• Aucun résultat trouvé

Croyances hétérogènes, prime de risque et taux d’intérêt

Chapitre 2.Présentation du modèle avec croyances hétérogènes Jouini et Napp (2007)

1.7 Croyances hétérogènes, prime de risque et taux d’intérêt

Jouini et Napp (2007) montrent que lorsque les croyances sont hétérogènes, le prix d’équilibre q* est tel queq*= Mu′(e*)= MBu′(e*). Ils cherchent par la suite à comparer cette expression avec celle trouvée dans le modèle standard à savoirq= u(e*).

Puisqueq*= Mq, il est facile de montrer qu’en situation de croyances hétérogènes, le drift et la volatilité du prix d’équilibre sont donnés par : 5

    + = + + = M q q q M M q q δ σ σ σ δ µ µ µ * *

1.7.1 Impact sur la prime de risque

Jouini et Napp (2007) montrent que seul le changement de probabilité a un impact sur le prix du risque, c’est-à-dire la rémunération en terme de rendement excédentaire (par rapport au taux sans risque) de chaque unité de risque supplémentaire. Ils constatent alors que la formule du CCAPM avec croyances hétérogènes est donnée par la formule du CCAPM dans une économie où tous les investisseurs partageraient la même croyance, à savoir la croyance de consensus obtenue par la procédure d’agrégation.

Pour démontrer cela, les auteurs supposent l’existence d’un actif sans risque de prix S0

PRÉSENTATION DU MODÈLE AVEC CROYANCES HÉTÉROGÈNES JOUINI ET NAPP (2007) dt S r dS f t t 0 0 = et dSt = Stµ R(t)dt+ Stσ R(t)dWt

Ces processus de prix, doivent être tels que est une martingale sous P. Dans ce cas là,

comme dans le cas standard, la relation suivante doit être vérifiée : q R

f

R r σ σ

µ − = − *

Donc en situation de croyances hétérogènes, le prix de marché du risque (PMR), ,est égal à :

Ainsi la prime de risque en situation de croyances hétérogènes est supérieure à la prime de

risque en situation standard si et seulement si .

L’impact de l’introduction de croyances hétérogènes sur le prix du risque est alors très clair : elle conduit à une augmentation (resp. diminution) du prix du risque si, et seulement si, la probabilité de consensus est pessimiste (resp. optimiste), où pessimiste signifie que les prévisions de rendements sont en moyennes inférieures aux rendements qui seront objectivement observés. En réalité, le prix du risque subjectivement anticipé n’est pas modifié par l’introduction d’un certain degré de dispersion des croyances ou de pessimisme. En d’autres termes, la raison pour laquelle le pessimisme augmente le prix du risque n’est pas que les consommateurs pessimistes exigent une rémunération du risque plus élevée. Ils exigent le même niveau de rémunération du risque qu’un agent standard, mais sous-estiment, en revanche, le taux de rendement des actifs, ce qui revient à surestimer le risque associé à un rendement donné.

Ces résultats sont cohérents avec ceux d’Abel (2002) qui montre que dans un modèle en temps discret si les agents sont pessimistes, alors la prime de risque est plus élevée. Cependant, dans le cadre choisi par Jouini et Napp (2007), et contrairement à celui d’Abel (2002), il n’est pas nécessaire que les agents soient individuellement pessimistes car le pessimisme au niveau global suffit à assurer une augmentation du prix du risque. Plus précisément, dans le cas de fonctions d’utilité à tolérance au risque linéaire (HARA), il n’est pas nécessaire que tous les soient non positifs, il suffit que la moyenne pondérée par les tolérances au risque individuelles des tolérances soit négative.

PRÉSENTATION DU MODÈLE AVEC CROYANCES HÉTÉROGÈNES JOUINI ET NAPP (2007) Contrairement à ce qui se passe pour la prime de risque d’équilibre, tant le changement de probabilité que le facteur d’escompte ont un impact sur les taux d’intérêt.

En effet, puisque est une P-martingale, le taux sans risque est tel que q*

f r = −µ . Or q M M q q µ µ δ σ µ * = + +

D’où rf[hétérogénéité]= −µq − µ M − δ Mσ q

q M M f s dard r − µ − δ σ = [ tan ]

L’effet du taux d’escompte sur les taux d’intérêt est facile à analyser, Un taux

d’escompte positif signifie que la consommation future est moins importante pour

l’agent représentatif que la consommation présente, ce qui conduit à un taux d’intérêt d’équilibre plus élevé. Ce résultat apporte un éclairage intéressant sur l’énigme du taux sans risque.

L’effet du changement de probabilité, quant à lui, correspond à un abaissement du taux d’intérêt sans risque lorsque la probabilité de consensus est pessimiste. En effet, si les consommateurs sont pessimistes au sujet du taux de croissance de l’économie, ils essayeront de réduire la consommation courante et d’augmenter l’épargne courante. La tentative d’augmenter l’épargne courante conduit alors à une baisse des taux d’intérêt.

En combinant ces deux effets, les auteurs remarquent que l’hétérogénéité des croyances des investisseurs conduit à une augmentation des taux d’intérêt si la probabilité globale est optimiste et si le taux d’escompte est positif. Dans le cas où les deux effets s’opposent, c’est l’effet changement de probabilité qui l’emporte, tant que la dispersion des croyances reste suffisamment faible.

1.7.3 Cas des fonctions d’utilité exponentielles

Pour illustrer les résultats qu’ils obtiennent, Jouini et Napp (2007) présentent une construction explicite de la croyance et de la probabilité de consensus pour les fonctions

d’utilité exponentielles. Pour ce type de fonction de la forme , ils

montrent que :

PRÉSENTATION DU MODÈLE AVEC CROYANCES HÉTÉROGÈNES JOUINI ET NAPP (2007)

; ;

La croyance de consensus M (respectivement le coefficient de diffusion agrégé ) surpondère les croyances individuelles (respectivement les coefficients de diffusion ) pour lesquelles la tolérance au risque individuelle est supérieure à la moyenne et sous- pondère les croyances (respectivement les coefficients de diffusion individuels ) pour lesquelles le coefficient est inférieur à la moyenne.

Si tous les sont égaux, alors et ; l’effet de

l’hétérogénéité des croyances sur la prime de risque est alors donné par le pessimisme/optimisme de la croyance moyenne équipondérée. Si les investisseurs sont en moyenne optimistes (resp. pessimistes), alors la prime de risque est inférieure (resp. supérieure) à celle du cadre standard. En outre, l’impact de l’hétérogénéité des croyances sur le taux d’intérêt est vers une augmentation du taux d’intérêt.

Si les ne sont pas tous identiques, dans ce cas là où

et désignent l’espérance et la covariance équi-pondérées des agents. Il apparait ainsi que le premier effet sur le coefficient de diffusion (et par conséquent sur la prime de risque) est donné, comme dans le cas précédent, par le niveau moyen d’optimisme/pessimisme

. Le deuxième effet est donné par la covariance entre tolérance/aversion au risque et optimisme/pessimisme. Ainsi si, les investisseurs les plus tolérants au risque sont pessimistes et les investisseurs les moins tolérants au risque sont optimistes, il est possible d’aboutir à un PMR plus élevé et à un taux d’intérêt plus faible.

1.8 Conclusion

La prise en compte de l’hétérogénéité des croyances des agents dans l’équilibre économique ainsi que celui des marchés financiers est fondée tant du point de vue théorique qu’empirique. Elle fait l’objet d’un travail important et d’un vaste programme de recherche mené par plusieurs chercheurs notamment Jouini et Napp (2007).

Le principal résultat auquel ils aboutissent consiste en la proposition suivante : dans une économie où les croyances sont hétérogènes tout se passe comme si les croyances étaient

PRÉSENTATION DU MODÈLE AVEC CROYANCES HÉTÉROGÈNES JOUINI ET NAPP (2007) homogènes et égales à une moyenne pondérée par les tolérances individuelles au risque des croyances individuelles et comme si l’utilité était ajustée par un coefficient d’escompte.

Il en résulte que la prime de risque d’équilibre dans une économie avec hétérogénéité est sensiblement plus grande que la prime de risque dans une économie homogène dès que l’on suppose que la probabilité de consensus est pessimiste. L’hétérogénéité des croyances apparaît alors, sous cette hypothèse, comme pouvant constituer une explication empiriquement satisfaisante de l’énigme de la prime de risque. Sous la même condition, le taux d’intérêt sans risque est sensiblement plus petit que celui obtenu dans un modèle homogène, ce qui permet d’expliquer l’énigme de la prime de risque.

Leurs résultats sont cohérents avec ceux d’Abel (2002) qui montre que dans un modèle en temps discret si les agents sont pessimistes, alors la prime de risque est plus élevée. Cependant, dans le cadre choisi par Jouini et Napp (2007), et contrairement à celui d’Abel, il n’est pas nécessaire que les agents soient individuellement pessimistes, le pessimisme au niveau global suffit à assurer une augmentation du prix du risque. Les auteurs montrent qu’il est possible d’avoir du pessimisme au niveau global même lorsque la croyance moyenne équipondérée est neutre c’est à dire qu’elle n’est ni optimiste, ni pessimiste. Il suffit qu’il y ait corrélation positive entre optimisme et aversion au risque pour récupérer du pessimisme au niveau agrégé.

Dans le présent travail, nous chercherons à analyser la validité d’une telle corrélation à travers la mise en place d’un dispositif permettant de mesurer l’aversion au risque et l’optimisme des agents dans un contexte lié à des choix d’investissement puis d’étudier la nature du lien entre ces deux grandeurs. Mais avant cela, nous nous proposons d’évaluer la capacité explicative du CCAPM avec croyances hétérogènes tel qu’il a été formulé par Jouini et Napp (2007) en utilisant des données de marché.

Chapitre 3. Test empirique du CCAPM avec croyances