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Regard sur la pratique enseignante : comprendre la mise en place d'une communauté d'apprenants (es) au sein d'un groupe d'élèves au primaire

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Academic year: 2021

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Regard sur la pratique enseignante : comprendre la

mise en place d'une communauté d'apprenants (es) au

sein d'un groupe d'élèves au primaire

Mémoire

Anne-Marie Miville

Maîtrise en psychopédagogie - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

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Regard sur la pratique enseignante : Comprendre la mise en

place d’une communauté d’apprenants.es au sein d’un groupe

d’élèves du primaire

Mémoire

Anne-Marie Miville

Sous la direction de :

Christine Hamel, directrice de recherche

Anabelle Viau-Guay, codirectrice

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Résumé

La société exige de ses jeunes citoyens qu’ils démontrent une pluralité de compétences, qu’elles soient sociales, cognitives ou émotionnelles (OCDE, 2015). Concevoir la classe en communauté d’apprenants.es est une avenue porteuse pour permettre aux élèves de faire des apprentissages signifiants (Brown et Campione, 1995). En effet, elle incite à converger vers un apprentissage collectif (MEQ, 2001), stimule le développement d’une réflexion métacognitive (Crahay, 2012) et rend les élèves davantage curieux et persévérants lorsqu’ils travaillent collectivement sur des projets qui sont au cœur de leurs intérêts et les amène à faire preuve d’autorégulation (Beishuizen, 2008). La mise en place et la viabilité d’une communauté d’apprenants.es au sein d’une classe nécessite cependant que l’enseignant.e adhère à plusieurs principes (Laferrière, Hamel, Laberge et Allaire, 2005). Or, leur tâche hétéroclite rend difficile l’adhésion et le déploiement d’une telle pratique : adaptation à la clientèle diversifiée (Tardif, 2012), pression de produire des élèves performants (Brassard, Lusignan et Pelletier, 2013; Morissette et Legendre, 2011), gestion de la classe (Gillies et Boyle, 2012), respect des curriculums d’études (Jobin, 2013), etc. L’écart considérable entre le travail prescrit et le travail réel de ces praticiens et praticiennes nous amène à nous questionner sur la mise en place d’une communauté d’apprenants.es dans une classe de niveau primaire. Cette recherche vise à décrire concrètement comment les enseignants et les enseignantes parviennent à la faire émerger tout en conciliant tous les aspects de leur pratique. Pour ce faire, le cours d’action de Theureau (2006), plus spécifiquement l’objet théorique du cours de vie relatif à la pratique (Theureau, 2006) a été utilisé. L’étude s’est réalisée auprès de deux enseignantes qui adhèrent à différents principes de la communauté d’apprenants.es nommés par Laferrière, Hamel, Laberge et Allaire (2005). Deux observations en classe ont été filmées pour ensuite réaliser des entretiens d’autoconfrontation avec les enseignantes, les invitant ainsi à replonger dans le contexte passé et décrire leur pratique (Vermesch, 2017). Notre article décrit la pratique de ces enseignantes sur un empan temporel d’une demi-année (septembre à décembre). Nos résultats illustrent que les préoccupations des enseignants.es sont multiples et que les principes de la communauté d’apprenants.es émergent progressivement sur un empan temporel et nécessitent la consolidation de certains d’entre eux d’abord.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... vi

Liste des figures ... vii

Remerciements ... viii

Avant-propos ...x

Introduction ... 1

Chapitre 1: Problématique ... 3

1. 1 La société d’aujourd’hui : construction de savoir et acquisition de compétences... 3

1.2 Les communautés d’apprenants : définition et principes ... 7

1.3 Incohérences et tensions dans la profession ... 10

1.3.1 Exigences en matière d’évaluation ... 11

1.3.2 La planification et l’appropriation des curriculums ... 13

1.3.3 La pression de devoir gérer, contrôler le groupe ... 16

1.3.4 La complexification de la tâche enseignante ... 17

1.4 Tension lors de la mise en place d’une communauté d’apprenants.es ... 19

1.5 Objectifs de recherche ... 21

Chapitre 2: Cadre théorique ... 23

2.1 La cognition située ... 23

2.2 Les postulats de base du cours d’action ... 24

2.2.1 L’enaction ... 24

2.2.2 La conscience préréflexive ... 26

2.3 Le cours d’action ... 27

2.4 Le cours de vie relatif à une pratique ... 31

2.5 Questions de recherche ... 32 Chapitre 3: Méthodologie ... 33 3.1 Recrutement ... 33 3.2 Participantes ... 34 3.3 Terrain de recherche ... 35 3.4 Collecte de données ... 35

3.4.1 Entrevue individuelle initiale semi-dirigée ... 35

3.4.2 Observations en classe ... 36

3.4.3 Entrevues d’autoconfrontation pour documenter le cours de vie relatif à une pratique ... 38

3.4.4 Le rôle de la chercheuse lors des entretiens d’autoconfrontation ... 39

3.4.5 Collecte d’informations relatives à la dimension extrinsèque de l’activité ... 41

3.5 Méthode d’analyse des données ... 42

3.5.1 La retranscription des données des entretiens ... 42

3.5.2 La construction de la chronologie « cours de vie relatif à la pratique » ... 43

3.5.3 L’analyse de la dynamique des composantes des signes hexadiques ... 45

3.5.4 Catégorisation des composantes du signe hexadique dans un logiciel d’analyse qualitative ... 48

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Chapitre 4 : Article : ... 51 Résumé ... 51 Problématique ... 52 Cadre théorique ... 56 Méthodologie ... 62 Résultats ... 68 Discussion ... 76 Références bibliographiques ... 79

Chapitre 5 : Discussion générale ... 84

5.1 Apports et limites de notre recherche à la lumière de nos objectifs ... 84

5.2 Apports et limites du cadre théorique et sa méthodologie ... 87

5.3 Pistes d’exploration futures ... 90

Conclusion ... 92

Références bibliographiques ... 94

Annexe A : Canevas de l’entrevue initiale semi-dirigée ... 102

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Liste des tableaux

Tableau 3.1 : Chronique de l'activité observée ... 38

Tableau 3.2 : Étapes de la cueillette de données et chronologie ... 39

Tableau 3.3 : Extrait de retranscription d’un entretien d’autoconfrontation (Mélanie) ... 43

Tableau 3.4 : Extrait de la chronique du cours de vie relatif à la pratique Mélanie ... 44

Tableau 3.5 : Extrait de la chronique du cours de vie relatif à la pratique et la reconstitution d’un signe ... 46

Tableau 3.6 : Nombre de signes hexadiques reconstitués pour les deux enseignantes dans chaque repère temporel de l’activité observée ... 48

Tableau 3.7 : Arbre de codes ... 50

Tableau 4.1 : Étapes de la cueillette de données ... 64

Tableau 4.2 : Extrait de la chronique de cours de vie relatif à la pratique et la reconstitution d’un signe ... 65

Tableau 4.3 : Nombre de signes hexadiques reconstitués pour les deux enseignantes dans chaque repère temporel de l’activité observée ... 67

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Liste des figures

Figure 2.1 : Dimensions du signe hexadique ... 28 Figure 4.1 : Dimensions du signe hexadique ... 59 Figure 4.2 : Proportion relative des engagements des enseignantes et évolution de ceux-ci en trois temps ... 71 Figure 4.3 : Évolution des engagements relatifs à la communauté d’apprenants.es en trois temps ... 73 Figure 4.4 : Proportion des éléments de référentiel des enseignantes mobilisés en trois temps ... 75

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Remerciements

La rédaction d’un mémoire représente certainement un projet de longue haleine et nécessite un investissement de temps, d’efforts et de ressources. Il peut certes s’agir d’un acte solitaire par moments, représentant son lot de questionnements, de réflexions, de découragements et d’excitations : de vraies montagnes russes! Hors de tout doute, la rédaction d’un mémoire signifie pour moi aujourd’hui un réel processus d’apprentissage m’ayant fait grandement cheminer. Tout au long de mon parcours, j’ai pu compter sur l’appui, le soutien et les encouragements de bon nombre de personnes m’entourant.

D’abord, je tiens à chaleureusement remercier ma directrice de recherche, Christine Hamel, pour avoir cru en mon projet et avoir su rapidement, à plusieurs reprises, mettre des mots sur les ambitions qui m’habitaient, les questions qui m’irritaient. Ton écoute, ton ouverture et ta compréhension m’ont permis de m’investir dans mon projet avec plus d’entrain et intensité! Tes commentaires, tes encouragements et tes questions m’ont amené à ne plus douter que la recherche en éducation était extrêmement pertinente, que la profession enseignante nécessitait que l’on s’y attarde pour comprendre ses conditions et ainsi toujours veiller la faire évoluer.

Également, un sincère merci à ma co-directrice de recherche, Anabelle Viau-Guay. Tu m’as plongé dans le monde de la recherche en me partageant ton expertise et tes connaissances. Par ta bienveillance et ta patience, tu m’as permis de comprendre autrement, sous un tout nouvel angle, l’activité humaine, m’incitant à me défaire de mes idées préconçues et de plusieurs jugements pour m’inviter à réellement comprendre les raisons pour lesquelles les gens s’engagent et agissent dans leur quotidien et leur profession. Tu m’as permis de devenir une personne plus réflexive, d’aiguiser et d’affiner mon regard d’étudiante, de chercheuse.

De même, merci aux membres de la communauté autour de laquelle je gravite à l’Université : Enkeleda, Joanie, Justine, Pier-Ann, Amélie et bien d’autres. Nos nombreuses discussions m’ont permis d’approfondir plusieurs de mes questions, et surtout, d’en créer de nouvelles!

J’aimerais évidemment remercier ma famille. Je me suis engagée dans cette aventure en tâchant d’éclairer une problématique qui m’irritait et vous avez souvent souffert de mes discours enflammés, teintés de frustrations sur divers aspects de l’éducation. Maman, grâce à ta passion pour l’enseignement et ton expérience, tu m’as permis de comprendre autrement les situations en apportant

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un éclairage différent à ces problématiques. Tu as toujours su me calmer dans mes ardeurs et apaiser mes états d’âme! Papa, tu m’encourages toujours à poursuivre ce que j’entreprends et que tu sembles croire sincèrement en mes capacités. Tu es certainement mon grand exemple de ténacité. Joël et Louis-Daniel, vous m’avez permis de m’évader, sans que vous le sachiez peut-être, de mes livres et de mon ordinateur à de nombreuses reprises pour profiter davantage du temps qui passe et vous m’incitez constamment à voir le vrai de la vie!

Finalement, parce que tu me comprends et que tu me permets de m’ancrer dans la réalité, merci à mon « chum », mon conjoint, Alexandre. Alors que tout pouvait me sembler si abstrait et inatteignable parfois, tu as toujours su rendre le tout concret. Merci de m’avoir écouté verbaliser trop souvent les concepts de mon projet. Tu sais si bien reprendre au vol mes élans de doute, d’anxiété et de folie pour m’inciter à me poser et à retrouver mon équilibre.

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Avant-propos

La rédaction de ce mémoire s’est réalisée par insertion d’article. Le chapitre quatre constitue l’article

L’émergence d’une communauté d’apprenants.es au sein d’un groupe d’élèves du primaire : regard sur l’activité de deux enseignantes. Pour le moment, l’article n’a pas encore été soumis à une revue scientifique, mais l’auteure compte le faire dès le dépôt de ce mémoire.

L’auteure principale de cet article, Anne-Marie Miville, est également celle qui a rédigé ce mémoire. La directrice de recherche, Mme Christine Hamel, est la deuxième auteure de l’article et la codirectrice de recherche, Mme Anabelle Viau-Guay, en est la troisième. L’ordre des auteures a été attribué en fonction de leur contribution respective dans la rédaction de l’article. Ce dernier a été rédigé de manière autonome par l’auteure principale et les coauteures en ont toutes deux supervisé et révisé la rédaction. Cet article se veut faire l’état de l’ensemble du projet de recherche du présent mémoire.

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Introduction

Aujourd’hui, la pratique enseignante est pour moi un sujet de recherche incontestablement pertinent à documenter. Je me suis d’abord et avant tout engagée dans la rédaction de ce mémoire en souhaitant comprendre comment il était possible de faire en sorte que les élèves fassent des apprentissages signifiants en contexte de classe. En effet, mes expériences de travail, alors que j’étais en insertion professionnelle en enseignement au primaire, m’ont amenée à réaliser qu’il était parfois difficile, voire confrontant de constamment vouloir situer l’élève au centre des activités d’enseignement et d’apprentissage proposées. J’ai par ailleurs réalisé que certaines conditions du métier pouvaient être contraignantes pour respecter certaines prescriptions du Programme, dont, entre autres, « faire de la classe et de l’école une communauté d’apprentissage » ou de prendre davantage un rôle de « médiateur entre l’élève et le savoir » en lui proposant des situations d’apprentissage sur ses intérêts l’incitant à prendre un rôle actif dans son processus d’apprentissage (MEQ, 2001, p.6). Étant donné ces préoccupations, mon regard d’enseignante était principalement centré sur l’élève comme étant mon objet principal d’étude.

Au fil de mes lectures, mon regard s’est peu à peu dirigé vers l’enseignant comme étant mon objet d’étude, car c’est en grande partie grâce au rôle que l’enseignant ou l’enseignante prend au sein de la classe que l’élève peut devenir davantage actif dans ses apprentissages. Cela s’avère notamment possible lorsque les enseignants et les enseignantes adhèrent à des pratiques favorisant la co-construction des savoirs (Bereiter et Scardamalia, 2010; Brown et Campione, 1995). Plus spécifiquement, la pratique de la communauté d’apprenants.es permet de situer l’élève au cœur de ses apprentissages (Brown et Campione 1995; Rogoff, 1994; Rogoff, Tukanis et Bartlett, 2001; Sewell, 2009). Force est toutefois de constater que des pratiques dites plus collaboratives peuvent parfois représenter certains défis lors de la mise en place (Gillies et Boyle, 2010; Sewell, 2011), notamment compte tenu de la complexité de la tâche enseignante (Tardif, 2012) et des différentes exigences et pressions que les enseignants et les enseignantes peuvent ressentir (Brassard Lusignan et Pelletier, 2013; Jobin, 2013; Kauffman et Johnson, 2002; Legendre et Morissette, 2011). Ainsi, mon regard s’est dirigé vers la pratique enseignante en vue de décrire comment les enseignants.es parvenaient à déployer une pratique respectant les principes de la communauté d’apprenants.es

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(Laferrière, Hamel, Laberge et Hamel, 2005) tout en rendant compte du contexte dans lequel ils et elles sont à même de la mettre en place, puisque les pratiques choisies par les enseignants.es ont un impact direct sur l’apprentissage des élèves (Wang, Haertel et Walberg, 1993).

Par ce mémoire, je souhaite permettre à des enseignants.es qui s’insèrent dans une posture plus socioconstructiviste où l’élève doit participer à la construction de ses savoirs tout en bénéficiant du support et des connaissances du groupe d’élèves de percevoir comment peut se concrétiser une telle pratique en contexte réel de classe. De plus, je désire permettre à d’autres enseignants.es de comprendre que bien que nous ayons des idéaux précis pour déployer une pratique et que nous soyons des acteurs de première ligne dans l’éducation des élèves, notre activité en tant que professionnels et professionnelles fluctue et dépend certainement des conditions dans lesquelles elle se déploie. Concrètement, je souhaite éclairer la pratique enseignante pour contribuer à l’avancement des connaissances en éducation. Nous avons ainsi mené notre étude en utilisant le cadre théorique du cours d’action (Theureau, 2006) en vue de reconstruire le cours de vie relatif à la pratique de la communauté d’apprenants.es d’enseignants.es sur un empan temporel d’une demi-année, soit de septembre à décembre.

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Chapitre 1:

Problématique

Dans ce chapitre, nous présenterons la problématique liée à l’émergence d’une communauté d’apprenants.es en contexte de classe. Dans un premier temps, nous aborderons comment cette pratique en est venue à être pertinente en enseignement, en quoi elle permet de faire des apprentissages signifiants et comment elle peut se définir concrètement. Par la suite, nous illustrerons la réalité des enseignants, les tensions qu’ils peuvent vivre et les préoccupations qui peuvent les habiter. Nous aborderons également la réalité d’enseignants.es adhérant à cette pratique. En regard de la problématique scientifique et sociale définie en fin de chapitre, nous présenterons notre objectif de recherche.

1. 1 La société d’aujourd’hui : construction de savoir et acquisition de compétences

Actuellement, la société exige de ses jeunes citoyens qu’ils mobilisent des compétences et des connaissances acquises dans leurs études dans de nouveaux contextes afin de toujours mieux performer. Sur le marché du travail, on s’attend des jeunes adultes qu’ils démontrent une pluralité de compétences, qu’elles soient sociales, cognitives ou émotionnelles (OCDE, 2015). Dès leur jeune âge, les élèves doivent les acquérir dans l’éventualité de faire face à la musique, alors que des valeurs telles que la compétition, l’innovation et la créativité sont fortement recherchées par les gestionnaires et les employeurs (Maltais et Mazouz, 2004). Certes, cette allégeance au succès est l’héritage de l’industrialisation occidentale qui a confectionné l’image selon laquelle la performance et l’individualisme permettaient d’atteindre la perfection et la réussite (Crahay, 2008; Tardif, 2012). Or, pour qu’une société soit performante, il faut d’abord former des personnes qui soient aptes à s’y insérer et de ce fait, il est inévitable que dans les écoles, l’enseignement cherche à répondre à ces besoins criants.

C’est dans l’optique de s’assurer que les élèves fassent des apprentissages durables qui allaient pouvoir être réinvestis dans de nouveaux contextes à l’extérieur de la classe et qu’ils donnent un sens aux savoirs tout en tenant compte de leur propre compréhension du monde que le « renouveau

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pédagogique » a vu le jour (Beckers et Campo, 2012). Cohérent dans sa définition officielle avec les besoins de la société évoqués plus haut, le nouveau curriculum de 2001 est orienté sur le développement de compétences. Au Québec, cela s’est concrétisé en accordant de l’importance à l’élève, au fait de l’écouter davantage, au développement de son autonomie et à son épanouissement personnel au sein des structures scolaires tout en aspirant à respecter des valeurs d’égalité, de justice et de coopération (Conseil supérieur de l’éducation du Québec, 2016). La place de l’apprenant se trouve ainsi au centre des apprentissages pour qu’il puisse faire appel à ses propres connaissances et habiletés et à sa créativité pour développer les compétences essentielles pour vivre en société (Legendre, 2008). Par ailleurs, le ministère de l’Éducation (MEQ, 2001) définit la compétence comme étant « un savoir-agir fondé sur la mobilisation et l’utilisation d’un ensemble de ressources ». Ainsi, en utilisant le terme « savoir-agir », la compétence est inhérente au contexte dans lequel elle se manifeste (Jonnaert, 2009).

Avec l’implantation du curriculum en 2001, il y avait un souci de proposer un programme qui permette aux élèves de donner du sens aux apprentissages faits et qu’ils aient une portée significative pour eux (MEQ, 2001) puisque l’école demeurait difficilement accessible pour tous malgré les principes d’égalité mis de l’avant (CSE, 1994). En fait, la réforme du système éducatif de 2001 avait comme objectif principal de réajuster les orientations et l’organisation de l’école, mais elle avait également comme visée d’encourager la relève de demain à relever des défis foisonnants d’une société en perpétuel changement : globalisation des économies, la place de la technologie, pluralisme ethnique et religieux, etc. (MEQ, 2001). À la suite des recommandations faites dans le rapport de la Commission des États généraux sur l’éducation (1996), lequel identifiait dix chantiers prioritaires pour revoir notre système d’éducation, deux d’entre eux visaient spécifiquement à « remettre l’école sur ses rails en matière d’égalité des chances » et à « restructurer les curriculums du primaire et du secondaire pour en rehausser le niveau culturel » (CSE, 2014, p.20).

Dans cette vague de changements, à la fois encouragée et soutenue par les changements dans les curriculums des systèmes scolaires dans des pays comme la France, la Belgique ou encore la Suisse romane, le Québec a ainsi pris un virage sur une vision nouvelle de l’apprentissage qui se voulait basée

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sur une approche par compétences et qui aspirait à accomplir trois missions dépendantes les unes des autres: instruire, socialiser et qualifier les élèves (MEQ, 2001; CSE, 2014). À ce moment, il était perçu comme nécessaire par une pluralité d’acteurs, d’adapter le système éducatif québécois au besoin de connaissances croissant dans la société et les élèves bénéficiant de ce changement s’y insèreraient certainement plus aisément compte tenu du fait que le savoir occupe une place prédominante dans celle-ci. Dans ce mouvement, on aspire à ce que l’école devienne le modèle d’une société démocratique respectant toutes les classes sociales en contribuant à légitimer l’égalité des chances de tous et à assurer la cohésion sociale entre tous les élèves de tous les milieux (Commission des États généraux sur l’éducation, 1996). Ainsi, en visant à instruire, socialiser et qualifier, il est attendu des élèves qu’ils se développent, se définissent dans la société d’aujourd’hui tout en s’appropriant les savoirs nécessaires pour interpréter le monde, mais aussi déployer les habiletés et les compétences requises pour y travailler et s’y développer en tant qu’individu (MEQ, 2001). Il est aussi attendu que le développement des compétences soit au cœur des classes et qu’il y ait engagement actif de la part des élèves dans les tâches scolaires.

En se situant dans le paradigme du socioconstructivisme, le Programme véhicule une façon de concevoir les savoirs qui sont enseignés à l’école, la façon dont l’appropriation se fait chez l’élève et les manières de transmettre le savoir qui permettent leur transmission (Legendre, 2007). Sans jamais prescrire spécifiquement une théorie d’enseignement quelconque aux enseignants.es, il valorise la construction de savoirs dans la culture et dans la société, « les savoirs ne sont donc pas désincarnés, puisqu’ils sont portés par des personnes, des institutions, des cultures et sont reliés à des activités ou des projets dont ils tirent en partie leur signification » (Legendre, 2009, p.69). S’engager dans un tel processus de transmission des savoirs, c’est également devoir conjuguer avec la dimension cognitive, sociale et culturelle de donner accès aux savoirs, de faire en sorte que les élèves les intériorisent pour mieux éclairer leurs actions et réflexion (Legendre, 2007). Dans la perspective socioconstructiviste, on conçoit que l’élève apprend en discutant, en coopérant avec ses pairs et en échangeant sur leur compréhension (Barth, 1993; Brown, 1994; Rogoff, 1994). L’élève n’est pas considéré comme un récipient vide que l’on remplit de connaissances, il est actif dans sa construction de savoir (Brown, 1994). Dans ce paradigme, les travaux de Vygotsky (1978) ont été mis de l’avant, puisqu’il écrit que l’apprentissage est possible lorsque l’élève est confronté dans ses conceptions initiales et qu’il est en plus amené à développer de nouveaux concepts avec l’aide d’autrui. Ce que Vygotsky (1978) définit

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comme la zone proximale de développement permet à l’élève de dépasser son niveau de développement actuel sous l’assistance d’un pair plus expérimenté. C’est donc en tant que pair plus expérimenté que l’enseignant doit agir en médiateur et réguler les échanges entre les élèves en offrant les outils nécessaires pour leur permettre de développer les concepts, mais il doit également faire les interventions appropriées pour conserver les élèves engagés dans les tâches et les activités proposées (Perrenoud, 1995; Rogoff, 1994).

Afin que l’élève parvienne à réinvestir et mobiliser les apprentissages à l’extérieur d’un contexte de classe, il doit avoir créé du sens à propos de ceux-ci. Pour ce faire, il doit notamment être confronté à des problèmes authentiques qui le concernent et l’interpellent réellement (Bereiter et Scardamalia, 2010). Toute résolution de problème implique une mobilisation de connaissances, mais pour assurer que ces apprentissages soient valables et perdurent, Bereiter et Scardamalia (2010) insistent sur le fait que la solution et les processus qui mènent à celle-ci doivent être valables pour l’élève lui-même, mais doivent d’autant plus relever d’un problème social ou du moins d’actualité. Alors que Bautier et Rayon (2009) déclare que la culture de l’élève n’est pas suffisamment invitée à s’introduire dans les travaux et les activités proposées en contexte de classe, d’autres (Scardamalia et Bereiter, 2006; Wirkala et Kuhn, 2011) considèrent qu’il est possible de tenir des discussions en classe et des négociations pour faire progresser les réflexions reposant sur un problème et ainsi construire un répertoire de connaissances communes au groupe. Pour ce faire, il doit y avoir une consultation et des échanges foisonnants quotidiennement entre l’enseignant et les élèves pour que cela soit possible. C’est notamment ce que démontrent Boutin, Hamel et Laferrière (2015) par la mise en place d’outils permettant aux élèves de différentes classes de niveaux primaires situées dans différentes écoles de co-élaborer leurs connaissances et de complexifier leurs questionnements sur des problèmes authentiques.

Concrètement, le nouveau curriculum d’études suggère d’amener les élèves à élaborer leurs connaissances en créant et en développant des concepts entre eux. Dans le quotidien d’une classe, la possibilité d’échanger et d’interagir entre pairs fait émerger diverses zones proximales de développement (Brown et Campione, 1995). À cet égard, la classe est appelée à être conçue en

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communauté d’apprenants.es dans laquelle le partage, le dialogue et le respect incitent à converger vers un apprentissage collectif (MEQ, 2001). Cette organisation de la classe nous semble prometteuse pour répondre à la fois aux besoins des élèves et aux exigences de la société actuelle. Il s’agit là d’une avenue fortement recommandée pour développer diverses compétences, mais aussi pour laisser davantage de place à l’élève dans la construction de sens (MEQ, 2001).

1.2 Les communautés d’apprenants : définition et principes

Des pratiques aujourd’hui documentées et expérimentées démontrent qu’il est possible de respecter les missions de l’école québécoise en situant l’élève au cœur de ses apprentissages. En fait, la communauté d’apprenants.es1, dans laquelle, les responsabilités et le pouvoir sont partagés (Rogoff,

1994; Rogoff, Tukanis et Bartlett, 2001; Sewell, St-George et Cullin, 2013) et dans laquelle les relations entre les apprenants et l’enseignant se font dans le respect mutuel (Bielaczyz et Collins, 1999) est une façon de concevoir la classe. Cette pratique permet notamment d’accorder une place plus importante à l’apprenant et permet une négociation entre l’enseignant et ses élèves (Rogoff, 1994). Développé dans les années 1990 par Ann Brown, le concept de communauté d’apprenants.es se voulait une façon d’enseigner les stratégies et d’améliorer la compréhension en lecture en faisant principalement de l’enseignement réciproque (« reciprocal teaching ») (Brown, 1994; Brown et Campione, 1995). Regroupés, les élèves discutaient et se questionnaient sur différentes parties d’un texte qu’ils partageaient afin de le comprendre. Ces échanges encourageaient certaines négociations entre pairs et les invitaient à partager leurs compétences (Brown et Campione 1995). Or, bien qu’elle ait été développée pour l’apprentissage de la lecture, cette façon d’apprendre peut certes être utilisée aujourd’hui pour toutes les disciplines scolaires si les situations proposées sont authentiques et rejoignent la culture des élèves.

Concevoir la classe de cette façon demande à respecter plusieurs principes. D’abord, la communauté d’apprenants.es requiert l’engagement de chaque individu dans le processus d’apprentissage pour

1 Certains auteurs parlent de communautés d’apprenants (Brown et Campione, 1995) alors que d’autres abordent le concept en le nommant « communauté d’apprentissage » (Bielaczyc et Collins, 1999; Grégoire et Laferrière, 1998; Rogoff, 1994;). Nous considérons que les deux sont synonymes, mais nous retiendrons le terme de « communauté d’apprenants.es » pour les fins de notre recherche. Également, dans ce mémoire, nous n’aborderons pas le concept de communauté de pratique. Bien que l’activité d’une communauté de pratique requière une participation légitime de tous les membres dans un processus d’apprentissage commun, elle s’adresse davantage à des individus partageant la même profession en vue d’améliorer les conditions de travail et de contribuer à la construction identitaire de la communauté (Wenger, 1999). De ce fait, nous ne retiendrons pas ce concept dans le cadre de ce mémoire puisque notre objet d’étude concerne les élèves de niveau primaire.

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répondre aux buts fixés par les membres. Cela permet aux participants de développer une attitude réflexive sur les stratégies d’apprentissage et les compétences à développer pour l’atteinte des objectifs (Brown et Campione, 1995; Bielaczyz et Collins, 1999). Elle stimule le développement d’une réflexion métacognitive (Crahay, 2008), rend les élèves davantage curieux et persévérants lorsqu’ils travaillent collectivement sur des projets qui sont au cœur de leurs intérêts et les amène à faire preuve d’autorégulation (Beishuizen, 2008). D’autant plus, la mise en place d’une communauté d’apprenants.es permet aux élèves de développer un fort sentiment d’appartenance tant envers le groupe qu’envers l’école (Osterman, 2000).

La conception de l’enseignement au sein de la communauté d’apprenants.es implique le respect du rythme d’apprentissage de chacun des élèves, puisque chacun possède des compétences et des connaissances différentes pour parvenir aux buts et aux objectifs. Ainsi constituée, la classe fait émerger plusieurs zones de développement proximal chez les enfants qui la composent (Brown et Campione, 1995). C’est pour cette raison que les buts poursuivis doivent être négociés ou du moins, coconstruits par la communauté en fonction des préférences des membres, de leurs intérêts, de leurs besoins et de leurs habiletés (Bielaczyc et Collins, 1999). De cette façon, les élèves peuvent progresser dans leurs apprentissages en se basant sur leurs forces et leurs faiblesses et respectent leur rythme d’apprentissage. Gregoire et Laferrière (1998) reconnaissent comme une condition essentielle le fait que la communauté partage une volonté commune. Pour ce faire, il faut donner du temps à la communauté pour qu’elle puisse bien s’arrimer, pour que les membres en viennent à se connaitre. Cela leur permettra éventuellement de s’engager d’une même voix et de partager un répertoire commun de significations et de définitions (Brown et Campione, 1995; Grégoire et Laferrière, 1998). Placer l’apprenant au centre des apprentissages en l’amenant à définir des objectifs communs au sein d’un groupe et créer des idées autour desquels gravite la communauté d’apprenants.es lui permet de percevoir ses apprentissages comme étant utiles et nécessaires pour l’avancement de la communauté, mais également pour comprendre la société (Bielaczync, Kapur et Collins, 2013).

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L’engagement des élèves, quant à lui, dépend beaucoup de la place qu’il s’attribue au sein de sa propre classe, comment il se définit et s’identifie dans ce milieu. Kim, Tan et Bielaczyz (2015) parlent d’apprentissages authentiques et significatifs lorsque l’apprenant se considère comme un membre actif de la communauté et que ses contributions mènent à l’avancement de celle-ci. Il faut également que ses apprentissages émergent de contextes authentiques, que ses productions et ses réalisations (artéfacts) servent à faire progresser le savoir collectif de la communauté et finalement que l’environnement d’apprentissage favorise l’utilisation de technologies pour supporter la création d’artéfacts (Kim, Tan, Bielaczyc, 2015). En étant appelé à collaborer avec ses pairs au sein d’une communauté d’apprenants.es, l’élève peut alors négocier son rôle au sein d’une équipe et du groupe-classe et s’y définir comme un membre à part entière.

Dans une telle pratique, le rôle de l’enseignant consisterait, entre autres, à réguler les échanges et à assurer l’engagement des membres du groupe dans une tâche ou des activités (Rogoff, 1994). Laferrière, Hamel, Laberge et Allaire (2005), rassemblent les caractéristiques de la communauté d’apprenants.es sous sept principes desquels dépendent son développement et son existence.

- L’établissement d’un fonctionnement de classe démocratique : Le pouvoir dans la classe doit être partagé entre l’enseignant et les élèves. La prise de décision doit se faire collectivement, même s’il demeure malgré tout la figure d’autorité au sein du groupe-classe.

- L’explicitation des buts d’apprentissage communs : Les objectifs d’un projet ou l’intention d’une situation d’apprentissage doivent être explicités et il faut que tous les membres aient une compréhension commune des buts afin de mobiliser leurs connaissances et leurs compétences pour l’atteindre.

- Une cohésion et une ouverture au sein du groupe : La collaboration est de mise pour le bon fonctionnement de la communauté. Le respect des différences, l’écoute et le partage sont donc des valeurs importantes pour développer un fort sentiment d’appartenance.

- La proposition de problèmes authentiques en classe : Les situations d’apprentissage doivent consister en des problèmes authentiques et réels qui permettent aux élèves de faire des liens

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avec le monde dans lequel ils vivent et ils évoluent. Les connaissances et les compétences développées dans ces situations pourront alors être réinvesties dans un tout autre contexte. - Un dialogue et des échanges entre les membres du groupe : Pour faire progresser le groupe,

il faut que les membres partagent leurs réflexions, leurs idées et leurs questionnements. - La légitimité et la reconnaissance des connaissances et des compétences individuelles des

membres : Tout un chacun est valorisé à parts égales dans la communauté. Les connaissances et les compétences de tous les apprenants sont reconnues et valorisées. - Le développement professionnel communautaire : Pour concevoir la classe comme une

communauté d’apprenants.es, il est conseillé aux enseignants d’échanger entre eux afin qu’ils se soutiennent dans la mise en place de cette organisation. Cela constitue un apprentissage et s’il est partagé avec d’autres collègues ou experts, l’enseignant sera mieux outillé et sa pratique évoluera au fil des échanges.

En fait, la communauté d’apprenants.es souscrit à l’idée de bâtir les séquences d’enseignement en y situant l’élève au cœur de celles-ci et à enseigner aux élèves à vivre-ensemble pour co-construire leurs connaissances. En s’appuyant sur l’idée de construire un discours collectif en vue de contribuer à la résolution d’une problématique authentique qui touche les élèves, la parole appartient aux élèves pour faire émerger leurs idées et leurs intérêts sur tout sujet traité en classe. Pour faire émerger une communauté d’apprenants.es, il faut alors que les enseignants se positionnent dans une perspective d’enseignement qui valorise la co-construction des savoirs. Bien que les prescriptions favorisent le déploiement de pratiques qui soutiennent des valeurs comme celles de la communauté d’apprenants.es, il demeure à savoir si réellement, leur tâche leur permet de tendre vers une telle pratique.

1.3 Incohérences et tensions dans la profession

Comme dans tous les métiers, il existe une tension dans la pratique des enseignants et des enseignantes, soit la tension entre leur travail réel et les prescriptions provenant de diverses sources

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(curriculum d’études, loi sur l’instruction publique, etc.). La mise en place d’une communauté d’apprenants.es exige sans équivoque des efforts de la part des enseignants et des enseignantes compte tenu de la lourdeur de leur tâche. Le travail réel se définit comme valorisant les interactions dans les situations de travail, et ce, parfois au détriment de l’application des prescriptions (Perrenoud, 2014). Les préoccupations des enseignants.es inhérentes à la posture ou au rôle qu’ils doivent prendre pour faire émerger une communauté d’apprenants.es peuvent être nombreuses. En effet, outre le fait de devoir respecter le curriculum d’étude en transmettant les savoirs qui y sont prescrits, les enseignants.es ont le rôle de former des citoyens autonomes qui sont capables de porter un regard sur le monde complexe dans lequel ils vivent pour mieux l’affronter (Legendre, 2007). Nous explorerons ci-dessous certains aspects de leur pratique telles que les exigences en matière d’évaluation, les enjeux de planification et d’appropriation du curriculum, la gestion de la classe et la définition complexe de leur tâche qui peuvent représenter des enjeux au moment de mettre en place une pratique telle que la communauté d’apprenants.es.

1.3.1 Exigences en matière d’évaluation

Cette réalité, soit d’être un.e enseignant.e tel que cela est prescrit et à la fois devoir respecter les hautes exigences de la société envers l’éducation des élèves crée inévitablement une tension et peut certes être préoccupante pour le corps enseignant. Dans le quotidien de la classe, les enseignants.es sont confrontés à des attentes de performance pour les élèves et des demandes provenant des élèves eux-mêmes, de leurs parents, de la direction, mais aussi du Ministère (Rayou, 2014; Tardif, 2012). L’évaluation est alors un enjeu pour les enseignants.es. Perrenoud (2005) compare la surévaluation en enseignement à un système de santé qui chercherait d’abord et avant tout à « produire des bulletins de santé » plutôt que de guérir ses patients.

Dans les faits, l’évaluation, qu’elle soit sommative ou formative, a comme objectif de rendre compte de la progression des élèves. Elle doit essentiellement être utilisée par l’enseignant.e afin de lui permettre « d’ajuster ses interventions pédagogiques en conséquence » du processus d’apprentissage des élèves (MEQ, 2001, p. 11). Outre cette définition, la question des notes et des bulletins demeure épineuse, car les professionnels et professionnelles en enseignement doivent en plus conjuguer avec

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les attentes des parents. En effet, comme la société exige de faire des élèves des êtres performants, ces derniers peuvent être très soucieux de savoir si leur enfant réussit et si tel en est le cas, où se situe-t-il par rapport à ses pairs dans son groupe et s’il détient les savoirs pour réussir. Les notes quantitatives tendent à leur indiquer le niveau de réussite des enfants par rapport au groupe, répondant ainsi aux besoins des parents. D’autre part, les bulletins dotés de notes qualitatives peuvent permettre de les informer plus spécifiquement en leur envoyant de nombreuses évaluations faites en classe et en définissant les objectifs et le niveau de maitrise qu’en ont les enfants, exigeant alors une interprétation des notes par les parents (Perrenoud, 2005). Deslandes et Rivard (2011) ont cherché dans leur étude à connaitre les points de vue des éducateurs (enseignants.es généralistes et spécialistes, personnels offrant des services complémentaires au sein de l’école, membres de la direction, etc.) par rapport aux connaissances, au sentiment de compétence, au rôle et à la compréhension des parents en matière d’évaluation des apprentissages. Il en ressort que les enseignants.es perçoivent les évaluations comme étant un outil permettant aux parents de savoir si leurs enfants sont en mesure ou non de réussir dans la vie. Les professionnels reconnaissent également que les parents des élèves ne savent pas toujours comment déchiffrer le bulletin, le comprendre et ils cherchent souvent à comparer les résultats de leurs enfants à ceux des autres. Il apparait dans le discours de ces praticiens et praticiennes que les parents associent une valeur sociale aux notes obtenues plutôt que d’en faire une lecture leur permettant de voir la progression, le cheminement scolaire ou l’appropriation des savoirs en classe. La pression d’évaluer que ressentent les enseignants.es peut donc émaner en grande partie de la préoccupation des parents, mais également de la part du système d’éducation qui veut répondre à la demande de performance de la société (Brassard, Lusignan et Pelletier, 2013; Legendre et Morrissette, 2011).

Bien que l’évaluation nuise à la performance des élèves ou au développement de leur estime de soi (Butera, Buchs et Darnon, 2011), elle est bien présente dans la planification des enseignants.es car elle est une exigence du système éducatif. Cette tendance se dessine aussi dans les classes de l’éducation préscolaire, où les enseignants.es ressentent de plus en plus la pression de devoir enseigner des savoirs disciplinaires, et ce, parfois au détriment du jeu et de la spontanéité de très jeunes enfants (Bodrova, 2008). Ainsi, l’évaluation est une finalité en soi qui préoccupe fortement les enseignants.es et qui, conséquemment, affecte leur pratique. Les enseignants.es ressentent la pression de faire réussir les élèves lors des examens et ils peuvent en venir à enseigner uniquement

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les contenus nécessaires pour répondre aux questions des évaluations ou encore préparer les élèves en vue de la passation des tests standardisés (« teaching to the test ») (Dembélé et al., 2013; Volante, 2006). Les enseignants.es peuvent ainsi se retrouver comme étant les acteurs et les actrices de premières lignes à devoir concilier les attentes de la société et les besoins des élèves, alors que plusieurs autres exigences leur sont imposées dans leur tâche d’enseignement (Tardif, 2012). L’évaluation demeure une préoccupation fort importante dans la pratique enseignante et comme nous l’avons constaté, elle peut inviter des mises en application diverses.

1.3.2 La planification et l’appropriation des curriculums

Les enseignants.es ne se soucient pas uniquement de la performance de leurs élèves, le quotidien de la classe les préoccupe tout autant. Entre autres, ils et elles se préoccupent de la planification et de la gestion des interactions entre élèves, ils et elles peuvent craindre que ces derniers ne socialisent davantage en classe qu’ils apprennent si le travail se fait de manière collaborative (Gillies et Boyle, 2010). Alors qu’il est recommandé de situer les élèves au cœur de leurs apprentissages, les enseignants.es peuvent être inquiets et inquiètes d’utiliser les élèves comme étant une ressource pour la classe et peuvent se sécuriser dans ces cas en suivant le curriculum et en cherchant à couvrir les notions qui y sont citées (Bielaczyc, Kapur et Collins, 2013). En conséquence, les élèves ont souvent peu de chance d’approfondir les sujets, de les étudier sous toutes leurs facettes et de faire des liens avec d’autres disciplines.

Dans la volonté de planifier davantage à partir des élèves, Messiva (2001) a fait l’expérimentation de faire émerger une communauté au sein de sa classe dans laquelle les connaissances pouvaient se construire collectivement (« knowledge building community »). En laissant les élèves construire eux-mêmes leur programme et établir les liens entre les différentes connaissances et disciplines, il a constaté que les élèves étaient davantage enthousiastes, intéressés et qu’ils étaient en mesure de mobiliser les connaissances dans d’autres contextes que celui de la classe. Or, cela s’est avéré confrontant, car l’enseignant admettait trouver plus confortable de suivre le curriculum que de partir des intérêts et des objectifs des élèves compte tenu de son expérience en enseignement (Messiva, 2001). Également, dans leur étude, Kauffman et Johnson (2002) révèlent que les enseignants.es

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débutants du Massachusetts composent avec la réalité de devoir planifier et préparer le matériel scolaire nécessaire pour soutenir les apprentissages des élèves. Ce matériel n’est toutefois pas toujours disponible et accessible et les enseignants.es se retrouvent alors devant l’obligation d’en créer qui réponde à leurs besoins. Ils et elles prennent alors du temps pour créer les documents ou les activités nécessaires en cherchant évidemment toujours à répondre aux exigences et de rencontrer les attentes du curriculum. Par conséquent, les enseignants.es dépensent beaucoup d’énergie à planifier, et ce, en plus de devoir gérer le groupe d’élèves ou encore à communiquer avec les parents à la sortie des classes. Le temps pour songer aux pratiques pédagogiques qu’ils ou elles souhaiteraient favoriser au sein de leur classe et aux manières de les mettre en application se veut souvent restreint (Kauffman et Johnson, 2002). De surcroît, la tâche des enseignants.es du primaire est constituée de telle sorte que ces derniers se doivent d’enseigner et de maitriser le contenu de plusieurs matières scolaires et ce défi est très exigeant, entre autres, pour un.e enseignant.e débutant qui vit une pression de performance à ses débuts dans la profession (Martineau et Vallerand, 2008).

Au Québec, la progression des apprentissages au primaire a notamment été élaborée pour servir d’outil afin d’aider les enseignants.es dans leur planification des apprentissages et d’uniformiser les savoirs essentiels en fonction de la progression des élèves et de leur cycle d’études. Cet outil se veut un répertoire de chaque discipline scolaire contenant des précisions sur les connaissances à enseigner aux élèves. Chaque domaine d’apprentissage regroupe les connaissances qui doivent être planifiées à l’enseignement pour chacune des années du primaire. Comme il revient à l’enseignant.e, conformément à la Loi du l’instruction publique (article 19), « de choisir les modalités d’intervention pédagogique qui correspondent aux besoins et aux objectifs » de son groupe-classe, il ou elle peut organiser sa planification tout en utilisant la PDA comme guide (MEQ, 2016). Cet outil rend possible la construction d’un curriculum basé sur les besoins et les intérêts des élèves. Certaines écoles alternatives, entre autres les écoles ancrées dans la pédagogie Freinet, valorisent la planification des curriculums et des séquences d’enseignement en concomitance avec l’émergence des intérêts et des besoins des élèves. Dans celles-ci, la particularité est que les enseignants.es peuvent, en plus de la Progression des apprentissages, s’appuyer sur les trente invariants développés par Freinet qui abordent la nature de l’enfant, ses réactions et les techniques éducatives permettant à l’enseignant de guider son enseignement et ses réflexions (Freinet, 1994). Par exemple, on y fait place à une

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dimension coopérative plus grande au sein de la classe en sortant des manuels scolaires et des cahiers d’exercices.

Bien que le fait de planifier au fur et à mesure en tenant compte des intérêts et du vécu des élèves soit fait avec la volonté d’engager davantage les élèves dans leurs apprentissages, il n’en demeure pas moins que cette prescription se veut quelque peu paradoxale. En effet, la tâche associée à ce type de planification peut être beaucoup plus laborieuse et insécurisante que lorsque les enseignants et les enseignantes suivent à long terme ou à court terme une planification proposée par un manuel d’une maison d’édition en vue de couvrir toutes les notions pour l’année scolaire (Jobin, 2013). Dans son mémoire, Jobin (2013) éclaire l’apprentissage de neuf enseignantes qui travaillent dans une école centrée sur la pédagogie Freinet. Elle démontre que, malgré des conditions qui se veuillent plus favorables (les principes, les valeurs et les techniques étant déjà établis) pour la mise en œuvre d’une pédagogie alternative, les enseignantes devaient malgré tout affronter plusieurs obstacles et faire un long cheminement avant d’être à l’aise de dispenser un enseignement centré sur les besoins, les intérêts et le vécu des élèves. Ces enseignantes de l’école optionnelle Yves-Prévost2 rencontrées dans

le cadre de cette l’étude ont affirmé être réticentes à partager rapidement le pouvoir décisionnel avec les élèves au sein de la classe. La place de la négociation ainsi que le niveau d’implication des élèves dans le fonctionnement de la classe et dans la planification des projets ont été difficiles à situer et à mettre en place dans leur pratique. Les limites du pouvoir décisionnel à prendre en classe sont difficiles à distinguer et relèvent d’un processus de développement professionnel et personnel propre à chaque enseignante (Jobin, 2013). La place à accorder aux élèves dans les prises de décision demeure un défi entre autres, car il peut être difficile de se détacher de l’image de l’enseignement traditionnel dans lequel l’enseignant profite de la quasi-totalité du pouvoir en classe. En plus, l’arrimage du programme de formation (PFEQ) avec les intérêts des élèves et la gestion des apprentissages sans support des cahiers d’exercices ou des manuels ont également été nommés comme des difficultés pour adhérer à une telle pédagogie. L’appropriation des outils de travail et des techniques d’enseignement se fait après plusieurs années d’expérience et d’observation pour que finalement les enseignantes parviennent à bien les maitriser tout en les arrimant à leur compréhension et leur personnalité. Pour s’insérer dans une telle pratique, Jobin (2013) nomme que les enseignants.es doivent être prêts à

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constamment se former et se remettre en question, mais il faut également qu’ils et elles soient soutenus par une équipe-école qui partage les mêmes valeurs et les mêmes visions de l’enseignement et de l’apprentissage. Malgré des conditions qui peuvent être s’avérer favorables à l’adhésion d’une pratique d’enseignement qui soit plus centrée sur l’élève, comme dans le cas des enseignantes à l’école Yves-Prévost, le mémoire de Jobin (2013) illustre qu’il peut demeurer difficile de concevoir la classe sur les valeurs exprimées précédemment et de planifier les contenus à faire apprendre en fonction des intérêts et des besoins des élèves représente un défi d’envergure.

1.3.3 La pression de devoir gérer, contrôler le groupe

En plus d’être préoccupés par l’évaluation des apprentissages souvent axée sur la performance et sur la planification des contenus à enseigner, les enseignants.es doivent prendre en compte la charge et la gestion d’un groupe. Daguzon et Goigoux (2012) notent que les préoccupations des enseignants.es relatives à la gestion de la classe sont trop importantes, et ce, particulièrement chez les enseignants.es débutants pour qu’ils et elles envisagent des pratiques pédagogiques qui accordent beaucoup plus de place à l’élève. Bien que les enseignants.es français en stage peuvent valoriser le rôle de médiateur, c’est-à-dire favoriser les échanges et la coopération, plutôt que de diriger le groupe de manière autoritaire, la gestion du groupe peut parfois les inviter, à regret, à délaisser cet aspect de leur rôle. En effet, aspirer à placer l’élève au centre de ses apprentissages peut exiger des planifications exigeantes qui doivent présenter à la fois un enseignement de qualité et une bonne gestion du groupe. De ce fait, ces derniers peuvent peiner à trouver des collègues partageant la même vision qu’eux, la même vision et définition de leur rôle (Daguzon et Goigoux, 2012). Des enseignants débutants français travaillant en milieux défavorisés relèvent également des contradictions entre les prescriptions du curriculum et les contraintes vécues dans leur pratique (Butlen, Peltier-Barbier et Pézard, 2002). La nécessité de socialiser des élèves pour qu’ils apprennent à travailler dans le respect des différences de chacun est, pour eux, incompatible avec le fait de devoir enseigner des savoirs aux élèves, puisque la mission de socialisation est trop lourde. D’ailleurs, la conception d’apprentissage selon laquelle les élèves doivent construire, découvrir par eux-mêmes et être actifs cognitivement dans la tâche leur semble utopique compte tenu de la pression qu’ils ressentent de devoir amener les élèves à réussir rapidement. La construction d’un répertoire de connaissances communes définies collectivement par le groupe semble impossible, car il faut davantage individualiser les interventions et les activités proposées pour qu’elles

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soient réalisables. Fréquemment, les activités proposées en classe ne sont pas authentiques et ne sortent pas du contexte de classe. Ces incohérences, comme les appellent Butlen, Peltier-Barbier et Pézard (2002), ne permettent pas de mettre en place un contexte de classe qui respecte un curriculum bâti à partir des besoins des élèves. Aux prises avec un ou des groupes scolaires difficiles, ces enseignants ne parviennent pas toujours à se détacher des pratiques traditionnelles, car elles leur permettent de rapidement taire leurs craintes sur ce qui les préoccupe dans la prise en charge d’un groupe. Ainsi, nous constatons que le travail prescrit des enseignants est parfois difficile à cerner et qu’il exige une forme de souplesse afin de conserver leur autonomie professionnelle.

Dans une étude longitudinale réalisée auprès d’enseignants dans 60 écoles primaires et secondaires d’Espagne (Saborit et al., 2016), a illustré qu’enseigner en valorisant la collaboration nécessitait en effet de détenir certaines connaissances et expériences, notamment d’avoir suivi des formations sur l’apprentissage dit plus collaboratif. Évidemment, ceux ou celles souhaitant adhérer à de telles pratiques doivent démontrer une attitude positive envers l’implantation de celles-ci. Il en ressort que la formation est essentielle, tout comme l’appui et le soutien de l’institution scolaire pour que les enseignants.es aient une attitude positive envers de telles pratiques et tendent à les concrétiser au sein de leur classe. De fait, les enseignants.es cumulant un bon nombre d’années d’expérience peuvent s’avérer réticents à adhérer ou à changer leur pratique pour converger vers un enseignement où la collaboration est de mise dû au fait qu’ils et elles ont pu, au fil des années, s’identifier et s’approprier un style d’enseignement dit plus traditionnel qui leur convient davantage et que le changement de pratique peut représenter d’énormes défis d’appropriation (Saborit et al., 2016). Bien que des pratiques comme la communauté d’apprenants.es puissent être prescrites, il s’avère que les enseigants.es doivent recevoir des formations, être outillés et soutenus dans le déploiement de telles pratiques pour leur permettre de mieux surmonter les défis de leur tâche.

1.3.4 La complexification de la tâche enseignante

Ces dernières années, la tâche des enseignants et des enseignantes du Québec s’est complexifiée considérablement, augmentant ainsi leurs préoccupations au quotidien. Notamment, Tardif (2012) déplore plusieurs aspects de la tâche enseignante qui tendent à expliquer cette complexification. Il l’explique, entre autres, par l’arrivée d’élèves en situation de handicap ou en difficulté d’adaptation

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et/ou d’apprentissage (EHDAA) au sein des classes régulières et dont l’intégration s’accompagne trop souvent par un manque de ressources et de soutien. Ces élèves peuvent certes représenter un défi pour les enseignants.es, mais les classes régulières sont elles aussi de plus en plus diversifiées (langues, religions, cultures). En fait, l’auteur dénonce l’influence néolibérale du gouvernement qui, en insistant sur le développement d’une société de performance, nuit et dévalorise la condition enseignante. De plus en plus, les enseignants.es travaillent sous pression en vue de répondre à ces hautes exigences et attentes de la société. Il est attendu, entre autres, qu’ils et elles travaillent avec des groupes plus nombreux, démontrent rapidement les compétences professionnelles, agissent en respectant leur rôle et les responsabilités qui y sont liées et s’adaptent rapidement à l’hétérogénéité grandissante de leur clientèle (Tardif, 2012). Le quotidien des enseignants.es est ainsi ponctué de nombreuses préoccupations liées à leur tâche hétéroclite qui peuvent être en contradiction avec les prescriptions. Trop souvent, les enseignants et les enseignantes sont appelés à ramener ces tâches à l’extérieur de leur environnement de travail, ce qui peut nuire à leur santé physique et psychologique. La précarité en enseignement apporte également son lot de préoccupations auprès du corps enseignant. En effet, la situation à laquelle sont confrontés notamment les enseignants.es débutants.es en insertion professionnelle, apporte un éclairage sur les différentes préoccupations des praticiens et praticiennes, d’autant plus que cette précarité peut se vivre pendant plusieurs années (Martineau et Vallerand, 2008; Mukamurera, 1999). Les tâches d’enseignement les plus difficiles sont rejetées par les enseignants.es d’expérience et sont attribuées aux débutants.es dans la profession. De cette situation, des difficultés liées à la gestion de la classe, aux élèves en difficulté d’apprentissage, à la motivation des élèves ou encore le manque de ressources sont exacerbées, illustrant ainsi la complexité de la tâche (Gingras et Mukamurera, 2008). Qu’ils ou elles aient donc plusieurs années d’expérience ou viennent d’intégrer le système scolaire québécois, les enseignants.es sont tous confrontés.es à une lourde tâche qui s’accompagne d’une charge mentale et morale (Tardif, 2012). La profession repose en fait sur une capacité de l’enseignant.e de s’adapter aux contextes changeants, à une clientèle de plus en plus diversifiée et ces transformations constantes sont très préoccupantes pour ces derniers (Martinet, Raymond et Gauthier, 2001). La complexification de la tâche ces dernières années inquiète grandement les praticiens et les praticiennes. À un point tel que les enseignants.es ont revendiqué des changements dans le système, entre autres pour diminuer le ratio d’élèves par classe et augmenter les ressources allouées à l’intégration des élèves en difficulté (Fédération des syndicats de l’enseignement, 2017). Au regard de la situation actuelle, les enseignants.es tentent de trouver un certain équilibre entre leurs préoccupations provenant de la large

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déclinaison de leur tâche et les prescriptions ministérielles qui les incitent à laisser toujours plus de place à l’élève dans la construction de ses connaissances comme nous l’exploiterons ci-dessous en présentant les enjeux perçus lorsqu’ils ou elles tâchent de valoriser la pratique de la communauté d’apprenants.es.

1.4 Tension lors de la mise en place d’une communauté d’apprenants.es

Certains chercheurs se sont spécifiquement intéressés à la mise en place d’une communauté d’apprenants.es dans un contexte de classe. Entre autres, en Nouvelle-Zélande, Sewell (2011) s’est penchée sur la façon dont s’élaboraient des communautés d’apprenants au sein de classes de niveaux primaires. Dans cette étude, quatre enseignants.es ont été observés alors qu’ils travaillaient à développer de telles communautés. Les objectifs de la chercheuse étaient de comprendre comment les enseignants.es et les élèves adaptaient leur participation alors qu’ils travaillaient à développer une communauté d’apprenants.es au sein de la classe et de cerner les facteurs qui contribuaient ou entravaient au développement de cette pratique. Plusieurs éléments positifs sont ressortis de cette étude. On dénotait entre autres que cela permettait aux élèves et aux enseignants.es d’échanger sur le plan intellectuel, social et émotionnel (Sewell, 2006). Également, les discussions et les prises de décision en classe pouvaient être beaucoup encouragées et pouvaient se faire dans le respect, car les enseignants.es prenaient le temps de modeler des comportements prosociaux tout en valorisant le respect des opinions de chacun (Sewell, 2011). Les occasions de discussion et d’échange permettaient de favoriser la cohésion du groupe et de développer un fort sentiment d’appartenance à celui-ci. Par conséquent, le lien d’attachement entre l’enseignant ou l’enseignante et les élèves était plus fort et ceux-ci se confiaient plus facilement.

L’étude de Sewell (2011) a démontré que d’aspirer à développer une communauté d’apprenants.es au sein d’une classe primaire ne relève pas uniquement de l’adoption d’une pédagogie, mais concerne plus largement des changements de la part des enseignants.es au niveau personnel, interpersonnel et professionnel. Dans une perspective socioculturelle, la chercheuse a observé que la pratique des enseignants.es pouvait évoluer pour les amener à croire en la co-construction des savoirs (niveau personnel) au fils des activités d’apprentissages favorisant les échanges intellectuels, sociaux et

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émotionnels (niveau interpersonnel) pouvant les inciter à percevoir leur pratique comme étant davantage une activité culturelle partagée avec les élèves (communautaire). Dans cette perspective, les enseignants.es doivent accorder une grande importance à une approche socioculturelle de l’apprentissage et supporter l’idée de partager la prise de décision en classe et faire preuve de résilience dans la lutte au changement qu’ils ou elles souhaitent mener dans leur pratique, puisque c’est entre autres la confrontation entre les valeurs et les rites de l’enseignement traditionnel et les innovations de l’enseignement en communauté qui représentaient les plus gros défis dans l’étude de Sewell (2011). En effet, les enseignants.es peuvent demeurés réticents de céder une partie du pouvoir qu’ils ont en classe et à se détacher de l’enseignement tel qu’il était traditionnellement dispensé (Sewell et al., 2013; Sewell, 2001; Rogoff, 1994; Rogoff, Turkanis, et Bartlett, 2001).

Également, au Québec, quelques projets ont été mis en place pour soutenir la mise en œuvre des communautés d’apprenants au sein d’un groupe-classe, notamment un programme permettant d’ouvrir le dialogue entre les élèves. Dans le projet « Mieux vivre ensemble », des communautés d’apprenants en réseau interreliées ont été développées dans des milieux scolaires (Laferrière, 2005). Ce projet a vu le jour pour faire éclore ces communautés via l’utilisation d’un site Internet permettant de mettre en réseau de différentes écoles et classes pour rapprocher les acteurs sociaux et permettre le dialogue entre eux. En effet, Laferrière (2005) a utilisé la notion de « communautés d’apprenants en réseau » pour décrire des apprenants, qu’ils soient jeunes ou adultes, actifs dans le développement de leurs connaissances en ayant recours à un réseau numérique. Ainsi, les apprenants avaient la possibilité de négocier entre eux en vue de co-élaborer le sens des connaissances. Environ 70 classes du primaire et du secondaire ont été inscrites à ce projet et ont pu bénéficier de cet outil pour accéder à des formations, à des ressources pédagogiques ou voir des activités réalisées dans des classes à l’extérieur des murs de leur propre école. Le fait de pouvoir facilement échanger avec d’autres communautés d’apprenants a été perçu comme un bénéfice pour ces classes et la participation à l’expérimentation s’est révélée très bonne selon Laferrière, Hamel, Laberge et Allaire (2005). Qu’en est-il toutefois d’insérer une telle pratique en contexte de classe, c’est-à-dire enseigner en laissant une place au discours collectif au sein du groupe d’élèves? Comment les enseignants.es parviennent à conjuguer avec tous les enjeux de leur profession tout en favorisant des pratiques qui valorisent la co-construction de savoirs entre les élèves? De telles questions nous habitent et nous tâcherons d’y apporter un certain éclairage avec nos objectifs de recherche présentés ci-dessous.

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1.5 Objectifs de recherche

À la lumière des études présentées dans la problématique, nous constatons qu’il peut exister un écart entre le travail prescrit chez les enseignants.es et leur travail réel dans le contexte actuel. La littérature illustre que le fait d’adhérer à la pratique de la communauté d’apprenants.es permettrait aux élèves de co-construire leurs connaissances, de s’engager dans leur processus d’apprentissage, de faire des apprentissages signifiants, etc. (Bielaczyz et Collins, 1999; Brown et Campione, 1995; Rogoff, 1994; Rogoff, Turkanis et Bartlett, 2001; Sewell, 2009). Or, il semble s’avérer que le quotidien des enseignants et les enseignantes leur offre une diversité de défis ou de contraintes : exigences en évaluation, planifier en respectant les curriculums et les élèves, gestion du groupe, complexité de la tâche. Compte tenu des conditions actuelles, cela peut prendre des années pour un.e enseignant.e afin qu’il ou elle parvienne à mettre en place une pratique qui respecte certains principes de la communauté d’apprenants.es. Bien qu’à la lecture de notre problématique, les changements dans les pratiques enseignantes puissent paraitre peu probables étant donné que l’enseignement semble être enraciné dans la tradition (CSE, 2016), la réalité des enseignants.es peut s’avérer bien plus complexe avec l’éventail d’enjeux qu’ils confrontent. De ce fait, l’activité enseignante est sans équivoque essentielle à documenter car les pratiques auxquelles adhèrent les enseignants.es ont un effet fort considérable sur l’apprentissage des élèves (Hattie, 2017; Wang, Haertel et Walberg, 1994). Alors qu’il semble que la pratique de la communauté d’apprenants.es soit pertinente et possible à mettre en place (Messiva, 2001; Rogoff, Turkanis et Bartlett, 2001; Sewell, 2001), nous souhaitons décrire comment font concrètement des enseignants.es qui y parviennent, et ce, particulièrement au Québec. Comment ces derniers font-ils pour parvenir à mettre en place une communauté d’apprenants.es dans leur contexte de classe, c’est-à-dire en tenant compte des contraintes de l’environnement, de la composition du groupe, de leur tâche, des exigences et des pressions qu’ils ressentent? Plus précisément, notre recherche vise à comprendre l’activité des enseignants.es et décrire en quoi et comment, en contexte réel, ils ou elles tentent de concrétiser les différents principes de la communauté d’apprenants.es. Ainsi, nous aspirons à mieux comprendre l’activité réelle des enseignants.es, notamment en identifiant les préoccupations qui habitent les enseignants et les enseignantes lors d’un déploiement d’une telle pratique, les savoirs sur lesquels ils ou elles s’appuient pour s’engager et mettre en place un ou plusieurs principes de la communauté, ce qui les incite à agir et la façon dont

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concrètement ils ou elles s’engagent, c’est-à-dire ce qu’ils ou elles font dans une situation réelle de classe pour concrétiser la pratique de la communauté d’apprenants.es.

Références

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