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132 La correspondance exacte entre le prix du préjudice et l’indemnisation de

Dans le document Les notions de contrat d'assurance (Page 109-111)

l’assureur est impossible. En effet, l’évaluation du préjudice comporte nécessairement une part d’arbitraire, car les conséquences du fait dommageables sont multiples et diffuses, et les intérêts touchés sont parfois impossibles à quantifier en argent. Bien que traditionnellement classée parmi les assurances de dommages et donc considérée comme étant soumise au principe indemnitaire, l’assurance de responsabilité civile n’offre pas une réparation312 313

, mais une compensation du préjudice subi par la victime. Les difficultés sont prégnantes même dans la branche des assurances la plus susceptible a priori d’une évaluation rigoureuse, celle de dommages aux biens. En effet, « en assurance de choses, (. . .) c’est moins la chose qui est assurée que sa valeur. Or, cette valeur n’est pas une mais plurale314

». L’évaluation du dommage aux biens présente une part d’arbitraire en raison du choix de la méthode d’évaluation, car il n’existe pas une seule et unique méthode315

. L’exemple des assurances couvrant les pertes d’exploitation des entreprises est encore plus édifiant : comme on l’a vu, le montant de la garantie est calculé forfaitairement, sur la marge brute du dernier exercice adaptée en tenant compte de la croissance de l’entreprise et du contexte économique316

.

Par conséquent, l’évaluation comporte nécessairement une part d’arbitraire, et ce, quelle que soit la méthode choisie. Ainsi, pour décrire le calcul de la valeur vénale d’un 312. Il existe néanmoins de rares hypothèses où l’indemnité est une exacte réparation du préjudice subi, comme lorsqu’il s’agit du détournement d’une somme d’argent.

313. La jurisprudence semble d’ailleurs mal à l’aise avec l’application du principe indemnitaire à ce type d’assurance. En témoigne l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 5 avril 2007 (pourvoi n˚06-12.066), qui énonce que l’article L. 121-1 du code des assurances n’est pas applicable aux assurances de responsabilité : « Mais attendu que l’article L. 121-1 du code des assurances, qui dispose que l’assurance relative aux biens est un contrat d’indemnité, n’a pas vocation à recevoir application lorsqu’est en jeu l’assurance de responsabilité qui, si elle relève de la catégorie juridique des assurances de dommages, n’a pas la nature d’une assurance de biens ;

Et attendu qu’il résulte du jugement déféré que l’action en paiement de Mme X... tendait à obtenir réparation de son préjudice sur le fondement de la responsabilité encourue par l’auteur du dommage ;

D’où il suit que le moyen, qui invoque la violation d’un texte étranger au litige, est inopérant ; » 314. L. Mayaux, « Indemniser forfaitairement les tempêtes? », Risques, 2012, n◦91.

315. On recense la valeur de remplacement, la valeur à neuf, la valeur vénale. . . 316. http://www.ffsa.fr/sites/jcms/c_33817/fr/lassurance-des-pertes- dexploitation-de-lentreprise?cc=fn_7316.

bien, un tribunal de commerce écrit : « On ne peut considérer la ‘valeur raisonnable vénale’ indiquée à l’expertise que comme une construction de l’esprit, quels que soient la compétence de l’expert et le sérieux de son ouvrage ; qu’en effet, cette valeur est le résultat d’une moyenne arithmétique, modifiée par une appréciation personnelle, de plusieurs valeurs théoriques calculées selon différents critères et montrant des variations très importantes allant jusqu’à 70%, alors que la valeur vénale réelle ne peut être valablement reconnue qu’au moment où vendeur et acheteur se sont mis d’accord sur le prix317

». En effet, le calcul de la valeur vénale, généralement utilisée pour l’évaluation des biens destinés au commerce correspond à la valeur du bien à vendre, et prend en compte aussi bien le dommage immédiat que la perte du bénéfice. Or le calcul de la perte de bénéfice comporte nécessairement une part de subjectivité et donc d’arbitraire. Ainsi la valeur vénale présente toujours un caractère partiellement forfaitaire.

Quant à la valeur à neuf, elle renvoie à une appréciation souple de l’évaluation du dommage, puisqu’elle correspond au prix du bien dans le commerce, même si en pratique le bien endommagé est vétuste318

. Il s’agit d’une sorte de garantie de vétusté319

, à laquelle le principe indemnitaire ne ferait pas obstacle. La clause prévoyant une garantie « en valeur à neuf » est répandue en matière d’assurances de biens immobiliers. Cette clause est considérée comme licite depuis une jurisprudence constante née dans les années 1970320

. Par un arrêt rendu le 13 septembre 2007, la Cour de cassation énonce, à propos de l’indemnisation d’un bâtiment détruit par un incendie, que la valeur à neuf n’entraîne pas un enrichissement de l’assuré, et respecte le principe posé par l’article L.121-1 du code des assurances, dès lors qu’elle correspond à la valeur de reconstruction321

. Ainsi, l’article L. 121-1 du code des assurances ne s’oppose pas à la garantie valeur à neuf. Il faut donc comprendre que le principe indemnitaire qui limite l’indemnité de l’assureur au montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre n’est pas dévoyé dès lors que l’on adopte une conception large de la notion de valeur : le paiement de la valeur à neuf de l’immeuble correspond non pas à la valeur de la chose, mais au montant du préjudice résultant de sa perte, dès lors que l’on prend en compte la nécessité pour l’assuré de mobiliser

317. T. com. Bordeaux, 23 févr. 1989, LPA 21 août 1989, p. 19

318. J. Barbancey, « Valeur à neuf et enrichissement », Gaz. Pal., 9 janvier 1988, Doct. p. 28.. 319. Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur, Droit des assurances cit., §441 et note 1, p. 342. 320. Cass. civ. 2ème, 16 décembre 1970, pourvoi n˚ 69-12.617.

321. Cass. civ. 2e, 13 sept. 2013, pourvoi n˚06-15.159 : « Mais attendu que l’arrêt retient exactement que le principe indemnitaire posé par l’article L. 121-1 du code des assurances ne fait pas obstacle, en cas de sinistre d’un bâtiment, à l’application d’une clause contractuelle prévoyant le paiement d’une indemnité calculée sur la valeur de reconstruction ; que celle-ci, qui correspond au coût de remise en état du bien détruit, ne peut valoir enrichissement de l’assuré et ce même si la valeur vénale du bien avant sinistre est inférieure au coût de sa reconstruction ».

immédiatement une somme importante pour la reconstruction322

. L’appréciation du préjudice comprend donc les besoins réels de l’assuré ; le principe indemnitaire n’impose pas que l’assiette de la garantie soit limitée à l’évaluation du dommage entendu stricto sensu.

Enfin, la valeur d’usage du bien, qui correspond à la valeur de remplacement en l’état, est à l’origine d’un abondant contentieux323

, car son appréciation est parfaitement subjective324

. M. Beignier donne l’exemple du cheval de course325

: il est clair qu’établir sa valeur réelle est impossible. De même, si l’on prend comme exemple l’assurance de dommages portant sur une œuvre d’art éphémère, la destruction de cette dernière entraîne un dommage dont l’évaluation est concrètement très difficile. La prestation de l’assureur revête nécessairement un caractère forfaitaire.

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