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1.4 Mesures effectuées

1.1.3 Contribution électrostatique

Intéressons nous à présent aux interactions électrostatiques dans nos systèmes. Comme nous le verrons plus loin, les interactions électrostatiques entre membranes peuvent apporter une contribution non négligeable au potentiel d’interaction. Avant de donner les expressions des potentiels d’interactions électrostatiques, nous devons tout d’abord introduire trois longueurs caractéristiques des interactions électrosta-tiques en solution aqueuse.

Longueur de Bjerrum Calculons l’énergie potentielle électrostatique entre deux

ions monovalents identiques et isolés, séparés d’une distance r, en solution dans l’eau :

Up,elec(r) ≡ eV (r) = 4πεe2

wr,

où V (r) désigne le potentiel électrostatique.

Up,elec(ℓB) = kBT ⇒ ℓB = e2

4πεwkBT. (1.11)

B est nommée longueur de Bjerrum, vaut 7 ˚A dans l’eau à 20 ℃, et correspond à la distance à laquelle l’énergie électrostatique égale celle d’agitation thermique.

Longueur de Debye-Hückel On considère à présent le cas d’un soluté chargé

dissous dans de l’eau. Ce soluté est composé d’ions d’espèces i (i = 1...A, A étant le nombre d’espèce ionique), portant la charge qi (qi pouvant être positif ou négatif) en nombre ni,0 par unité de volume.

Nous faisons l’hypothèse que l’énergie électrostatique entre deux charges q2/(4πεwd) est très petite devant kBT. La distance moyenne entre deux charges étant donnée par 1/n1/3

i,0, on a donc la condition suivante sur la densité :

ni,04πεwkBT

q2

!3

. (1.12)

Si la solution était homogène à toutes les échelles, et les concentrations en élec-trolytes uniformes, l’énergie électrostatique totale serait nulle et le système se com-porterait comme un gaz parfait. Or, un ion donné modifie la distribution de charge

1.1 Potentiels moléculaires 67 autour de lui en attirant préférentiellement les charges de signe opposé.

Pour décrire ce nuage créé autour d’un ion donné, déterminons le potentiel élec-trostatique Φ (r) autour de lui. On suppose que celui ci ne dépend que de la distance à l’ion (symétrie sphérique), avec Φ (r → +∞) = 0. La distribution des ions d’espèce

i suit alors la distribution de Boltzmann :

ni(r) = ni,0eqiΦ(r)kBT , (1.13) et la densité volumique de charge dans le milieu s’écrit :

ρ(r) =X i

ni,0qieqiΦ(r)kB T . (1.14)

D’autre part, le potentiel dans la solution satisfait l’équation de Maxwell-Gauss : ∆Φ (r) = −ρ(r) εw = −X i ni,0qi εw eqiΦ(r)kBT . (1.15)

Dans l’approximation de faible densité 1.12, il est possible de linéariser cette équation, on obtient alors en utilisant la condition d’électroneutralité P

qini,0 = 0 : ∆Φ (r) + 1 εwkBT X i ni,0qi2 ! Φ (r) = 0 (1.16) Il apparaît une longueur caractéristique nommée longueur de Debye-Hückel et notée ℓD par la suite, qui s’exprime comme :

D = v u u u t εwkBT X i ni,0q2 i . (1.17)

Dans le cas où seuls deux types d’ions de valence z sont présents, on retrouve l’expression classique :

D =

s

εwkBT

2n0z2e2. (1.18)

On peut alors résoudre l’équation de Maxwell-Boltzmann pour obtenir le poten-tiel au voisinage d’un ion j. On obtient :

Φ (r) = qj 4πεwre

68 1. Origines et expressions des potentiels d’interaction

Le potentiel électrostatique se comporte comme celui d’une charge isolée quand

r → 0 : Φ (r) ∼ qj/(4πεwr). Lorsque l’on s’éloigne de la charge centrale, le potentiel est écranté par le nuage d’ions de charges de signe opposé et décroit exponentielle-ment sur une distance caractéristique ℓD.

La longueur de Debye-Hückel peut donc s’interpréter grâce à cet exemple comme étant la distance entre deux ions dans une solution chargée à partir de laquelle les effets de l’agitation thermique deviennent comparables à ceux de l’interaction électrostatique. Elle vaut ℓD = 960 nm dans l’eau pure (pH=7 à 20 ℃).

Cette hypothèse d’eau pure au pH neutre et constant n’est pas valide pour nos systèmes. En effet, au contact de l’air la dissolution du CO2 dans l’eau mène rapide-ment à un pH ≃ 5.5 −6, et une longueur de Debye-Hückel ℓD ≃ 200 nm est plus réa-liste [89]. Enfin il est intéressant, et pratique, de noter que ℓD ≈ 0.3 nm/qc0(mol/L) pour un sel monovalent dans de l’eau à température ambiante.

Longueur de Gouy-Chapman La définition exacte de la longueur de Gouy-Chapman apparait naturellement dans la résolution analytique de l’équation de Poisson-Boltzmann, à laquelle nous préférons un exemple physique simple.

Une membrane plongée dans l’eau va acquérir une charge de surface plus ou moins forte, due à la dissociation des têtes des phospholipides. Considérons une surface dans de l’eau, portant une densité surfacique de charge uniforme σ0. Par application directe du théorème de Gauss, le champ local s’écrit ES = σ0/2εw et :

Up,elec(ℓG) ∼ kBT ⇒ ℓG = wkBT

σ0e . (1.20)

La longueur de Gouy-Chapman ℓG représente la distance limite pour laquelle les effets du champ local de la surface sont comparables aux effets de l’agitation thermique. La majorité des contres-ions sera donc située dans une zone d’épaisseur ≃ ℓG. Pour de la silice de densité surfacique σ0 = 2.5 mC·m−2, plongée dans de l’eau à pH = 7 à 20 ℃, on obtient ℓG = 14.2 nm.

Potentiel d’interaction électrostatique Intéressons nous à présent aux

inter-actions électrostatiques dans le cas particulier de notre système de double bicouche supportée. Dans la limite des potentiels électrostatiques suffisamment faibles où les corrélations entre ions peuvent être négligés, le potentiel d’interaction entre deux membranes planes et rigides s’obtient par résolution de l’équation de Poisson-Boltzman [90]. Cette équation de champ moyen se résout différemment selon le ré-gime dans lequel le système considéré se trouve, dont les longueurs caractéristiques

1.1 Potentiels moléculaires 69

D et ℓG introduites précédemment permettent de définir les limites (voir la figure 1.5). Nous verrons dans la partie V que cette théorie n’est plus adaptée pour décrire des membranes fortement chargées.

Figure 1.5 – Délimitations des différentes zones pour la résolution de l’équation de Poisson-Boltzmann (d’après [90]).

Considérons dans un premier temps le cas de bicouches composées uniquement de phospholipides zwitterioniques (DSPC), dont la faible charge de surface n’est due qu’à la dissociation des têtes dans l’eau. Avec σ0 = 0.001 e·nm−2(voir la section 2.3.2 page 93) et dw = 2.5 nm, nous obtenons ℓG/dw ≃ 90 et ℓD/dw ≃ 80. Nous sommes donc, d’après la figure 1.5, dans le régime du gaz parfait. Dans ce régime, le potentiel électrostatique est dominé par l’entropie des contre-ions, plutôt que par leur charge. La résolution de l’équation de Poisson-Boltzmann nous donne comme potentiel inter-membranaire [90] :

Uel,GP(z) = kBT

πℓGB ln(z). (1.21) Ce potentiel, négligeable devant les autres contributions au potentiel total à faible épaisseur d’eau, devient prédominant pour des distances z & 2.5 nm.

Pour finir, étudions le même cas mais dans une solution saline d’ions monovalents de concentration c0, exprimée en mol·L−1. L’adjonction de sel diminue la valeur de la longueur de Debye-Hückel, sans changer celle de Gouy-Chapman. La limite en deçà de laquelle l’équation de Poisson-Boltzmann se résout dans le régime de Debye-Hückel est donnée par l’équation l2

70 1. Origines et expressions des potentiels d’interaction limite : c0,lim= 1 8 · 103πdwNAGB . (1.22) 0 1 2 3 –1.10–3 0 1.10–3 2.10–3 dw (nm) U (J.m −2 )

van der Waals Hydratation

Electrostatique (GP)

Umicro

Figure 1.6 – Différentes contributions au potentiel d’interaction microscopique

Umicro = UvdW + Uhyd + Uelec,GP, prises pour H(l2 = 0, T ) = 5.3 × 10−21J,

σ0 = 0.001 e·nm−2, Ph = 3 × 107Pa et zh = 0.2 nm.

Des valeurs caractéristiques de nos systèmes donnent c0,lim≃ 0.2 mmol·L−1. Pour

c0 > c0,lim, le potentiel s’écrit [90] :

Uel,DH(z) = kBT ℓD πℓ2 GB  coth z 2ℓD 

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