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Une attention particulière a été apportée à la création des vignettes cliniques et du questionnaire, suivant les cadres méthodologiques proposés par Cazale et collègues (2006) ainsi que par Flaskerud (1979) (490, 491). Dans un premier temps, les vignettes cliniques doivent être construites de façon rigoureuse au plan méthodologique, en concordance avec les écrits scientifiques. De plus, le contenu de l’histoire de cas doit refléter la pratique clinique. Effectivement, pour que l’utilisation de la vignette soit valide, elle doit représenter une situation familière et réaliste (488, 492, 493).

Celles-ci ont été construites de façon séquentielle. À chaque étape, l’équipe de recherche a contribué à bonifier et à raffiner sa construction pour ajouter du réalisme au plan clinique (situation biopsychosociale, mécanisme de blessure, symptômes rapportés par le patient, etc.) Les membres de l’équipe de recherche ont à la fois une expérience clinique (physiothérapie, ergothérapie), une expertise en éthique et une expérience en création de vignettes cliniques (494, 495). Dans un premier temps, une étudiante en physiothérapie28 a débuté la construction de celles-ci en faisant une revue de la littérature. L’ébauche des vignettes incluait deux types de pathologie musculosquelettique qui ont une grande prévalence chez les accidentés du travail, soit la tendinopathie à l’épaule et la lombosciatalgie (496, 497) (voir Figure 5).

Figure 5. Illustration des vignettes cliniques, version préliminaire (été 2012)

Dans un deuxième temps, une seconde étudiante en physiothérapie29 a poursuivi et finalisé le processus de création et de validation des vignettes cliniques en révisant les écrits scientifiques au plan du cadre méthodologique. Dans un troisième temps, les vignettes cliniques et le questionnaire ont été soumis à cinq experts choisis pour leur expertise à la fois méthodologique et clinique (deux francophones du Québec, un anglophone du Québec et deux anglophones de la Colombie-Britannique, dont l’expérience clinique variait entre 12 et 29 ans). Le but était d’obtenir leurs suggestions et leurs rétroactions au sujet des aspects suivants :

• améliorer le réalisme clinique de la vignette clinique ;

• s’assurer de bien tenir compte des particularités linguistiques et provinciales ; • améliorer la clarté de la vignette clinique et du questionnaire ;

• s’assurer de la capacité du questionnaire à extraire les informations d’intérêt ; • améliorer la validité méthodologique des vignettes.

Cette période de validation a aussi inclus un prétest des vignettes cliniques sur la plate- forme REDCap (Research Electronic Data Capture) (498) auprès d’un physiothérapeute clinicien bilingue du Québec et par l’équipe de recherche.

Plusieurs réflexions méthodologiques ont été au cœur du processus de validation des vignettes. D’abord, la pertinence des variables indépendantes, soit les caractéristiques des

29

Femme lombalgie 38 ans

directrice

CNESST assurances privées

in=irmière

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59 ans directrice

CNESST assurances privées

in=irmière

CNESST assurances privées

Homme tendinopathie épaule 38 ans

peintre

CNESST assurances privées

comptable

CNESST assurances privées

59 ans peintre

CNESST assurances privées

comptable

histoires de cas variant d’une vignette à l’autre, a été largement discutée à chaque étape de validation des vignettes. L’objectif était que celles-ci soient en lien avec les données probantes des écrits scientifiques, mais également l’expérience clinique (493). L’âge, le sexe, le SSE et le statut d’assurance ont été jugés pertinents à étudier, car ce sont des facteurs qui semblent influencer la pratique clinique en santé (voir chapitre 2).

Les âges de 34 ans et de 59 ans ont été déterminés pour être discriminants (25 ans d’écart), tout en étant cohérents avec les types de métiers choisis et avec deux groupes d’âge de la population active (un groupe d’âge ayant récemment introduit le marché du travail et l’autre sur le point de faire partie de la population retraitée). Cela évitait d’ajouter la variable confondante de la retraite versus celle du travail actif dans l’influence des variables dépendantes tout en permettant d’étudier deux groupes d’âges distincts. Pour le sexe, une variable dichotomique homme versus femme a été choisie.

Dans nos vignettes, le SSE était exprimé par le type de métier. Les métiers ont été sélectionnés pour que les titres d’emplois puissent être unisexes, limitant ainsi la possibilité de variance d’un métier genré. Les métiers ont aussi été identifiés pour avoir un référent évident au SSE. Le SSE est un phénomène difficile à évaluer (363-365). Les écrits scientifiques n’ont pas encore identifié la composante qui constitue sa meilleure mesure proxy (363-365). Le meilleur proxy du SSE pourrait dépendre de la population à l’étude (364) et l’idéal demeure d’avoir de multiples indicateurs (365). Le choix d’un métier comme proxy au SSE, bien que limitant, a été fait pour minimiser le biais de désirabilité social avec une information trop évidente sur la richesse du patient dans la vignette clinique. Le métier est une mesure fréquemment utilisée (499-501), car il est un indicateur stable du prestige de l’emploi, des responsabilités, de l’environnement et des conditions de travail (ex. niveau d’activité physique, risques) (363, 364). Le métier permet également de faire un lien entre le niveau d’éducation et le salaire (364).

tous les accidentés de la route sont traumatiques, alors que les patients non couverts par la SAAQ peuvent avoir des blessures traumatiques ou non-traumatiques.

Par contre, certaines caractéristiques ont été rejetées, car il était essentiel de ne pas avoir trop de facteurs à analyser pour éviter que le questionnaire soit trop long, ou que trop de participants soient requis pour atteindre la puissance statistique souhaitée. Le nombre de facteurs variables à étudier dans une vignette est habituellement compris entre 5 et 10, mais peut aller jusqu’à 20 (493). Cependant, pour chaque caractéristique additionnelle à analyser, il aurait été nécessaire d’avoir un plus grand nombre de participants (464). Par exemple, il a été jugé peu pertinent de comparer la prise en charge de différentes pathologies, et c’est pourquoi seule la lombalgie a été conservée. Effectivement, les lombalgies sont parmi les problèmes de santé les plus prévalents au Québec (503) et ailleurs dans le monde (504). Une étude américaine montre également que la prévalence des lombalgies tend également à augmenter (505). La lombalgie est une des plaintes fréquente par les patients consultant en physiothérapie (383, 506-510). Une étude québécoise indique que les physiothérapeutes dans les réseaux publics et privés voient en moyenne 3,64 ± 2,66 patients avec lombalgie par jour (510). De plus, selon une étude australienne, 25 % à 45 % de la charge de travail d’un physiothérapeute implique le suivi de patients avec des lombalgies (508).

Aussi, certains auteurs recommandent d’avoir une photo accompagnant la vignette pour donner des repères visuels (488, 511). Celle-ci aurait permis d’ajouter le facteur ethnique ou le biais face au poids du patient sans pister de façon trop évidente les participants. Or, les experts ont recommandé d’éviter la photo pour éviter d’introduire un facteur confondant supplémentaire.

Ensuite, pour éviter d’influencer les sondés dans leurs réponses, une grande attention a été portée à l’élaboration du matériel :

• en ayant une vignette « neutre » en évitant un ton sensationnel ou normatif (489); • en ayant un formulaire de consentement qui ne précisait pas que certaines variables

indépendantes allaient être comparées ;

• en mentionnant dans le questionnaire que l’attente était que leur réponse représente leur pratique professionnelle habituelle et non ce qu’ils devraient faire pour

Les vignettes et le questionnaire étaient disponibles en anglais et en français, dans la langue de préférence des participants. La traduction a été effectuée par l’équipe de chercheurs, dont tous les membres sont bilingues.