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Travaux antérieurs sur la résolution de problèmes en classe

3.1 Le courant Problem-Solving

3.2 Quelques dispositifs français . . . 54 3.2.1 La pratique des problèmes ouverts . . . 55 3.2.2 Les ateliers MATh.en.JEANS . . . 56 3.2.3 Les situations de recherche pour la classe de Maths à modeler . . . 58 3.2.4 Les situations de recherche du groupe DREAM . . . 60 De nombreux travaux en didactique des mathématiques se sont intéressés à la construc-tion et à la mise en place de dispositifs didactiques permettant aux élèves de pratiquer des activités de recherche. Dans ce chapitre, nous avons choisi de présenter des travaux dont les problématiques sont proches des nôtres, à savoir permettre aux élèves de vivre une réelle acti-vité de recherche mathématique, en référence au travail du chercheur. Nous montrons en quoi nos recherches s’inscrivent dans ces différents courants mais également, en quoi nous nous en détachons. Dans la première partie, nous présentons un courant anglo-saxon de l’éducation mathématique qui s’est développé dans les années 1980 : le Problem-solving. Dans la seconde partie, nous détaillons quatre dispositifs français : la pratique des Problèmes-Ouverts, les ateliers MATh.en.JEANS, les situations de recherche pour la classe (SiRC) de Maths à mo-deler et les situations de recherche du groupe DREAM. Les deux premiers dispositifs ont été initiés à la fin des années 80 par des enseignants-chercheurs en mathématiques et les deux derniers sont à l’initiative d’équipes de recherche mixtes composées de mathématiciens et didacticiens (et enseignants du second degré pour le groupe DREAM). Ils ont débuté dans les années 2000.

3.1 Le courant Problem-Solving

Le « Problem-solving » est un courant anglo-saxon de l’éducation mathématique qui s’est développé dans les années 1980.

Problem solving has, as predicted in the 1980 Yearbook of the National Council of Teachers of Mathematics (Krulik, 1980, p. xiv), been the theme of the 1980’s. The decade began with NCTM’s widely heralded statement, in its Agenda for Action, that "problem solving must be the focus of school mathematics" (NCTM, 1980,

p. 1). It concluded with the publication of Everybody Counts (National Research Council, 1989) and the Curriculum and Evaluation Standards for School Mathe-matics (NCTM, 1989), both of which emphasize problem solving. (Schoenfeld, 1992, p. 2)

Étant données les différentes institutions qui utilisent ce terme pour définir la pédagogie attendue des enseignants, on pourrait penser qu’il existe une définition commune et unifiée de cette terminologie, avec un objectif pédagogique clair. Mais ce n’est pas le cas, comme le précise Schoenfeld :

One might infer, then, that there is general acceptance of the idea that the primary goal of mathematics instruction should be to have students become competent problem solvers. Yet, given the multiple interpretations of the term, the goal is hardly clear. (Schoenfeld, 1992, p. 3)

Il précise ainsi que « problem solving has been used with multiple meanings that range from "working rote exercises" to "doing mathematics as a professional" » (Ibid. p. 2).

La revue Zentralblatt für Didaktik der Mathematik en 2006, dans le numéro 39 (5-6), fait l’état de l’art de ce courant et met également en évidence les différentes conceptions que prend l’expression Problem-Solving. Si ces dernières se rejoignent sur certains points, elles se différencient sur les buts éducatifs de l’activité de résolution de problèmes.

Le travail d’entraînement à l’utilisation de techniques bien définies et essentielle-ment algorithmiques dans des exercices limités ne relève pas du Problem Solving, on se centre sur des problèmes non routiniers qui doivent constituer un certain défi pour les élèves, la dimension collective du travail est souvent mise en avant. Mais cette unanimité disparaît quand il s’agit de définir les buts éducatifs de l’activité de résolution de problèmes. (Castela, 2012, p. 7)

Dans un retour historique sur le courant Problem-solving, Stanic et Kilpatrick (1989) ont identifié trois thèmes principaux dans l’usage de cette terminologie (cité par Schoenfeld, 1992, p. 13-14) :

– problem solving as context, problems are employed as vehicles in the service of other curricular goals.

– problem solving as skill, [...] solving mathematical problems is [was] valuable in its own right. The vast majority of curricular development and implemen-tation that went on under the name of "problem solving" in the 1980’s was of this type.

– problem solving as art, [...] real problem solving (that is, working problems of the "perplexing" kind) is the heart of mathematics, if not mathematics itself. Schoenfeld (1992) précise que, même si dans la seconde conception du Problem-solving ce dernier est considéré comme une compétence à part entière, les hypothèses épistémologiques et pédagogiques sous-jacentes sont identiques dans les deux premières interprétations :

Typically problem solving technics (i.e. drawing diagrams, looking for patterns when n = 1, 2, 3, 4, ...) are taught as subject matter, with practice problems so that the techniques can be mastered. After receiving this kind of problem solving instruction (often a separate part of the curriculum), the students’ "mathematical tool kit" is presumed to contain "problem solving skills" as well as the facts and procedures they have studied. This expanded body of knowledge presumably comprises the students’ mathematical knowledge and understanding. (Schoenfeld, 1992, p. 14)

L’auteur souligne la différence avec la troisième conception qui, comme chez Halmos, place la résolution de problème au cœur des mathématiques.

I do believe that problems are the heart of mathematics, and I hope that as teachers, in the classroom, in seminars, and in the books and articles we write, we will emphasize them more and more, and that we will train our students to be better problem-posers and problem solvers than we are. (Halmos, 1980, p. 542)

Selon Schoenfeld, Pólya est le mathématicien qui représente le mieux cette conception du Problem-solving, notamment avec ses ouvrages How to solve it (1945) et Mathematics and plausible reasoning (1954).

The mathematician best known for his conceptualization of mathematics as pro-blem solving, and for his work in making propro-blem solving the focus of mathematics instruction, is Pólya. Indeed, the edifice of problem solving work erected in the past two decades stands largely on the foundations of his work. (Schoenfeld, 1992, p. 16)

Dans son HDR1

, Castela (2012) distingue différentes conceptions du Problem-solving par les types de connaissances dont la construction par les élèves est visée. Nous voyons ici une autre lecture des trois conceptions décrites par Stanic et Kilpatrick. Cette distinction nous semble intéressante pour notre projet de recherche dans la mesure où nous cherchons à mettre en évidence la dialectique mobilisation, acquisition de connaissances et développement d’heuristiques de l’activité de recherche mathématique.

La première conception (que l’on peut associer à problem-solving as context) est la for-mation à la confrontation avec des situations inédites.

L’accent est mis sur l’originalité des problèmes posés qui ne doivent être en rien fa-miliers aux élèves. La résolution de chaque problème est considérée comme une fin en soi et se maintient relativement isolée du reste des activités mathématiques. Ces problèmes ne doivent apparaître en relation ni avec des savoirs enseignés, ni avec des types de problèmes déjà rencontrés, de façon à ce qu’aucune technique éven-tuellement disponible ne figure dans l’environnement immédiat. (Castela, 2012, p. 7)

L’objectif n’est pas d’améliorer l’apprentissage des mathématiques enseignées mais d’entraî-ner les élèves « à la confrontation à des situations dont le traitement repose pour l’essentiel sur des qualités de créativité et d’ingéniosité » (Ibid., p. 8).

La seconde conception (que l’on peut associer à problem-solving as skill) est l’entrée dans la culture mathématique de la résolution de problèmes. Cette conception se centre sur l’affrontement de l’inédit mais cette confrontation « est considérée comme une dimension caractéristique de l’activité professionnelle du mathématicien, elle est envisagée de son point de vue » (Castela, 2012, p. 10). La référence pour la résolution de problèmes est celle de l’expert, du chercheur en mathématiques. Castela précise que « cette approche ne nie pas l’intérêt du savoir mathématique mais l’objectif attribué au Problem-solving n’est pas central dans l’acquisition de ce savoir » (Ibid. p. 10).

Si ces deux conceptions mettent en avant la dimension créative de l’activité de résolution de problèmes et ses mécanismes, elles n’insistent pas sur le lien entre les problèmes d’une part et le rôle et la place des savoirs mathématiques en jeu d’autre part. Selon Castela, dans ces deux conceptions, « la résolution de problèmes est alors conçue comme une éducation à des pratiques sans connexion avec l’enseignement et l’appropriation du savoir mathématique » (Ibid. p. 13).

La troisième conception (que l’on peut associer à problem-solving as art) détaillée par Castela est la résolution de problèmes comme une activité sollicitant un ensemble très étendu de savoirs. Il s’agit de l’approche initiée par Schoenfeld (1985) dont les travaux prolongent ceux de Pólya (1945) sur les méthodes de résolution de problèmes. Schoenfeld décline plus précisément certaines stratégies heuristiques en les adaptant à des domaines particuliers et plus détaillés. Elles sont présentées explicitement aux étudiants, en lien avec la recherche de problèmes non routiniers où elles peuvent être en jeu.

Ainsi la stratégie « prendre des cas particuliers » est spécifiée différemment pour le cas de problèmes faisant intervenir un paramètre entier (chercher des formules récurrentes en envisageant les valeurs 1, 2, 3, etc.), de problèmes sur les suites récurrentes (regarder ce qui se passe pour un terme initial égal à 0 et 1), de problèmes sur les racines d’un polynôme (considérer des polynômes facilement factorisables). (Castela, 2012, p. 12)

Le nombre de stratégies introduites devenant très élevé, la gestion de leur emploi nécessite que les étudiants développent des capacités de régulation de leur activité. Pour les y aider, l’enseignant distribue et commente en détail une sorte de feuille de route dont il est bien dit qu’elle n’est un recours éventuel qu’en cas de blocage.

The strategy is given in the form of a flowchart indicating the major stages of the problem solving process : analysis, design, exploration, implementation, and verifying. (Schoenfeld, 1985, p. 108)

Selon Castela, la résolution de problèmes pour Schoenfeld est, entre autres, « le moyen d’une appropriation par les étudiants de certaines façons de faire expertes » (Castela, 2012, p. 13). La pratique de référence est donc celle des mathématiciens, vus comme des personnes « dis-posant d’un ensemble large et structuré de ressources : savoirs mathématiques académiques (concepts et théorèmes), savoirs pratiques allant des algorithmes, “routine procedures”, jus-qu’aux heuristiques ou problem-solving strategies » (Ibid. p. 13). Cette approche de la résolu-tion de problèmes laisse donc une place centrale aux savoirs mathématiques. Si elle constitue un but à part entière, elle est aussi vue comme favorisant une meilleure compréhension des concepts et théorèmes enseignés.

Si cette conception de la résolution de problèmes met en évidence la place centrale des savoirs mathématiques et un lien avec les concepts enseignés, elle ne nous semble pas assez mettre en lumière l’aspect dialectique de l’activité de recherche mathématique entre la mo-bilisation, l’acquisition des connaissances et le développement d’heuristiques. De plus, nous faisons l’hypothèse que le lien avec les concepts enseignés est plus fort : l’activité de résolution de problèmes participe à la construction de ces connaissances. Et c’est en cela que cette ac-tivité est nécessaire pour l’apprentissage des mathématiques. Enfin nous faisons l’hypothèse que les travaux sur le Problem-solving (notamment ceux de Schoenfeld) sont adaptés pour un certain type de problèmes mais ne sont peut-être pas aussi pertinents pour la résolution de problèmes de recherche et particulièrement, l’étude d’un problème non résolu.