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L’estimation des conditions P-T de cristallisation des illites par la mesure de leur « cristallinité » a été développée au début des années 1960 (se référer à Kübler et Jaboyedoff, 2000 pour une revue). Cette technique permet d’évaluer l’intensité du métamorphisme depuis les conditions de diagenèse au métamorphisme de faciès schiste vert. Elle est donc focalisée sur le métamorphisme de bas niveau.

La technique de la cristallinité de l’illite repose principalement sur l’estimation de l’importance des feuillets d’illite dans les interstratifiés illites/smectites. Plus les conditions P-T approchent le faciès schiste vert, plus la cristallinité de l’illite est élevée et plus le rapport Illite/Smectite dans l’interstratifié est grand. Il a été montré précédemment que l’augmentation de ce rapport correspond à l’avancée de la transition smectite --> I/S --> illite --> phengite, et que l’ampleur de la substitution pyrophyllitique diminue avec l’avancée de cette transition. Il est donc attendu que l’on trouve une bonne corrélation entre les estimations thermobarométriques effectuées avec la cristallinité de l’illite et en utilisant notre modèle de solution solide.

L’indice de Kübler (KI) définit la cristallinité de l’illite. Mesuré par diffraction de rayons

X, il est relié à la largeur du pic de diffraction à 10 Ǻ de l’illite et varie inversement avec la

cristallinité de l’illite, de sorte que KI est minimal à HP/HT quand les illites sont très cristallines et les pics des diffractogrammes très fins. On considère que la transition diagenèse

/ anchizone a lieu lorsque KI = 0.42 ∆°2θ, et que l’épizone est atteinte lorsque KI <= 0.27

∆°2θ. Abad et al. (2006) ont publié un jeu de d’analyses d’illites provenant de différents

échantillons de roches sédimentaires faiblement métamorphisées (ne dépassant pas le faciès schiste vert). Leurs analyses comportent la composition des illites et l’indice de Kubler (KI) des échantillons. Afin de tester notre modèle, nous avons comparé le gradient d’équilibre phengite - quartz - eau calculé comme décrit dans l’article précédent pour chacun des échantillons.

Aucune corrélation n’est apparue entre les gradients calculés et le KI des échantillons de Abad et al. (2006), comme illustré en Figure 8 A. Il n’apparaît pas plus de relations

systématiques entre le KI et la teneur en Si4+, Al3+, ou en lacunes interfoliaires des illites dans

la publication de Abad et al. (2006). Une autre représentation en utilisant le thermomètre empirique de Battaglia (2004), ne montre pas de meilleure corrélation (Figure 8 B). La

Chapitre III : Applications thermobarométriques du modèle de solution solide des phyllosilicates dioctaédriques alumineux

composition des illites décrites par Abad et al. (2006) n’est pas clairement liée aux conditions P-T estimées par le KI. En particulier, certaines illites dans des échantillons présentant un KI élevé et donc de bas degré, ont des compositions très proches de la muscovite. Avec notre modèle, comme avec le thermomètre de Battaglia, de telles compositions reflètent des conditions de température épizonales. Il faut noter que Abad et al. (2006) admettent que malgré leurs efforts pour les séparer, il est possible que des micas détritiques aient perturbé leurs analyses. Les compositions proches de la muscovite pourraient correspondre à ces micas détritiques.

L’analyse des compositions de ces illites montre que certaines d’entre elles, contenues dans des échantillons de KI élevé et donc de conditions diagénétiques, ont des compositions très proches de la muscovite. Avec notre modèle, comme avec le thermomètre de Battaglia, une analyse proche du pôle muscovite reflètera des conditions épizonales.

C’est donc parce que Abad et al. (2006) ont trouvé une large gamme de compositions d’illites coexistant dans tous leurs échantillons, non corrélées au KI et particulièrement pour les échantillons de plus bas degré métamorphique, que notre modèle ne parvient pas à en reproduire les conditions de formation. Toutefois, ces auteurs ont trouvé que le composant illitique devient négligeable lorsque les conditions épizonales sont atteintes, en parfait agrément avec notre modèle comme avec le thermomètre empirique de Battaglia (2004).

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Il a par ailleurs été montré qu’une large variabilité compositionnelle des illites au sein d’un échantillon peut être une

importante cause de biais dans la

détermination des conditions P-T de

cristallisation à partir de la technique de la cristallinité de l’illite (Kübler et Jaboyedoff, 2000; Arkai et al., 2004; Battaglia et al., 2004). Cela peut expliquer en partie la mauvaise corrélation observée en Figure 8,

mais elle trouve probablement son

explication ailleurs.

L’absence de tendance chimique claire reliée aux variations de conditions P-T fait suggérer à Abad et al. (2006) que si l’équilibre thermodynamique a été atteint, ce n’est pas dans la roche totale mais sur de plus petites échelles à la faveur d’équilibres thermodynamiques locaux. La valeur de KI, unique pour l’échantillon, représente la disparition progressive des smectites de l’échantillon. Si la technique des multi-équilibres est tout à fait adaptée à la représentation des équilibres locaux, cette technique ne prend pas en compte la cinétique des réactions ou la dimension des particules. Des illites de taille micrométriques et des illites bien cristallisées (millimétriques) de même composition auront les mêmes conditions P-T d’équilibre avec le quartz et l’eau dans notre modèle. Par contre, ces deux exemples auront des KI très différents puisque la taille des particules influence directement le domaine cohérent de diffraction qui affecte la mesure du KI (Eberl, 1998; Kübler et Jaboyedoff, 2000).

Le fait que l’équilibre thermodynamique soit atteint localement signifie qu’il existe des hétérogénéités de composition dans l’échantillon. Procéder à des analyses ponctuelles de composition dans de telles conditions a amené Abad et al. (2006) à observer une vaste gamme

Figure 8 : Températures calculées avec l’équilibre illite/smectite - quartz - eau (A) et avec le thermomètre empirique de Battaglia (2004) (B) comparées avec l’indice de Kübler des échantillons. Chacune des analyses provient de Abad et al., (2006) et a été recalculée en considérant que tout le fer est divalent.

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avec notre modèle ou avec un thermomètre empirique, il faudrait connaître la proportion des phases dans la roche et non uniquement leur composition. En l’absence de cette information, l’illitisation des smectites n’apparaît pas accompagnée d’une augmentation en cations interfoliaires et d’une diminution de la teneur en Si des minéraux, ce qui remet en cause la définition des illites, des smectites, et toutes les observations citées dans les articles précédents.

Il est donc difficile de comparer la technique du KI avec l’estimation P-T par la méthode des multi-équilibres, pourtant représentatives du même phénomène mais à des échelles différentes. Il faut noter que l’absence de corrélation entre équilibre illite - quartz - eau et la mesure du KI est indépendante de la qualité des propriétés thermodynamiques des minéraux et des solutions solides utilisées dans notre modèle puisque l’augmentation des conditions P-T déterminées par le KI n’est pas liée à des variations de composition des illites.

On pourrait compléter le travail de Abad et al. (2006) en réalisant des cartographies élémentaires à la microsonde électronique dans leurs échantillons pour connaître la représentativité de leurs analyses ponctuelles. On observerait alors certainement une tendance générale liant composition et KI. Cette cartographie nécessiterait de travailler à l’échelle de quelques millimètres, ce qui est assez important par rapport aux cartographies traditionnelles, mais une très petite taille de faisceau ne serait pas forcément requise.

5. Conclusion

L’estimation thermobarométrique par la méthode chlorite-phengite demande de tester un grand nombre de couples chlorite - phengite lorsque l’on travaille à partir de cartographies élémentaires obtenues à la microsonde électronique. Considérer la réaction phengite quartz -eau permet d’obtenir très rapidement une information thermobarométrique pertinente. Cette méthode est comparable à la considération de l’équilibre chlorite - quartz - eau seul, qui dépend plus fortement de la température. Elle permet de simplifier le traitement des images microsondes sans en altérer l’information thermobarométrique.

Chapitre III : Applications thermobarométriques du modèle de solution solide des phyllosilicates dioctaédriques alumineux

Chapitre IV : Mesure et cartographie in situ de l’eau interfoliaire dans les phengites de basse température

Chapitre IV : Mesure et cartographie in situ de l’eau