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Corrélats biologiques

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B. CONDUITES SUICIDAIRES : HETEROGENEITE DES

4. Corrélats biologiques

a) Sérotonine et conduites suicidaires

De nombreuses études post-mortem réalisées sur des cerveaux de sujets décédés par suicide ont montré que les concentrations d’acide 5-hydroxyindole acétique (5-HIAA) (métabolite principal de la sérotonine) dans le raphé et l’hypothalamus étaient diminuées ainsi que les sites de liaison à l’imipramine, majoritairement présents au niveau des transporteurs sérotoninergiques présynaptiques (Stanley & Mann, 1983). Des études autoradiographiques suggèrent que ces anomalies sont plus prononcées au niveau du cortex préfrontal ventral que du cortex préfrontal dorsolatéral (Arango, Underwood, Gubbi, & Mann, 1995). Inversement, une augmentation des récepteurs post-synaptiques 5-HT1A et 5-HT2A a été mise en évidence

par plusieurs auteurs dans le cortex préfrontal de sujets ayant commis un suicide (Stanley & Mann, 1983), notamment au niveau du cortex préfrontal ventral (Arango et al., 1995). Ces résultats sont en faveur d’une diminution de l’activité sérotoninergique dans cette région. Dès 1976, Asberg et coll. signalaient que des patients, déprimés unipolaires, ayant des taux bas de 5-HIAA dans le liquide céphalorachidien, avaient des antécédents de suicides violents (Asberg et al., 1976). De très nombreuses études devaient par la suite confirmer que les patients déprimés ayant commis un suicide, surtout violent, avaient des taux de 5-HIAA dans le liquide céphalorachidien inférieurs à ceux des déprimés n’ayant pas commis de suicide (Stein et al., 1993). Les deux tiers des patients déprimés majeurs qui ont réalisé des tentatives de suicide ont des taux plus bas de 5-HIAA que des déprimés majeurs sans antécédent de tentative de suicide. Le taux bas de 5-HIAA serait un élément prédictif de la survenue ultérieure de tentative de suicide ou de suicide (Cooper, Kelly, & King, 1992).

Au total, Lester (1995) dans une méta-analyse, retrouve des taux bas de 5-HIAA chez les sujets ayant une histoire de tentative de suicide dans 20 études sur 24, et des taux plus bas chez ceux qui ont une histoire de tentative de suicide violente (Lester, 1995). Le taux bas de

5-HIAA apparaît être un marqueur relativement stable qui est associé avec les tentatives de suicide dans des populations de patients présentant différents troubles psychiatriques, de la même façon que les taux bas intra cérébraux de 5-HT ou de 5-HIAA seraient associés avec le suicide indépendamment du diagnostic psychiatrique (G. L. Brown & Goodwin, 1986; Linnoila et al., 1983; Roy, De Jong, & Linnoila, 1989).

Par ailleurs, les sujets déprimés ou ayant un trouble de la personnalité, qui ont des antécédents de conduites suicidaires présentent une réponse diminuée à l’administration d’un agent pro-sérotoninergique, la fenfluramine (Coccaro, 1992; Coccaro et al., 1989). Plus la léthalité de la tentative de suicide est importante, plus le taux de 5-HIAA ou la réponse au test à la fenfluramine sont bas (Mann & Malone, 1997; Mann et al., 1995). Pandey et al (1990) rapportent que l’augmentation des récepteurs 5-HT2A plaquettaires chez les suicidants est

corrélée à la sévérité de la tentative de suicide la plus récente. Au total, trois différents indices de la fonction sérotoninergique semblent être corrélés aux conduites suicidaires indépendamment du diagnostic psychiatrique, qu’il s’agisse du taux céphalo-rachidien de 5- HIAA, de la réponse au test à la fenfluramine et de la liaison aux récepteurs 5-HT2A

plaquettaires (Pandey et al., 1990).

La relation trivariée entre diminution de la transmission sérotoninergique, suicide et impulsivité a été soulignée depuis longtemps : Brown et coll. ont montré que des sujets ayant un trouble de la personnalité et des antécédents de tentative de suicide avaient des taux de 5-HIAA dans le liquide céphalorachidien plus bas que des sujets ayant des antécédents de tentatives de suicide et de comportements agressifs (G. L. Brown, Goodwin, & Bunney, 1982). Linnoila et coll. ont également montré que parmi les délinquants, seuls ceux qui avaient une “personnalité impulsive” et des antécédents de tentative de suicide avaient des taux bas de 5-HIAA dans le liquide céphalorachidien (Linnoila et al., 1983). Les sujets déprimés ou présentant un trouble de la personnalité et ayant une histoire de conduites

suicidaires, ont aussi plus souvent une histoire de comportements impulsifs et agressifs. Les criminels qui ont des antécédents de conduites suicidaires ont une histoire d’agressions plus sévères que des criminels sans antécédents suicidaires (G. L. Brown & Goodwin, 1986; Virkkunen, De Jong, Bartko, & Linnoila, 1989). Il semble donc qu’existe une prédisposition fondamentale à présenter des comportements impulsifs qu’ils soient dirigés contre soi (conduites suicidaires) ou qu’ils soient dirigés contre autrui.

Au total, il apparaît clairement démontré que l’hypofonctionnement du système sérotoninergique est identifié chez les patients ayant commis une tentative de suicide violente et/ou grave. La relation trivariée entre diminution de la transmission sérotoninergique, suicide et impulsivité paraît également pertinente, mais demande à être précisée à la fois sur le plan dimensionnel et sur le plan neuropsychologique.

b) Noradrénaline et conduites suicidaires

Les études suggérant une altération des transmissions noradrénergiques sont beaucoup moins nombreuses que celles s’intéressant au système sérotoninergique et sont de surcroît très rarement in vivo.

On a pu montrer par exemple que le locus coeruleus dans le cerveau de patients suicidés dépressifs était appauvri en neurones noradrénergiques (Arango, Underwood, & Mann, 1996). Parallèlement, il semblerait que le taux de noradrénaline dans le cerveau de patients suicidés serait anormalement bas alors que le nombre de récepteurs α2 adrénergiques serait augmenté

(Ordway, Widdowson, Smith, & Halaris, 1994). Enfin, le binding pour les récepteurs β- adrénergiques serait plus élevé au sein du cortex préfrontal de patients suicidés (Mann, Stanley, McBride, & McEwen, 1986). Tous ces résultats souffrent du fait que les conduites suicidaires sont fréquemment accompagnées d’anxiété pouvant intervenir sur les taux de noradrénaline via l’axe adréno-hypothalamo-hypophysaire.

c) Anomalies de la transduction

Il a été montré que l’activité de la protéine kinase C, impliquée dans la transduction du signal des récepteurs 5-HT2A, était anormalement basse au niveau du cortex préfrontal de

patients suicidés (Pandey et al., 1997). Par ailleurs, une déficience des sous unités α de la protéine G est associée au suicide indépendamment du diagnostic psychiatrique (Dwivedi et al., 2002). De ce fait, la up regulation des récepteurs pourrait être altérée par cette déficience de transduction qui résulterait en une diminution des neurones cibles corticaux comme cela a été démontré dans la dépression (Arango, Underwood, & Mann, 2002). Les patients suicidés ayant souffert de dépression présentent également des anomalies de l’activité de la protéine kinase mitogène activatrice (MAP) qui verrait son activité neurotrophique réduite dans le cerveau de ces victimes (Dwivedi et al., 2001). Il reste néanmoins à déterminer l’impact de ces anomalies sur les neurones corticaux, ces derniers étant également moins nombreux chez les individus souffrant de troubles de l’humeur.

d) Cholestérol et conduites suicidaires

Certains auteurs ont constaté une augmentation des suicides et peut-être également des tentatives de suicide et de l’idéation suicidaire chez des individus présentant des taux plasmatiques bas de cholestérol ou soumis à des déplétions en cholestérol (par des régimes pauvres en cholestérol) (Golomb, 1998; Muldoon, Manuck, & Matthews, 1990; Muldoon et al., 1993). Chez les primates, des régimes très riches en cholestérol sont corrélés à une augmentation de l’activité sérotoninergique ainsi qu’à des comportements moins agressifs ou violents (J. R. Kaplan et al., 1994). Cependant, cette association n’a jamais pu être montrée chez l’homme. Il n’est pas non plus expliqué pourquoi les effets d’un taux bas de cholestérol

sur les conduites suicidaires, obtenu par déplétion alimentaire, sont plus marqués que chez les individus traités par des statines (médicament de l’hypercholestérolémie) (Golomb, 1998). Enfin, une étude récente d’agrégation familiale rapporte une héritabilité commune de l’hypocholestérolémie, d’une nouvelle mutation de l’apolipoprotéine B (apoB-29.4) et de conduites suicidaires violentes posant ainsi les bases d’une possible explication physiopathologique de cette association (Edgar, Hooper, Poa, & Burnett, 2007).

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