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Chapitre 2 : Méthodologie

2.3. Description de la méthodologie

2.3.2. Création de la superstructure

A partir des produits chimiques cibles déterminés dans une première étape, la suite de la méthode consiste à établir la superstructure des procédés potentiels pour produire ces produits. Tout d’abord, il faut déterminer la taille de l’usine afin de savoir le type de procédé utilisable, c’est-à-dire qu’une production faible (par exemple dans l’industrie cosmétique ou pharmaceutique) va plutôt utiliser des procédés discontinus alors que les usines à gros tonnages (industrie pétrochimique) fonctionnent généralement en continu. Or, une bioraffinerie va se tourner vers des grosses productions pour rentabiliser l’usine et concurrencer l’industrie pétrochimique. Par conséquent, la méthodologie opte pour une bioraffinerie en continu.

D’autre part, la bioraffinerie étudiée est composée de quatre étapes principales : le prétraitement, la fermentation, la séparation et la purification. Ces étapes apparaissent en effet dans la plupart des procédés de bioraffinage dont l’objectif est de produire des bioproduits à haute valeur ajoutée. Cependant, les procédés qui fabriquent uniquement de l’énergie ou des gaz sont composés différemment.

En premier lieu, la superstructure de l’étape de fermentation doit être établie. Lors de cette étape, des microorganismes vont synthétiser les bioproduits à partir de sucres (Bourat23). La fermentation est l’étape déterminante du procédé car il s’agit d’une réaction très délicate et critique puisque la plupart des microorganismes sont très sensibles aux conditions opératoires comme le pH, la température, la pression, la présence d’impuretés, la présence d’oxygène, la concentration des sucres et la concentration des bioproduits. La survie des microorganismes nécessite donc un contrôle rigoureux de ces conditions. De plus, les cinétiques de fermentation sont complexes et le rendement varie en fonction du milieu choisi. En conséquence, les conditions opératoires optimales doivent être déterminées pour maximiser les rendements de la fermentation.

L’ensemble du procédé va dépendre de la fermentation : d’une part, les étapes en amont doivent générer un courant contenant des sucres spécifiques dans des conditions précises et d’autre part, les étapes en aval doivent séparer et purifier les produits cibles en considérant la composition en sortie de fermentation.

Les étapes de séparation qui suivent la fermentation sont délicates à cause de la composition du courant sortant du fermenteur car ce dernier fonctionne en milieu aqueux dilué, c’est-à-dire que le courant est composé majoritairement d’eau. Afin de limiter les dépenses énergétiques lors de la purification des produits et la complexité du procédé de purification due à la thermodynamique, à l’agencement des opérations unitaires et des conditions opératoires, une étape de séparation est souvent nécessaire après la fermentation. Elle a pour objectifs de concentrer les bioproduits dans la phase aqueuse, de

21 simplifier l’étape de purification et d’améliorer le rendement de la fermentation. Il faut savoir que l’élimination de l’eau représente un des principaux verrous lors du design d’une bioraffinerie (non-idéalités thermodynamiques, consommation élevée d’énergie, etc.). Afin d’économiser de l’énergie et de limiter les problèmes thermodynamiques, il est judicieux de placer entre la fermentation et la purification une étape de séparation qui réduira cette quantité d’eau. De plus, la thermodynamique sera un élément important à étudier à cause de certains mélanges de produits, par exemple un mélange hétéroazéotropique.

Par ailleurs, en couplant l’étape de séparation avec la fermentation par l’intermédiaire d’un recyclage, il devient possible d’améliorer le rendement de la fermentation : il s’agit du concept d’extraction in-situ (van der Wielen et Luyben24). Lors d’une fermentation, les bioproduits sont très souvent inhibiteurs à forte concentration car toxiques pour les microorganismes. Récupérer les bioproduits au fur et à mesure de l’avancée de la fermentation permet d’augmenter la durée de vie des microorganismes, d’augmenter la durée de fermentation jusqu’à la rendre semi-continue (fermentation de très longue durée) et donc d’améliorer les rendements. De nombreuses extractions in-situ existent, notamment la pervaporation, l’extraction liquide-liquide ou encore l’adsorption. Il faut noter que l’extraction in-situ d’un constituant appartient au concept d’intensification des procédés.

Puis, suite à la séparation, vient l’étape de purification durant laquelle les bioproduits vont être purifiés jusqu'à la spécification de pureté désirée. Les différents scénarios de purification peuvent par exemple être élaborés en fonction de règles heuristiques établies par Douglas25 dans le cadre de procédés chimiques. Dans l’éventualité de la présence de sous-produits, deux cas de figures sont proposés : la purification ou bien leur traitement en tant que déchets. Notons que l’étape de purification dépend entièrement de la thermodynamique du système. Il faudra donc définir rigoureusement le modèle thermodynamique adéquat pour représenter le système.

Par ailleurs, l’eau est une molécule qui interagit de façon fortement non-idéale avec de nombreux composants, ainsi il existe une grande probabilité que l’eau forme un ou plusieurs azéotropes avec un ou plusieurs bioproduits. La présence d’azéotrope modifie la structure de l’étape de purification, et particulièrement lors de l’utilisation de distillations. Dans le cas d’un azéotrope unique, il se comporte comme un pseudo- constituant supplémentaire dans le système. Habituellement pour séparer deux molécules formant un azéotrope, deux colonnes sont nécessaires avec un changement de pression afin de déplacer l’équilibre thermodynamique de l’autre côté de l’azéotrope. Par exemple, on définit un mélange entre l’eau et une molécule quelconque notée A à la pression P1, sachant que A et l’eau forment un azéotrope de composition xAAz,P1 à la pression P1 (Figure 2. 4). Deux cas sont envisageables :

1. La composition en A du mélange est inférieure à xAAz,P1 2. La composition en A du mélange est supérieure à xAAz,P1

Dans le cas 1, une première colonne purifie d’un côté l’eau pure et d’un autre côté le mélange azéotropique de composition xAAz,P1. Ensuite, la pression est modifiée à P2 pour que l’équilibre thermodynamique soit déplacé à droite du nouvel azéotrope de composition xAAz,P2. La deuxième colonne peut alors purifier la molécule A et un courant azéotropique de composition xAAz,P2. Pour limiter les pertes de produits, le courant azéotropique sortant de la deuxième colonne est recyclé à l’entrée de la première colonne. D’autre part, le même procédé est utilisé pour le cas 2 sauf que la molécule A est purifiée dans la première colonne et l’eau dans la seconde et qu’une autre pression P3 est fixée dans la seconde

22 colonne. Toutefois, la purification de l’eau présente peu d’intérêt, ainsi la seconde colonne peut être supprimée. Néanmoins, le recyclage du courant azéotropique n’est alors plus envisageable puisque l’eau s’accumulerait dans le procédé, par conséquent la production de A est plus faible.

Figure 2. 4. Equilibre thermodynamique du mélange A-Eau au pressions P1 et P2

Par ailleurs, dans le cas de plusieurs azéotropes avec l’eau, il est essentiel de déterminer s’il s’agit d’azéotropes à minimum ou à maximum. En effet, il peut être possible de purifier plusieurs azéotropes différents dans un même courant et ainsi simplifier la structure du procédé.

Enfin, la dernière étape est la première étape du procédé, c’est-à-dire le prétraitement. Elle est divisée en deux sections successives qui sont le prétraitement et l’hydrolyse. Le prétraitement sépare les composants de la matière première puis l’hydrolyse convertit les composants en sucres en vue de la fermentation. Le prétraitement peut être un procédé physique (la pyrolyse26, etc.), physico-chimique (l’explosion à la vapeur26,27, l’explosion avec ammoniaque26,27, etc.), chimique (le procédé Organosolv26,27, l’ozonolyse26,27, etc.), biologique (l’oxydation biologique26,27, etc.) ou une combinaison des procédés précédents27. Quant au choix du prétraitement, il dépend principalement du type de matière première. D’un côté, il est aisé de déstructurer de la biomasse cellulosique, de ce fait un simple broyage est souvent suffisant (Qureshi et al.28). Au contraire, les composés de la biomasse lignocellulosique sont beaucoup plus complexes à séparer à cause de la présence de la lignine. Dans ce cas de figure, la biomasse lignocellulosique doit subir un broyage puis un

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 Fr act ion v ap e u r d e A Fraction liquide de A

Equilibre y=f(x) à P1 Equilibre y=f(x) à P2 Equilibre y=f(x) à P3 y=x

Azéotrope à P1 xAAz,P1 Azéotrope à P3 Azéotrope à P2 xAAz,P2 x AAz,P3

23 traitement qui sépare la lignine des autres composants comme par exemple l’explosion à la vapeur.

Par ailleurs, l’hydrolyse est une réaction durant laquelle les polymères composant la biomasse (cellulose et hémicellulose) sont scindés en sucres (glucose, galactose, etc.). Toutefois, l’hydrolyse n’est possible que sous l’action d’un catalyseur. Nous recensons deux types de catalyseurs29 : les enzymes et les acides. La nature différente des catalyseurs implique des conditions opératoires et des rendements très différents.

 D’une part l’hydrolyse enzymatique utilise des conditions opératoires très douces mais fonctionne en milieu aqueux dilué et entraine des rendements de conversion moyens (entre 50 % et 80 % en général). A titre d’exemple, la température est inférieure à 70 °C, le pH varie entre 4 et 6 et le temps d’hydrolyse est d’au moins quelques heures.

 Et d’autre part l’hydrolyse acide propose de bons rendements mais opère dans des conditions difficiles et induit une pollution importante. Par exemple, Wyman et al.29 expliquent que l’hydrolyse acide permet d’atteindre, d’une part, une conversion d’environ 85 % des hémicelluloses pour une température de 160 °C, un temps de réaction de 10 min et une fraction d’acides de 0,7 %, et d’autre part, une conversion de 70 % de la cellulose pour une température de 206 °C.

Finalement, les hypothèses et les verrous exposés au cours de l’étude ont permis l’établissement de la superstructure d’une bioraffinerie composée de 4 étapes : le prétraitement, la fermentation, la séparation et la purification. Ayant établi la superstructure, l’étape suivante est la modélisation afin de supprimer les procédés irréalisables, c’est-à-dire les procédés qui ne permettent pas de produire les bioproduits avec la qualité recherchée.

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