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8 Structure du mémoire doctoral

3.2 Contributions théoriques et cliniques

Devant les limites des connaissances actuelles quant à la nature de la relation entre le TSPT et le soutien social, le présent mémoire doctoral permet d’apporter une précision sur cette relation chez les anciens combattants canadiens. Les résultats de cette étude viennent confirmer la présence d’une relation entre la sévérité des symptômes du TSPT et les comportements de soutien négatifs en plus d’identifier une association entre les interactions sociales positives et négatives. Ces observations viennent supporter certaines hypothèses qui nuancent le modèle d’atténuation du stress. En effet, plusieurs chercheurs ont soulevé qu’il est probable que ce soit la présence d’interactions sociales négatives, plutôt que l’absence d’interactions sociales positives qui explique l’augmentation de la sévérité des symptômes de TSPT (Coyne & Bolger, 1990; Guay et al., 2006). Il est ainsi possible que les comportements de soutien positifs permettent d’atténuer et de mieux composer avec les difficultés reliées au TSPT à condition que les proches n’aient pas ou peu d’interactions négatives avec la personne souffrant de ce trouble. Les relations observées dans la présente étude apportent un appui supplémentaire à cette hypothèse. Elles mettent aussi en lumière la nécessité de tenir compte des dimensions plus négatives des

relations interpersonnelles lorsque le lien entre la sévérité du TSPT et le soutien social est étudié afin d’en avoir une meilleure compréhension.

Les résultats de cette étude ne permettent pas de statuer sur la bidirectionnalité de cette relation, ils suggèrent l’absence du pouvoir prédicteur de la sévérité de la symptomatologie du TSPT sur les comportements de soutien positifs et négatifs, et vice versa. Ces résultats, lorsque mis en relief avec les autres études sur le sujet, suggèrent que l’évolution temporelle possible des relations entre ces deux construits doit être prise en compte lorsque la direction des associations est mesurée, en considérant le laps de temps écoulé depuis l’apparition des symptômes du TSPT. Les données portant sur l’évolution des symptômes du trouble indiquent une accentuation des symptômes au cours des deux premières années avant d’atteindre un plateau (Bremner et al.,1996), ce qui peut laisser croire que les principaux changements au niveau du soutien social reçu par les proches s’observeraient au même moment. C’est également lors de cette fenêtre temporelle que la contribution des comportements de soutien pourrait davantage se faire sentir. Ainsi, il serait intéressant d’évaluer la relation entre les variables d’intérêt durant les deux premières années des symptômes du TSPT dans les études futures.

L’existence d’une fenêtre temporelle dans laquelle la direction de l’association se modifie semble appuyée par l’étude de Kaniasty et Norris (2008) qui a été réalisée auprès de 557 victimes d’une inondation au Mexique. Des analyses d’équations structurelles ont démontré que la relation entre le soutien social et les symptômes du TSPT dans les six à douze mois après le traumatisme s’explique par un effet bénéfique des comportements de soutien sur la symptomatologie de ce trouble (plus de soutien social associé une réduction des symptômes du TSPT). Dans les 12 à 18 mois suivants l’évènement traumatique, les auteurs ont observé des associations bidirectionnelles entre les symptômes du TSPT et le soutien social alors que seulement les symptômes de ce trouble prédisent les comportements de soutien (symptômes sévères du TSPT associés à une diminution du soutien social) 18 à 24 mois après la survenue du trauma. Pour tenter d’expliquer cette variation dans le temps, les auteurs évoquent l’apparition fréquente d’un mouvement de solidarité et d’une détresse transitoire partagée par la plupart des membres de la

communauté dans les six à douze moins suivant le désastre naturel, contribuant à la normalisation de celle-ci et à son acceptation. Ils mentionnent également qu’après un an, la majorité des victimes de l’inondation ne rapporte plus de symptômes de TSPT alors que pour certaines, ces symptômes semblent perdurer. Un déclin de la perception du soutien social à ce moment serait aussi typiquement observé chez ces victimes présentant encore des symptômes de TSPT, ce qui pourrait expliquer les effets bidirectionnels démontrés (Kaniastry & Norris, 2008). Dans les 18 à 24 mois, les auteurs identifient que la sévérité de la symptomatologie du TSPT ne permet plus d’apprécier l’aide offerte et entraine des conflits à répétition avec les membres de l’entourage, contribuant à l’isolement social. Ainsi, malgré que les résultats de Kaniasty et Norris (2008) doivent être répliqués auprès de vétérans, il semble que la direction de la relation entre ces variables peut aller dans un sens ou dans l’autre tout dépendant du moment à laquelle elle est mesurée. Par conséquent, les résultats de Kaniasty et Norris (2008) combinés à ceux de la présente étude démontre bien l’importance de considérer la fenêtre de temps depuis l’exposition au traumatisme afin d’évaluer avec plus de précision la bidirectionnalité de la relation entre la symptomatologie du TSPT et les comportements de soutien chez les anciens combattants canadiens.

Les contributions du présent mémoire doctoral peuvent également s’appliquer sur le plan clinique. En effet, l’association entre les comportements de soutien positifs et négatifs de même que la relation entre les interactions sociales négatives et la sévérité des symptômes du TSPT mettent en évidence le besoin d’informer les membres de la famille à propos des comportements de soutien adéquats pour les anciens combattants canadiens. Les proches de ces derniers pourraient bénéficier de rencontres leur expliquant les formes d’aide à offrir, mais surtout celles à éviter pour ne pas alimenter les interactions sociales négatives. En se basant sur des éléments rapportés par des cliniciens travaillant auprès des vétérans, la plupart du temps, les proches semblent avoir de bonnes intentions lorsqu’ils offrent du soutien, mais ils sont maladroits dans la façon de le faire. Ils pourraient parfois être trop contrôlants, directifs ou encore pressés dans le temps pour l’ancien combattant. Pour cette raison, les cliniciens pourraient proposer aux membres de l’entourage de la psychoéducation sur les types de soutien ayant un effet bénéfique chez cette clientèle, sur le meilleur moment pour leur offrir du soutien et sur la façon de le faire. Des habiletés de

communication pourraient aussi être enseignées afin de favoriser les interactions sociales positives. De plus, étant donné que le soutien social provient principalement des partenaires des anciens combattants dans l’échantillon de la présente étude, il nous apparaît essentiel de considérer la modalité de thérapie de couple au cours de laquelle la conjointe ou le conjoint pourrait même être impliqué non seulement dans le traitement du TSPT (Monson, Fredman & Stevens, 2008), mais également pour favoriser une meilleure communication dans la relation conjugale. L’efficacité de celle-ci a d’ailleurs été démontrée (Sautter, Glynn, Cretu, Senturk, & Vaught, 2015). Ces interventions cliniques permettraient ainsi de réduire au minimum les comportements de soutien négatifs et possiblement d’augmenter les interactions sociales positives.

La nécessité de tenir compte de l’aspect temporel dans la relation entre la symptomatologie du TSPT et les comportements de soutien positifs et négatifs souligné par les résultats de l’étude combinés à ceux de Kaniasty et Norris (2008) met aussi de l’avant qu’il pourrait exister un « momentum » pour différentes interventions auprès des anciens combattants présentant un TSPT. Par conséquent, il est possible qu’à un certain moment, les interventions susceptibles de maximiser les gains thérapeutiques devraient cibler les comportements de soutien provenant des proches. Par exemple, selon l’approche cognitive- comportementale, des rencontres de psychoéducation visant à démystifier la symptomatologie du TSPT pourraient mieux outiller les membres des familles des anciens combattants afin qu’ils comprennent mieux les répercussions de ce trouble et adoptent des comportements de soutien adéquats (Bailey & Mcllvain, 2014). Les interventions auprès des proches pourraient également aider les vétérans à persévérer dans l’application des stratégies utilisées en psychothérapie. Par exemple, les proches pourraient offrir des encouragements afin de renforcer les efforts mis dans les exercices d’exposition. Toujours en se fiant au fait qu’il existe une fenêtre temporelle pour maximiser les succès thérapeutiques, à un autre moment, il serait davantage profitable de se concentrer sur le traitement des symptômes du TSPT, notamment en utilisant des techniques d’approche cognitive-comportementales telles que l’exposition prolongée (Canadian Agency for Drugs and Technologies in Health, 2015). Pour tenter de diminuer les interactions sociales négatives souvent engendrées par les symptômes post-traumatiques, il pourrait être

pertinent de mettre en place des interventions visant à améliorer les habiletés de communication de même que la gestion de la colère (Brillon, 2004). Les anciens combattants pourraient apprendre par exemple, à s’exprimer en utilisant le « je » sans accuser leurs proches, favorisant ainsi des interactions plus positives et constructives. Des stratégies d’auto-apaisement et de relaxation peuvent également être enseignées pour éviter les débordements d’émotions, telles que la colère souvent dirigée vers les membres de l’entourage. Il est également possible qu’après un certain temps après le traumatisme, des interventions ciblant conjointement les symptômes de ce trouble chez les vétérans et les comportements de soutien offerts par les proches pourraient potentialiser les bienfaits. Ainsi, en adaptant les cibles de traitement selon la direction de la relation entre le TSPT et les comportements de soutien dans le temps, il serait possible d’augmenter les chances d’obtenir des gains thérapeutiques optimaux avec les interventions psychologiques auprès des anciens combattants, bien que cette piste demeure à vérifier empiriquement.

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