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Le premier rôle que doit jouer l'éditeur dans le travail de correction est celui de relecteur. Le relecteur peut être l'éditeur, un de ses employés, ou un correcteur : il vérifie la qualité linguistique et traductionnelle du texte pour le transmettre au traducteur ou au correcteur, lequel joue le rôle de réviseur pour choisir et intégrer les corrections du texte. La fonction du relecteur n'est pas de corriger lui-même la traduction, mais de pointer les erreurs et d'apporter des suggestions, afin de les transmettre au traducteur et/ou au correcteur pour faire la revue des corrections et les intégrer si elles sont retenues. Ceci concerne aussi bien le décoquillage, c'est à dire l'élimination des erreurs d'orthographe et de grammaire du texte, que des changements plus complexes dans la structure du texte et dans la traduction fine.

Au moins deux relectures en profondeur sont nécessaires pour être sûr d'obtenir un texte final d'aussi bonne qualité que possible. Il est parfois nécessaire - dans le cas de traductions complexes que la correction modifie de façon majeure, ou dans le cas de traductions de mauvaise qualité - d'effectuer des relectures supplémentaires. Ces relectures supplémentaires peuvent faire partie des aléas de la publication de la traduction, et nécessitent en général un travail de relecture plus long et plus difficile que le texte non traduit. Un cas d'exemple lors de la traduction du livre Ce que cela coûte83 : après avoir reçu a reçu la traduction, l'éditeur a décidé de modifier le

traitement des pronoms pour mieux correspondre au texte original et revenir à une langue plus stricte et plus sobre. Ce travail de modification s'est rajouté aux corrections pour rallonger d'autant plus les délais de publication de l’œuvre.

83 W.C. HEINZ, Ce que cela coûte, Traduit de l'anglais par Emmanuelle et Philippe ARONSON, Monsieur Toussaint Louverture, 2019.

Bien que l'excès de correction puisse lui aussi faire peur, et inquiète parfois les traducteurs qui craignent, à raison, que leur traduction soit dénaturée ou le texte abîmé par les actions d'un éditeur ou d'un correcteur perçu comme moins versé que le traducteur dans la langue et la culture d'origine du texte84, il est toujours préférable à l'excès inverse, qui consiste à simplement publier

une traduction après un simple décoquillage. Traducteurs comme éditeurs notent que cette pratique reste commune chez certains éditeurs85, ce qui entraîne de lourdes erreurs de traduction

dans des ouvrages publiés. La traduction n'est pas une science exacte et une correction en profondeur, si possible avec l'apport du traducteur capable d'informer sur ses choix d'écriture, est un passage nécessaire et important à la réalisation d'une traduction de qualité. Un travail à une seule main, ou sans communication entre les différents acteurs de la traduction, ne suffit pas.

Le travail de traduction doit commencer par une communication ouverte entre les différents acteurs de la réalisation du projet, éditeur, traducteur et relecteur(s). Chacun doit être informé, avant même le début du travail sur le texte, des attentes de chacun. Tout d'abord, et c'est un détail important, Les différents acteurs doivent connaître les délais en détail. Si un échantillon de texte traduit doit être rendu à une date précise avant la remise du texte final, pour effectuer des demande d'aides à la traduction (voir les détails dans la partie Les soutiens publics à la traduction), mettre en place le dossier de presse, ou, surtout, pour être présenté aux libraires par le diffuseur, le traducteur doit être prévenu ! En cas de retard dans la traduction, c'est le contrat qui doit définir les actions à prendre86.

Ensuite, l'éditeur doit informer le traducteur des transformations qui pourront être apportées à son texte. Les attentes des traducteurs et des éditeurs peuvent varier voire s'opposer et une mise en accord dès le départ évitera bien des maux de tête. Principalement, cette discussion

84 Entretien avec Jean-Charles KHALIFAH, maître de conférence en linguistique anglaise à l'université de Poitiers et traducteur professionnel de l'anglais.

85 Cf. Entretiens annexes. Cette remarque, que l'on voit revenir dans la plupart des entretiens inclus en annexe, vise principalement les grands groupes éditoriaux. Les petits éditeurs ne sont cependant pas épargnés, cf. entretien avec Kirsi KINNUNEN, traductrice et interprète professionnelle du finlandais.

devra porter sur la quantité et la teneur des modifications apportées par la traduction : savoir si le livre sera uniquement décoquillé, si l'éditeur aura la possibilité d'effectuer des modifications au texte sans consulter le traducteur ou si le traducteur aura un droit de réserve sur les corrections. Différentes configurations peuvent correspondre à différentes situations et différents besoins éditoriaux , l'important est d'éviter la frustration de chaque partie en se mettant dès le départ en accord sur ce sujet. Idéalement, bien sûr, le traducteur devrait être intégré dans le processus de correction, a minima pour indiquer la raison de ses choix de traduction lorsqu'ils sont remis en question par l'éditeur ou le correcteur.

En conclusion, un minimum de trois personnes devrait travailler sur la correction, ce qui inclut idéalement traducteur, correcteur/relecteur et éditeur. Certaines maisons d'édition décident de jouer la carte de la qualité en augmentant le nombre de personnes travaillant sur la correction selon la difficulté du texte. C'est un processus lent et coûteux, qui nécessite un accès à de nombreux relecteurs bilingues, mais qui permet d'obtenir en fin de projet une traduction très travaillée87.

« Relecteur » contre « réviseur »

Cependant, comme cela est mentionné précédemment, l'excès de correction est lui aussi parfois accusé de produire l'effet inverse de celui désiré. Le fait d'intégrer le traducteur au processus de correction en restant en contact après la remise de celle-ci pour obtenir ses avis sur les choix de traduction permet de s'assurer d'une certaine cohérence dans la correction. Cette implication, voire une implication plus en profondeur du traducteur, est envisageable et utile mais ceux-ci peuvent considérer qu'ils ont peu de raisons de le faire à cause des contraintes de temps que cela implique. Il peut donc être envisageable de considérer le soutien à la correction comme une attente du traducteur mentionnée dans le contrat de traduction.

De façon plus modérée, il pourrait être utile, pour éviter les frictions, de mieux faire les

différences entre Relecteur et Réviseur. Cette distinction, usuelle dans le milieu de la traduction technique, n'est pas ou peu faite pour la traduction littéraire. Là où le travail du relecteur est d'apporter un regard nouveau sur le texte, celui du réviseur est d'apporter une expertise linguistique que le traducteur ne possède pas forcément. Le relecteur ne corrige pas, mais indique au traducteurs les passages qui semblent bizarres ou fautifs, là où le réviseur effectue une intervention brutale et des prises de choix qui risquent de tourner à l'antagonisme si elle ne s'accompagne pas de débat et de discussion88.

Dans la pratique, Daniel Gouadec note que ces deux rôles se confondent souvent sans hiérarchisation89. Peu surprenant, alors, que des traducteurs aient le sentiment que leurs traductions

sont corrigées sans réflexion ou que des correcteurs aient l'impression que leurs suggestions ne soient pas prises à leur mesure... On n'insistera jamais assez, mais être clair avec tous les acteurs sur le rôle de chacun, dans la négociation et le travail en équipe, est le meilleur moyen d'éviter ces écueils et d'arriver au final au meilleur texte possible quand vient le temps de la publication.

Les soutiens publics à la traduction

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