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Section 1 Synthèse bibliographique

1. Origines et devenir de l’azote dans les plantes

1.3. Origines et devenir des acides aminés

1.3.3. Cycles saisonniers de l’azote chez les espèces pérennes

La capacité des arbres forestiers à stocker et à redistribuer les ressources azotées est un élément fondamental de l’économie d’azote des arbres forestiers et des autres espèces pérennes. Le cycle « interne de l’azote » peut ainsi se décomposer en quatre grandes phases (Cook et Weih, 2005) :

(1) Transfert des composés azotés issus de l’assimilation primaire des organes « sources » vers les organes « puits » au cours de la saison de croissance.

(2) Réallocation des ressources azotées résultant du recyclage métabolique de l’azote au cours de la saison de croissance.

(3) Transfert de l’azote des tissus sénescents vers les tissus pérennes au cours de la sénescence automnale.

(4) Remobilisation printanière de l’azote à partir des tissus pérennes vers les tissus en croissance.

Tandis que les espèces annuelles et les espèces pérennes ont toutes les deux la capacité de stocker, de remobiliser et de recycler l’azote durant la saison de croissance, le cycle saisonnier de l’azote représente une part essentielle de la vie des espèces pérennes (Staswick, 1994 ; Stepien et al., 1994). Ce cycle est une adaptation importante permettant aux espèces pérennes de survivre pendant les périodes hivernales. Il constitue également un déterminant de l’état de santé de la plante (May et Killingbeck, 1992), particulièrement chez les arbres forestiers qui doivent être capables de faire face à des variations inter et intra-saisonnières dans la

Figure 5 : Interconversion de l’arginine, de la glutamine et de l’asparagine durant les cycles

disponibilité de l’azote avant d’être capables de se reproduire sexuellement. L’importance du phénomène de remobilisation de l’azote peut par exemple être illustré par le fait que chez le peuplier, environ 80% de l’azote foliaire total est récupéré durant la sénescence automnale (Keskitalo et al., 2005).

Chez les conifères, le cycle d’interconversion de l’arginine et des amides (Figure 5), joue un rôle central dans le métabolisme azoté et sa régulation est critique pour maintenir l’économie d’azote chez ces plantes pérennes (Canovas et al., 2007).

Outre les acides aminés riches en azote, les protéines VSPs (Vegetative Storage Proteins) ont aussi un rôle important dans le cycle saisonnier de l’azote puisqu’elles représentent la forme majeure de stockage de l’azote réduit dans les tissus des plantes annuelles et pérennes (Staswick, 1994 ; Stepien et al., 1994). Même si cela reste encore controversé, la Rubisco peut être considérée comme une protéine de stockage non conventionnelle de part sa contribution à la formation de réserves azotées durant l’été mais aussi au recyclage de l’azote durant l’automne (Chapin et al., 1990 ; Millard, 1993).

Les protéines VSPs ont été caractérisées chez plusieurs espèces et notamment des arbres forestiers (Wetzel et al., 1989 ; Wetzel et Greenwood, 1991a ; DeWald et al., 1992 ; Berger et al., 1995 ; Avice et al., 2003).

1.3.3.2. Sénescence automnale et remobilisation azotée

Durant l’automne, les acides aminés riches en azote et d’autres nutriments mobiles sont transportés via le phloème des feuilles sénescentes vers les tissus pérennes, où ils seront utilisés pour la synthèse des protéines (Sauter et al., 1989 ; Hörtensteiner et Feller, 2002 ; Geßler et al., 2004).

Les enzymes du métabolisme azoté et plus particulièrement celles impliquées dans les interconversions des acides aminés jouent aussi un rôle important dans la remobilisation de l’azote durant la sénescence foliaire (Masclaux et al., 2001). Des études portant sur des espèces variables, incluant des espèces pérennes comme Vitis vinifera ont démontré que la glutamate deshydrogénase (GDH) et la glutamine synthétase (GS1) cytosolique sont surexprimées dans les tissus sénescents (Brugière et al., 2000 ; Paczek et al., 2002). La présence de ces enzymes dans les cellules compagnes du phloème des tissus sénescents suggère qu’elles participent à la translocation de l’azote à partir de ces tissus sénescents (Paczek et al., 2002). Chez le tabac, il a récemment été conclu que le cycle GS-GOGAT avait lieu dans les cellules vasculaires pour la biosynthèse de glutamine et de glutamate préalables

aux cycles des autres acides aminés. De plus, les auteurs ont également conclu que la GDH ne jouait pas de rôle dans la fourniture de glutamate, même dans les feuilles âgées de tabac, où l’enzyme était pourtant induite (Masclaux-Daubresse et al., 2006).

Au cours de l’automne, on assiste à un changement au niveau du métabolisme azoté foliaire, avec une diminution de l’assimilation primaire au profit de la remobilisation et de l’export de l’azote vers les tissus pérennes pour un stockage de l’azote au cours de la période hivernale.

1.3.3.3. Remobilisation printanière de l’azote

Au printemps suivant, les réserves azotées accumulées au niveau des racines et des tiges sont dégradées et les acides aminés résultants sont fournis aux jeunes tissus pendant le débourrement des bourgeons et au début de la période de croissance (Bollmark et al., 1999). La dégradation des protéines de stockage est initiée avant le débourrement (Langheinrich, 1993) et conduit à la libération d’acides aminés au niveau du xylème. La remobilisation de l’azote stocké est utilisé par beaucoup d’arbres pour augmenter la fourniture en nutriments provenant du sol (Millard, 1996). Cette source d’azote est souvent la première, voire même la seule dans certains cas pour la croissance printanière de l’arbre (Millard et Proe, 1991 ; Neilsen et al., 1997 ; Weinbaum et van Kessel, 1998 ; Dyckmans et Flessa, 2001). Chez le peuplier, la mobilisation des protéines BSPs s’accompagne d’un important influx d’acides aminés dans la sève du xylème (Sauter et van Cleve, 1992). La glutamine est d’ailleurs l’acide aminé majeur de cet influx printanier, indiquant que la conversion des acides aminés issus des BSPs a lieu avant l’export (Sauter et van Cleve, 1992). Chez le bouleau, Betula pendula, il a été démontré que la remobilisation printanière de l’azote menait à une augmentation d’un facteur 10 de la concentration en citrulline et en glutamine de la sève du xylème (Millard et al., 1998). De façon similaire, une augmentation du taux d’acides aminés dans le xylème a été mesurée chez le pommier, Malus domestica, au cours du printemps. Chez le pommier, lors de la remobilisation printanière, les acides aminés majoritaires retrouvés au niveau du xylème sont l’asparagine, la glutamine, le glutamate et l’aspartate (Malaguti et al., 2001). Chez le merisier, Prunus avium L., les auteurs ont également observé que la glutamine, l’asparagine et l’aspartate étaient fortement présents dans le xylème au cours du printemps (Grassi et al., 2002). Toutefois, les auteurs émettaient l’hypothèse que la glutamine correspondait plutôt à l’azote remobilisé tandis que l’asparagine reflétait plutôt l’azote issu de l’assimilation racinaire (Grassi et al., 2002). Les variations dans la composition de la sève du xylème au

Figure 6 : Absorption d’ammonium par le système HATS des racines de jeunes poussses

pré-traitées (ο) ou non (•) avec 0,1 mM d’ammonium. Deux types de plantes ont été utilisés : le peuplier-tremble (a) et le pin loblolly (b) (d’après Min et al., 2000).

Figure 7 : Absorption d’ammonium par le système LATS des racines de jeunes poussses

pré-traitées (ο) ou non (•) avec 0,1 mM d’ammonium. Deux types de plantes ont été utilisés : le peuplier-tremble (a) et le pin loblolly (b) (d’après Min et al., 2000).

cours du printemps reflètent l’origine de l’azote qui peut être issu soit de la remobilisation des réserves internes, soit de l’assimilation racinaire. Les acides aminés correspondant à la remobilisation des réserves azotées pourraient donc au moins différer partiellement de ceux utilisés pour le transport de l’azote issu de l’assimilation au niveau des racines (Grassi et al., 2002).