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II.1 Origine et évolution du cortex

Les cellules corticales sont originellement considérées comme des cellules parenchymateuses (Clark and Harris 1981). Le parenchyme est, par définition, un tissu composé de cellules vivantes qui présentent des morphologies et des physiologies variées et qui sont capables de croitre et de se diviser (Evert and Esau 2006). Ces cellules sont peu différenciées et remplissent diverses fonctions telles que l’activité photosynthétique, des fonctions de stockage ou autres activités métaboliques. Le terme « cortex » est également utilisé pour désigner l’ensemble des tissus internes (Lux, Luxova et al. 2004; Gregory 2006). En effet, tous ces tissus sont issus de divisions successives d’une même cellule initiale. Selon cette définition, toutes les couches produites par cette initiale appartiendraient à un même tissu (le cortex), et acquerraient des identités et des propriétés fonctionnelles distinctes. La différenciation des parois cellulaires en cadres de Caspary ou leur épaississement par un phénomène de lignification engendrerait la différenciation des cellules dites corticales en endoderme, exoderme ou sclérenchyme, et leur confèrerait des fonctions particulières. L’utilisation du terme cortex est donc à préciser. Dans le cadre de notre travail, nous désignerons par cortex les couches de cellules comprises entre l’endoderme et le sclérenchyme, et nous utiliserons le terme générique « tissus internes » pour désigner l’ensemble des couches de cellules comprises entre la stèle et l’épiderme.

Le cortex est un tissu composé d’un nombre de couches variables. Le riz et le maïs sont composés de plusieurs couches de cortex, dont le nombre varie au cours du développement et selon les conditions environnementales, tandis qu’A.thaliana n’en comporte qu’une seule. Une récente étude a mis en évidence une augmentation du nombre de couches de cortex chez A.thaliana en cas de stress abiotique (Cui 2015), suggérant un rôle de ce tissu dans l’adaptation au déficit hydrique. En plus de faire varier le nombre de couches, certaines espèces sont aussi capables de former des structures particulières au sein de ce tissu, appelées aérenchymes (paragraphe I.2). Les aérenchymes sont des cavités aérifères qui permettent une meilleure diffusion de l’oxygène dans les racines de riz et confèrent ainsi une adaptation du tissu aux conditions de submergence (Coudert, Perin et al. 2010; Zhu, Brown et al. 2010). Ces aérenchymes peuvent aussi être formés en réponse à un

19 déficit hydrique ou à des stress édaphiques. Dans des conditions de carence en azote, phosphore ou sulfate, le maïs est capable de former des aérenchymes pour augmenter les apports en nutriments et combler ce déficit (Drew, He et al. 1989; Bouranis, Chorianopoulou et al. 2003; Fan, Zhu et al. 2003). La capacité du cortex à augmenter sa surface d’aérenchymes permet à la plante de diminuer ses consommations énergétiques (moins de cellules à alimenter) et de conserver le même volume de sol exploré. Cette faculté permet donc à la plante de conserver une dynamique de croissance en conditions de carences. Le tissu cortical a donc un rôle structurel, fonctionnel et adaptatif essentiel pour les racines, et particulièrement chez le riz.

II.2 L’inner-cortex et sa régulation

Chez A.thaliana certaines cellules endodermales ont la particularité de pouvoir se diviser tardivement et de produire une couche supplémentaire de cortex (Baum, Dubrovsky et al. 2002). Cette couche n’est pas issue des divisions méristématiques des cellules initiales qui sont à l’origine de l’ensemble des cellules des tissus internes, mais elle est formée à partir d’une division périclinale d’une cellule d’endoderme située en face d’un pôle de xylème (Paquette and Benfey 2005). Cette division n’est observée que chez des racines âgées de plus d’une semaine (Baum, Dubrovsky et al. 2002; Paquette and Benfey 2005) et est appelée « middle cortex » en raison de sa position anatomique centrale entre l’endoderme et le cortex. Bien que ces cellules aient une morphologie plus proche des cellules de l’endoderme (forme allongée et paroi épaissie), elles ont des caractéristiques moléculaires propres aux cellules corticales (Paquette and Benfey 2005). Le contrôle génétique de la mise en place de cette couche implique les facteurs de transcription SHORT-ROOT (SHR) et SCARECROW (SCR) (Paquette and Benfey 2005; Koizumi, Hayashi et al. 2012).

La présence de ce tissu a également été décrite chez le riz (Pauluzzi, Divol et al. 2012). Tout comme chez Arabidopsis thaliana, cette couche serait localisée entre l’endoderme et les couches de cortex, et serait issue du même processus, à savoir une division tardive d’une cellule d’endoderme. Ce tissu est décrit chez plusieurs cultivars de riz, tels que Nipponbare mais aussi chez l’espèce sauvage Zizania latifolia (Yang, Zhang et al. 2014), où elle est nommée inner-cortex. Le terme « middle-cortex » est ambigu chez les monocotylédones, car il est parfois utilisé pour désigner les couches centrales se différenciant en aérenchymes (Baluška, Brailsford et al. 1993; Kawai, Samarajeewa et al. 1998). Le terme inner-cortex est aussi utilisé chez le maïs pour décrire la couche de cortex adjacente à l’endoderme (F. Baluška 2001), qui se distingue de l’outer-cortex par la forme de ces cellules, leur croissance, et la distribution des microtubules (Esser 1997). Cependant, aucune information ni sur son origine ni sur sa régulation ne sont disponibles dans la littérature. Etant donné l’ambiguïté du terme « middle-cortex », nous avons choisi de désigner par le terme d’inner-cortex la couche adjacente à l’endoderme formée par divisions périclinales tardives de ce tissu, et par le terme d’outer-cortex les couches de cortex issues des divisions méristématiques lors de la formations des primordia racinaires (cf. Chapitre 1).

20 Figure 4: Architecture du système racinaire du riz (Coudert, Perin et al. 2010). Barres=1cm (a) Architecture racinaire d’une plantule Nipponbare âgée de 6 jours.

(b) Architecture racinaire d’une plante Nipponbare âgée de 40 jours. (c) Détails d’une racine coronaire.

Abréviations : ra= radicule ; ecr= racines embryonnaires coronaires ; cr= racines coronaires ; llr= grande racine latérales ; slr : petites racines latérales.

Figure 5: Anatomie des racines latérales du riz (Kono, Igeta et al. 1972) .

(a) Architecture racinaire d’une SLR, avec 2 couches de tissus internes et une stèle sans métaxylème central.

(b) Architecture racinaire d’une L-LLR, avec 5 couches de tissus internes et une stèle avec un métaxylème central.(c) Architecture racinaire d’une T-LLR, avec 4 couches de tissus internes et une stèle avec un métaxylème central. Abréviations : e=épiderme ; ex= exoderme ; ics= inner-cortex sclérenchymateux ; c= cortex.

SLR

L-LLR

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II.3 Variation du nombre de couches de cortex selon les types racinaires

Il existe plusieurs types de racines chez les riz, qui se distinguent par leur organisation et leur stade d’apparition dans le développement de la plante. La première racine formée est la racine séminale qui apparait au cours de la germination. Elle précède la formation des racines coronaires qui émergent de la tige (Coudert, Perin et al. 2010) (Figure 4 a). Ces deux types de racines ont la même organisation, et ont la particularité de pouvoir se ramifier en racines latérales (Smith and De Smet 2012). Il existe deux types de racines latérales chez le riz : les grandes racines latérales (Large Lateral Roots, LLR), caractérisées par une croissance indéterminée et un géotropisme positif ; et les petites racines latérales (Small Lateral Roots, SLR), qui sont plus nombreuses, plus courtes, à croissance déterminée et agéotropiques (Coudert, Perin et al. 2010). On peut également les différencier par leur diamètre et leur organisation tissulaire (Kono, Igeta et al. 1972). Les SLR sont caractérisées par un petit diamètre (50 à 60 µm) et une absence de métaxylème dans la stèle. Elles sont composées de trois couches de tissus internes : une couche d’endoderme, une couche appelée cortex-sclérenchymateux (Kono, Igeta et al. 1972) ou sclérenchyme (Rebouillat, Dievart et al. 2009) et une couche d’exoderme (Figure 5 a). Les LLR présentent toutes un métaxylème central et un nombre variable de tissus internes. Il en existe deux sortes: Les « larges » (Large-LLR, L-LLR) et les « fines » (Thin-LLR, T-LLR). Les L-LLR ont un diamètre plus large (entre 120 et 150 µm) et présentent une organisation semblable aux racines séminales avec 3 ou 4 couches de cortex entourées par une couche d’endoderme d’un côté, et par du sclérenchyme et de l’exoderme de l’autre (Figure 5 b). Les T-LLR sont plus petites avec un diamètre de 80 à 120 µm et moins de tissus internes : 2 à 3 couches de cortex et pas de sclérenchyme (Figure 5 c). Les racines séminales, coronaires et latérales présentent des anatomies similaires mais diffèrent en termes de diamètre. Ce diamètre est corrélé au nombre de couches de tissus internes qui composent les racines, et plus particulièrement au nombre de couches de cortex, qui peut varier d’une à douze couches. Ainsi, cette variation dépend de plusieurs facteurs tels que le type de racines (Waisel, Eshel et al. 2002), les conditions environnementales; et le stade de développement de la plante. En effet, l’apparition de la couche d’inner-cortex issue de divisions de l’endoderme, n’apparait qu’à un stade tardif où les racines séminales sont âgées de plus de 6 jours (Pauluzzi, Divol et al. 2012).

22 Figure 6: Mutants scr et shr chez A. thaliana (Pauluzzi, Divol et al. 2012).

(a) Organisation des tissus internes chez le Wild Type (WT).

(b) Organisation des tissus internes du mutant scr avec une seule couche d’identité mixte, cortex/endoderme.

(c) Organisation des tissus internes du mutant shr avec une seule couche d’identité corticale.

Figure 7: Modification du modèle proposé par Cui et al.(Cui, Levesque et al. 2007).

A gauche, vue partielle d’un méristème racinaire d’A.Thaliana avec les tissus internes et le péricycle colorés : péricycle (rouge), endoderme (orange), cortex (vert clair), CEID (vert pale), CEI (vert foncé). AtSHR est transcrit dans la stèle (péricycle) puis la protéine migre dans la CEID ou elle active SCR. AtSCR active également sa propre transcription et induit la formation d’une division asymétrique périclinale (2) conduisant à la séparation cortex/endoderme.

AtSHR, et un facteur Y (qui est soit exprimé dans la couche de tissu interne, soit migrant de

la stèle comme AtSHR), sont nécessaire à la spécification de l’endoderme. AtSCR séquestre AtSHR dans le noyau en l’empêchant de migrer au-delà de l’endoderme.

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