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4. Conclusions et perspectives

4.1. Cultures et pratiques de l’ETP

L’ETP semble répondre aux défis posés actuellement à la relation de soin par la modernisation de la médecine (Le Sommer-Péré & Parizeau, 2012) : rigueur scientifique des protocoles standardisés, exigence du respect des aspirations singulières, multiplicité des intervenants, référence permanente au droit… Basée sur une certaine éthique du soin, l’ETP

permet en effet de focaliser l’attention de tous les intervenants sur la personne malade (afin qu’elle incarne « le » cœur de l’action des soignants selon la jolie formule de Cordier, cité par Masquelet, 2011) dans un modèle réfléchissant et singulier de l’action thérapeutique. Elle permet également de recentrer les pratiques sur la dimension relationnelle du soin, d’introduire une continuité spatio-temporelle et une dynamique de fonctionnement en réseau pluridisciplinaire. Au-delà de la visée éducative proprement dite, les fondements éthiques de l’ETP semblent donc correspondre aux aspirations communicationnelles et relationnelles des soignants, et leur permettent de faire face à la complexité croissante des soins de santé. Il n’est donc guère étonnant que l’ETP apparaisse davantage comme une culture incarnée dans une posture, que comme un ensemble de savoir-faire techniques. L’approche de l’éducation thérapeutique implique un changement de rôles et de statuts des deux côtés de la relation soignante. Là où cette relation est, au départ, d’emblée fortement asymétrique du fait d’une possession par le soignant d’un savoir avéré, la balance se rétablit en considérant le soigné non plus comme un être passif, mais en prenant en compte son expertise de sujet. Et si, comme le disent d’Ivernois et al. (1995), « prendre au sérieux le patient comme sujet désirant, c’est reconnaître au sujet sa position d’auteur de sa vie », c’est accepter la rencontre des deux expertises, celle qui se veut avant tout scientifique mais impersonnelle, et celle qui se veut l’expertise la plus intime au sujet lui-même.

Corrélativement à cette posture, le malade est considéré en qualité de co-acteur du processus de soins, qui a un travail à faire et donc doit développer des compétences pour y parvenir. La prise en compte de ses temporalités propres est essentielle. Celles-ci sont liées à la fois aux contraintes et exigences de son existence et à la subjectivité des rapports établis avec sa maladie.

Le positionnement de l’ETP dans un cadre postural et culturel ne va pas de soi. Les modalités légales de son introduction dans les milieux hospitaliers ont pu contribuer à induire parfois une perception de l’ETP comme un ensemble d’activités supplémentaires, perception dont les services ont à se départir.

Les services abordent l’ETP selon des courants pédagogiques distincts, liés à l’état de la conceptualisation théorique au moment de son introduction dans le service. Ces courants sont de type transmissif pour les programmes de plus de dix ans, de type appropriatif pour les plus récents. Ainsi, la période à laquelle le programme a été mis en place a modélisé l’approche, et celle-ci s’est maintenue au fil du temps. Certains responsables en ont conscience et visent à faire évoluer le référentiel du service vers le type appropriatif.

Les démarches ETP dans les services sont organisées de façons très diverses. Le plus souvent, elles ont en commun le fait que des paramédicaux motivés se trouvent à l’origine de la création d’un programme. Le soutien ou le portage par la hiérarchie facilite son développement et sa pérennité. C’est aussi, fait notable, une opportunité repérée de travaux pluridisciplinaires au sein de l’hôpital.

Des éléments ont été identifiés pour faciliter une structuration stable de l’ETP : clarification des critères d’inclusion des malades dans le programme, identification des moments et des lieux favorables à ces pratiques, stabilisation des pratiques communes, notamment au travers de réunions transdisciplinaires et de séances d’analyse des pratiques.

La robustesse et la pérennité du dispositif ETP apparaissent comme un enjeu majeur. En effet, dans plusieurs services, des phases de rupture ou de fort affaiblissement des pratiques sont survenues suite, notamment, au départ du référent ETP ou des personnes qui en ont la charge, ou encore au manque de personnels formés. Les difficultés d’effectifs de personnels sont en lien direct avec cette problématique. Au cours de la recherche, certains services ont développé un ensemble de mesures qui sont autant de pistes favorables à la consistance du dispositif sur la durée. L’usage d’outils en support, i.e. d’un cadre formalisé par écrit et de documents d’aide, mais qui ne se substituent pas aux formations des personnels, est également d’une grande pertinence.

Les développements des pratiques d’ETP s’accompagnent sur les plans individuel et collectif de transformations identitaires. Pour chaque soignant, l’identité professionnelle s’établit par un processus biographique, l’identité pour soi, et par un processus relationnel, l’identité pour autrui. La convergence des deux processus permet au soignant de traverser les processus de transformation de son identité professionnelle de façon cohérente et valorisante. A l’inverse la non reconnaissance par autrui de cette orientation identitaire entraîne des difficultés importantes pour le soignant, voire un phénomène de rupture avec son lieu professionnel. Cela se traduit alors par le départ du service, ou de l’hôpital.

Il est aussi à signaler que cette transformation identitaire se fait par rapport à un ou des groupes de référence. Pour un médecin, la position de la communauté médicale, notamment de sa discipline, est un facteur non négligeable.