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Chapitre 5 : Rôle de la végétation du sous-bois dans la consommation en eau du peuplement

2. Contribution relative des arbres et de la strate herbacée

2.1. Implication du LAI de la strate arborée sur l’évapotranspiration de la strate herbacée

L’expérimentation en forêt (chapitre 3) montre que le LAI de la strate herbacée et le

PETTurc du sous-bois augmentent avec la réduction du LAI de la strate arborée (Figure 20 et

Figure 21). La combinaison de ces deux paramètres devrait aboutir à une augmentation de l’évapotranspiration de la strate herbacée avec la diminution du LAI de la strate arborée.

Pour tester cette hypothèse, nous appliquons les rapports évapotranspiration/PETTurc

déduits des mesures par la chambre de transpiration pour la molinie et la fougère aigle aux données de LAI de ces deux espèces et aux valeurs du sous-bois moyennes sur la période estivale pour un LAI de la strate arborée donné (Figure 36). L’évapotranspiration de la molinie et de la fougère aigle s’accroît avec la diminution du LAI de la strate arborée (p-value de 0.04 et 0.01, respectivement, en molinie et en fougère aigle, Figure 36). Les rapports

ET/PETTurc de la fougère aigle et de la molinie sont respectivement de 0.34 et 0.29 par unité

de LAI pour des conditions d’alimentation en eau du sol non limitantes. Loustau and Cochard

(1991) déterminent un rapport moyen ET/PETTurc pour la molinie à 0.23 sur Juin-Août dans

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Figure 36 : Effet du LAI du chêne sessile calculé sur un rayon de 42 m sur l’évapotranspiration réelle de la molinie et de la fougère aigle pour un sol à la capacité au champ. Les valeurs de consommation en eau de la fougère en dessous d’un LAI du chêne de 3 ne sont pas prises en compte dans le modèle.

L’évapotranspiration moyenne de la molinie et de la fougère aigle est respectivement

de 0.62 ± 0.25 mm.jour-1 avec un LAI de et 0.38 ± 0.19 mm.jour-1 lorsque le LAI de la strate

arborée est compris entre 3 et 6 (Figure 36). Roberts et al. (1980) mesurent

l’évapotranspiration de la fougère aigle sur Juillet-Août à 0.65 mm.jour-1

avec un LAI de 1.1 sous un peuplement de pin sylvestre (LAI non renseigné). Berbigier et al. (1991) mesurent

l’évapotranspiration de la molinie à 1.2 mm.jour-1

avec un LAI de 1.2 sous un peuplement de pin maritime (LAI de 3).

Bréda (1999) formule l’évapotranspiration du sous-bois comme étant inversement proportionnelle au LAI des arbres. Mais il semble qu’en dessous d’un LAI de la strate arborée de 3, l’évapotranspiration réelle de la fougère est multipliée par cinq (les deux points isolés sur la Figure 36). N’ayant pas de point de mesure en molinie avec un LAI de la strate arborée inférieur à 3, la comparaison avec la fougère est impossible et les deux points extrêmes pour la fougère deviennent suspects, sans que nous ayons de raison de les remettre en cause. Un LAI de la strate arborée de 3 peut donc correspondre à une valeur seuil sous laquelle l’évapotranspiration du sous-bois est très élevée. Cela peut s’expliquer par la combinaison des

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l’analyse bibliographique (cf. chapitre 1), nous avions aussi émis l’hypothèse d’une valeur seuil de LAI de la strate arborée proche de 2.6 au-dessous de laquelle la contribution de la strate herbacée augmente fortement. Kelliher et al. (1995) et Schmidt-Walter et al. (2014) identifient une valeur seuil de LAI à 3. Kelliher et al. (1995) démontrent mathématiquement que la conductance totale d’un peuplement forestier (i.e. strate arborée + strate herbacée) tend vers la conductance des arbres avec l’augmentation du LAI de la strate arborée à partir d’un LAI de 3. En dessous de cette valeur, la conductance totale du peuplement est supérieure à celle de la strate arborée liée à l’évapotranspiration de la strate herbacée. De même, Schmidt-Walter et al. (2014) suggèrent que l’origine des principales pertes en eau d’un écosystème forestier passent du sous-bois à la strate arborée lorsque le LAI de la strate arborée dépasse 3 en début de saison de végétation. Ce phénomène est relaté par plusieurs auteurs où la contribution du sous-bois dans l’évapotranspiration totale du peuplement est maximale en début de saison de végétation (Bréda and Peiffer 1999, Wilson et al. 2000, Vincke et al. 2005b, Vincke and Thiry 2008, Iida et al. 2009). Cela s’explique, au moins pour les espèces arborées décidues, par un décalage phénologique entre les deux strates au printemps, période où le rayonnement en sous-bois est maximal avant le débourrement de la strate arborée.

2.2. Contribution relative de la strate arborée et de la strate herbacée dans le bilan hydrique

Comme nous avons décrit précédemment, la modification du LAI de la strate arborée influence la strate herbacée et les conditions microclimatiques dans le sous-bois. De plus, l’augmentation du LAI de la strate arborée ou de la strate herbacée accélère la diminution de la teneur relative en eau du sol. Ainsi, les contributions des strates herbacée et arborée dans le bilan hydrique (interception de la pluie et évapotranspiration) sont modifiées selon le LAI de la strate arborée.

La somme des pluies interceptées par les trois compartiments conduit vers une faible recharge de la ressource hydrique du sol notamment lors de pluie de faible intensité, cela est lié aux hautes capacités de rétention des trois compartiments avant la saturation et le drainage de la pluie. D’une manière générale, la strate arborée (chêne sessile) avec un faible ou un fort LAI reste la principale origine de l’interception de la pluie par rapport à la fougère aigle (Figure 37). La réduction du LAI de la strate arborée de 6 à 2 augmente la pluviométrie touchant la surface du sol/litière malgré un développement plus important de la fougère aigle et une interception plus forte de sa part. En effet, la fougère aigle contribue dans l’interception

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totale du peuplement à hauteur de 5 % lorsque le LAI de la strate arborée est de 6 et à hauteur de 40 % lorsque le LAI de la strate arborée est de 2.

Figure 37 : Contribution théorique du chêne sessile et de la fougère aigle dans l’interception

de pluie de faible intensité (< 8 mm.h-1) avec un LAI de la strate arborée de 6 et de 2. D’après

les résultats obtenus lors de l’expérimentation en forêt d’Orléans. L’interception comprend aussi les pluies interceptées mais qui s’écoulent le long des troncs des chênes ou des tiges de fougère. Le calcul ne comprend pas l’interception par la litière, processus non mesuré.

Contrairement à l’interception de la pluie, la contribution de la strate arborée dans l’évapotranspiration totale du peuplement ne reste pas la plus importante quel que soit le LAI de la strate arborée. En effet, la réduction du LAI de la strate arborée de 6 à 2 engendre une forte augmentation de l’évapotranspiration de la strate herbacée dépassant celle de la strate arborée à un LAI de la strate arborée de 2 (conditions, sans stress hydrique, Figure 38). La contribution théorique de la fougère passe de 7 % à 63 % de l’évapotranspiration totale du peuplement lorsque le LAI de la strate arborée diminue de 6 à 2. De même, pour la contribution théorique de la molinie qui augmente de 7 % à 60 %. Ainsi la diminution de l’évapotranspiration de la strate arborée de 37 % est quasiment compensée par l’augmentation de l’évapotranspiration de la strate herbacée.

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Lors d’une éclaircie, le prélèvement d’une partie de la strate arborée conduit à une modification de l’interception de la pluie et de l’évapotranspiration de la placette forestière comme décrite ci-dessus avec une réduction de la strate arborée. Le rôle de la strate herbacée dans le bilan hydrique devient relativement important par rapport à la strate arborée immédiatement en situation post-éclaircie. Cependant, au fur et à mesure que la strate arborée se referme, les conditions microclimatiques sous la canopée arborée retrouvent leurs valeurs post-éclaircie et l’importance de la strate herbacée dans le bilan hydrique décroît.

Figure 38 : Contribution théorique du chêne sessile et de la strate herbacée (fougère aigle en haut, molinie en bas) dans l’évapotranspiration totale du peuplement forestier avec un LAI de la strate arborée de 6 et de 2, en condition d’alimentation hydrique non limitante, d’après les résultats obtenus lors de l’expérimentation en forêt d’Orléans. L’évapotranspiration du chêne sessile n’a pas été mesurée et est calculée pour un LAI donné selon l’équation ET/PET = 0.106*LAI+0.029 (Breda and Granier 1996). PET est l’évapotranspiration potentielle (formule de Turc) moyennée sur la saison de végétation 2013 en forêt d’Orléans.

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L’une des hypothèses émergeante de la synthèse bibliographique (chapitre 1) était l’existence d’une valeur seuil de LAI de la strate arborée sous laquelle la contribution de la strate herbacée augmente fortement. L’analyse de 37 études avait permis de fixer cette valeur seuil proche de 2.6 de LAI de la strate arborée. La démarche entreprise à partir des résultats obtenus en forêt d’Orléans et l’évapotranspiration du chêne sessile calculée à partir de Breda and Granier (1996) permet de calculer le point de compensation, c’est-à-dire le LAI de la strate arborée pour lequel l’évapotranspiration des deux strates est égale. Le point de compensation théorique est à un LAI de la strate arborée de 2.4 et 2.5 pour une strate herbacée de molinie et de fougère aigle respectivement (Figure 39). De même, l’évapotranspiration totale du peuplement est minimale à un LAI de la strate arborée de 3 et 3.2 pour une strate herbacée de molinie et une strate herbacée de fougère aigle, respectivement (Figure 39). Ces valeurs de point de compensation théorique et d’évapotranspiration totale minimale théorique du peuplement rejoignent l’idée d’une valeur seuil de LAI de la strate arborée proche de 3 déterminée par l’analyse bibliographique (chapitre 1) et en accord avec Kelliher et al. (1995).

Figure 39 : Point de compensation théorique (ligne verticale en pointillée) entre l’évapotranspiration la strate herbacée et la strate arborée, et l’évapotranspiration totale minimale théorique du peuplement (ligne verticale continue) selon le LAI de la strate arborée avec une strate herbacée de molinie (a) et de fougère aigle (b), en condition d’alimentation hydrique non limitante, d’après les résultats obtenus lors de l’expérimentation en forêt d’Orléans. L’évapotranspiration du chêne sessile n’a pas été mesurée et est calculée pour un LAI donné selon l’équation ET/PET = 0.106*LAI+0.029 (Breda and Granier 1996). PET est l’évapotranspiration potentielle (formule de Turc) moyennée sur la saison de végétation 2013 en forêt d’Orléans.

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Le suivi de la teneur en eau du sol dans l’expérimentation en forêt d’Orléans a permis de déterminer la contribution moyenne de la strate herbacée à l’évapotranspiration totale de l’écosystème. Celle-ci est de 10 % (chapitre 5) pour un LAI moyen de la strate arborée sur l’ensemble des dispositifs de 4.0 ±1.1 (Tableau 5). Par ailleurs, les calculs théoriques de l’évapotranspiration des deux strates aboutissent à une contribution de la strate herbacée de l’ordre de 10 % à l’évapotranspiration totale du peuplement lorsque le LAI de la strate arborée est proche de 5, ce qui rejoint la valeur de contribution issue du suivi de la teneur en eau sol.

Pour résumer, la réduction du LAI de la strate arborée diminue l’évapotranspiration et l’interception de la pluie par la strate arborée mais augmente l’évapotranspiration et l’interception de la pluie par la strate herbacée. Globalement, le bilan hydrique en chênaie ayant une strate herbacée pourrait d’abord s’améliorer lorsque le LAI de la strate arborée décroît jusqu’à une valeur de 3 environ, puis ré-augmenter pour des valeurs du LAI de la strate arborée inférieures à 2.5, la strate herbacée compensant alors l’évapotranspiration de la strate arborée. Ce phénomène de compensation entre les deux strates a été souligné par plusieurs auteurs (Black et al. 1980, Roberts 1983, Whitehead and Kelliher 1991, Lüttschwager et al. 1999, Vincke et al. 2005b).