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La création de valeur

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 51-56)

Section I.1 - Définition des termes de la question : le capital investissement

II. Les fondamentaux du capital investissement

3. La création de valeur

La création de valeur, but ultime du capital investissement, se mesure par le différentiel entre le prix de sortie (cession) et le prix d'entrée (prix de souscription ou d'acquisition) des actions non cotées. Trois leviers composent cette création de valeur :

la croissance de l’activité, mesurée en augmentation de l’EBITDA37 ; l'amélioration du multiple de valorisation, mesurée en différentiel de multiples d’EBITDA ; et l’amortissement de l’endettement consolidé de la PME et de son holding de détention (le cas échéant).

Il faut voir, dans cette approche simplifiée de la valeur, une façon de créer un langage commun et opérationnel entre l’investisseur et le promoteur. Selon nous, et au vu de notre expérience de terrain, cela participe de la réduction de l’asymétrie d’information.

Ainsi, la déclinaison en 3 leviers de création de valeur permet - un temps - de contourner la technicité des méthodes traditionnelles d’évaluation telles que celle du Discounted Cash Flow, pourtant reconnue pour être la plus robuste au plan académique. En effet, la valorisation de l’entreprise (EV, Entreprise Value) se calcule ici par l’application d’un multiple à l’EBITDA, et non par une approche de flux futurs actualisés. L’EBITDA, objectif opérationnel par excellence, devient dès lors un objectif de création de valeur actionnariale, ce qui conforte la démarche du chef d’entreprise – concentrée au quotidien sur la performance opérationnelle. Le multiple d’EBITDA est ainsi considéré comme l’indice de marché du capital investissement (voir infra38, Indice mid market de la zone euro Argos Soditic). L’aménagement de la grille de lecture de la valeur, éloignée de la sophistication académique et de l’élégance des théories financières, illustre de notre point de vue ce que représente la finance entrepreneuriale : résolument orientée vers l’action, elle tolère d’adoucir la vision canonique des méthodes financières au profit d’un dialogue efficace avec l’entrepreneur.

Un exemple vécu est celui de la théorie des options réelles. En vogue dans les années 2000 dans les banques d’affaires et les laboratoires de recherche en finance, cette méthode n’a pas réussi à s’imposer au moment de la Nouvelle Economie malgré sa

37 EBITDA : Earning Before Interest, Tax, Depreciation and Amortization. Cette notion, largement utilisée en pratique, est proche de celle du solde intermédiaire de gestion EBE, Excédent Brut d’Exploitation.

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pertinence à l’endroit des start-ups technologiques39. Notre explication à ce constat est que la complexité sous-jacente du modèle - le pricing des options financières par la méthode de Black et Scholes - aurait détérioré la qualité du dialogue entre sphères financière et réelle, cette dernière considérant l’outil comme une boîte noire aux résultats illisibles.

Pour IFC-World Bank, les leviers de création de valeur du capital investissement ressortent différenciés selon que l'entreprise se trouve dans les pays émergents ou dans les économies avancées. C’est ce que l’Institution conclut dans un rapport intitulé

« The case for emerging markets private equity40 », où elle procède à l’analyse de 600 des PME sous-jacentes présentes dans les fonds auxquels elle a souscrit - et qui se trouvent exclusivement dans les pays émergents. Les trois indicateurs suivants fondent sa conclusion : une augmentation moyenne du chiffre d’affaires de +37,8% par an ; une augmentation moyenne de l’effectif de +22,3% par an ; et un ratio dettes/fonds propres de 0,74. Cette combinaison d’indicateurs étaye le poids de la croissance opérationnelle et la faiblesse de l’effet de levier des PME en portefeuille.

Il ressort aussi de cette analyse que l'augmentation du multiple d’EBITDA demeure faible dans les pays émergents : nous avons donc interrogé l’auteur de l’étude, David Wilton, qui est Chief Investment Officer et Manager of Global Private Equity au sein d’IFC. Monsieur Wilton a confirmé la vision selon laquelle l'amélioration du multiple d’EBITDA devrait contribuer à l'avenir et de façon croissante à la création de valeur dans les pays émergents. Mais cette tendance ne s’observe pas (encore) dans le portefeuille d’IFC. Notre analyse est que l'inefficience des marchés émergents permet à ce jour aux acquéreurs de s'exonérer du paiement d'une prime stratégique sur les transactions.

39 L’approche d’évaluation d’entreprises par les options réelles s’applique théoriquement lorsque les scénarios de développement du business plan paraissent différenciés, multiples et susceptibles d’influencer profondément la valeur.

40 IFC, International Finance Corporation. The Case for Emerging Markets Private Equity. Washington DC, USA, Février 2011

III. Le capital investissement et ses métiers voisins

1. Le capital investissement comparé au banquier prêteur

En sus de l’autofinancement, le capital et la dette sont les deux sources de financement externe dont dispose toute entreprise. L’objectif, le profil de risque, et les attentes de rendement divergent entre actionnaire et prêteur, comme le résume le tableau ci-dessous :

Tableau 1. Comparaison entre capital investissement et prêteur long terme

Métier Capital Investissement Prêteur long terme

Fonction Actionnaire Prêteur

Objectif L'amélioration de la valorisation de l'entreprise

La sécurité du placement et sa liquidité au moment des échéances Rémunération Rémunération aléatoire (dividendes et

plus-value à la sortie) Rémunération figée (intérêts) Risque Risques nombreux sur la société

(exploitation, financier) Risque de crédit

Existence d'une

sûreté réelle Non Possible (nantissement d'actifs)

Durée Durée inconnue par définition Durée connue et figée contractuellement Implication Possible participation à la gouvernance

(conseil d’administration,...)

Eventuelle renégociation en cas de fait majeur / non-respect de l'échéancier

Source : Olivier Younès

La distinction entre capital et dette est ici très nette. Cependant, en pratique, face à l'ambivalence de certains besoins des entreprises, des approches de financement hybride sont nées de l'ingénierie financière. Il s’agit de quasi-fonds propres, généralement structurés sous la forme de dettes assorties d’un mécanisme d'accès au capital (obligations convertibles ou remboursables en actions, par exemple).

C’est ce que rappellent Denis Dubois et Daniel Gabrielli dans leur article de recherche

« Epargne des ménages et financement en fonds propres des PME – Obstacles et leviers d’action », cité au chapitre précédent : « Au-delà de sa réticence à partager le pouvoir, le chef d’entreprise peut difficilement concevoir le partage d’une plus-value sur le capital dont il considère qu’elle résulte de son seul effort (…). Ce faisant, l’entrepreneur préférera recourir à l’endettement, même fortement rémunéré, dont le niveau est délimité par avance par contrat, qu’à toute autre forme de ressources financières susceptible de procurer à l’apporteur de fonds une plus-value non délimitée dans le temps et considérée dès lors comme excessive par rapport à l’appui fourni par un actionnaire jugé souvent passif. Ce constat est à l’origine d’innovations en ingénierie financière proposées par les capital-investisseurs permettant par exemple de limiter le rendement obtenu des fonds investis (mix de fonds propres et obligations convertibles, rétrocession aux dirigeants d’actions au-delà du seuil requis de rentabilité...)41 ».

Plus récemment, certains montages LBO particulièrement tendus ont encore ajouté à la confusion des genres entre fonds propres et dettes : à la suite de graves difficultés, les prêteurs ont pu se substituer aux actionnaires, qu'une restructuration extrême du passif avait dilués à néant. Cela a soulevé des problèmes inédits pour les anciennes banques prêteuses, brusquement devenues actionnaires de sociétés non cotées, de surcroît en difficulté42.

41 DUBOIS, D. GABRIELLI, D. Epargne des ménages et financement en fonds propres des PME – Obstacles et leviers d’action. Revue D'économie Financière. N°54 (4-1999).

42 HAMROUNI, Mounira. ZOA, Estelle. (Mémoire dirigé par Olivier Younès). Les années terribles du LBO 2008-2010. Mémoire de fin de Master 2 Stratégie et Expertise Financière, CNAM, 2010, 38 p.

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