Ce chapitre est consacr´e aux deux r´esultats fondamentaux des probabilit´es : la loi forte des grands nombres qui assure que la moyenne arithm´etique de variables al´eatoires ind´ependantes et de mˆeme loi converge vers une constante quand le nombre de variables al´eatoires augmente, et le th´eor`eme central limite qui pr´ecise la vitesse de cette convergence.
L’´enonc´e de ces r´esultats n´ecessite l’introduction de plusieurs modes de conver-gence pour les variables al´eatoires : la converconver-gence presque sˆure au paragraphe V.1, la convergence en probabilit´e et la convergence quadratique au paragraphe V.2, et la convergence en loi au paragraphe V.3.
La loi forte des grands nombres est ´enonc´ee et en partie d´emontr´ee au pa-ragraphe V.4. On donne des applications de ce r´esultat au papa-ragraphe V.5. Le th´eor`eme central limite est ´enonc´e et d´emontr´e au paragraphe V.6. La notion d’in-tervalle de confiance, qui par exemple permet de donner la validit´e d’un sondage, est introduite au paragraphe V.7. D’autres r´esultats qui compl`etent le th´eor`eme central limite sont pr´esent´es dans le paragraphe V.8.
V.1 Convergence presque sˆure et th´eor`emes limites
On pr´esente dans ce paragraphe la convergence presque sˆure (p.s.) et les condi-tions qui permettent de permuter convergence p.s. et esp´erance. Les d´efinicondi-tions de la limite sup´erieure et de la limite inf´erieure sont rappel´ees au paragraphe I.10.
D´efinition V.1. On dit qu’une suite (Xn, n∈N) de variables al´eatoires r´eelles d´efinies sur le mˆeme espace probabilis´e, converge presque sˆurement si :
P
lim inf
n→∞ Xn= lim sup
n→∞ Xn
= 1.
On note lim
n→∞Xn la v.a. limite. Une suite de variables al´eatoires vectorielles ((Xn(1), . . . , Xn(d)), n∈N) converge p.s. si les suites des coordonn´ees(Xn(i), n∈ N), pouri∈ {1, . . . , d}, convergent presque sˆurement. Enfin si la suite(Xn, n∈N∗) converge p.s. vers X, on le note :
Xn −−−→np.s.
→∞ X.
Remarque. La limite, quand elle existe, est mesurable (cf. la proposition I.19), c’est
donc une variable al´eatoire. ♦
Exemple. Soit (Xn, n∈N) une suite de v.a. de loi de Bernoulli de param`etre pn. Alors la suite des sommes partielles (Pn
k=02−kXk, n∈N∗) converge p.s. ♦ Remarque. Soit (Xn, n∈N∗) une suite de v.a. ind´ependantes de loi uniforme sur [−1,1]. La suite des sommes partielles (Pn
k=1Xk/k2, n ∈ N∗) converge (absolu-ment) p.s. Le graphe V.1 repr´esente des r´ealisations des ces sommes partielles.
♦ Lemme V.2. Soit (Xn, n∈N) une suite de v.a. qui converge p.s. vers X. Soith une fonction mesurable. SoitC l’ensemble des points o`u la fonctionhest continue.
Si P(X∈C) = 1, alors la suite de v.a. (h(Xn), n∈N) converge p.s. versh(X).
D´emonstration. Soit l’´ev`enementA={Xn converge vers X}. Par hypoth`ese on a P(A) = 1. Pourω ∈A∩{X ∈C}, on a limn→∞h(Xn(ω)) =h(X(ω)). Cela signifie que :
A∩ {X∈C} ⊂ {h(Xn) converge versh(X)}.
Comme P(A∩ {X ∈C}) = 1, on en d´eduit par croissance, que la probabilit´e du membre de droite est 1. La suite de v.a. (h(Xn), n∈N) converge p.s. versh(X). ⊓⊔ Exemple. Si (Xn, n ∈ N∗) est une suite de v.a. qui converge p.s. vers X et si P(X= 0) = 0, alors la suite (Xn−1, n∈N∗) converge p.s. vers X−1. ♦ Les trois th´eor`emes suivants que l’on admet sont `a rapprocher des th´eor`emes
´enonc´es au paragraphe III.10 sur l’int´egrale de Lebesgue.
V.1 Convergence presque sˆure et th´eor`emes limites
0 15 30 45 60
−1 0 1
Yn
n
Figure V.1.5 r´ealisations de la suiten7→Yn=
n
X
k=1
Xk/k2.
Th´eor`eme V.3 (Convergence domin´ee). Soit Y une v.a. r´eelle positive telle que E[Y]<∞. Soit (Xn, n∈N)une suite de v.a. r´eelles ou vectorielles telles que pour tout n ∈ N p.s. |Xn| ≤ Y (les v.a. Xn sont domin´ees p.s. par la v.a. Y et donc int´egrables). Si la suite de v.a. (Xn, n∈N) converge p.s., alors la v.a. lim
n→∞Xn est aussi int´egrable, et on a :
n→∞lim E[Xn] =Eh
n→∞lim Xn
i .
ExempleV.4. On termine la d´emonstration de la formule de d´ecomposition (II.10).
SoitXune v.a. etY une v.a.d. de support∆. Soitϕune fonction mesurable born´ee.
On d´esire montrer que :
E[ϕ(X, Y)] = X
y∈∆
E[ϕ(X, y), Y =y], o`u par convention E[ϕ(X, y), Y =y] =E
ϕ(X, y)1{Y=y}
. On consid`ere une suite croissante (∆n, n ∈ N) de sous-ensembles finis telle que S
n≥1∆n = ∆. On pose Zn = P
y∈∆nϕ(X, y)1{Y=y}. La v.a. Zn est domin´ee par kϕk∞P
y∈∆1{Y=y} ≤ kϕk∞. De plus la suite (Zn, n ∈ N) converge p.s. vers X
y∈∆
ϕ(X, y)1{Y=y} = ϕ(X, Y). Par le th´eor`eme de convergence domin´ee, on obtient :
X
y∈∆
E[ϕ(X, y), Y =y] = lim
n→∞E[Zn] =Eh
n→∞lim Zn
i
=E[ϕ(X, Y)].
♦ Th´eor`eme V.5 (Convergence monotone). Soit (Xn, n∈N) une suite croissante de v.a. r´eelles positives: pour tout m≥n≥0, p.s. Xm≥Xn≥0. On a :
n→∞lim E[Xn] =Eh
n→∞lim Xn
i ,
o`u les limites peuvent ´eventuellement prendre la valeur +∞.
Th´eor`eme V.6(Lemme de Fatou). Soit(Xn, n∈N)une suite de v.a.positives.
On a :
lim inf
n→∞ E[Xn]≥E h
lim inf
n→∞ Xni .
V.2 Convergence en probabilit´e et dans l’espace L2
On pr´esente dans ce paragraphe la convergence en probabilit´e et dansL2. D´efinition V.7. On dit qu’une suite de v.a. (Xn, n∈N) d´efinies sur le mˆeme espace probabilis´e converge en probabilit´e vers une v.a.X si : pour toutε >0,
nlim→∞P(|Xn−X|> ε) = 0.
On a d´ej`a vu la convergence en probabilit´e au paragraphe II.11 pour la loi faible des grands nombres.
Exemple. Soit (Xn, n∈N) une suite de v.a. de Bernoulli de param`etre pn tel que
n→∞lim pn= 0. Alors la suite converge en probabilit´e vers 0. En effet, pour ε∈]0,1[, on a P(|Xn|> ε) =pn et limn→∞pn= 0. ♦ Proposition V.8. La convergence p.s. entraˆıne la convergence en probabilit´e.
V.2 Convergence en probabilit´e et dans l’espaceL2
D´emonstration. Soit (Xn, n ∈ N) une suite de v.a qui converge p.s. vers X. La suite de v.a. discr`etes positives (1{|Xn−X|>ε}, n∈N) converge p.s. vers 0. De plus elle est uniform´ement born´ee par 1. Par le th´eor`eme de convergence domin´ee, on en d´eduit que :
nlim→∞P(|Xn−X|> ε) = lim
n→∞E
1{|Xn−X|>ε}
=Eh
nlim→∞1{|Xn−X|>ε}i
= 0.
⊓
⊔ Remarque. La r´eciproque est fausse en g´en´eral comme le montre l’exemple suivant. Soit l’espace probabilis´e ([0,1],B([0,1]), λ), o`uλest la mesure de Lebesgue sur [0,1]. Les v.a. r´eelles sont alors les fonctions r´eelles mesurables d´efinies sur [0,1].
On d´efinit les v.a.X2n+kde la mani`ere suivante : pourn∈Netk∈ {0,· · ·,2n−1}, X2n+k(ω) =1[k2−n,(k+1)2−n](ω).
Pour tout ω ∈ [0,1], la suite Xp(ω) prend une infinit´e de fois les valeurs 0 et 1.
En particulier on a lim supp→∞Xp(ω) = 1 et lim infp→∞Xp(ω) = 0. P.s. la suite ne converge pas. En revanche, pour ε ∈]0,1[, on a P(|X2n+k|> ε) =P(X2n+k = 1) = 2−n. Cela implique que limp→∞P(|Xp|> ε) = 0. Donc la suite converge en
probabilit´e vers 0. ♦
On pourra dans une premi`ere lecture omettre la fin de ce paragraphe sur la r´eciproque partielle de la proposition V.8 et la notion de convergence dans L2. Proposition V.9. De toute suite de v.a. qui converge en probabilit´e, on peut extraire une sous-suite qui converge presque sˆurement.
D´emonstration. Soit (Xn, n∈N) une suite de v.a. qui converge en probabilit´e vers X. On d´efinit la sous-suite (Xσ(n), n ∈ N) de la mani`ere suivante : σ(0) = 0 et pour n∈N,
σ(n+ 1) = inf
p > σ(n) tel que P
|Xp−X|> 1 n+ 1
≤ 1
(n+ 1)2
.
La suite (Xn, n ∈ N) converge en probabilit´e, cela assure que la sous-suite (σ(n), n∈N) est bien d´efinie. On en d´eduit, par convergence monotone, que :
E
X
n≥1
1{|Xσ(n)−X|>n1}
=X
n≥1
P
Xσ(n)−X > 1
n
≤X
n≥1
1 n2 <∞.
Cela implique que la v.a. X
n≥1
1{|Xσ(n)−X|>n1} est int´egrable. En particulier, elle est finie p.s. Les termes d’une s´erie convergente tendent vers 0. Donc p.s., on a lim
n→∞1{|Xσ(n)−X|>n1} = 0. Comme la fonction indicatrice ne prend que deux valeurs 0 ou 1, cela entraˆıne que p.s. 1{|Xσ(n)−X|>n1}(ω) est nul `a partir d’un certain rang n0 (qui d´epend de ω). Donc, p.s. `a partir d’un certain rang, on a Xσ(n)(ω)−X(ω)
≤ n1. En particulier, cela implique que p.s. limn→∞Xσ(n)=X.
Donc la sous-suite (Xσ(n), n∈N) converge p.s. vers X. ⊓⊔ On d´efinit l’espace L2(Ω), not´e L2, comme l’espace des v.a. r´eelles de carr´e int´egrable d´efinies sur (Ω,F). Si on a X ∈ L2, alors αX ∈ L2, o`u α ∈ R, par lin´earit´e de l’esp´erance. Enfin si X, Y ∈ L2, alors comme (X+Y)2 ≤2X2+ 2Y2, on en d´eduit queX+Y ∈ L2. AinsiL2 est un espace vectoriel. On noteL2l’espace L2quotient´e par la relation d’´equivalence d´efinie par l’´egalit´e p.s. (i.e.XetY sont en relation si X = Y p.s.). Ainsi X ∈ L2 d´esigne un repr´esentant de la classe {Y ∈ L2;X =Y p.s.}.
Par l’in´egalit´e de Cauchy-Schwarz, on remarque que siX, Y ∈L2, alorsXY est int´egrable. On v´erifie facilement queE[XY] d´efinit une forme bilin´eaire sym´etrique positive sur L2. Enfin, on d´eduit de l’in´egalit´e de Tchebychev, que si P(|X| >
ε) > 0, alors E[X2]> 0. Par contrapos´ee, si E[XX] = 0, alors X = 0 p.s. Ainsi l’application (X, Y)7→E[XY] d´efinit un produit scalaire surL2. La norme associ´ee est kXk=p
E[X2].
D´efinition V.10. On dit qu’une suite de v.a. (Xn, n ∈ N) de carr´e int´egrable converge dans L2 vers une v.a. de carr´e int´egrableX si :
nlim→∞E
(Xn−X)2
= 0.
Proposition V.11. La convergence L2 entraˆıne la convergence en probabilit´e.
D´emonstration. Cela d´ecoule de l’in´egalit´e de Tchebychev. ⊓⊔ Remarque. La r´eciproque est fausse en g´en´eral, car pour la convergence en proba-bilit´e, on n’impose pas queXn soit de carr´e int´egrable. ♦ On dit que la suite de v.a. (Xn, n∈N) est unesuite de CauchydansL2si pour toutε >0, il existeN tel que pour toutn≥N, m≥N, on aE
(Xn−Xm)2
≤ε.
V.2 Convergence en probabilit´e et dans l’espaceL2
La proposition suivante assure que l’espaceL2estcomplet. Ainsi l’espaceL2muni du produit scalaire (X, Y) =E[XY] est un espace de Hilbert.
Proposition V.12. Toute suite de Cauchy dansL2 est une suite convergente dans L2.
D´emonstration. On suppose que (Xn, n∈N) est une suite de Cauchy dansL2. On extrait une sous-suite de la mani`ere suivante : σ(0) = 0 et pour tout n ∈ N, on pose :
σ(n+ 1) = infn
k > σ(n);E
(Xl−Xm)2
≤2−(n+1)pour tous l≥k, m≥ko .
En particulier, on a pour toutn∈N,E[(Xσ(n+1)−Xσ(n))2]≤2−n. Par le th´eor`eme de convergence monotone et l’in´egalit´e de Jensen appliqu´ee `a la fonctionϕ(x) =x2, on a :
E
"
X
n∈N
Xσ(n+1)−Xσ(n)
#
=X
n∈N
E
Xσ(n+1)−Xσ(n)
≤X
n∈N
E
(Xσ(n+1)−Xσ(n))21/2
<∞. Cela implique que la v.a.P
n∈N
Xσ(n+1)−Xσ(n)
est int´egrable. Elle est donc finie p.s. La s´erie de terme g´en´eral Xσ(n+1)−Xσ(n) est p.s. absolument convergente.
En regardant la convergence des sommes partielles, on en d´eduit que la suite (Xσ(n), n∈ N) converge p.s. On note X la v.a. limite. On d´eduit alors du lemme de Fatou que :
lim inf
n→∞ E
(Xm−Xσ(n))2
≥E
(Xm−X)2 .
En particulier, on en d´eduit que pour tout ε > 0, il existe N tel que pour tout entier m ≥N, E
(Xm−X)2
≤ ε. La suite (Xn, n ∈ N) converge donc dans L2
vers X. ⊓⊔
Remarque. On a ´egalement montr´e dans la d´emonstration ci-dessus, que de toute suite convergente dans L2, on peut extraire une sous-suite qui converge presque
sˆurement. ♦
V.3 Convergence en loi
Parmi les notions de convergence, la convergence en loi est la convergence la plus faible. La d´efinition suivante est valable pour les v.a. r´eelles et vectorielles.
D´efinition V.13. On dit qu’une suite de v.a. (Xn, n∈N) converge en loi vers la loi d’une v.a. X (par abus de langage, on dit aussi que la suite converge en loi vers X) si pour toute fonctiong `a valeurs r´eelles, born´ee et continue, on a :
nlim→∞E[g(Xn)] =E[g(X)]. On le note :
Xn en loi
−−−−→
n→∞ X.
Remarque. Le choix de fonctions continues est essentiel (voir la proposition V.19 et l’exemple V.20). La convergence en loi n’entraˆıne pas en g´en´eral la convergence en probabilit´e, ni la convergence p.s., ni dans l’espace L2. En particulier, dans la d´efinition de la convergence en loi, on n’impose pas que les v.a. soient d´efinies sur
le mˆeme espace probabilis´e. ♦
Exemple. La suite (Xn, n∈N∗), o`uXnest de loi uniforme sur
0,1
n,· · ·,n−1 n
, converge en loi versU de loi uniforme sur [0,1]. En effet, sig est continue born´ee, on d´eduit de la convergence des sommes de Riemann que :
E[g(Xn)] = 1 n
n−1
X
k=0
g k
n
n→∞−→
Z
[0,1]
g(x)dx=E[g(U)].
♦ Exercice V.1.
Soit (Xn, n∈N∗) une suite de variables al´eatoires de loi exponentielle de param`etre λn. ´Etudier la convergence en loi dans les trois cas suivants :
1. lim
n→∞λn=λ∈]0,∞[, 2. lim
n→∞λn= +∞, 3. lim
n→∞λn= 0.
△ Correction V.1. Soitg continue born´ee.
V.3 Convergence en loi
1. On a E[g(Xn)] = R∞
0 λne−λnxg(x) dx. Il existe n0 ∈ N∗, et 0 < λ− <
λ+ < ∞ tels que pour tout n ≥ n0, on a λn ∈ [λ−, λ+]. On a alors
λne−λnxg(x)
≤ kgk∞λ+e−λ−x = h(x). La fonction h est int´egrable sur [0,∞[. On a lim
n→∞λne−λnxg(x) = λe−λxg(x). On d´eduit du th´eor`eme de convergence domin´ee que :
E[g(Xn)]n−→
→∞
Z ∞
0
λe−λxg(x)dx.
Donc la suite (Xn, n∈N∗) converge en loi vers la loi exponentielle de param`etre λ.
2. On a E[g(Xn)] = R∞
0 e−xg(x/λn) dx. On a la majoration |e−xg(x/λn)| ≤ kgk∞e−x=h(x), et la fonctionh est int´egrable sur [0,∞[. Comme la fonction gest continue, on a limn→∞g(x/λn) =g(0). Par convergence domin´ee, il vient :
E[g(Xn)]n−→
→∞ g(0) =E[g(X)],
o`u p.s.X = 0. Donc la suite (Xn, n∈N∗) converge en loi vers 0.
3. Si la suite (Xn, n∈N∗) converge en loi vers une variable al´eatoire X, alors les fonctions caract´eristiques ψXn(u) convergent versψX(u) pour toutu∈R. On a :
nlim→∞ψXn(u) = lim
n→∞
λn
λn−iu =1{u=0}.
La fonctionu7→1{u=0}n’est pas continue en 0. Or les fonctions caract´eristiques sont continues. Par contrapos´ee, ce n’est donc pas la fonction caract´eristique d’une variable al´eatoire et la suite (Xn, n∈N∗) ne converge pas en loi.
N En fait les fonctions caract´eristiques jouent un rˆole important pour la conver-gence en loi. On admet le th´eor`eme suivant.
Th´eor`eme V.14 (L´evy). Si (Xn, n ∈ N) est une suite de v.a. r´eelles ou vecto-rielles telle que ψXn n−→
→∞ ψ et si ψ est continue en 0, alors ψ est la fonction caract´eristique d’une v.a. X. De plus la suite (Xn, n∈N) converge en loi vers la loi de X.
On en d´eduit le th´eor`eme suivant utile en pratique.
Th´eor`eme V.15. Soit (Xn, n∈N) une suite de v.a. r´eelles (resp. vectorielles `a valeurs dans Rd). La suite converge en loi vers la loi d’une v.a. X si et seulement si :
ψXn(u)n−→
→∞ ψX(u), ∀u∈R (resp. ∀u∈Rd) . Exercice V.2.
Soit (Xn, n∈N∗) une suite de v.a. ind´ependantes o`u la loi de Xn est la loi de Cauchy de param`etrean>0. Montrer que la suite (Pn
i=1Xi, n∈N∗) converge en loi si et seulement si Pn
i=1ai converge vers une limite finie. Alors la loi limite est une loi de Cauchy de param`etreP
i≥1ai. △
Proposition V.16. La convergence en probabilit´e implique la convergence en loi.
La r´eciproque est fausse en g´en´eral, comme le montre le contre-exemple V.17 (voir l’exercice V.3 pour une r´eciproque partielle).
D´emonstration. Soit (Xn, n∈N) une suite de v.a. `a valeurs dansRd, qui converge en probabilit´e vers une v.a. X. On a :
|ψXn(u)−ψX(u)|= E
h
ei(u,Xn)−ei(u,X)i . Grˆace au lemme IV.1, il vient, pourε >0 :
|ψXn(u)−ψX(u)| ≤E h
ei(u,Xn)−ei(u,X) i
=Eh
1−ei(u,(X−Xn)) i
≤2E
1|X−Xn|≥ε
+ sup
|x−y|<ε
1−ei(u,(x−y)) .
On en d´eduit que lim supn→∞|ψXn(u)−ψX(u)| ≤ sup|z|<ε
1−ei(u,z)
. Comme ceci est vrai pour tout ε > 0, on a donc limn→∞|ψXn(u)−ψX(u)|= 0. La suite
converge donc en loi. ⊓⊔
Exemple V.17. Soit (Xn, n∈N) une suite de v.a. ind´ependantes de loi exponen-tielle de param`etreλ= 1. Comme les v.a. ont mˆeme loi, on aE[g(Xn)] =E[g(X1)]
pour toute fonction g continue born´ee. La suite converge donc en loi. On montre que la suite ne converge pas en probabilit´e. Soitε >0. On a pourm6=n:
V.3 Convergence en loi
P(|Xn−Xm|> ε) = Z
R2+
e−x−y1{|x−y|>ε}dxdy >0.
Cette quantit´e est ind´ependante demetn. On raisonne maintenant par l’absurde.
On suppose que la suite (Xn, n∈N) converge en probabilit´e vers une v.a. X.
Comme :
{|Xn−Xm|> ε} ⊂ {|Xn−X|> ε/2} ∪ {|X−Xm|> ε/2}, cela implique que :
P(|Xn−Xm|> ε)≤P(|X−Xm|> ε/2) +P(|Xn−X|> ε/2).
En particulier P(|Xn−Xm| > ε) converge vers 0 quand n → ∞ et m → ∞. Ce qui est absurde, car cette quantit´e strictement positive est ind´ependante de m et
n(pourm6=n). ♦
Remarque. Soit (Xn, n∈N) une suite de v.a. qui converge en loi versX et (Yn, n∈ N) une suite de v.a. qui converge en loi vers Y. Alors on n’a pas forc´ement la convergence en loi de la suite (Xn+Yn, n ∈ N) vers X +Y, ni de mani`ere plus g´en´erale celle de ((Xn, Yn), n ∈ N) vers la loi du couple (X, Y). La convergence des lois marginales en loi n’implique pas la convergence en loi du vecteur, voir
l’exemple V.18. ♦
Exemple V.18. Soit X une v.a. de loi N(0,1). Pour n ∈ N, on pose Xn = X et Yn= (−1)nX. CommeXet−Xont mˆeme loi, on en d´eduit que les lois deXnet de Ynsont ind´ependantes den, il s’agit de la loiN(0,1). En revancheX2n+Y2n= 2X etX2n+1+Y2n+1= 0. La suite (Xn+Yn, n∈N) ne converge donc pas en loi. En utilisant les fonctions caract´eristiques, on v´erifie facilement que l’on n’a pas non plus la convergence de la suite ((Xn, Yn), n ∈N). La convergence en loi n’est pas
une convergence d’espace vectoriel. ♦
On admet le r´esultat suivant qui g´en´eralise la d´efinition V.13.
Proposition V.19. Soit (Xn, n ∈ N) une suite de v.a. `a valeurs dans Rd qui converge en loi vers la loi d’une v.a X. Soit h une fonction d´efinie sur Rd `a valeurs r´eelles, mesurable born´ee. Soit C l’ensemble des points o`u la fonction est continue. Si P(X ∈C) = 1, alors on a :
nlim→∞E[h(Xn)] =E[h(X)].
Exemple V.20. Soit (Xn, n ∈ N∗) une suite de v.a. telles que P(Xn = 1/n) = 1.
Cette suite converge en loi vers la loi de la v.a. constanteX = 0. Mais on a :
n→∞lim E
1]−∞,0](Xn)
= 06= 1 =E
1]−∞,0](X) .
♦ Exercice V.3.
Soit (Xn, n ∈ N∗) une suite de v.a. d´efinies sur le mˆeme espace probabilis´e, `a valeurs dans Rd et qui converge en loi vers une constante c. Montrer que la suite
converge ´egalement en probabilit´e vers c. △
Correction V.3. Soitε >0. On d´eduit de la proposition V.19 avec la fonctionh(x) = 1{|x−c|>ε} qui est continue enc que limn→+∞P(|Xn−c|> ε) =P(|c−c|> ε) = 0.
La suite converge donc en probabilit´e versc. N
On d´eduit de la proposition V.19 un r´esultat similaire au lemme V.2 pour la convergence en loi.
Corollaire V.21. Soit (Xn, n ∈ N) une suite de v.a. qui converge en loi vers X. Soit h une fonction mesurable. Soit C l’ensemble des points o`u la fonction est continue. Si P(X ∈C) = 1, alors la suite de v.a. (h(Xn), n ∈N) converge en loi vers h(X).
D´emonstration. Soit ϕ une fonction continue born´ee. Les points de continuit´e de ϕ◦h sont ceux deh, c’est-`a-dire l’ensemble C. CommeP(X ∈C) = 1, on d´eduit de la proposition V.19 que lim
n→∞E[ϕ(h(Xn))] =E[ϕ(h(X))]. Cela signifie bien que la suite de v.a. (h(Xn), n∈N) converge en loi vers h(X). ⊓⊔ Soit X une v.a. r´eelle. Sa fonction de r´epartition F(x) = P(X ≤ x) = E
1{X≤x}
est croissante, continue `a droite et `a valeurs dans [0,1]. Elle poss`ede donc au plus un nombre d´enombrable de points de discontinuit´e. Sixest un point de continuit´e, alors :
P(X=x) = lim
ε→0P(X∈]x−ε, x+ε]) = lim
ε→0F(x+ε)−F(x−ε) = 0.
On d´eduit de la proposition V.19 que si la suite de v.a. r´eelles (Xn, n∈N) converge en loi vers X, alors lim
n→∞E
1{Xn≤x}
=E
1{X≤x}
. Ainsi la suite (Fn(x), n∈N), o`u Fn est la fonction de r´epartition deXn, converge vers F(x). L’extension au cas vectoriel est imm´ediat.
V.4 Loi forte des grands nombres
Corollaire V.22. Si la suite(Xn, n∈N)de v.a. r´eelles ou vectorielles converge en loi vers la loi d’une variable al´eatoireX, alors la suite des fonctions de r´epartition (Fn, n∈N) converge ponctuellement vers la fonction de r´epartition, F, de la v.a.
X, sauf peut-ˆetre aux points de discontinuit´e deF.
On adopte la convention suivante : soit hune fonction r´eelle d´efinie surRd, on note :
x→−∞lim h(x) = lim
max(x1,...,xn)→−∞h(x1, . . . , xn),
x→lim+∞h(x) = lim
min(x1,...,xn)→+∞h(x1, . . . , xn), quand les limites existent.
On admettra la r´eciproque suivante.
Proposition V.23. Soit (Xn, n ∈ N), une suite de v.a. r´eelles ou vectorielles, telle que la suite des fonctions de r´epartition (Fn, n∈N) converge ponctuellement vers une fonction continue `a droite F, sauf peut-ˆetre aux points de discontinuit´e de F. On suppose de plus que limx→−∞F(x) = 0 et limx→+∞F(x) = 1. Alors la fonction F est la fonction de r´epartition d’une v.a. X, et la suite (Xn, n ∈ N∗) converge en loi vers X.
Exemple. Si on reprend l’exercice V.1 en utilisant les fonctions de r´epartition, on obtient que la limite de Fn(x) =P(Xn≤x) = (1−e−λnx)1{x≥0} est
– dans le cas λn → λ∈]0,+∞[, (1−e−λx)1{x≥0} qui est la fonction de r´epar-tition de la loi exponentielle de param`etre λ,
– dans le casλn→+∞,1{x≥0} qui est la fonction de r´epartition de la variable constante ´egale `a 0,
– dans le cas λn → 0, F(x) = 0. Cette fonction n’est pas une fonction de r´epartition car limx→+∞F(x)6= 1. Dans ce dernier cas, on retrouve bien que la suite (Xn, n∈N∗) ne converge pas en loi.
♦
V.4 Loi forte des grands nombres
On am´eliore le r´esultat de la loi faible des grands nombres d´emontr´ee au para-graphe II.11 : on a en fait, sous certaines hypoth`eses, la convergence presque sˆure,
et non pas seulement en probabilit´e, de la moyenne empirique vers la moyenne.
C’est la loi forte des grands nombres (LFGN). Elle est illustr´ee sur la figure V.2.
On dit que des variables al´eatoires sontidentiquement distribu´ees(ou ´equi-distribu´ees) si elles ont mˆeme loi ; et on utilise l’acronymei.i.dpour ind´ependantes et identiquement distribu´ees.
Th´eor`eme V.24 (Loi forte des grands nombres). Soit (Xn, n ∈ N∗) une suite de v.a. r´eelles ou vectoriellesi.i.d. et int´egrables(c’est-`a-dire ind´ependantes, de mˆeme loi et telles queE[|Xn|]<∞). Alors la moyenne empiriqueX¯n= n1 Pn
k=1Xk converge presque sˆurement vers E[X1]. Ainsi on a :
X¯n= 1 n
n
X
k=1
Xk −−−→np.s.
→∞ E[X1].
On a de plus que lim
n→∞E
X¯n−E[X1]
= 0.
En particulier ce th´eor`eme justifie l’approximation faite au paragraphe I.2 de la probabilit´e d’un ´ev`enement par sa fr´equence empirique. Enfin ce th´eor`eme est robuste : on obtient des r´esultats similaires sur la convergence de la moyenne empirique sous des hypoth`eses plus faibles que celles du th´eor`eme.
0 25 50 75 100
0 1 2 3
0 250 500 750 1000
0 1
2 X¯n
X¯n
n n
Figure V.2. Plusieurs r´ealisations de la suite ¯Xn = 1 n
n
X
k=1
Xk, o`u les variables al´eatoires X1, . . . , Xnsont ind´ependantes de loi exponentielle de param`etreλ= 1 (on a alorsE[Xk] = 1).
V.4 Loi forte des grands nombres
Exemple V.25. Comment calculer m = R1
0 g(x) dx, o`u g est mesurable born´ee,
`
a l’aide d’un ordinateur ? Le g´en´erateur de nombres al´eatoires sur un ordinateur fournit (Un(ω), n ∈ N∗), une r´ealisation d’une suite de variables al´eatoires que l’on consid`ere ind´ependantes et de loi uniforme sur [0,1]. Ensuite, par abus, on admet que l’on a bien convergence de la moyenne empirique 1
n
n
X
k=1
g(Uk(ω)) vers la moyenne E[g(U1)] pour cette r´ealisation particuli`ereω. On a donc pour nassez grand :
Cette m´ethode, dite m´ethode de Monte Carlo (1949), est particuli`erement efficace si on consid`ere des int´egrales sur [0,1]davec dgrand, comparativement `a d’autres m´ethodes num´eriques. Le but du paragraphe V.6 est de pr´eciser cette
approxima-tion. ♦
D´emonstration. Loi forte des grands nombres. On donne une d´emonstration sous des hypoth`eses plus fortes de la loi forte des grands nombres : on suppose que E[Xk4]<∞. On pose Yk = Xk−E[Xk] et ¯Yn = 1nPn
k=1Yk. Les v.a. Yk sont ind´ependantes et identiquement distribu´ees. On a E[Yk4] < ∞, et E[Yk] = 0. Un simple calcul montre que :
EY¯n4
En particulier, presque sˆurement, les termes de la s´erie tendent vers 0, cela signifie que p.s. limn→∞Y¯n = 0. Comme limn→∞E[ ¯Yn4] = 0, on a ´egalement, grˆace `a l’in´egalit´e de Jensen que limn→∞E[
Y¯n
] = 0. Cela d´emontre la derni`ere partie du th´eor`eme de la loi forte des grands nombres quand E[Xk4]<∞. ⊓⊔ Que se passe-t-il si les v.a. sont toujours ind´ependantes et de mˆeme loi mais pas int´egrables ? On distingue suivant les trois raisons pour lesquelles une v.a. r´eelle
n’est pas int´egrable : sa partie positive est int´egrable mais pas sa partie n´egative ;
n’est pas int´egrable : sa partie positive est int´egrable mais pas sa partie n´egative ;