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Chapitre III: Cadre Spatio-Temporel : Le Climat de l’Europe au Pléistocène

A. Variabilité climatique et eustatique Pléistocène et Holocène

1. Les changements climatiques : origines et processus

1.1. Cycles orbitaux: cyclicité glaciaire-interglaciaire

1.1.1. Théorie astronomique des paléoclimats

Le climat du Quaternaire est caractérisé par la succession de périodes interglaciaires, chaudes, et de périodes glaciaires, froides. La récurrence de ces périodes climatiques au cours du Quaternaire a été mise en évidence par les travaux du géologue américano-suisse Louis Agassiz (XIXème siècle) qui décrit dès 1840 les traces d’anciennes oscillations glaciaires en Ecosse. La théorie astronomique des climats développée par Milankovitch (1920) et complétée par Hays et al. (1976) et Berger (Berger, 1977, 1978, 1988) permet d’expliquer ces changements climatiques à la fois cycliques et globaux. Elle repose sur l’étude des variations quasi-périodiques des paramètres orbitaux de la Terre. Ces paramètres sont au nombre de trois : l’excentricité, l’obliquité et la précession (Figure III-2 et Figure III-3).

ƒL’Excentricité (e) correspond au degré d’aplatissement de l’ellipse décrite par la Terre autour du Soleil dans le plan orbital de la Terre ou plan de l’écliptique. L’attraction du Soleil donne au premier ordre un mouvement elliptique à la rotation de la Terre mais l’attraction gravitationnelle des autres planètes du système solaire sur la Terre tend, dans un second ordre, à déformer cette ellipse. Chaque planète, suivant sa position et son éloignement à la Terre, contribue ainsi à faire varier l’excentricité de la Terre au cours du temps. Ses variations résultent de la combinaison de signaux de périodes voisines de 100 000 ans et de 400 000 ans.

ƒL’Obliquité (İ) caractérise l’inclinaison de l’axe de la rotation de la Terre par rapport au plan de écliptique. L’obliquité terrestre évolue suite à des perturbations planétaires mais est aussi contrainte par les forces gravitationnelles exercées par le Soleil et la Lune qui tendent à faire tourner et précesser l’axe de rotation de la Terre (comme une toupie) autour de cette perpendiculaire à l’écliptique. La combinaison de ces deux effets induit une oscillation de l’obliquité terrestre de l’ordre de 1,3° autour d’une valeur moyenne de 23.5° (actuellement, l’angle est de 23°27’). La période principale de ces oscillations est de 41 000 ans. La variation de l’inclinaison de l’axe de la Terre agit sur la quantité d’énergie reçue par la Terre selon les saisons. Plus l’angle est important, plus l’écart saisonnier sera grand.

ƒLa Précession climatique (Ȧ), ou précession des équinoxes, est responsable de la longueur et de l’amplitude des saisons et résulte de deux mouvements de précession (axiale et de l’ellipse). La précession axiale décrit le mouvement circulaire de l’axe de rotation de la Terre autour d’un cercle à partir du centre de la Terre. Elle induit un changement de direction de l’axe de la Terre au cours du temps. La précession de l’ellipse décrit le mouvement de rotation de l’ellipse de l’orbite de la Terre sur elle-même, et résulte du changement de position des axes long et court de l’ellipse. La combinaison de ces deux mouvements induit

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une variation de la position des équinoxes (moment où le jour et la nuit sont d’égale durée) et des solstices d’été (jour le plus long de l’année) et d’hiver (jour le plus court de l’année) sur l’orbite terrestre au cours du temps. Ces deux mouvements combinés ramènent à 22 000 ans la périodicité de la précession des équinoxes qui, combinée à la variation de l'excentricité de l'orbite de la Terre fait varier la distance Terre-Soleil, et donc la quantité d’énergie reçue par la Terre, suivant deux périodes, 19 000 ans et 23 000 ans. Pour l’hémisphère nord et dans les positions extrêmes, c'est-à-dire lorsque le solstice d’été a lieu à l’aphélie (dans le plus grand axe de l’ellipse) et le solstice d’hiver a lieu à la périhélie (dans le plus petit axe de l’ellipse), la différence d’énergie reçue entre l’été et l’hiver est faible (été frais / hiver doux) alors que dans le cas contraire l’écart saisonnier est important (été chaud / hiver froid). Ce phénomène est amplifié par le paramètre d’excentricité. Ainsi, plus l’excentricité sera forte (ellipse aplatie), plus les écarts saisonniers pourront être importants.

Figure III-3. Paramètres orbitaux de la Terre et théorie astronomique des climats. Evolution de l’excentricité, de la précession climatique et de l’obliquité (d’après Berger, 1988 / dessin : Cyril Langlois, http://planet-terre.enslyon.fr/planetterre/XML/db/planetterre/metadata/LOM-milankovitch-2005-09-27.xml).

L’ensemble de ces paramètres, et plus précisément leur combinaison, affecte l’insolation et produit d’importantes variations de la répartition des énergies sur la Terre. Bien que le couplage mécanique et thermique entre l’atmosphère et l’océan joue un rôle de régulation et de rééquilibrage de ces perturbations, ces variations astronomiques sont à l’origine de l’évolution des climats.

1.1.2. Notions au sujet des glaciations Quaternaire

Les périodes glaciaires sont caractérisées par la croissance significative de calottes de glace depuis les hautes latitudes, indiquant que l’accumulation de neige et de glace durant ces périodes est très largement supérieure à la fonte ou à l’ablation (Ruddiman, 2001). Partant du constat que seule la succession d’étés frais, provoquant une fonte seulement partielle de la neige et de la glace accumulées l’hiver, pouvait donner naissance à des calottes de glace massives, les scientifiques du XIXème et XXème siècle conclurent que l’insolation d’été aux hautes latitudes contrôlait la croissance des calottes glaciaires. La théorie astronomique des paléoclimats de Milankovitch (1920) confirme cette hypothèse, démontrant que les glaciations interviennent lorsque l’insolation d’été aux hautes latitudes est faible.

Si la Terre a connu des épisodes de glaciation tout au cours de son histoire, notamment durant la période de l’Ordovicien-Silurien (e.g. Moreau et al., 2005), l’épisode de glaciations Pléistocène ne débute qu’il y a environ 2,6 Ma et les causes de son initiation restent très controversées (e.g. Raymo and Huybers, 2008). La fermeture tectonique de l’isthme de Panama (Keigwin, 1982), l’élévation de la chaîne Himalayenne et du Tibet (Raymo et al., 1988), la restriction du flux d’eau entre l’Indonésie et l’Australie (Cane and Molnar, 2001), la modulation de l’obliquité (Maslin et al., 1998) ou encore des changements dans la stratification de l’océan Pacifique Nord (Sigman et al., 2004; Haug et al., 2005) sont autant d’hypothèses pour expliquer l’initiation des glaciations Pléistocène, cette dernière s’inscrivant en tout cas dans un refroidissement progressif des climats entamé il y a 4 Ma (Shackleton and Hall, 1984; Raymo, 1994).

Au cours du Pléistocène, la cyclicité glaciaire - interglaciaire a évolué, passant d’une cyclicité de ~40 000 ans à ~100 000 ans il y a environ 900 000 ans. Cette transition, appelée Révolution du Pléistocène Moyen (MPR), correspond à la mise en place de calottes de glace massives jusqu’aux latitudes moyennes de l’Hémisphère Nord lors des périodes glaciaires. Ces calottes étaient confinées aux hautes latitudes dans la première partie du Pléistocène. Les cycles glaciaire-interglaciaire montrent une évolution asymétrique après la révolution du Pléistocène. Après une période interglaciaire d’une durée relativement courte (~10 000 ans), le volume de glace s’accroît très progressivement : c’est l’entrée en glaciation. La glaciation atteint son paroxysme en 60 000 à 90 000 ans environ. La transition entre la période glaciaire et l’interglaciaire suivant est relativement rapide et dure généralement moins de 10 000 ans.

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Ces transitions, appelées Terminaisons, interviennent lorsque les paramètres orbitaux induisent un réchauffement climatique et rendent l’ablation très largement supérieure à l’accumulation de glace. Ces réchauffements interviennent lorsque l’excentricité et l’obliquité augmentent et que la précession devient faible (solstice d’été en périhélie) puisque cette combinaison orbitale entraîne une forte augmentation de l’insolation d’été dans l’Hémisphère Nord. Plus les paramètres d’obliquité (faible) et de précession (forte) sont en phase, plus la transition glaciaire-interglaciaire est rapide (Ruddiman, 2003, , 2006).

L’origine de la MPR reste elle aussi très largement discutée (Lisiecki and Raymo, 2007; Raymo and Huybers, 2008) puisqu’elle intervient sans aucun changement apparent du forçage majeur que représente l’insolation (Clark et al., 2006). Si la domination progressive de l’excentricité (à la période de 100 000 ans) sur l’obliquité est une hypothèse largement utilisée pour expliquer la MPR, d’autres hypothèses ont été émises : extension de la calotte antarctique sur l’océan (Raymo et al., 2006), recouvrement de l’augmentation d’insolation dans les deux hémisphères (Schulz and Zeebe, 2006), accroissement de la stabilité de la calotte Laurentide dû à l’érosion du régolithe Nord-Américain (Clark and Pollard, 1998) ou encore augmentation de la capacité des calottes de glace à résister aux maxima d’insolation (Raymo, 1997; Huybers, 2006; Bintanja and Van De Wal, 2008). Les travaux récents de Huybers et Wunsch (2005) et Huybers (2007) montrent de manière assez surprenante que l’obliquité pourrait expliquer à elle seule la cyclicité à ~40 000 ans du Pléistocène Inférieur et la cyclicité à ~100 000 ans du Pléistocène Moyen et Supérieur. Ces auteurs démontrent en effet que la quasi-totalité des Terminaisons correspondent à des périodes d’obliquité élevée. Ils affirment par ailleurs que la durée des glaciations postérieures à la révolution du Pléistocène équivaut non pas à un cycle d’excentricité de 100 000 ans mais à 2 ou 3 cycles (80 000-120 000 ans) du paramètre d’obliquité. Ces résultats corroborent en partie ceux d’Imbrie et al. (1993) et de Maslin et Ridgwell (2005) qui suggèrent que la variation d’insolation induite par la variation de l’excentricité est trop faible pour directement induire la cyclicité glaciaire - interglaciaire observée après la révolution du Pléistocène.