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Chapitre 2 Synthèse de biaryles atropoenrichis

II. Couplage aryne diastéréosélectif

Plutôt que de désymétriser/déracémiser les produits de couplages, une nouvelle stratégie d’approche a été abordée. En introduisant un groupement chiral sur l’un des partenaires de couplages, il devrait être possible de contrôler la stéréosélectivité de l’attaque de l’aryllithien [I] sur l’aryne [II] et/ou de favoriser une certaine configuration de l’intermédiaire biaryllithié [III]. Pour des raisons synthétiques et pour éviter l’attaque de [I] sur le carbone en beta du groupement chiral, synonyme de mauvaise induction de chiralité si présent sur l’aryne, cet auxiliaire a été introduit sur le partenaire de couplage pronucléophile (voir Schéma 35).

En plus d’induire la chiralité lors du couplage, le rôle de l’auxiliaire de chiralité est également de coordiner le lithium pour stabiliser l’intermédiaire aryllithié [I*]. Cette coordination peut potentiellement conduire à la formation d’un métallacycle, permettant de fixer la conformation de l’auxiliaire et ainsi de mieux transmettre l’information chirale.

* R2 R1 Li R1 R2 X2 X1 R1 R2 GP X2 * R2 R1 Li + + RLi Aux* Aux* Aux*

Aux*= auxiliaire de chiralité

[I*] [II] [III*]

N A P

Aux*

Schéma 35 : Couplage aryne atropodiastéréosélectif N.B. :

Ce projet ne fait pas partie intégrante de la thèse car réalisé en majorité durant le précédent stage de Master. Tous les résultats obtenus ayant été publiés, seuls les résultats finaux résumés sont présentés dans cette section. Pour de plus amples informations concernant le cheminement scientifique et pour obtenir les résultats détaillés, le lecteur est invité à se référer aux documents cités ci-après.

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1. Optimisation du couplage

Afin de rendre le couplage aryne diastéréosélectif, différents auxiliaires de chiralité ont été évalués. Suite aux travaux précédents sur la désymétrisation, des sulfoxydes chiraux ont dans un premier temps été testés (voir Figure 10).141

Les résultats sont mitigés, d’une part car divers sous-produits peuvent se former par réactions de cyclisations intramoléculaires avec l’auxiliaire, d’autre part car le produit de couplage souhaité est parfois obtenu avec de très bons rendements, parfois avec de très bonnes sélectivités, mais pas simultanément. Pour tenter d’obtenir de meilleurs résultats, les sulfoxydes chiraux ont été remplacés par des diéthers et des oxazolines substitués (voir Figure 10).155,156 Les résultats obtenus sont plus homogènes en termes de rendements et de sélectivités. Le meilleur résultat a toutefois été obtenu avec la copule chirale dérivée du prolinol, même si un seul substrat a été évalué et que l’auxiliaire n’a pas pu être post-fonctionnalisé.157

La nouvelle méthode d’approche présentée dans ce projet vient compléter les stratégies

précédemment développées autour du couplage aryne en vue d’obtenir des biaryles atropoenrichis.144

Dans l’optique de prouver l’efficacité de cette nouvelle technique de synthèse, elle a été appliquée à la synthèse totale d’un produit naturel.

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2. Synthèse formelle de la stéganacine

Afin de valoriser cette nouvelle approche de contrôle de la chiralité axiale sur les biaryles, la synthèse formelle de la stéganacine 02 et de ses dérivés a été réalisée en ayant recours au couplage aryne atropodiastéréosélectif (voir Figure 11).158

Les produits de départ commerciaux 04 et 05 ont été fonctionnalisés pour obtenir les partenaires de couplages respectifs A01 et N01. Une réaction de couplage aryne diastéréosélectif a ensuite été réalisée pour former P05 avec des rendements allant jusqu’à 75% et des ratios diastéréoisomériques allant jusqu’à 75:25. Les deux isomères obtenus ont ensuite été séparés par chromatographie sur gel de silice, permettent d’isoler P05 qui a ensuite été fonctionnalisé pour obtenir 03,159,160 connu comme étant un précurseur de la stéganacine 02.161,162

Cette stratégie constitue une alternative efficace aux autres synthèses précédemment publiées, offrant un rendement global de 22% sur 9 étapes avec une parfaite rétention de la chiralité axiale (ee > 98%). De plus, cette approche par couplage aryne diastéréosélectif permet de former l’intermédiaire 03 sans nécessiter l’utilisation de métaux de transition tout au long de la synthèse.

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Depuis la publication des résultats de ce projet, de nouveaux travaux ont eu pour but de réaliser la synthèse formelle de la stéganacine. Ainsi, l’équipe de F. Colobert a réalisé la synthèse de l’intermédiaire 03 en 10 étapes et 42% de rendement global avec une richesse énantiomérique similaire.163 L’étape clé du contrôle de la chiralité axiale du biaryle est réalisée grâce à une réaction de Heck via une approche par dédoublement cinétique dynamique. Le groupe de B.-F. Shi s’est également intéressé à la synhèse de la stéganacine en contrôlant la chiralité axiale du biaryle grâce à une réaction de C-H activation pallado-catalysée.164 Cette approche a permis d’isoler un intermédiaire plus avancé de la synthèse totale de la stéganacine en seulement 7 étapes avec un rendement global de 32%. Bien que la richesse énantiomérique du produit obtenu soit légèrement inférieure (96% ee), cette stratégie est applicable à une échelle supérieure au gramme et permet d’obtenir la stéganone en seulement deux étapes additionnelles.

Plusieurs auxiliaires de chiralité ont été développés dans le but de rendre le couplage aryne atropodiastéréosélectif. Les résultats sont très variables en termes de rendement et de sélectivité et dépendent des structures des partenaires de couplages et des conditions expérimentales. Si aucun groupement universel n’a été identifié pour contrôler la chiralité axiale des biaryles, les sulfoxydes et les oxazolines substitués semblent néanmoins les plus adaptés pour obtenir les résultats les plus probants, à l’exception de la pyrolidine substituée non fonctionnalisable.

Cette stratégie a été utilisée pour réaliser la synthèse formelle de la stéganacine avec succès. Bien que de nouvelles approches offrent de meilleurs rendements sur un nombre d’étapes équivalent voire réduit, notre technique permet de synthétiser un intermédiaire clé de la synthèse avec un excellent enrichissement au niveau de l’axe de chiralité. De plus, elle est à notre connaissance la seule à permettre la synthèse dudit intermédiaire sans nécessiter l’utilisation de métaux de transition. Le développement de nouveaux auxiliaires de chiralité permettrait probablement d’améliorer les résultats obtenus jusqu’alors. Cependant, cette stratégie nécessite plusieurs étapes de fonctionnalisation avant et après couplage pour introduire et retirer l’auxiliaire de chiralité. Dans le but d’éviter ces étapes superflues, nous nous sommes intéressés à l’introduction de la chiralité durant le couplage entre deux partenaires achiraux grâce à l’intervention d’un ligand chiral, rendant ainsi la réaction énantiosélective.

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