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C. Une analyse de la motricité facilitée

V. Présentation du programme de recherche du cours d’action

1. Le cours d’action : une approche située de l’activité humaine

Le programme de recherche du cours d’action s’inscrit dans une approche énactive de l’activité humaine (Varela, 1989), en opposition avec une approche cognitiviste de l’activité humaine. Cette approche énactive de l’activité humaine se rapproche d’une « épistémologie de l’action » (Saury et al., 2013). Elle défend une conception de l’activité comme située dans un environnement, singulière et indéterminée, qui émane des interactions que l’individu entretient avec son environnement matériel, social. Elle s’oppose alors à une « épistémologie des savoirs » (ibid.), selon laquelle l’activité dépend de la mobilisation de représentations et de savoirs ancrés chez l’individu au niveau cognitif. De façon globale, deux postulats viennent spécifier l’activité humaine dans le cadre d’une approche énactive, et permettre la définition d’objets théoriques permettant d’accéder à l’activité de l’acteur (Durand, 2008) ; il s’agit des postulats de l’énaction, et de la conscience pré- reflexive.

Le postulat de l’énaction peut se résumer en la capacité des systèmes vivants à s’auto-produire (Varela et Maturana, 1994). Cette auto-production, aussi appelée autopoièse par ces mêmes auteurs suppose que le système formé par l’acteur et son environnement constitue un système autonome. Ainsi le système vivant, dans son rapport à l’environnement, va progressivement spécifier et transformer sa structure selon une logique circulaire. Ce rapport circulaire du système vivant à l’environnement est constitutif d’un « couplage structurel ». Ce couplage structurel est asymétrique, dans la mesure où le système vivant n’interagit qu’avec ce qui est source de perturbation pour son organisation. (Theureau, 2006). Ce dernier construit alors son « monde propre », son point de vue propre sur l’environnement. En somme, l’hypothèse de l’énaction tient à ce que l’acteur est couplé avec l’environnement. A chaque instant,

engager une démarche compréhensive au sein des recherches, afin de comprendre comment l’acteur s’adapte à son environnement.

Le postulat de la conscience pré-réflexive repose sur le fait que l’activité humaine est à tout instant accompagnée d’un vécu qui donne lieu à une conscience pré- reflexive, qui caractérise « l’effet de surface de la dynamique du couplage structurel de

l’acteur avec son environnement » (Theureau, 2006, 42). Cette conscience pré-réflexive

dépasse la notion de conscience et désigne la description de ce qui, dans l’activité, est

« montrable, racontable, commentable par l’acteur à tout instant de son déroulement à un observateur-interlocuteur moyennant des conditions favorables » (Theureau, 2006,

42). De ce fait, ce n’est qu’en s’intéressant au vécu de l’acteur que nous pouvons avoir accès à la dynamique du couplage structurel de l’acteur. En somme la conscience pré- réflexive accompagne l’activité de façon continue et rend compte de façon partielle de cette même activité.

En accord avec ces deux postulats, une approche disciplinaire dans laquelle se situe le programme de recherche du cours d’action étudie l’activité humaine dans une perspective énactive : il s’agit de l’anthropologie cognitive. Cette discipline s’appuie sur des présupposés permettant d’analyser l’activité et l’expérience des acteurs en situation, notamment dans le domaine éducatif (Gal-Petitfaux, Sève, Cizeron et Adé, 2010, Gal-Petitfaux et Durand, 2001). Le premier présupposé, en accord avec l’hypothèse de l’énaction mentionnée plus haut, est de privilégier une démarche compréhensive pour analyser l’activité humaine. En effet, il s’agit de comprendre la façon dont les acteurs interprètent les situations qu’ils vivent. Le second présupposé concerne le caractère non prescriptif des relations entre la recherche et la formation. En accord avec une épistémologie de l’action (Saury et al., 2013), une circularité se construit entre les recherches et les pratiques, ces dernières s’influençant mutuellement. Enfin, l’anthropologie cognitive s’intéresse aux processus cognitifs considérés comme centraux dans l’étude de l’activité humaine. En somme, l’ancrage disciplinaire de l’anthropologie cognitive constitue un support fécond au développement de recherches, notamment dans le domaine éducatif qui constitue notre objet d’étude.

Présentation du programme de recherche du cours d’action

(Suchman, 1987), lequel s’articule avec l’anthropologie cognitive sans s’y confondre car il en précise l’orientation scientifique (Gal-Petitfaux, Sève, Cizeron et Adé, 2010). En effet, ce cadre théorique ne relève pas exclusivement de l’anthropologie cognitive, mais se situe au carrefour de cette discipline avec la sociologie de l’action et les sciences de la cognition et du langage (Gal-Petitfaux, 2010). Ce cadre théorique se structure autour de quatre idées clefs, en accord avec les présupposés déjà évoqués (Saury, Ria, Sève et Gal-Petitfaux, 2006). La première idée est celle du caractère incarné de la cognition, et renvoi à l’hypothèse de l’énaction. La seconde concerne la co-détermination de l’action et de la situation. En effet, l’action délimite la situation, et cette dernière exerce en retour une contrainte sur l’action. Ce présupposé s’écarte de ceux des théories cognitivistes où la situation peut être décrite indépendamment de son action. La troisième idée clef concerne le caractère indéterminé de l’action, qui ne résulte pas de l’exécution d’un programme mais se construit en exploitant les ressources présentes dans la situation. Enfin, le cadre théorique de l’action située défend l’idée d’une action comme construction de significations partagées par une communauté. Ainsi, « Agir c’est

construire des significations dans un contexte culturel et en relation avec autrui » (Gal-

Petitfaux et al., 2010, 2) Les idées clefs ici développés montrent une familiarité avec l’orientation disciplinaire de l’anthropologie cognitive. Cette familiarité a donné lieu à la formulation d’ « anthropologie cognitive située » (Theureau, 2004) qui compose le programme de recherche du cours d’action, qu’il s’agira de développer dans la partie suivante.

A l’issue de cette première partie, nous avons essayé de replacer le programme de recherche du cours d’action selon ses fondements épistémologiques et disciplinaires. Ainsi, le programme de recherche du cours d’action s’inscrit dans une approche énactive de l’activité humaine, basé sur le postulat d’une auto-organisation des êtres vivants dans leur environnement. Il se rapproche d’un ancrage disciplinaire en anthropologie cognitive, et s’appuie sur le cadre théorique de l’action située. La partie suivante évoque les hypothèses théoriques du programme de recherche du cours d’action, liées à l’activité humaine au niveau individuel, car c’est cette dimension qui nous intéresse au regard de notre objet d’étude.