L’incorporation d’une rigidité de flexion à notre méthode numérique est une
opération complexe. Divers points délicats doivent être traités, à commencer par la
formulation du problème. Traditionnellement, les éléments finis de coque font
in-tervenir deux inconnues cinématiques : le déplacementUde la surface moyenne
et les rotations θ de lignes matérielles initialement normales à celle-ci (Batoz &
Dhatt, 1992; Chapelle & Bathe, 2003). Pour le cas d’une capsule, il faut travailler
avec le déplacementU imposé par le fluide tandis que le chargementet les
rota-tionssont inconnus. Par ailleurs, il faut choisir des éléments de coque évitant les
phénomènes de verrouillage numérique. En effet, quand on traite une structure
mince avec des éléments finis incorporant plusieurs modes de déformation
(élas-ticité plane, rigidité de flexion, cisaillement transverse), certains types d’éléments
peuvent inhiber numériquement un des modes et donc conduire à une
rigidifica-tion artificielle de la structure (Bathe, 1996). Certaines classes d’éléments finis de
coque, comme les MITC, sont adaptées au traitement de ce problème ; toutefois,
le choix du meilleur élément à utiliser dépend du problème physique considéré et
de l’importance relative des modes de déformation.
Pour avancer dans le traitement de ces problèmes complexes, une collaboration
a été mise en place avec D. Chapelle et M. Vidrascu (INRIA Rocquencourt) et avec
P. Le Tallec (École Polytechnique). L’objectif est de coupler la méthode numérique
développée pendant ces travaux de thèse (qu’on désignera dans cette section par
code UTC) avec le code Modulef de l’INRIA, qui incorpore des éléments de coque.
Toutefois, Modulef doit être modifié pour s’adapter au problème considéré.
En effet, il ne prend actuellement en compte qu’une loi de comportement linéaire
(la loi de Hooke généralisée). De plus, il faut l’utiliser pour résoudre le problème
solide à déplacements imposés et non à déplacements inconnus. On notera aussi
que Modulef calcule le travail virtuel des forces interne sur la configuration de
référence, plutôt que sur la configuration actuelle (comme effectué au chapitre 2).
Le principe des travaux virtuels peut en effet s’écrire de manière équivalente (on
donne ici les expressions pour un modèle de membrane, mais la même opération
est possible pour un modèle de coque) :
∀uˆdéplacement virtuel,
Z Suˆ·q dS= −
Z Sεˆ:T dS, (2.7)
ou bien
∀uˆdéplacement virtuel,
Z Sˆ
u·q dS=−
Z S0ˆ
δe:S dS
0, (2.8)
où l’on rappelle queS
0etS sont respectivement la surface de référence et la
sur-face actuelle et queSet T sont respectivement les tensions de Piola-Kirchhoff (de
seconde espèce) et de Cauchy. Si l’on noteU le champ de déplacement pour
pas-ser de S
0à S et ˆu le déplacement virtuel, on définit la variation du tenseur de
Green-Lagrange :
ˆ
δe =e(U+uˆ)−e(U) (2.9)
où l’on note que tous les gradients surfaciques sont calculés sur la surface de
référenceS
0. L’expression du problème solide repose sur l’équation (2.8) dans
Mo-dulef. Dans les cas où les efforts extérieurs sont connus et peuvent être exprimés
sur la configuration de référence, on peut alors travailler uniquement sur celle-ci,
sans avoir à recalculer la métrique à chaque itération. Dans le cas d’une capsule,
où il faut calculer les efforts externes sur la configuration actuelle, le choix de la
configuration sur laquelle on exprime les travaux des efforts internes est
indiffé-rent.
Une première étape a consisté à effectuer le couplage des deux codes dans
le cas d’un modèle de membrane (c’est-à-dire sans rigidité de flexion), pour la
loi de Hooke généralisée. Un programme maître a été créé, pour transférer, via
l’architecture PVM (parallel virtual machine), les informations nécessaires entre le
code UTC, chargé de la résolution du problème fluide, et Modulef, chargé de
la résolution du problème solide. La résolution du problème fluide dans le cas
couplé est identique à celle présentée au chapitre 3. Pour ce qui est du problème
solide, des modifications ont été effectuées par M. Vidrascu dans Modulef pour
permettre la résolution à déplacement imposé et le calcul du travail virtuel des
efforts externes à chaque itération sur la configuration actuelle.
Les résultats donnés par ce nouveau code couplé en l’absence de rigidité de
flexion sont identiques à ceux obtenus avec le code UTC, comme apparent sur
la figure 2.2. Ceci montre que le couplage entre les deux codes est faisable et
prometteur. Des travaux sont maintenant en cours pour incorporer une rigidité de
flexion, en faisant appel tout d’abord aux éléments de coque MITC3 (Lee & Bathe,
2004) pour tester la faisabilité de l’opération. Une étude plus théorique doit aussi
être conduite pour s’assurer de la capacité de la méthode à fournir une solution
fiable à ce problème numérique très particulier.
Si cette méthode fonctionne, une étude très intéressante peut être conduite
comparant modèles de membrane et de coque pour décrire le comportement d’une
capsule en se limitant à la loi de Hooke généralisée, comme c’est le cas de Modulef.
Toutefois, la prise en compte ultérieure de lois de comportement non-linéaires (et
éventuellement isotropes transverses) sera de toute évidence complexe à mettre en
œuvre dans le contexte d’un modèle de coque.
S’il reste, donc, encore beaucoup de travail à effectuer, les premiers résultats
obtenus montre que le choix des éléments finis pour décrire la paroi de la capsule
était judicieux et va permettre d’enrichir la mécanique de la capsule. À l’heure
où les recherches sur les capsules s’intensifient, avec l’entrée dans le domaine de
plusieurs nouvelles équipes au cours des cinq dernières années, on peut espérer
que le code numérique développé au cours de ces travaux de thèse constituera
une fondation solide pour les travaux à venir au sein du laboratoire.
0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2
Ca
D
∞12 Code UTC Code coupléFigure 2.2 – Paramètre de Taylor dans le plan de cisaillement à l’état stationnaire
en fonction du nombre capillaire pour une capsule dans un écoulement de
cisaille-ment simple infini. La membrane de la capsule obéit à la loi de Hooke généralisée.
Surfaces courbes, calcul tensoriel
On donne ici quelques éléments relatifs à la description des surfaces courbes et
au calcul tensoriel en base non-orthonormée. On se contente d’un certain nombre
de résultats utiles pour les travaux développés dans ce manuscrit, sans souci
d’ex-haustivité, et l’on renvoie à l’annexe I de Salençon (2002) et au chapitre 1 de Green
& Zerna (1968) pour plus de détails.
Rem. : Quand on se place en coordonnées curvilignes, les lettres grecques
α,β,γ ∈ {1, 2}tandis que les lettres latinesi,j,k,l ∈ {1, 2, 3}. Le symbole de
Kro-necker est notéδ. Sauf mention contraire, on applique la convention de sommation
sur les indices répétés.
1 Description d’une surface
Dans le document
Couplage intégrales de frontières – éléments finis : application aux capsules sphériques et ellipsoïdales en écoulement.
(Page 131-136)