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D. RESULTATS ET DISCUTIONS

III. MECANISMES DE CRISTALLISATION DES CRISTAUX ACICULAIRES

III.2 Croissance

Dans le cas des solutions non agitées, la croissance est généralement contrôlée par la diffusion volumique des unités de croissance de la solution vers la surface du cristal. La mesure des cinétiques de croissance n’apporte alors aucune information sur l'intégration des unités de croissance à la surface des cristaux. Dans le cas de la croissance de l'Irbesartan les vitesses mesurées expérimentalement en milieu stagnant dans le Propan-2-ol et à température constante montrent une évolution non linéaire de la vitesse en fonction de la sursaturation. Le facteur limitant la croissance des faces terminales n'est donc pas la diffusion volumique mais bien l'intégration des unités de croissance dans les crans.

L'hypothèse de départ de notre expérience est qu'il n'y a dans la solution qu'un seul cristal, la sursaturation au cours du temps dans la solution est donc constante étant donnée le volume de la solution par rapport à la taille du cristal. Ceci est vérifié par l'évolution de la vitesse de croissance qui reste constante à partir du moment où la sursaturation est établie et jusqu'à la fin de l'expérience. La deuxième hypothèse concerne la mesure, le cristal du fait de sa taille et de sa géométrie est supposé formé par deux faces terminales et deux faces latérales, ce qui revient à observer la croissance d'un rectangle. De plus, la croissance a été considérée comme étant égale dans les deux sens de l'aiguille, en raison de la symétrie du cristal faisant apparaître l'équivalence des faces terminales (montré dans la partie sur la modélisation moléculaire par la cristallochimie des atomes de surface).

L'étude de la croissance des cristaux d'Irbesartan phase A dans le Propan-2-ol, par microscopie optique, a montré qu'aucune croissance mesurable, dans le sens de la largeur des aiguilles n'est observée dans tous les domaines de sursaturation [1 à 6] et de température [15 à 39°C] étudiés. La nucléation secondaire est apparue avant que la sursaturation critique nécessaire pour la croissance de ces faces latérales n’ait été atteinte. Cela signifie donc que la sursaturation limite de nucléation secondaire est inférieure à la sursaturation critique de croissance des faces latérales. Ceci nous confortant dans l'hypothèse d'un mécanisme de croissance activé pour les faces latérales.

Les vitesses de croissance présentées (Figure D - 18.a et .b) sont donc les vitesses d'allongement des aiguilles.

0 10 20 30 40 50 1 3 5 7 Sursaturation (beta) 31°C 20°C 15°C Vitesse de croissance (µm/h) 0 20 40 60 0 2 4 6 Sursaturation (sigma) Vitesse de croissance (µm/h) a b Figure D - 18, a) vitesse de croissance des faces terminales en fonction de la sursaturation ( ) pour des

températures de 15, 20 et 31°C, b) test de croissance pour une croissance de type spirale (modèle BCF modifié [CAB58] limitée par la diffusion de surface) courbe en pointillé et modèle par germination

Chaque vitesse est mesurée en isotherme ce qui permet de reporter les vitesses de croissance en fonction de la sursaturation pour trois températures de cristallisation (Figure D - 18.a) 15, 20 et 31°C. Ces mesures montrent pour chacune de ces températures, une zone dans laquelle il n'y a pas de croissance des faces terminales. Il existe donc une sursaturation critique, dont la valeur varie en fonction de la température de cristallisation, nécessaire afin de démarrer la croissance des faces terminales. Ainsi, la sursaturation critique est évaluée à 1,5; 1,8 et 1,9 pour respectivement 31, 20 et 15°C. Cette sursaturation critique peut être attribuée à deux phénomènes, le premier est une croissance des faces par un mécanisme de germination bidimensionnelle (qui est un mécanisme activé) et le second est un mécanisme de type spirale dont la croissance est bloquée par l'adsorption d'une impureté sur les faces terminales (Cabrera et Vermilya). L’impureté pourrait être dans ce cas le tautomère de la phase B, présent dans la solution.

Enfin, pour les fortes sursaturations, la variation des vitesses de croissance des faces terminales ne devient pas linéaire, même si les vitesses de croissance sont élevées (35 µm/h). Là encore, la nucléation secondaire s'est produite avant que la croissance ne soit limitée par la diffusion au sein du volume.

Pour déterminer lequel des deux mécanismes de croissance intervient, il faut s'intéresser à l'évolution des vitesses de croissance en fonction de la sursaturation (sigma). La Figure D - 18.b montre que le modèle BCF ou de Cabrera et Vermilya [CAB58] en (sigma-X) ne permet pas de prédire l'évolution des vitesses de croissance. Il faudrait imposer dans l'équation BCF du mécanisme de croissance par spirale en (sigma-X) une variation à la puissance 4 au lieu de 2, pour qu'il y ait correspondance entre les points expérimentaux et le modèle. En revanche le modèle par germination bidimensionnelle Birth and Spread montre une bonne corrélation avec les résultats expérimentaux.

Tout semble donc indiquer que les faces terminales croissent par un mécanisme de germination bidimensionnelle.

A partir de l'équation du modèle Birth and Spread [Eq. B-32], décrivant la vitesse de croissance de la face, les énergies libres interfaciales moyennes de la marche (Tableau D - 4) ont été calculées. Les valeurs de ces énergies peuvent être interprétées en J/m (croissance d'une marche mono-moléculaire) ou J/m² (croissance d'une marche bi-moléculaire ou croissance de plusieurs marches) suivant la hauteur de la marche considérée. En l'absence d'observation directe de la croissance de ces marches****, il n'est pas possible de déterminer l'unité exacte. Cependant étant donné le système cristallin et les observations réalisées sur la croissance des cristaux, il est cependant probable que la hauteur de la marche ne soit pas mono-moléculaire.

**** les observations par AFM, voir paragraphe D.V.3.1.a, n'ont pas permis de lever cette ambiguïté.

Tableau D - 4 : énergie libre interfaciale de marche donnée par le modèle de croissance Birth and Spread pour différentes températures de cristallisation (J/m ou J/m²) pour une hauteur

de marche égale à 32 Å.

Birth & spread Energie libre interfaciale de marche T (°C)

1,42E+06 8,20E-03 Joules/m²

8,2 mJ/m² 31

Birth & spread Energie libre interfaciale de marche T (°C)

3,48E+06 1,28E-02 Joules/m²

12,8 mJ/m² 20

Birth & spread Energie libre interfaciale de marche T (°C)

2,20E+06 1,02E-02 Joules/m²

10,2 mJ/m² 15

L'énergie libre interfaciale de la marche varie entre 12,8 et 8,2 mJ/m² en fonction de la température de cristallisation. Dans ce cas elle est du même ordre de grandeur que l'énergie libre interfaciale moyenne du germe tridimensionnel de la nucléation primaire.