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1.3 Sources externes et cycles internes des éléments dans l’océan

1.3.2 Cycles internes des éléments traces

Nous avons vu les sources externes d’apport de métaux traces à l’océan qui se jouent aux différentes interfaces (atmosphère/océan, marge/océan, sédiment profond/océan, source hydrothermale/océan). Nous allons maintenant nous intéresser à leurs cycles internes.

- de métaux traces (dissous vs particulaire, organique vs inorganique), des flux entre ces réservoirs, et des divers processus responsables de ces flux. Ces processus peuvent être biologiques (consommation biologique/reminéralisation, complexation organique), chimiques (précipitation/dissolution, réactions d’oxydoréduction), ou physiques (adsorption/désorption, scavenging). La frontière est parfois difficile à définir entre ce qui relève des processus biologiques, chimiques et physiques (ex. la complexation organique est à la fois un processus qui relève de la biologie et de la chimie). La section suivante présente une description des processus majeurs contrôlant les cycles internes des éléments.

1.3.2.1 Le transport des masses d’eau

Tout d’abord, quelle que soit la phase des éléments chimiques (dissoute, particulaire, complexée etc.), leur distribution dans l’océan est contrôlée par le transport physique et le mélange des masses d’eau. Ces processus physiques doivent être pris en considération pour extraire des informations sur les processus biogéochimiques sous-jacents qui sont décrits ci-dessous. Cependant, encore aujourd'hui, de nombreuses études sur le cycle des éléments dans l’océan ne prennent pas en compte l’impact de ces processus physiques (par ex. Conway & John, 2014; Measures et al., 2005; Menzel Barraqueta et al., 2018).

1.3.2.2 Les processus biologiques

La Figure 8 présente la pompe biologique de carbone et met en évidence la dynamique des particules (Lam & Marchal, 2015). On y voit, les processus d’agrégation biotique et abiotique de particules, la chute des particules dans la colonne d’eau, la désagrégation des particules et la dégradation de la matière organique ou reminéralisation.

Figure 8 : Représentation schématique de la pompe biologique de carbone mettant en évidence la dynamique des particules (Lam & Marchal, 2015). Sont représentés, les processus d’agrégation biotique et abiotique de particules (flèches rouges), la chute des particules dans la colonne d’eau (flèches noires), la désagrégation des particules (flèches bleu foncé) et la dégradation de la matière organique ou reminéralisation (flèches bleu clair).

A la vision simplifiée ci-dessus, s'ajoutent en réalité d'autres processus. On peut distinguer la pompe biologique gravitationnelle (BGP), présentée précédemment, des pompes à injection de particules (PIPs) au sein desquelles d'autres mécanismes biologiques (ex. large migrateurs mésopélagiques) et physiques (ex. subduction) injectent des particules en suspension ou qui chutent en profondeur (Boyd, 2019). Cette vision de la pompe biologique présentée en Figure 9, permet de clore le budget carbone.

Figure 9 : Interactions entre les particules, le mode d'exportation (BGP ou PIP), la profondeur et la circulation océanique à grande échelle pour une série de pompes. La flèche verticale jaune indique la BGP, les lignes noires les PIPs induites par des mécanismes physiques et les lignes violettes les PIPs induites par des mécanismes biologiques (Boyd, 2019).

De nombreux éléments nutritifs (macronutriments et micronutriments) sont impliqués de façon active dans la production primaire. Ainsi, ces éléments vont être directement impactés par les processus décrits sur les Figure 8 & 9 et connaître de multiples cycles d'assimilation dans les particules biogènes dans les eaux de surface et de libération ou de reminéralisation en profondeur. Ils pourront donc être recyclés de nombreuses fois dans l'océan avant d'être finalement enfouis dans les sédiments (Bruland & Lohan, 2006). La distribution de ces nutriments (macronutriment et micronutriment) est alors caractérisée par des profils de type « nutritif » reflétant le cycle de la matière biogénique (Figure 8&9). Leurs concentrations sont plus faibles en surface, où les nutriments sont assimilés par le phytoplancton et/ou adsorbés par les particules biogènes, et augmentent en profondeur du fait de la dégradation des particules organiques qui sédimentent. Le temps de résidence des métaux traces de type nutritif est estimé entre ~102 et 105 années.

L’impact de la biologie sur les cycles internes d’éléments non-nutritifs a également été observé de façon « indirecte ». C’est le cas de l’aluminium, qui peut être incorporé dans les parois siliceuses des diatomées conduisant à des profils d’aluminium dissous de type nutritif dans certaines régions de l’océan et non de type « scavenged » comme normalement observé pour cet élément (Hydes et al., 1988; Middag et al., 2009; van Hulten et al., 2013). C’est aussi le cas de nombreux éléments réactifs tels que le thorium, le protactinium ou encore certaines terres rares qui peuvent s’adsorber à la surface des particules biogènes.

donc d’acquérir des métaux parfois présents à de très faibles concentrations. Ainsi, il est considéré que les fractions dissoutes de Fe, Cu, Zn, Cd et Co dans l’eau de mer sont majoritairement sous forme de complexes organiques (Morel & Price, 2003). Certains de ces complexes sont formés avec des ligands de faible masse moléculaire produits spécifiquement pour le transport, la séquestration ou la détoxification des métaux. D'autres complexes possèdent des masses moléculaires élevées qui permettent d’échanger des métaux (plus ou moins facilement) et peuvent être séparés sous forme de matières colloïdales (Morel & Price, 2003). Malgré le fait que la complexation organique semble jouer un rôle majeur sur la distribution de plusieurs éléments dans l’océan, la nature, l’origine et les propriétés chimiques et biologiques des ligands organiques restent encore peu connues (Bruland & Lohan, 2006; Hassler et al., 2017).

Les cycles biologiques sont donc un élément fondamental des cycles biogéochimiques océaniques, pour les éléments bioactifs, mais aussi pour de nombreux autres éléments réactifs vis-à-vis des particules.

1.3.2.3 Les processus chimiques

Parmi les processus chimiques, on peut citer les mécanismes de précipitation/dissolution qui peuvent impacter les cycles internes de certains éléments. C’est le cas par exemple du baryum qui précipite dans des micro-environnements spécifiques résultant de la dégradation de la matière organique. Il s'agit ici d'un impact indirect du cycle de la matière organique.

On peut également citer les réactions d’oxydoréduction, qui vont impacter les éléments possédant plus d’un état d’oxydation dans l’eau de mer (ex Fe, Mn, Cu, and Co). La Figure 10 présente les cycles redox du fer et du manganèse et les processus photochimiques et biogéochimiques impliqués dans ces cycles (Morel & Price, 2003). On y voit que la photochimie (hv) réduit les complexes et oxydes de Fe(III) en Fe(II) et les oxydes de Mn(IV) en Mn(II). On y voit également que les diatomées (en vert) réduisent extracellulairement les complexes de ligands du Fe(III) pendant l'absorption du Fe (Berman-Frank et al., 2001) et que les bactéries marines hétérotrophes (en bleu) oxydent le Mn(II), formant une enveloppe de MnO2 autour de la cellule (Lane & Morel, 2000; Tortell et al., 2000).

Figure 10 : Cycle redox du fer (Fe) et du manganèse (Mn) par des processus photochimiques et biochimiques. Les diatomées sont représentés en vert, et les bactéries marines

1.3.2.4 Les processus physiques

Le "scavenging" est le processus combiné d'adsorption d’un élément dissous à la surface des particules, suivi de la sédimentation des particules (Goldberg, 1954; Turekian, 1977). Le scavenging et l’enfouissement dans les sédiments marins sont les principaux puits d’éléments dans l’océan. Le taux et le degré auxquels un métal dissous est « scavengé » dans l’océan dépend (i) de la nature de l’élément, (ii) de l’abondance et la nature de la matière particulaire, (iii) des concentrations d’autres solutés possiblement en compétition sur les sites d’adsorption, (iv) de la profondeur de la colonne d’eau (Libes, 2009). Parmi les éléments impactés par les processus de scavenging, nous pouvons citer les métaux traces tels que le plomb, l'aluminium, le fer, le gallium, les isotopes du thorium, ou encore les terres rares. Pour établir les taux et comprendre les processus du scavenging, les isotopes du thorium (quatre isotopes avec des demi-vies différentes) ont été utilisés comme traceur du scavenging (Bacon & Anderson, 1982; Hayes et al., 2013; Nozaki et al., 1981; Roy-Barman et al., 1996). Les isotopes de thorium ont notamment permis de comprendre que le processus de scavenging pouvait être « réversible » pour certains métaux. En effet, plusieurs études ont montré que les profils d’isotopes du thorium ne pouvaient s'expliquer que s'il on considère que le thorium est soumis simultanément à des processus d'adsorption et de désorption accompagnant la chute des particules (Bacon & Anderson, 1982; Nozaki et al., 1981; Roy-Barman et al., 1996). Cette dynamique de scavenging réversible a par la suite été proposée comme un processus significatif, notamment en profondeur, dans les cycles internes des terres rares (Nozaki & Alibo, 2003), du cuivre (Little et al., 2013), du fer (Abadie et al., 2017), du zinc (Tagliabue et al., 2018) et de l’aluminium (van Hulten et al., 2013).

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