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5.5. T RANSFERT DE MATÉRIAUX : U NE EXPLICATION POSSIBLE DE L ’ HÉTÉROGÉNÉITÉ

5.5.2. Contribution de la sidérite au stockage du Ni au sein des profils latéritiques remaniés

LATÉRITIQUES

REMANIÉS

Malgré cette présence avérée de sidérite dans certaines latérites nickélifères, aucune étude ne s’était jusqu’à présent intéressée à l’incorporation éventuelle du nickel dans ce minéral. L’objectif de cette partie du travail était précisément d’aborder cette question, en précisant la cristallochimie de la sidérite identifiée au sein du profil S78 et en évaluant l’importance de cette phase minérale dans la spéciation du nickel le long de ce profil latéritique nickélifère. Les cartographies de distribution spatiale du fer et du carbone réalisées par microscopie électronique à balayage soulignent la présence de zones riches en fer et dépourvues de carbone entourant des zones riches en fer et en carbone (Fig. 53). Les zones riches en fer et dépourvues de carbone sont interprétées comme des zones à oxydes de fer, alors que celles riches en fer et en carbone sont supposées correspondre à de la sidérite.

Ceci est confirmé par les analyses réalisées à la microsonde électronique le long d’un transect recoupant ces deux zones (Fig. 54). En effet, ces analyses indiquent une concentration totale en fer/manganèse/nickel de l’ordre de 60 %pds au sein de la zone riche en carbone, valeur très comparable à la valeur théorique de 62%pds FeO pour la sidérite (FeCO3). De la même manière, les analyses réalisées à la microsonde électronique indiquent une concentration totale en fer/manganèse/nickel de l’ordre de 76 %pds au sein de la zone dépourvue de carbone, valeur proche de la valeur théorique de 81%pds FeO pour la goethite ( -FeOOH).

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Figure 53 : Distribution spatiale du carbone, du fer, du nickel et du silicium dans l’échantillon collecté à 36.1m de profondeur au sein du profil S78.

Distribution spatiale du carbone, du fer, du nickel et du silicium montrant la présence de sidérite (teneur élevée en carbone) emballée dans une matrice d’oxydes de fer (teneur faible en carbone) et de silicates (teneur élevée en silicium) dans l’échantillon collecté à 36.1m de profondeur au sein du profil S78. En dépit d’une concentration plus élevée dans la matrice d’oxydes de fer et de silicates, la distribution du nickel souligne une association significative de cet élément avec la sidérite.

Un résultat particulièrement important de ces analyses réalisées à la microsonde électronique est que la sidérite identifiée au sein du profil S78 contient des teneurs en nickel de l’ordre de 0.8%pds NiO.

Figure 54 : Analyses microsonde électronique le long d’un transect à l’interface entre sidérite et matrice d’oxydes de fer et de silicates

Analyses microsonde électronique le long d’un transect à l’interface entre sidérite et matrice d’oxydes de fer et de silicates (ligne blanche présentée sur la Figure 53). La somme des cations permet de distinguer la sidérite (62 %pds FeO d’après la formule structurale théorique FeCO3) de la goethite (81 %pds FeO d’après la formule structurale théorique FeOOH). Ces analyses montrent que la concentration en nickel dans la sidérite est de l’ordre de 0.8 %pds NiO.

Ce dernier point a soulevé la question de l’importance de la contribution de la sidérite au stockage du nickel au sein des profils latéritiques remaniés de la région du grand Sud, question qui a trouvé une réponse au travers de l’étude de la spéciation du nickel à l’échelle de l’intégralité du profil S78 de Goro.

Depuis le sommet vers la base du profil S78, quatre groupes d’échantillons avec des signatures EXAFS spécifiques peuvent être distingués (Fig. 55). Le premier groupe est constitué par l’échantillon le plus profond (43.0m) qui correspond à la roche-mère et dont le spectre EXAFS ressemble fortement à celui du nickel incorporé dans la structure de l’olivine (Fig. 55, spectre Ni forsterite). Le second groupe est constitué par l’échantillon collecté à 40.3 m (unité saprolitique) et dont le spectre EXAFS est similaire à celui du nickel incorporé dans la serpentine de type 1 (Fig. 55, spectre Ni Serpentine 1). Le troisième groupe inclus les échantillons collectés à 36.1m et 37.6m au sein desquels les proportions les plus importantes de sidérite ont été détectées par diffraction des rayons X (Fig. 52). Les spectres EXAFS de ces échantillons présentent une très forte ressemblance avec celui du nickel incorporé dans la sidérite (Fig. 55, spectre Ni Siderite). Enfin, le dernier groupe correspond aux échantillons collectés au-dessus de 32.1m (ainsi qu’à l’échantillon collecté à 36.9m) et dont les spectres EXAFS ressemblent à celui du nickel incorporé dans la goethite (Fig. 55, spectre Ni Goethite).

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Figure 55 : Résultats de l’analyse des spectres EXAFS enregistrés au seuil du Ni le long du profil S78 par combinaison linéaire de spectres EXAFS de différents composés de référence

Résultats de l’analyse des spectres EXAFS enregistrés au seuil du Ni le long du profil S78 (gauche) par combinaison linéaire de spectres EXAFS de différents composés de référence (droite). Les traits noirs correspondent aux données expérimentales et les traits rouges correspondent aux résultats des combinaisons linéaires (voir Tableau 7).

L’analyse quantitative des spectres EXAFS par combinaison linéaire indique que l’échantillon à 43.0m est constitué de 58% d’olivine nickélifère et de 42% de serpentine nickélifère de type 2 (Fig. 55; Tableau 9). Le spectre EXAFS de l’échantillon à 40.3m est, quant à lui, ajusté avec un mélange de 52% de serpentine nickélifère de type 1 et 48% de goethite nickélifère (Fig. 55; Tableau 9). Les spectres EXAFS des échantillons latéritiques collectés à 28.7m, 15.4m et 7.3m sont ajustés avec une contribution de 80% de goethite nickélifère et 18 à 25% d’oxydes Mn nickélifères (Fig. 55; Tableau 9). Cette analyse des spectres EXAFS indique que les échantillons collectés à 32.7m et 36.9m contiennent entre 66 et 68% de goethite nickélifère, entre 19 et 23% d’oxydes Mn nickélifères et entre 9 et 15% de serpentine nickélifère (Fig. 55; Tableau 9). Bien que des traces de sidérite aient été détectées par diffraction des rayons X dans ces échantillons (Fig. 52), la contribution de sidérite nickélifère à la spéciation du nickel ne peut être démontrée. Cependant, compte tenu de la limite de détection de l’approche reposant sur la spectroscopie EXAFS (environ 10% d’une forme chimique), la contribution éventuelle de la sidérite nickélifère à la spéciation du nickel dans les échantillons collectés à 32.7m et 36.9m ne peut être exclue. A l’inverse, avec 52% de sidérite nickélifère et 48 % de serpentine nickélifère de type 1 pour l’échantillon

collecté à 37.6m et 88% de sidérite nickélifère et 12 % de serpentine nickélifère de type 1 pour l’échantillon collecté à 36.1m (Fig. 55; Tableau 9), l’analyse par combinaison linéaire des spectres EXAFS souligne la contribution majoritaire de la sidérite nickélifère à la spéciation du nickel dans ces deux échantillons.

Tableau 9 Tableau 9. Résultats de l’analyse par combinaison linéaire des spectres EXAFS des échantillons collectés le long du profil S78

Ni Ni Ni Ni Ni Ni

NSSR*

Siderite Goethite Oxydes Mn Serpentine 1 Serpentines 2 Olivine

S78 – 7.3 m --- 80 20 --- --- --- 0.160 S78 – 15.4 m --- 82 18 --- --- --- 0.146 S78 – 28.7 m --- 75 25 --- --- --- 0.152 S78 – 32.7 m --- 68 23 09 --- --- 0.178 S78 – 36.1 m 88 --- --- 12 --- --- 0.082 S78 – 36.9 m --- 66 19 --- 15 --- 0.117 S78 – 37.6 m 52 --- --- 48 --- --- 0.089 S78 – 40.3 m --- 48 --- 52 --- --- 0.066 S78 – 43.0 m --- --- --- --- 42 58 0.219

* Normalized Sum of Square Residue : NSSR = S(Exp–Fit)2/S(Exp)2.

5.5.3. LIEN AVEC LA GÉOMORPHOLOGIE ET L’HYDROGÉOLOGIE

Les résultats du chapitre précédent démontrent ainsi que lorsqu’elle est présente en quantités significatives, la sidérite est susceptible de jouer un rôle majeur dans la spéciation du nickel au sein des profils latéritiques nickélifères développés sur roches ultrabasiques. Cette importance de la sidérite du point de vue du stockage du nickel doit plutôt être

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attendue au sein des profils latéritiques remaniés pour lesquels des conditions réductrices ont prévalu (ou prévalent) du fait d’un contexte hydrogéologique particulier.

En effet, comme déjà mentionné précédemment, la faible épaisseur de l’unité saprolitique pour le profil S78 comparée à celle rencontrée dans les profils Y5 et S4, ainsi que les caractéristiques cristallines et cristallochimiques de la goethite le long de ce profil, plaident en faveur d’une ancienne doline comblée par des matériaux allochtones déjà différenciés. Cette hypothèse est confirmée par l’identification d’hématite dans des échantillons collectés à des profondeurs importantes (jusqu’à 36.0m). En effet, une telle présence est surprenante pour un profil latéritique car ce minéral est généralement localisé à proximité de la surface, du moins en Nouvelle-Calédonie (Trescases 1979; Perrier et al., 2006a, 2006b; Traore et al., 2008; Fandeur et al., 2009a, 2009b; Dublet et al., 2012). Ceci nous amène à proposer les échantillons les plus profonds contenant de l’hématite comme les marqueurs de la limite d’accumulation des matériaux allochtones ayant comblé l’ancienne doline. Dans un tel contexte, il est intéressant de noter que ces niveaux les plus profonds contenant de l’hématite sont localisés juste au-dessus de ceux contenant de la sidérite (Fig. 52). Une telle organisation suggère que ces niveaux à sidérite correspondent en fait à une paléo-surface marquant le fond de l’ancienne doline.

Comme déjà proposé par Podwojewski & Bourdon (1996), ces dépressions topographiques locales permettent une accumulation importante de matière organique qui génère des conditions réductrices lors de sa dégradation bactérienne. De telles conditions contrastent alors totalement avec les conditions oxydantes qui règnent majoritairement dans les profils latéritiques. Elles sont particulièrement favorables à la dissolution réductive des oxydes de fer (très abondants) et le fer ferreux ainsi libéré réagit avec les ions carbonates libérés par la dégradation de la matière organique pour précipiter de la sidérite (Ellwood et al., 1988; Coleman et al., 1993; Mortimer et al., 1997; Frederickson et al., 1998; Zachara et al., 1998). Ainsi, selon le modèle proposé, la sidérite identifiée au sein du profil S78 ce serait formée au fond de l’ancienne doline lorsque celle-ci était encore en contact avec la nappe phréatique, avant que cette dernière ne subisse une baisse importante de son niveau à la faveur de mouvements tectoniques (Lagabrielle et al., 2005 ; Genna et al., 2005; Chevillotte et al., 2006).

La goethite des profils latéritiques développés sur roches ultrabasiques présentant des concentrations significatives en nickel, un tel processus de dissolution réductive de la goethite et de précipitation de la sidérite génère des sidérites relativement riches en nickel (jusqu’à 0.8 %pds NiO). Ce dernier point souligne l’importance de bien prendre en compte la géomorphologie et l’hydrogéologie pour appréhender le développement éventuel de conditions réductrices dans les couvertures d’altération latéritique sur roches ultrabasiques, même si ces conditions sont ponctuelles à la fois spatialement et temporellement, car elles peuvent induire des changements significatifs de la spéciation du nickel du fait de la formation de nouveaux minéraux ayant la capacité d’incorporer cet élément dans leur structure.

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