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Quel que soit le procédé d’usinage étudié (tournage, fraisage, perçage), une configu- ration de coupe élémentaire est généralement employée afin d’isoler le plus possible les phénomènes de coupe des effets géométriques. Le cas de la coupe orthogonale est princi- palement employé à cet effet.

La coupe orthogonale est une représentation simplifiée du processus de coupe. Elle nécessite que l’arête de coupe soit perpendiculaire aux vitesses de coupe et d’avance.

Dans la pratique, trois techniques permettent d’obtenir cette condition (Figure 1.1) : • le tournage d’un tube en bout ;

• l’usinage de palier ; • le rabotage.

Des différences sont toutefois observées entre ces trois approches. Pour l’usinage de palier, par exemple, l’avance de l’outil engendre une variation de la vitesse de coupe au cours du processus due à la réduction progressive du diamètre. L’usinage de tube en bout conduit à une vitesse de coupe hétérogène dans l’épaisseur. Ces deux derniers points ne sont franchissables qu’avec l’utilisation des machines à commandes numériques. Finalement, le rabotage s’affranchit de ces deux problèmes et semble donc le plus adéquat. En effet, ce

Usinage de palier Tournage d'un tube en bout Rabotage

a) b) c)

Figure1.1 – Technique permettant d’obtenir une configuration de coupe orthogonale. dernier présente la particularité d’utiliser une vitesse d’avance nulle. Cette particularité s’avère intéressante du point de vue de la stabilité de la coupe mais aussi puisqu’elle favorise l’utilisation des techniques de visualisation et de détection à distance telles que l’imagerie rapide et la thermographie infrarouge.

Certains auteurs s’intéressent aux possibilités de modélisation de procédés plus com- plexes, comme le fraisage [Özel 1998,Pantalé 2004], le perçage [Guo 2000,Strenkowski 2004] et le rayage [Barge 2005] tout en se basant sur cette configuration.

Néanmoins, lorsque l’épaisseur du copeau est faible devant sa largeur, plusieurs cher- cheurs ramènent cette configuration à un problème plan. Nous reviendrions plus en détails sur cette dernière hypothèse dans les prochaines sections de ce manuscrit.

1.3.1 Les zones de coupe

La coupe orthogonale permet d’observer les phénomènes régissant la formation du copeau de manière distincte. En effet, cette configuration permet de séparer clairement les zones d’absorption d’énergie mécanique apportée pendant le processus. La figure 1.2

reprend les principaux paramètres de la coupe et met en évidence 3 zones de sollicitation majeures ainsi qu’une zone, dite morte, située au niveau de la pointe de l’outil, qui est caractérisée par une forte pression hydrostatique.

— La Zone de Cisaillement Primaire (ZCP ou ZI) : cette partie commence de la pointe de l’outil jusqu’au bord libre de la pièce, suivant l’angle de cisaillement (φ) dé- fini par rapport à la direction de la coupe. C’est la zone où le flux de matière change de direction et induit dès lors des variations de vitesses d’écoulement, des contraintes intenses liées à des vitesses de déformations importantes et aux gradients de températures extrêmes. Vu la cinétique rapide du phénomène de cisaillement, plusieurs chercheurs affirment que ce dernier se produit de façon adiabatique. En pratique, l’estimation des températures atteintes dans cette zone est difficile [Cala- maz 2008a,Atlati 2013]. Ce dernier point fait partie des verrous scientifiques à lever dans cette thèse.

— La Zone de Cisaillement Secondaire (ZCS ou ZII) : elle est située au niveau du contact entre la face de coupe et le copeau. Le frottement est intense à cause de l’adhésion entre les deux matériaux. Cette interface se caractérise par des déforma-

tions plastiques importantes et une forte dissipation thermique, ce qui conduit, dans certain cas, à des élévations très importantes de la température pouvant atteindre la fusion locale du matériau [Courbon 2012]. L’étude des phénomènes tribologiques rencontrés à cette interface représente un point clé dans la compréhension du pro- cessus de formation du copeau et sera discutée dans ce manuscrit.

— La Zone de Cisaillement Tertiaire (ZCT ou ZIII) : elle se situe au niveau du contact entre la face de dépouille de l’outil et la surface de la pièce. La vitesse d’écoulement de la matière est proche de celle de la vitesse de coupe. Cette zone conditionne en partie l’intégrité de surface de la surface de la pièce usinée. Un retour élastique de la matière aura lieu après le passage de l’outil.

RB a surface usinée Face de dépouille Face de coupe ZC P z c s O ZCT =0° ɣ

ɣ

:Angle de coupe RB :Rayon d'acuité :Angle de dépouille Lc:Longueur du contact

ap: Profondeur de passe Vc:Vitesse de coupe O: Zone morte α f :Avance L L :Epaisseur du copeau

A-A

φ :Angle du cisaillement lg: Largueur du copeau Vc

Copeau

Outil

Pièce

ap

f

A

A

Lc φ lg

B

R

B ZC P z c s

O

ZCT

B

Figure1.2 – Paramétrage de la coupe orthogonale

1.3.2 Sources de chaleur

En usinage, l’énergie mécanique nécessaire à la formation du copeau est convertie en énergie interne qui est elle-même partiellement dissipée sous forme de chaleur. Cette dernière diffuse dans le matériau et affecte les propriétés mécaniques et donc le méca- nisme d’enlèvement de la matière. Par ailleurs, cette chaleur conduit à l’activation de phénomènes tribologiques aux interfaces.

Étudier une opération d’usinage revient à se concentrer sur une zone très réduite de 1 à 3mm2

. On constate aisément que l’ensemble des phénomènes observés résultent direc- tement des interactions thermomécaniques fortement couplées dans une zone restreinte.

Bien que l’étude des aspects thermiques dans la coupe ait été amorcée depuis plusieurs années, sa formalisation est en constante évolution.

Les principales sources de chaleur proviennent d’un effet conjugué des phénomènes de dissipation d’énergie plastique [Macdougall 1999] dans les différentes zones de coupe et des phénomènes de frottement [Rech 2013]. Ces différentes sources sont définies spatialement par rapport aux zones de coupe identifiées précédemment, comme le montre la figure1.3.

• Zone de Cisaillement Primaire (ZCP) : la température dans cette zone est tributaire de la chaleur générée par la déformation plastique. Des températures élevées, de l’ordre de ≃ 800◦C, peuvent y être atteintes [Mason 1994].

• Zone de Cisaillement Secondaire (ZCS) : dans cette zone, la production de chaleur est liée à un phénomène conjugué de déformation plastique et de frottement à l’interface outil/copeau, les températures les plus importantes dans la coupe sont relevées dans cette zone ≃ 1100◦C [Outeiro 2004, Mason 1994].

• Zone de Cisaillement Tertiaire (ZCT) : dans cette zone, la production de la chaleur s’effectue essentiellement par frottement, mais aussi par déformation plas- tique liée à l’intensité de la pression de contact à l’interface outil/surface usinée (particulièrement au niveau du rayon d’acuité).

La chaleur ainsi créée diffuse dans les différentes parties de la pièce, de l’outil et du copeau. Cette répartition de flux dépend fortement des propriétés thermiques du couple usiné/usinant et des conditions de coupe liées à l’opération [Kouadri 2013].

Outil

Pièce

Copeau ZCP ZCT ZCS

φ

C

φ

p

φ

O

Figure1.3 – Representation des différents flux thermiques et sources de chaleur ; ZCP : zone de cisaillement primaire ; ZCS : zone de cisaillement secondaire ; ZCT : Zone de cisaillement tertiaire. φc, φp, φo sont respectivement les parties du flux thermique partagées entre le copeau, la pièce finale et l’outil de coupe