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Chapitre 5 : Rôle de la végétation du sous-bois dans la consommation en eau du peuplement

3. Conséquences pour la strate arborée de la présence d’une strate herbacée

3.1. Augmentation du stress hydrique

Les conditions climatiques de 2012 et 2013 n’ont pas permis de mettre en évidence un effet significatif de la strate herbacée sur le stress hydrique subi par les arbres. Malgré un mois d’Août 2012 faiblement pluvieux avec 3.6 mm (Domaine des Barres, Nogent-sur-Vernisson), la ressource hydrique était suffisante pour permettre l’alimentation des deux strates sans que celles-ci ne se concurrencent outre mesure. Cependant, les scénarios actuels de changements climatiques soulignent également la possibilité de précipitations hivernales plus soutenues qu’actuellement (IPCC 2013). Dans ce cas, il est possible d’envisager une amélioration du bilan hydrique des stations hydromorphes. En effet, le décalage phénologique de la strate herbacée pourrait réduire l’engorgement des sols par son évapotranspiration

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précoce et donc limiter les conditions d’anoxie pour le peuplement, notamment pour le chêne sessile, vulnérable à l’hydromorphie (Schmull and Thomas 2000, Drenou 2006) .

Figure 40 : Projection relative de la teneur en eau du sol pour 2016-2035 par rapport à 1986-2005 sous le scénario RCP 4.5 avec le modèle CMIP5 (IPCC 2013)

Dans un contexte de changement climatique, la réponse des végétaux à l’augmentation

du forçage radiatif et du CO2 engendrerait une augmentation du LAI de la végétation ce qui

induirait une augmentation de l’évapotranspiration globale de l’écosystème (Bounoua et al. 2010). Cependant l’évapotranspiration globale pourrait être réduite si la ressource en eau édaphique devient limitée (Jung et al. 2010). D’après les projections de l’IPCC (2013), la teneur en eau du sol devrait diminuer en Europe (Figure 40).

L’expérimentation en forêt d’Orléans (chapitre 5) a montré graphiquement un stress hydrique plus fort sur les placettes enherbées par rapport aux placettes désherbées en 2012 (Figure 34) où le déficit climatique estival était plus important par rapport à 2013 (Figure 35). Dans l’hypothèse d’un déficit climatique plus élevé et/ou une ressource hydrique plus limitée, la présence d’une strate herbacée pourrait aggraver le stress hydrique pour le peuplement par sa contribution dans la consommation du peuplement au printemps avant la fermeture de la canopée et pendant les périodes de sécheresse (chapitre 1).

L’étude comparative en conditions contrôlées (chapitre 4) sur la fougère aigle, la molinie, la ronce et la callune a mis en évidence deux stratégies en réponse à une sécheresse. La callune et la molinie ont une régulation faible de leur évapotranspiration face à un déficit

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hydrique édaphique ou atmosphérique (i.e. leurs stomates restent ouverts même pour des

déficits hydriques prononcés, REW  0.2 pour la callune et VPD > 3 hPa). A l’inverse, la

fougère aigle et la ronce adoptent une stratégie plus conservatrice en régulant leur évapotranspiration précocement par rapport à la molinie et à la callune en réponse à un déficit hydrique. Toutefois, la régulation de l’évapotranspiration de la strate herbacée apparaît plus faible et plus tardive en période de sécheresse que de nombreuses essences forestières notamment les pins (Tan et al. 1978, Roberts et al. 1980, Roberts et al. 1984, Lüttschwager et

al. 1999, Jarosz et al. 2008). Par exemple, la molinie dans l’expérimentation en conditions

contrôlées maintient un flux transpiratoire bien au-delà du point de flétrissement permanent théorique, à des potentiels hydriques de base inférieurs à -4 MPa (limite de mesure de la chambre de Scholander). Ainsi, la valeur du LAI de la strate arborée compensatoire pour laquelle l’évapotranspiration de la strate herbacée est égale à celle de la strate arborée pourrait être décalée vers des valeurs de LAI de la strate arborée supérieures à 3 pendant les périodes de sécheresse. Cependant, l’expérimentation en forêt d’Orléans s’est déroulée dans des peuplements de chêne sessile qui est connu pour être une essence assez tolérante à la sécheresse (Becker and Levy 1983, Backes and Leuschner 2000) et supporte une certaine proportion d’embolie (Bréda et al. 2004). Le chêne sessile présente une capacité à supporter

un niveau de sécheresse inférieur à 0.4 du REW où il maintient un rapport ET/PETTurc de 0.4

environ contre 0.8 lorsque le REW est supérieur à 0.4 (LAI de 6, Breda and Granier 1996). Ainsi, le chêne sessile conserve une certaine transpiration à un potentiel hydrique de base à -2 MPa (-1.5 MPa = point de flétrissement permanent théorique) et a une faible régulation stomatique (Zapater 2009). A l’inverse, le chêne sessile est sensible à la sécheresse atmosphérique. Sa conductance stomatique décroît avec l’augmentation du VPD (Bréda et al. 1993). Or, les espèces herbacées que nous avons étudiées, en particulier la Callune, continuent de transpirer pour des valeurs de VPD élevées.

Quoi qu’il en soit, notre étude in situ devra être complétée dans les années futures par

l’établissement des flux hydriques entre les différentes strates, en condition d’alimentation en eau contraignante pour valider ou non ces hypothèses.

3.2. Croissance des arbres

La répétition des périodes de sécheresse restreint la croissance et la stabilité des peuplements adultes (Becker and Levy 1983, Nageleisen 1994, Barber et al. 2000, Mäkinen et

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de la strate arborée inférieur à 3, pourrait accroître l’intensité des sécheresses et impacter indirectement la croissance du peuplement arboré.

L’effet direct de la strate herbacée sur la strate arborée est le plus souvent étudié par la compétition entre les deux strates pour les ressources édaphiques moyennant l’analyse de leur distribution racinaire (Coomes and Grubb 2000, Bakker et al. 2006, Balandier et al. 2008) ou pour la ressource en lumière avec l’installation et le développement des semis (Gaudio et al. 2011c). Mais nous devons reconnaître que les études sur l’effet de la strate herbacée sur la croissance des arbres ont souvent été cantonnées aux stades de la régénération (Collet et al. 1996, Davis et al. 1999, Coll et al. 2003, Coll et al. 2004, Bloor et al. 2008, Gaudio et al. 2011c) ou juvénile (Matsushima and Chang 2006, Moreaux et al. 2011). Ces études concluent sur une réduction de la croissance des arbres en présence d’une strate herbacée ayant une forte capacité compétitrice. Selon Mead et al. (2010), la compétition pour l’accès aux ressources est la plus dommageable aux jeunes stades du peuplement avant que les arbres ne dominent la strate herbacée par ombrage. Par exemple, l’effet bénéfique du désherbage sur la disponibilité de la ressource hydrique pour un peuplement de douglas se réduit au fur et à mesure que le peuplement se ferme avec une évapotranspiration croissante des arbres (Powers and Reynolds 1999).