occupe 0.05 % d’un pixel de 1x1 km, il entraînera une augmentation de la radiance pouvant atteindre 1.3 et 9.6 W m-2sr-1µm-1 pour des longueurs d’onde de 4 et 11 µm respectivement. Cette influence montre que plus un corps est chaud, plus la radiance sera importante, et de même si le corps magmatique occupe une proportion plus grande du pixel. Par analogie, et en s’appuyant sur la compilation des données MODVOLC, nous avons constaté sur Ambrym une nette augmentation de la radiance de la bande 21 (3.96 µm) entre 2000 et 2003. Les anomalies restent sensiblement élevées entre mi-2002 et mi-2005, avant d’être confondues avec le ‘‘background’’ après juillet 2005. Il n’y a eu aucun débordement, ni en dehors des cratères, et ni dans les cratères, durant la période 2000-2005. La lave est restée cantonnée aux évents. L’augmentation de la radiance sur les bandes infrarouge et proche infrarouge n’est donc pas liée à une augmentation de la surface du corps magmatique chaud, mais plutôt à une augmentation de la température, suite à la migration vers la surface du magma. Ce dernier est resté proche de la surface, matérialisé par la présence des lacs de lave entre 2002 (12/02 BGVN 27:12) et mi-2005. Les anomalies thermiques ont ensuite disparues depuis mi-2005, ce qui est en accord avec la disparition des lacs de lave. Cette disparition n’est pas exceptionnelle puisqu’elle a déjà été signalée en 1989 (11/90 BGVN 15:11) et en 2000 (02/00 BGVN 25:02). Eissen et al.(1989b) (04/1989 SEAN

Benbow

Marum

14:04), ont établi 4 types d’activités en fonction de leurs fréquences d’apparition avec: (1) des activités intermittentes de type strombolien; (2) des éruptions intracaldériques précédées par la formation des lacs de lave; (3) l’activité du type (2) qui se poursuit avec une coulée intracaldérique, et (4) des coulées extracaldériques. Les auteurs ont attribué une période de 2 ans pour l’activité cyclique de type (1), mais ils n’ont pas donné d’estimations pour la périodicité des autres cycles. D’après notre étude, nous pensons que l’activité 2000-2005 correspond à l’activité de type (2) décrite par Essein et al. (1989b), avec des lacs de lave précédant le fort dégazage. L’apparition et la disparition des lacs entre 2000 et 2005 montrent que le volcan d’Ambrym a une activité cyclique sur plusieurs années que l’on peut estimer en première approximation à 5 ans à partir des données MODVOLC.

Par ailleurs, le pic des anomalies thermiques se retrouve décalé d’environ 1 an par rapport au pic du SO2 et la baisse du nombre des anomalies thermiques coïncide avec le début du fort dégazage. Comme c’est le cas pour l’éruption du Shishaldin en 1999 (Dehn et al., 2002), l’anomalie thermique sur Ambrym pourrait à priori être un signe précurseur d’un fort dégazage magmatique, mais des études futures, plus détaillées (calculs de température et de flux thermique) devraient confirmer l’évolution de ces anomalies thermiques sur Ambrym. Si l’évolution décrite plus haut se confirme, nous pourrons à partir des données de bandes infrarouges et proches infrarouges suivre une migration de magma vers la surface et ainsi informer les autorités des risques de voir arriver un important dégazage. Sachant que la cause fondamentale d’un dégazage magmatique est l’ascension du magma vers la surface, qui entraîne une baisse de pression provoquant par la suite une sursaturation de la phase vapeur menant à la libération des volatils (Sparks et al., 1994; Bottinga et al., 1990; Proussevitch et

al., 1996; 1998; Gardner et al., 1999; 2000). Ce processus peut prendre quelques jours à plusieurs années (Zellmer et al., 2005).

Figure 6-15. (A) Les indices NTI observés sur Ambrym; (B) Evolution de la radiance (bande 21 du MODIS – 3.96 µm). A partir de 2002, on observe une forte radiance thermique sur Ambrym.

6.4.2 Le dioxyde de soufre au-dessus d’Ambrym mesuré par les satellites

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