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contrepartie financière : quelques précisions complémentaires par

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la chambre commerciale de la

Cour de cassation

50Option Finance n°1626 - Lundi 18 octobre 2021

Entreprise & expertise Dossier

Le protocole prévoyait par ailleurs qu’au jour de la réalisation de la cession, le cédant serait engagé en tant que directeur d’agence par la société cédée. La cession des parts ayant été réalisée postérieurement au protocole, l’intéressé a été embauché aux termes d’un contrat de travail conclu à cette date postérieure. Ce contrat de travail conte-nait, lui aussi, une clause de non-concurrence assortie d’une contre-partie financière. Licencié quelques mois après son embauche et dispensé de la clause de non-concurrence au titre de son contrat de travail, le cédant a demandé l’annulation judiciaire de la clause de non-concurrence stipulée dans le protocole de cession. Au soutien de sa demande, il affirmait l’invalidité de la clause du protocole du fait de l’absence de contrepartie financière. Le cédant soutenait qu’il avait en réalité la qualité de salarié au jour de l’engagement de non-concurrence, étant donné que la promesse d’embauche figu-rant dans le protocole de cession valait contrat de travail.

La cour d’appel de Rennes a débouté le cédant de sa demande par un arrêt du 25 juin 2019, affirmant que la clause de non-concur-rence litigieuse était valable, non disproportionnée dans le temps et dans l’espace, et visait à protéger le cessionnaire. Au demeurant, le cédant n’ayant pas la qualité de salarié au jour de la souscription de l’obligation, une contrepartie financière n’avait pas à être stipulée.

Le cédant s’est alors pourvu en cassation, arguant que la promesse d’embauche contenue dans le protocole de cession devait être assi-milée à un contrat de travail dès lors que ladite promesse précisait l’emploi proposé et la date d’entrée en fonctions, l’assimilation de la promesse à un contrat de travail entraînant, de fait, l’obligation de prévoir une contrepartie financière à la clause de non-concurrence.

Ainsi, fort des solutions précédemment admises, il convenait ici d’aller un peu plus loin afin de déterminer si la validité d’une clause de non-concurrence est subordonnée à l’existence d’une contre-partie financière lorsque le débiteur de l’obligation bénéficie seule-ment d’une offre d’embauche de la part de la société créancière de l’obligation à la date de la souscription de l’obligation, et non d’un contrat de travail.

Par sa décision du 23 juin 2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation a répondu à cette question par la négative, affirmant que, dès lors que le débiteur de l’obligation n’avait pas la qualité de salarié et ne bénéficiait que d’une simple promesse d’embauche au moment de la signature du protocole de cession prévoyant la clause de non-concurrence litigieuse, il n’y avait pas lieu de soumettre la validité de celle-ci à l’existence d’une contrepartie financière.

La question de savoir si la validité d’une clause de non-concur-rence est subordonnée à l’existence d’une contrepartie financière a déjà été posée à plusieurs reprises devant la haute juridiction. Ainsi, par deux arrêts de cassation de 2013, les chambres commerciale6 et civile7 de la Cour de cassation avaient déjà affirmé que la validité d’une clause de non-concurrence n’était pas subordonnée à l’exis-tence d’une contrepartie financière lorsque le débiteur de l’obliga-tion n’avait pas la qualité de salarié à la date à laquelle l’engagement de non-concurrence est pris.

Il ressortait de ces deux décisions une tendance de la Cour de cas-sation à faire une application restrictive de la condition d’existence d’une contrepartie financière à la clause de non-concurrence, que la Cour refuse ainsi d’imposer lorsque les obligés ne bénéficient pas du statut de salarié, quand bien même ceux-ci exerceraient une activité professionnelle pour le compte de la société créancière de l’obli-gation de non-concurrence. Si la solution affirmée par l’arrêt du

23 juin 2021 semble donc désormais bien entérinée dans la juris-prudence de la Cour de cassation, on soulignera que ça n’était pas sans résistance des juges du fond, comme en témoignent les deux arrêts de cassation de 2013 (nous étions en présence d’un arrêt de rejet en 2021).

C’est en réalité un relatif désalignement entre les solutions dégagées respectivement par la chambre sociale de la Cour de cassation en matière de contrat de travail et par la chambre commerciale sur les conditions de validité de la clause de non-concurrence stipulée dans un protocole de cession de titres, qui a toujours été de nature à introduire le flou sur l’exigence d’une contrepartie financière, et ce y compris dans l’esprit de certains praticiens. L’amalgame de deux qualités d’associé vendeur et de salarié a conduit à appliquer la nullité d’une clause non rémunérée prévue dans un protocole de cession dès lors que la date de conclusion du contrat de travail précédait la cession.

Ne remettant aucunement en cause cette solution, la chambre com-merciale précise cette année ce qu’il faut entendre par contrat de travail préexistant : la simple promesse d’embauche ne suffit pas. La solution a le mérite d’être claire et, à défaut d’un alignement au fond des deux chambres sur ce point, on pourra relever que la chambre commerciale a raisonné conformément aux solutions dégagées par la chambre sociale de la Cour de cassation s’agissant de l’assimila-tion de la promesse d’embauche au contrat de travail.

Au final, les précisions apportées par la chambre commerciale sont opportunes, en particulier en présence d’opérations de M&A ou de LBO, lorsque l’obligé a plusieurs casquettes au jour de l’opération ou lorsqu’il acquiert postérieurement au closing la qualité de salarié.

En effet, outre les qualités de cédants de titres et de salarié, l’obligé peut également (et cumulativement) être titulaire d’un mandat social de dirigeant, lequel n’exige pas de contrepartie financière pour la souscription d’une clause de non-concurrence.

On pourrait certes douter des distinctions opérées entre les diffé-rentes qualités qui peuvent se cumuler en pratique, mais on pourrait, par prudence, appliquer les règles suivantes pour appréhender ces cumuls :

– si le mandat social a précédé le contrat de travail, la stipulation d’une contrepartie financière n’apparaît pas requise ;

– si le contrat de travail préexistait avant son cumul avec un mandat social, l’exigence d’une contrepartie financière doit demeurer ; – de même, l’associé vendeur qui dispose par ailleurs d’un contrat de travail doit bénéficier d’une contrepartie financière ; mais

– en revanche, l’exigence d’une telle contrepartie disparaît si le contrat de travail est conclu après la cession des titres quand bien même sa conclusion serait promise ou prévue dans le protocole de cession de titres. n

1. Cette condition peut apparaître, au demeurant, de plus en plus contestable pour certaines activités eu égard à la globalisation de certains marchés et à la généralisation des moyens de travail dématérialisés.

2. Cass. soc., 10 juillet 2012, n° 99-43.334 99-43.336, publié au bulletin.

3. Respectivement prévues aux articles 1625 et 1626 du Code civil.

4. En pratique, un protocole de cession peut inversement réduire les effets de la garantie légale d’éviction.

5. Cass. com., 23 juin 2021, 19-24.488, inédit.

6. Cass. com., 8 octobre 2013, n° 12-25.984, Sté Crédit agricole Touraine-Poitou Immobiliser, F-D.

7. Cass. 1re civ., 2 octobre 2013, n° 12-22.846 et 12-22.948, FS-P+B+R+I, G.

c/ Sté GAN Patrimoine.

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