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La corrélation empirique entre règles de départ à la retraite et taux d’emploi des seniors

A. LES EXPLICATIONS INHÉRENTES AUX RÈGLES DE L’ASSURANCE

1. La corrélation empirique entre règles de départ à la retraite et taux d’emploi des seniors

a) Les pays de l’OCDE ayant l’âge moyen de départ à la retraite le plus faible connaissent les taux d’emploi des 60-64 ans les plus bas

Les travaux annuels de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) sur les pensions1 montrent le lien entre l’âge moyen de liquidation et le taux d’emploi des seniors.

Dans le graphique ci-dessous, les pays sont classés selon les âges moyens de départ à la retraite en 2016 pour une personne entrée sur le marché du travail à l’âge de 20 ans.

Âge de départ à la retraite en 2016

Source : OCDE, Panorama des pensions, p. 101

La France fait donc partie des huit pays membres de l’OCDE qui autorisent un départ avant 63 ans pour un actif ayant travaillé à partir de 20 ans. Seuls la Slovénie, la Turquie, le Luxembourg et la Corée du Sud permettent un départ avant 62 ans.

1 Panorama des pensions, édition 2017.

Si l’on regarde les taux d’emploi des seniors dans les mêmes pays, l’impact des règles de départ à la retraite y apparait clairement (voir graphique ci-après).

Taux d’emploi des travailleurs âgés de 55 à 59 ans, de 60 à 64 ans et de 65 à 69 ans, en 2016

Source : OCDE, Panorama des pensions, p. 101

Alors que le taux d’emploi des 55-59 ans en France, en Corée du sud, en Slovaquie et au Luxembourg est proche de la moyenne de l’OCDE (70 %), il chute pour ces pays dans la tranche 60-64 ans à l’exception de la Corée. Cette dernière, à la différence des autres pays cités, offre un taux de remplacement plus faible (40 % contre plus de 50 % en moyenne), ce qui peut expliquer un intérêt à demeurer en activité plus important.

A contrario les pays dans lesquels l’âge de départ à la retraite pour

un salarié ayant commencé à travailler à 20 ans est le plus élevé (Norvège, Islande, Israël, États-Unis) affichent un taux d’emploi des 60-64 ans nettement supérieur à la moyenne de l’OCDE. L’Italie et le Portugal font exception à cette règle en raison d’un relèvement récent des bornes d’âge qui n’a pas encore porté ses pleins effets.

Empiriquement, il semble donc que la corrélation entre règles d’âge de départ et emploi des seniors est vérifiée.

b) L’atteinte des bornes d’âge de la retraite à taux plein constitue l’un des principaux motifs de départ à la retraite en France

Cette corrélation semble également s’établir dans l’esprit des nouveaux retraités français, interrogés périodiquement par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère des affaires sociales sur leurs motivations au départ à la retraite1.

1 Enquête sur les motivations au départ à la retraite et à la cessation d’activité réalisée tous les trois ans. Les résultats présentés dans ce rapport sont tirés des enquêtes de 2014 et 2017.

Motivations du départ et de la cessation d’activité en 2017

*Les chiffres entre parenthèses sont ceux issus de l’enquête de 2014.

1. Changement de formulation en 2017. En 2014, la question était formulée ainsi : « Vous éprouviez un sentiment de lassitude par rapport à votre travail ».

Source : Drees, La retraite et les retraités, édition 2018, enquête de 2017

Comme le montre le graphique ci-dessus, les trois principaux motifs évoqués pour expliquer le choix de partir à la retraite sont le souhait de profiter de sa retraite le plus longtemps possible et le fait d’atteindre l’âge minimum légal d’une part et celui de la durée d’assurance requise pour le taux plein d’autre part.

Le maintien de ces deux derniers motifs à un niveau élevé témoigne du rôle prescripteur joué par les bornes d’âge dans notre système de retraite. Cette dimension devra être prise en compte dans le cadre du projet de réforme systémique des retraites alors que la notion de taux plein pourrait disparaitre à la faveur de la mise en place d’un système en points (voir infra).

Les réformes des retraites depuis 2003 ont pourtant permis une plus grande liberté à l’assuré pour choisir le moment de son départ à la retraite.

La création de la surcote, la baisse des barèmes de décote dans le privé et au contraire la création d’une décote dans le public, le recul de l’âge de la retraite d’office, la libéralisation du cumul emploi-retraite sont autant de mesures permettant à l’assuré un arbitrage plus libre entre le travail et la retraite. Cet arbitrage n’est plus seulement tributaire des règles d’âge mais peut désormais reposer sur un choix éclairé au regard d’un niveau de pension servie lorsque l’assuré réfléchit à son départ. Les outils du droit à l’information retraite permettent de fournir des estimations et de réaliser des simulations.

Manifestement, la souplesse de ces mécanismes n’a pas encore été intégrée. Les jeunes retraités sont demeurés majoritairement sensibles à l’obtention d’une retraite à taux plein plus qu’à un niveau de retraite suffisant en soi. Le rapport de France stratégie émet d’ailleurs l’hypothèse que « l’âge individuel d’éligibilité au taux plein pourrait jouer le rôle de norme

sociale » et que « la durée associée au taux plein s’avère[rait] donc associée à un effet horizon au niveau individuel ».

Le maintien du rôle prescripteur des règles d’âge doit être mis en parallèle avec l’évolution significative, entre les enquêtes de 2014 et 2017, de trois autres motifs. D’une part, les motifs « profiter de sa retraite le plus

longtemps possible » et « vous ne vouliez plus travailler » ont beaucoup compté

en 2017 pour respectivement 56 % (+ 11 points par rapport à 2014) et 26 % (+ 6 points) des assurés. D’autre part, le motif de « l’insatisfaction des

conditions de travail », qui n’avait pas du tout compté pour 74 % des jeunes

retraités en 2014, n’a plus du tout joué que pour 66 % d’entre eux en 2017. Ces chiffres attestent d’une dégradation du rapport au travail. La retraite semble vécue comme une échappatoire que les assurés recherchent dès qu’ils y ont droit. Cette hypothèse devra être prise en compte par le législateur dans l’optique d’un éventuel débat sur un nouvel allongement de la durée d’activité.

2. Les effets contrastés des réformes des retraites depuis 1993 sur