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Convention relative aux droits de l’enfant puissent être directement invoquées devant les juridictions françaises - cette convention ne créant d’ « obligations qu’à la charge des Etats

Dans le document La responsabilité juridictionnelle (Page 125-129)

parties [et] n’étant pas directement applicable en droit interne »

530

- elle a néanmoins laissé

entendre, dans un second temps, que certaines d’entre elles pourraient être directement

applicables

531

; pour, enfin, admettre et promouvoir, lors d’un véritable arrêt de principe,

l’invocabilité directe de certaines dispositions de la Convention de New York

532

, lesquelles

étaient par ailleurs déjà reprises par le code civil

533

. La Cour aurait donc pu se contenter de

s’y référer, mais elle a profité de cette opportunité pour afficher sa volonté de, dorénavant,

admettre l’applicabilité de certaines dispositions de la Convention

534

. En ce sens, elle a rejoint

la jurisprudence du Conseil d’Etat, qui, de façon constante, opère une distinction entre les

dispositions de self executing et celles dépourvues d’effet direct

535

.

190. Ainsi l’un des enjeux de la jurisprudence consiste-t-il à faire vivre le droit. S’il

est certain qu’assurer une stabilité jurisprudentielle doit guider les juridictions, il ne s’agit pas

pour autant de figer le droit. La question du revirement fait naître une apparente contradiction

avec le double objectif de la jurisprudence : s’inscrire dans la continuité mais s’adapter au

contexte, lequel est appelé – par essence – à évoluer.

530

Cass. civ. 1

ère

10 mars 1993, Bull. n° 103. Confirmé par Cass. civ. 1

ère

2 juin 1993, Bull. n° 195 ; Cass.

civ. 1

ère

15 juillet 1993, Bull. n° 259 ; Cass. soc. 13 juillet 1994, Bull. n° 236 ; Cass. crim. 18 juin 1997, Bull. n°

244 ; Cass. crim. 14 octobre 1998, n° 97-83877

531

Cass. civ. 2

ème

7 février 1996, n° 93-12.239 ; Cass. crim. 16 juin 1999, n° 98-84.538 ;Cass. civ. 1

ère

18

avril 2000, Bull. n° 112 ; Cass. civ. 2

ème

11 janvier 2001, Bull. n° 2 ; Cass. civ. 2

ème

4 juillet 2002, n° 00-16.526.

532

Cass. civ. 1

ère

18 mai 2005, Bull. n° 212 et n° 211. On notera toutefois que la Chambre criminelle de la

Cour de cassation avait, dès un arrêt du 5 septembre 2001, n° 00-84.429, reconnu l’ « effet direct » de l’article

3-1 de la Convention de New York.

533

Article 12 de la Convention de New York, lequel énonce : « 1. Les Etats parties garantissent à l’enfant

qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les

opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. 2. A

cette fin, on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou

administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme

approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale ».

Article 388-1 C. civ. : « Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans

préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque

son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. Cette audition est de droit lorsque le

mineur en fait la demande. Lorsque le mineur refuse d'être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Il

peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n'apparaît pas conforme à

l'intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d'une autre personne. L'audition du mineur ne lui

confère pas la qualité de partie à la procédure. Le juge s'assure que le mineur a été informé de son droit à être

entendu et à être assisté par un avocat ».

534

Cass. civ. 1

ère

, 13 juillet 2005, Bull. n° 334 ; Cass. civ. 1

ère

, 8 novembre 2005, Bull. n° 404. ;Cass. civ. 7

avril 2006, Bull. n° 195 ; Cass. civ. 1

ère

, 13 mars 2007, Bull. n° 103 ; Cass. civ. 1

ère

, 13 mars 2007, n° 06-12.655 ;

Cass. civ. 19 septembre 2007, Bull. n° 286 ; Cass. civ. 1

ère

, 27 mars 2007, n° 07-14.301 ; Cass. civ. 1

ère

, 25

février 2009, n° 08-18.126 ; Cass. civ. 1

ère

, 25 février 2009, Bull. n° 41 ; Cass. civ. 1

ère

, 17 juin 2009, n°

08-16.861 ;Cass. civ. 1

ère

, 8 juillet 2009, n° 08-18.334.

535

CE, 22 septembre 1997, Mlle Cinar, concl. R. Abraham, RFDA 1998, p. 562. Pour un exemple récent

voir : CE, 4 septembre 2009, req. n° 311166.

Or, grâce à la liberté dans l’interprétation, ce n’est pas le texte qui change mais le sens à lui

donner, au regard du contexte sociétal. L’évolution des mœurs constitue un des facteurs

d’évolution jurisprudentielle par lequel le juge est habilité à différemment interpréter un texte,

afin d’édicter une nouvelle norme. Paradoxalement, c’est bien la liberté de l’interprète qui

assurera la continuité du droit et la sécurité juridique. A travers le revirement, et alors même

qu’il s’agira toujours du même texte, la règle aura vocation à évoluer. L’interprétation que le

juge livre n’est donc pas forcément le fruit de l’intention de l’auteur. En réalité, le juge se

libère - à travers le revirement - de la volonté originelle de l’auteur du texte pour exprimer

celle qui s’impose, pas uniquement du fait de son interprétation, mais aussi au regard des

circonstances attachées au litige.

191. « Très vif »

536

, « éclatant »

537

voire « exalté »

538

le pouvoir créateur du juge

existe indéniablement et s’inscrit naturellement au sein de son office. Mais si sa liberté est

avérée, elle ne saurait être absolue, car « le juge doit s’intégrer dans une histoire continue,

respecter la cohérence de l’histoire déjà commencée, tout en bénéficiant d’une liberté

créatrice qui l’amène à produire une décision lui paraissant présenter l’histoire de la

communauté juridique sous son meilleur jour possible »

539

. C’est également au regard de sa

capacité à faire perdurer une norme issue de la jurisprudence que son pouvoir se révèle. La

Cour de cassation est ainsi investie d’une mission d’unification du droit et du contrôle de sa

correcte application – interprétation – par les juridictions inférieures. Elle s’assure de

l’harmonisation et de la continuité de la jurisprudence afin de garantir une certaine sécurité

juridique aux justiciables.

192. L’indépendance de la justice s’entend ainsi comme le moyen – pour le juge –

d’être suffisamment libre dans son office pour sereinement et objectivement dire le droit et

trancher les litiges. Or, « chacun sait que la responsabilité est la contrepartie légitime et

désirable de la liberté »

540

. En ce sens, c’est bien l’indépendance de la justice qui fonde la

responsabilité juridictionnelle. En effet, l’indépendance-liberté du juge apparaît comme une

vertu, « garantie de la réussite de sa mission mais elle lui crée une exigence supplémentaire de

536

CE, 22 septembre 1997, Mlle Cinar, concl. R. Abraham, op. cit. note n° 535, p. 604.

537

Ibid.

538

Ibid., p. 605.

539

J. Lenoble, La crise du juge, LGDJ, 1990, p. 153.

responsabilité : il n’y a pas d’indépendance sans limites, il n’y a pas d’autorité sans rendre des

comptes »

541

.

541

J.-P. Delevoye, « Seul le prononcé fait foi » in ENM, Etre magistrat dans la cité, entre attentes

légitimes et tentations démagogiques, Les cahiers de la justice, 2007, n° 2, p. 126.

Chapitre 2

nd

: L’autorité de la justice

193. La justice apparaît comme une prérogative régalienne. Or, le principe selon

lequel le souverain ne saurait mal faire a induit une véritable exclusion de sa responsabilité.

Pour Laferrière, « si l’on cherche à se rendre compte des différences que présente la

responsabilité de l’Etat selon les diverses fonctions qu’il est appelé à remplir, on voit que sa

responsabilité est d’autant plus restreinte que cette fonction est plus élevée. La responsabilité

de l’Etat est nulle quand cette fonction confine à la souveraineté »

542

. Aussi, et au risque de

contrarier la présomption de légalité attachée à son action, la responsabilité juridictionnelle ne

saurait-elle être envisagée.

En considérant la justice comme faillible, c’est l’autorité même du pouvoir qui deviendrait

sujette à caution. Reconnaître la responsabilité de la justice, qu’elle puisse « mal faire » aurait

été la manifestation de sa vulnérabilité, et au-delà d’une certaine fragilité du pouvoir.

194. Pourtant, il semblerait que la justice tire précisément son autorité non pas de

son irresponsabilité mais des prérogatives qui lui sont reconnues (Section 1), lesquelles

fondent une légitimité facteur d’autorité (Section 2).

Section 1 : Une autorité résultant des prérogatives du juge

195. « Il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir »

543

.

Chacune des puissances envisagées à l’occasion de la théorie de la séparation des pouvoirs

doit se décliner en contre-pouvoir. Ainsi chacun d’entre eux tire-t-il – notamment – son

autorité des prérogatives qui lui sont reconnues, lesquelles l’érige sous ses deux déclinaisons

de pouvoir et contre-pouvoir. En ce sens, confier à l’autorité judiciaire la protection des droits

individuels (Paragraphe 1) tout lui accordant un véritable pouvoir de sanction législative

(Paragraphe 2) confère précisément au juge son autorité.

542

J. Laferrière, Traité de juridiction administrative et des recours contentieux, t. 2, LGDJ 1989, p. 174.

543

Montesquieu, L’esprit des lois, livre XI, chap. IV, « Des lois qui forment la liberté politique, dans son

rapport avec la constitution ».

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