• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2: Cadre théorique

2.3 Le cours d’action

Le cours d’action, plus spécifiquement, permet de décrire la logique des actions des acteurs et d’étudier donc la cognition de ces derniers, car on insiste sur le « montrable, racontable et commentable » (Theureau, 2004). Theureau (2006) définit son objet théorique du cours d’action comme suit :

L’activité d’un acteur dans un état déterminé, engagé activement dans un environnement physique et social déterminé et appartenant à une culture déterminée, qui est significatif pour l’acteur, ou encore montrable, racontable et commentable par lui à tout instant de son déroulement à un observateur-interlocuteur moyennant des conditions favorables (p.46).

Dans l’évocation de sa conscience préréflexive, l’acteur décrit la situation à laquelle il a été confronté et la manière dont il l’a vécue. L’évocation et la description fournie par l’acteur pour décrire certains moments de son activité lui permettent d’expliciter sa conscience préréflexive. La reconstitution du signe, faite par l’analyste, avec les différentes composantes permet de faire état du processus de couplage structurel entre l’acteur et son environnement durant les moments ciblés par ce dernier (Theureau, 2006, Haué, 2003). L’activité humaine est découpée, selon les propos de l’acteur, en unités d’activités significatives, des signes hexadiques. Theureau (2004, 2006) définit le signe en

empruntant la notion de signe triadique de Peirce et pour qui, toute connaissance est engendrée par d’autres connaissances (Peirce, traduit par Calvet de Magalhaes, 1981). Le signe est « la relation d’un représentamen (R) à un objet (O) par la médiation d’un interprétant (I) » et son fondement catégorisé (Priméité = Possible, Secondéité = Actuel, Tiercéité = Virtuel) (Peirce, 1838, 1914, traduit dans Theureau 1992). Le signe hexadique est composé de telle sorte qu’il croise les concepts initiaux décrits par Peirce que sont l’objet, le représentamen et l’interprétant tout en approfondissant les trois fondements que sont le Possible, l’Actuel et le Virtuel. La figure 2.3 ci-dessous démontre l’interrelation entre les six composantes en les présentant en escalier pour illustrer les trois étapes de réalisation de l’activité.

3. Appropriation dans

l’expérience 3.3 Interprétant (I)

2. Réalisation de

l’action 2.2 Représentamen (R) 3.2 Unité de cours

d’expérience (U) 1. État de préparation de l’acteur 1.1 Engagement de l’acteur (E) 2.1Structure d’anticipations (attentes) (A) 3.1 Éléments du référentiel mobilisés (S)

1. Possible 2. Actuel 3. Virtuel

Figure 2.1 Dimensions du signe hexadique (adapté de Haué, 2003, p.102)

L’état de préparation de l’acteur est constitué de trois composantes, soit les engagements de l’acteur (E), les structures d’anticipations (A) et les éléments de référentiels (S). Ces trois composantes permettent de décrire l’état dans lequel se trouve l’acteur avant de s’engager dans la situation. Ces éléments surviennent rapidement lorsqu’une situation donnée se présente à l’acteur et traduisent son état juste avant qu’il s’y engage.

- Engagement de l’acteur (E) : La notion d’engagement traduit les préoccupations de l’acteur relatives à son histoire et qui lui font signe dans l’instant, c’est-à-dire en fonction des interactions passées, mais également de ses anticipations des interactions à venir.

- Structure d’anticipations, Attentes (A) : En considération de ses engagements dans l’activité, la structure d’anticipation constitue les attentes de l’acteur. Elle comprend les éléments des situations passées qui sont censées revenir dans une situation future. Cette composante comprend à la fois les attentes actives (action l’acteur lui-même, ce qu’il entend faire), mais également les attentes passives (ce qu’il attend des autres, de la situation et de l’environnement dans lequel il œuvre).

- Les éléments de référentiel (S) : Selon les préoccupations et les attentes de l’acteur, cette composante regroupe tous les éléments de connaissance acquis dans les expériences et les situations passées. Ils constituent les éléments mobilisés dans la situation et non l’ensemble du référentiel de l’acteur.

Au moment où survient une situation ou un élément faisant sens pour l’acteur, celui-ci se trouve dans un état de réalisation de l’action. C’est à cette étape que ce dernier perçoit, ressent, identifie un élément de son environnement comme étant signifiant, lui donnant sens grâce à la préparation dans laquelle il se trouvait plus tôt (ce qu’il savait de la situation, ce qu’il attendait d’elle, ce qui le préoccupait dans celle-ci) et l’incitant à s’engager dans la situation. De ce fait le représentamen (R) et l’unité d’expérience (U) constituent cet état.

- Le représentamen (R) : Le représentamen est l’élément de la situation qui démontre de l’intérêt pour l’acteur, qui représente une perturbation et qui fait signe pour lui dans une situation donnée. Le représentamen peut être un élément sensoriel (l’acteur a vu, entendu, senti, ressenti quelque chose) ou un élément mnémonique (l’acteur se rappelle quelque chose). Le représentamen fait sens à l’acteur uniquement s’il repose sur un ou des éléments de son état de préparation fait à la situation (engagements, attentes, éléments de référentiel).

- L’unité d’expérience (U) : L’unité représente ce que fait, ressent, décide ou dit l’acteur à quelqu’un à la suite de la rencontre du représentamen, qui lui, repose sur l’état de préparation de l’acteur.

Finalement, c’est dans l’état de l’appropriation dans l’expérience que l’acteur transformera son expérience. La composante de l’interprétant (I) permettra de décrire la manière dont s’est transformée l’activité de ce dernier.

- L’interprétant (I) : À la lumière de l’unité d’expérience mobilisée dans la situation pour répondre au représentamen qui a émergé sur un fond d’anticipations, des engagements et de savoirs,

l’interprétant permet de rendre compte de l’appropriation par l’acteur d’une expérience donnée. Il se traduit par une remise en question, un renforcement, une invalidation ou une modification des types existants. C’est donc la composante qui permet de décrire comment, dans certaines situations, l’activité se transforme Les éléments ainsi transformés font ensuite partie du référentiel et peuvent être mobilisées par la suite dans les situations à venir.

L’état de préparation de l’acteur regroupe ainsi les éléments qui peuvent expliquer les réactions et les interventions des acteurs dans le cadre de leur pratique. L’état de réalisation de l’action démontre comment l’interaction avec l’environnement permet de co-construire la pratique, puisque l’acteur agit conséquemment aux éléments qui sont sens pour lui dans une situation donnée (Theureau, 2006). L’état d’appropriation, quant à lui, définit la construction, la redéfinition ou la modification de l’expérience de l’acteur dans son activité. Ainsi, la reconstitution des signes hexadiques issus de la pratique d’un acteur permet de comprendre l’interaction et d’éclairer différents éléments qui entravent ou facilitent le développement d’une pratique. Au final, l’identification des composantes du signe hexadique en plus des éléments d’analyse extrinsèque dégagés des situations permettent de rendre compte de l’activité de l’acteur dans une situation. Bien que le cours d’action fasse primer la description de l’intrinsèque sur la description extrinsèque, les éléments de la dimension extrinsèque de l’activité sont essentiels pour bien comprendre le contexte de la situation et les conditions dans lesquelles se déploie la pratique de l’acteur. En effet, certaines contraintes extrinsèques peuvent être relevées dans la description de son activité : l’état dynamique de l’acteur (l’acteur lui-même), la situation dynamique et la dynamique culturelle dans laquelle est immergée l’acteur (Theureau, 2004). L’état dynamique de l’acteur comprend les caractéristiques individuelles qui peuvent le définir en tant qu’individu, ces caractéristiques peuvent être stables (âge, sexe, caractéristiques des systèmes perceptifs, etc.) ou dynamiques (variables psychologiques). La contrainte de la situation dynamique comprend, quant à elle, les conditions dans lesquelles œuvre l’acteur, c’est-à-dire la tâche qu’il doit faire, les caractéristiques et les modes de cette tâche. Cette situation dynamique peut être individuelle, mais aussi partagée avec plusieurs autres acteurs. Finalement, la contrainte de la dynamique culturelle concerne la limite du référentiel relatif au cours d’action nommé par l’acteur. En effet, ce dernier ne sollicite pas toute sa culture à tous les moments de son activité, d’autant plus que certains éléments peuvent être considérés comme des généralités pour lui (Theureau, 2004).