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3. Traduire Kay’s Lucky Coin Variety

3.1. Réalités socioculturelles et linguistiques propres à la Corée

3.1.2. Culture

Choi partage également avec nous des éléments de la culture coréenne. Certains m’ont demandé quelques recherches pour produire une traduction exacte, comme ce premier exemple. Je voulais m’assurer de trouver le bon terme et de ne pas inventer une façon de désigner ce type de lanterne. En fin de compte, mes recherches m’ont confirmé que la traduction à adopter était en fait bien littérale :

Anglais : She was looking at a pink paper lotus lantern […] (p. 40, mon soulignement)

36 Français : Elle regardait une lanterne de lotus en papier rose50 […] (infra, p. 104)

À d’autres endroits, Choi se sert plutôt de la comparaison avec la culture nord-américaine pour décrire ou critiquer la réalité de son personnage principal (et des Coréens en général) :

Anglais : Life, I imagined, would be easier if we were white, ate white food, and took vacations at places like Myrtle Beach or Cape Cod. I also secretly desired a white last name, a name I didn’t have to spell out for people. (p. 23-24)

Français : J’imaginais que la vie serait plus facile si nous étions Blancs, mangions de la nourriture de Blancs et prenions des vacances à des endroits comme Myrtle Beach ou Cape Cod. Je désirais aussi secrètement un nom de famille de Blancs, un nom que je n’avais pas besoin d’épeler aux gens. (infra, p. 86)

À quelques endroits, comme dans ce dernier exemple, Choi utilise le mot « white », soit comme adjectif ou substantif, ce que j’ai conservé ou adapté selon les phrases, comme ici : « nourriture de Blancs » pour « white food ».

Anglais : “He’s sooo Korean,” I said. An image of us dressed in a traditional wedding attire flashed through my mind; me, a Christmas tree, in a bright red wrap-around skirt with a giant ribbon keeping my apple green jacket closed, wearing a gold crown headpiece; Joon-Ho, a giant blue package complete with a black bow sitting on his head — not exactly the gift I wanted. (p. 106)

Français : — Il est tel-le-ment coréen, commentai-je.

Une image de nous vêtus d’habits de mariage traditionnels me traversa l’esprit : moi, un sapin de Noël, dans une jupe portefeuille rouge vif, un immense ruban pour garder ma veste vert pomme fermée, une couronne dorée dans les cheveux; Joon-Ho, un présent bleu géant, décoré d’une boucle noire sur la tête — pas exactement le cadeau dont je rêvais. (infra, p. 177)

Dans ce second exemple, une belle métaphore filée sur le thème de Noël est utilisée pour, ironiquement — et on se doute que c’est l’effet recherché —, décrire un rituel traditionnel de la culture coréenne, alors que la famille de Mary est bouddhiste. Les images créées sont vives, et c’est, à mon avis, une habile utilisation d’une référence typiquement nord- américaine qui sert le ridicule que l’autrice désire transmettre.

50 Site sur lequel j’ai trouvé de l’information pour le terme souligné :

37 Quand on parle de culture, on parle également de religion, et un passage en particulier a nécessité des recherches :

Anglais : Once we were inside the temple, a monk performed a series of prayers and rituals to keep evil from my grandmother’s spirit, and to lead it towards the “pure land” or towards a good family for reincarnation. […] “After forty-nine days, the spirit needs to make the journey to the ‘good land,’ heaven” […] (p. 57)

Français : Une fois tout le monde entré dans le temple, un moine récita une série de prières et accomplit divers rituels pour éloigner le Malin de l’esprit de ma grand-mère et le guider vers la « terre pure » ou vers une bonne famille s’il se réincarnait. […] Après quarante-neuf jours, l’esprit doit faire le voyage jusqu’à la « terre pure », le « paradis » […] (infra, p. 123-124)

En effet, l’autrice mentionne ici trois désignations de lieux où les esprits se dirigent après la mort, soit « pure land », « good land » et « heaven ». Cette dernière n’a pas posé trop de problèmes, puisqu’elle est utilisée comme terme général servant ici de référence pour faire comprendre le concept, alors je l’ai tout simplement traduite par « paradis ». De nombreuses sources51 sur le bouddhisme de la Corée mentionnent la « terre pure », ce qui correspond à

« pure land ». Toutefois, j’ai eu beau consulter texte après texte, je n’ai pu trouver d’équivalent pour « good land ». Ma première intuition était d’utiliser « terre promise », mais ce terme correspondant plutôt à la religion judéo-chrétienne, son usage ne me semblait pas approprié. J’ai finalement décidé de respecter tout ce que j’avais lu jusqu’à maintenant et de répéter « terre pure » pour traduire « good land ».

Des questions historiques ont aussi fait surface lors de la traduction de la première partie de Kay’s Lucky Coin Variety. Lorsque Mary, en visite en Corée, découvre une photo d’un soldat blanc, il est écrit au verso : Craig Dawson, Second Infantry Division, 1952 (p. 51). J’ai traduit l’inscription, mais comme on me l’a fait remarquer, il aurait été peu

51 Telles que celle-ci : Yannick Imbert. « Le paradis dans les religions du monde », La Revue réformée, [En

ligne], s.d., https://larevuereformee.net/articlerr/n270/le-paradis-dans-les-religions-du-monde (Page consultée le 28 mars 2020).

38 probable qu’une telle photo ait eu une inscription en français, d’autant plus que dans la traduction, j’ai choisi de conserver les mentions disant que les personnages s’expriment en anglais, et non en français, pour conserver le réalisme du lieu, Toronto. J’ai donc choisi de conserver l’inscription en anglais, mais de mettre une note de bas de page en français, comme on le voit bien souvent pour présenter la traduction : Craig Dawson, Division de la deuxième infanterie, 1952 (infra, p. 116). Ainsi, le lecteur francophone qui ne connaît pas l’anglais saura ce que l’inscription de la photo signifie.

Un second passage présentait aussi des termes liés à la guerre et à l’histoire de la Corée :

Anglais : He’d just finished basic training before being assigned to the Main Line of Resistance. […] She explained that the Main Line was where the UN forces once faced Chinese and North Korean troops across “no man’s land.” (p. 55)

Français : Il venait tout juste de terminer son entraînement de base quand il a été assigné à la ligne de résistance principale. […] Elle expliqua que la ligne de résistance se trouvait là où les forces des Nations Unies avaient affronté les troupes chinoises et nord-coréennes dans la « zone neutre ». (infra, p. 121)

Les termes « Main Line of Resistance »/« Main Line » et « no man’s land » sont ceux qui ont nécessité un peu de recherche. Pour « Main Line of Resistance », j’ai trouvé assez rapidement l’équivalent « ligne de résistance principale » dans un document de l’armée canadienne sur la plateforme Linguee52. Un article de Wikipédia est même consacré au terme,

et on précise qu’il a été utilisé pendant la guerre de Corée pour décrire « les positions défensives de l’ONU Huitième Armée53, une série de tranchées et des bunkers s’étendant [de

l’]est à l’ouest dans la péninsule coréenne54 ». Dans un article de Kenneth Hamburger, traduit

52 Le document, www.cmp-cpm.forces.gc.ca/dhh-dhp/his/docs/Vimy_f.pdf, n’était malheureusement plus

accessible, mais le contexte présenté était très crédible : [...] établira également, à une centaine de mètres du

sommet, une ligne de résistance principale, invisible aux forces terrestres de l’ennemi [...]

53 « Huitième Armée » est mis en hyperlien dans l’article.

54 Wikipédia. « Ligne de résistance principale – Main line of resistance », [En ligne], s.d.,

39 par Magalie Martin-Arellano, on le retrouve également : « Quand une patrouille du 23e RI

rencontra les Chinois à plus de 16 km devant la ligne de résistance des forces de l’ONU, elle fut pratiquement anéantie avant l’arrivée des renforts55. » Quant à « no man’s land », on voit

souvent le terme non traduit en français, décrivant un espace neutre, et puisque Termium Plus proposait quelques options (terrain neutre, zone neutre, zone disputée et no man’s land)56,

j’ai choisi « zone neutre », qui me semblait approprié selon le contexte. J’ai par la suite vu de nombreuses occurrences de cette solution, comme sur le site du Musée canadien de la guerre : « À la faveur de la nuit, les soldats se hissaient souvent hors de leurs tranchées et avançaient dans le no man’s land (la zone neutre), le terrain dévasté entre les deux armées57. »

Toutes ces informations confirment donc mes choix de traduction.

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