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17. Conditions de la résiliation pour justes motifs d’un contrat de durée (contrat-cadre d’exploitation d’œuvres protégées par le droit d’auteur) : arrêt du TF 4A_598/2012 du 19 mars 2013 Les contrats de durée peuvent être résiliés pour justes motifs avec effet immédiat, indépendamment de l’existence d’une clause contrac-tuelle à cet effet9. Sont des justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports contractuels. Des violations particulièrement graves du contrat constituent un juste mo-tif de résiliation. Des violations moins graves mais répétées peuvent également légitimer une résiliation du contrat pour justes motifs lorsqu’elles continuent à se produire malgré un avertissement ou une mise en demeure, de sorte qu’on ne puisse pas attendre que de nouveaux avertissements permettent d’éviter des futures violations contractuelles. L’appréciation de l’existence de justes motifs dans un cas particulier est déterminée par les tribunaux en application du droit et de l’équité (en vertu de l’art. 4 CC).

En l’espèce, le contrat dont la résiliation pour justes motifs était litigieuse avait été conclu en juin 2007 entre des dessinateurs et une agence de communication et portait sur la création d’une série

gra-9 En l’espèce, le contrat concerné comportait une clause prévoyant la possibilité de résilier le contrat pour justes motifs dans certaines circonstances particulières, qui n’étaient toutefois pas applicables dans le litige.

phique d’animaux fictifs destinée à une nouvelle ligne de produits pour enfants d’un grand groupe de distribution suisse. Le contrat pré-voyait aussi une clause visant à donner aux dessinateurs l’exclusi-vité des tâches d’illustration, de correction et de modification (sous réserve des corrections de couleur) des personnages créés pendant la durée du contrat. Les dessinateurs se sont ultérieurement plaints du fait que les personnages qu’ils avaient créés avaient été modifiés par la cliente finale (soit le groupe de distribution) sans leur autorisation et ont résilié le contrat-cadre conclu avec l’agence de communication qui prévoyait la cession de leurs droits d’auteur, ladite cession étant consentie sous réserve du respect du contrat par l’agence et que ce dernier soit encore en vigueur au 31 décembre 2009.

Il a été jugé que les dessinateurs n’avaient pas de justes motifs de résilier le contrat, en dépit des violations mineures de ce dernier. Les dessinateurs ont en effet cédé intégralement leurs droits d’auteur et devaient s’attendre à ce que des modifications ultérieures soient faites à leur œuvre, sous réserve d’altérations au sens du droit d’auteur (soit de l’art. 11 al. 2 LDA, RS 231.1) qui n’ont pas été constatées. Ils ne pouvaient pas prétendre à la résiliation pour justes motifs du contrat en se prévalant d’une atteinte à leur réputation professionnelle, la clause d’exclusivité violée visant en définitive la protection de leurs intérêts économiques. Les dessinateurs ne pouvaient pas non plus justifier la résiliation du contrat pour justes motifs en se prévalant de violations de leurs droits d’auteur, car ceux-ci avaient été cédés sur la base du contrat (sous condition résolutoire de la résiliation du contrat).

Dans la pondération des intérêts en présence qui doit être effec-tuée afin d’apprécier la légitimité d’une résiliation pour justes motifs, il peut non seulement être légitime mais même être nécessaire de prendre en compte les intérêts d’un tiers au contrat, ce pour autant que les parties au contrat aient été conscientes du fait que le contrat avait en définitive été conclu dans l’intérêt du tiers concerné, soit en l’occurrence le grand groupe de distribution, client de l’agence de communication, qui avait lancé sa gamme de produits fondée sur les graphiques d’animaux créés par les dessinateurs et qui avait beau-coup investi dans celle-ci.

III. Modifications législatives

Il faut tout d’abord mentionner l’avancement du projet législatif concernant le droit de révocation en matière de contrats conclus à

distance qui a fait l’objet d’un Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats daté du 14 novembre 2013 qui com-porte un projet de modification du Code des obligations (art. 40a à 40o et art. 406d et e CO)10, donnant ainsi suite à l’initiative parlemen-taire « Pour une protection du consommateur contre les abus du dé-marchage téléphonique » déposée par Pierre Bonhôte le 21 juin 2006.

Le projet vise à mieux protéger les consommateurs concluant des contrats à distance, notamment par téléphone ou par Internet, contre les risques liées aux achats impulsifs et à l’effet de surprise provoqué par le démarchage en introduisant un droit de révocation (applicable sous réserve de certaines situations particulières).

Le Conseil fédéral a exprimé son avis sur le Rapport précité le 14 mars 201411 et a exposé qu’il est favorable aux points essentiels du projet de loi et du rapport de la commission. Il recommande au Par-lement d’entrer en matière, d’accepter les propositions de la majorité de la commission et de rejeter les propositions de la minorité, sous ré-serve de certaines modifications ponctuelles exposées dans son avis.

On doit également signaler la continuation des travaux de réforme du droit de la prescription, ce qui paraît indispensable, aussi compte tenu du tout récent arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’Homme dans lequel la Cour a estimé que « l’application des délais de péremption ou de prescription a limité l’accès à un tribunal à un point tel que le droit des requérantes s’en est trouvé atteint dans sa substance même, et qu’elle a ainsi emporté violation de l’article 6 § 1 de la Convention »12, constatant ainsi la violation du droit d’accès à un tribunal.

Le Conseil fédéral a ainsi adopté un Message relatif à la modifica-tion du Code des obligamodifica-tions (droit de la prescripmodifica-tion) et le projet y relatif le 29 novembre 201313. Le projet vise à améliorer et à simpli-fier, de manière ciblée, les règles du Code des obligations et des lois spéciales en matière de prescription. Il s’agit avant tout de porter d’un an à trois ans le délai relatif de prescription des prétentions fondées

10 Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats (FF 2014 893) : http://www.admin.ch/opc/fr/federal-gazette/2014/893.pdf ; projet de modification (FF 2014 923) : http://www.admin.ch/opc/fr/federal-gazette/2014/923.pdf.

11 http://www.ejpd.admin.ch/content/ejpd/fr/home/dokumentation/mi/2014/2014-03-14.

html ; avis du Conseil fédéral du 14 mars 2014 (http://www.ejpd.admin.ch/content/dam/data/

pressemitteilung/2014/2014-03-14/stgn-br-ber-rk-sr-f.pdf).

12 Arrêt dans l’affaire Howald Moor et autres c. Suisse du 11 mars 2014 (Requêtes nos 52067/10 et 41072/11), § 79 ; les arrêts du TF concernés étant: ATF 136 II 187 et ATF 137 III 16.

13 http://www.ejpd.admin.ch/content/ejpd/fr/home/dokumentation/mi/2013/2013-11-293.

html ; Message du Conseil fédéral, FF 2014 221 et Projet, FF 2014 273.

sur un acte illicite ou sur un enrichissement illégitime. Le délai de prescription absolu passera pour sa part de dix à trente ans en cas de dommage corporel, afin de tenir compte des difficultés des actions en réparation d’un dommage différé, soit d’un dommage qui n’apparaît que de nombreuses années après le fait qui l’a causé. Parmi les autres modifications, on peut relever que le projet précise les conditions auxquelles le débiteur peut renoncer à invoquer la prescription pour s’opposer à l’exécution de son obligation (renonciation à soulever l’exception de prescription).

On évoquera par ailleurs le projet de révision totale de la loi sur la signature électronique (SCSE)14 publié par le Conseil fédéral le 15 janvier 2014. La révision proposée confère au Conseil fédéral la compétence de réglementer deux applications des certificats numé-riques en plus de la signature électronique qualifiée, qui continuera d’être réservée aux personnes physiques, soit la signature électro-nique dite « réglementée », qui devra répondre à des critères moins stricts que la signature qualifiée, et le « cachet électronique régle-menté », instrument réservé aux personnes morales et aux autorités.

A la différence de la signature électronique qualifiée, ces deux instru-ments n’auront pas d’effets juridiques directs et serviront uniquement à prouver la provenance d’un document et à garantir que son contenu n’a pas été modifié par la suite. Pour ce qui concerne les aspects de droit des obligations de cette révision, ils concernent en particulier la définition de la signature qualifiée qui exige désormais un horodatage, soit l’association d’une date et une heure officielles à un ensemble de données, ce qui permet – si le système est fiable – d’établir que ces données existaient à un moment donné ou que la signature a été créée à un instant précis. Le projet prévoit en effet que l’horodatage consti-tue une condition pour que la signature électronique qualifiée soit assimilée à la signature manuscrite (projet de nouvel art. 14 al. 2bis CO : « [l]a signature électronique qualifiée avec horodatage électro-nique qualifié au sens de la loi du … sur la signature électroélectro-nique est assimilée à la signature manuscrite. Les dispositions légales ou conventionnelles contraires sont réservées »).

Enfin, on signalera que le projet scientifique (financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique) de refonte de la partie générale du Code des obligations dirigé par les Prof. Claire Huguenin et Reto Hilty de l’Université de Zurich qui a abouti à la publication

14 Message du Conseil fédéral (FF 2014 957) : http://www.admin.ch/opc/fr/federal-gazette/2014/957.pdf; projet de modification (FF 2014 993) : http://www.admin.ch/opc/fr/

federal-gazette/2014/993.pdf

du Code des obligations 202015 a servi de base à deux postulats par-lementaires16 invitant le Conseil fédéral à « indiquer dans un rapport s’il est prêt à soumettre au Parlement un projet de modernisation de la partie générale du Code des obligations (CO) afin d’en rendre les normes plus conviviales ». Il conviendra ainsi de suivre le développe-ment de ces projets avec attention.

15 http://co2020.ch/ et http://or2020.ch/.

16 Postulat 13.3226 « Moderniser le Code des obligations » déposé au Conseil national par Andrea Caroni le 21 mars 2013, http://www.parlament.ch/f/suche/Pages/geschaefte.

aspx?gesch_id=20133226, dont l’acceptation a été proposée par le Conseil fédéral le 29 mai 2013 et qui a été accepté par le Conseil national le 21 juin 2013 ; Postulat 13.3217

« Moderniser le Code des obligations » déposé par Pirmin Bischof au Conseil des Etats le 21 mars 2013: http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20133217, dont l’acceptation a été proposée par le Conseil fédéral le 29 mai 2013 et qui a été accepté par le Conseil des Etats le 18 juin 2013.

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