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De plus, le contraste entre sanction complète et partielle est difficile à mettre en œuvre vu que souvent la relation entre une structure sanctionnante et une structure cible

implique de l'élaboration et de l’extension, p. ex. l’adaptation de tube ‘tuyau’ (anglais

d’Angleterre pour désigner le métro) implique de l'élaboration, puisqu’il a des

spécifications supplémentaires qu’un tuyau, et de l’extension, puisque les spécifications

de séparabilité et de manipulation d’un tuyau ne sont pas présentes. «La grammaire

cognitive accommode la projection des règles grammaticales dans de nouvelles

expressions à travers les mêmes dispositifs de base nécessaires pour manipuler l’usage

spécialisé et l’extension au figuré des items lexicaux. Le cadre offre ainsi une explication

unifiée de la productivité grammaticale, de l’extension lexicale, de l’usage, et de la langue

figurée. Cette unification ne pourrait être atteinte si l’exigence de la générativité était

imposée à une grammaire» (Langacker 1987 : 73, ma traduction).

1.3. Composition & structuration

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P. ex. pour Corbin (1987), les sens construits ne correspondent pas toujours à des unités construites, par exemple une unité polyséme comme poire a un sens métaphorique “qui a la forme d’un poire” et peut dénommer des objets à une forme analogue mais l'unité n’est pas construite, puisque ses propriétés phonologiques, morphologiques et catégorielles n’ont pas changé pendant la construction du sens métaphorique. Egalement, les structures complexes ne correspondent pas à des unités construites, si elles ne sont pas accompagnées d’un changement sémantique, par exemple dans peuplier, -ier intègre peuple dans le paradigme des noms des arbres en français à l’instar de poirier, cerisier, pommier, mais peuplier n’est pas construit puisque son sens est identique à peuple. Pour la grammaire cognitive, tout changement de sens correspond à une unité construite et tous les éléments phonologiques ont un apport sémantique.

La grammaire est un inventaire structuré dans le sens que certaines unités

fonctionnent comme composantes d’autres unités, p. ex. les unités phonologiques [d], [o],

et [g] fonctionnent comme composantes d'une unité phonologique de niveau supérieur

[[d-[o]-[g]], qui se combine avec l'unité sémantique [

DOG

] pour former l'unité symbolique

de niveau supérieur [[

DOG

]/[[d-[o]-[g]]] ‘chien’, à laquelle nous pouvons ajouter le

morphème de pluriel afin d’obtenir une unité symbolique de niveau supérieur et ainsi de

suite

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. «La grammaire d’une langue est donc un inventaire vaste d’unités structurées dans

6

À l'opposé des théories dissociatives de la grammaire générative qui privilégient la structure et affectent le sens par des règles interprétatives, le sens d’un mot est construit suivant Corbin (1987, 1991), selon le principe de l'associativité, en même temps que sa structure morphologique, et compositionnellement par rapport à celle-ci. Les distorsions observables entre forme et sens dans les mots construits sont réductibles soit par une analyse hiérarchisée du sens soit par une analyse abstraite de la structure. Mais une distorsion d’un mot construit ne peut être calculée que par rapport à son sens dérivationnellement prédictible ; ceci est considéré comme le “résultat de l’action sémantique conjuguée de la règle de construction de mot (RCM) utilisée, du procédé morphologique choisi et de la base (Corbin, 1991, p.11)”. Deux facteurs principaux peuvent opacifier le sens d’un mot construit dérivationnellement. D’une part, des règles sémantiques qui s’appliquent dans des étapes antérieures ; par exemple, le sens du mot construit lunettes, peut d’abord être soumis à une règle sémantique de métaphore sur la base lune qui a donné le sens ‘qui a la forme de la lune’, ensuite, à une suffixation par -ette, qui a donné lieu à lunette, signifiant de ‘qui a la forme de petite lune’, et par la suite, à une règle sémantique de métonymie, qui a donné lieu au sens ‘objet dont le constituant saillant est un objet en forme de petite lune’, utilisé au pluriel pour designer un objet constitué de deux verres et d’une monture. D’autre part, le même sens prédictible est susceptible de designer diverses occurrences référentielles et, à contre-pied, l’adaptation pragmatique et la référence extralinguistique sont indépendantes de cheminements linguistiques ; par exemple, les dénominations

voilier, bateau à voile, et voile, sont désignativement mais non sémantiquement équivalentes.

Par rapport au sens, la forme d’un mot construit peut être le résultat de plusieurs opérations. Il y a trois principaux dispositifs post-dérivationnels susceptibles de masquer la structure morphologique d’un mot construit : l’allomorphie, la troncation et l'intégration paradigmatique. L’allomorphie peut se rapporter à divers phénomènes, entre autres l’emprunt, l'évolution phonétique, ou l’usage, mais elle peut être modélisée synchroniquement comme dans le cas de la suffixation des noms par -al où le passage de [œ] à [o] est quasi régulier : chœur/choral, nœud/nodal, docteur/doctoral etc. (Corbin 1987, p. 285-340, 737-780). La troncation consiste à supprimer des segments de la structure phonologique ou morphologique d’un mot construit ; la reconstitution de ces segments permet leur interprétation compositionnellement par rapport à leur structure. Qu’elle soit du type phonologique ou morphologique, la troncation est liée à la cacophonie, par exemple gratuit !

suf. ité +

gratuitité ! gratuité ou séparation !

suf. iste ˚séparationniste

! séparatiste (vs abstentionniste) respectivement. L'intégration paradigmatique consiste à ajouter de

segments qui ont la forme des affixes mais qui ne sont pas nécessaires pour l'interprétation des mots complexes, par exemple antigrippal, ou -al n’a pas le sens instructionnel du suffixe. Il y a une tendance générale d'attribuer du sens à la finale des mots (Nyrop, 1936 ; Guiraud, 1967 ; Corbin, 1987), ainsi, quand cela est possible, les emprunts, par exemple aparahiwa > appariturier > palétuvier, et les mots non construits, par exemple peuplier, se conforment à une finale homophone d’un suffixe de la classe sémantique dont ils font partie. Les distorsions entre forme et sens s’expliquent “à condition de voir le mot construit non comme une simple concaténation formelle et sémantique d'éléments, mais comme le résultat de la combinaison d'opérations hiérarchisées de nature dérivationnelle, sémantique et phonologique” (Corbin, 1991, p.26). "#$%&'#" µ'&()%µ"*' &( *&(+,'-( ".% integrateur parad. *' marqueur de classe.

La polysémie apparente de certains procédés morphologiques s’attribue à des erreurs d’analyse qui consistent soit à considérer qu’un affixe construit des différents sens quand en effet il ne s’agit que des

des hiérarchies qui se chevauchent et se croisent dans une échelle massive» (Langacker

1987 : 73, ma traduction). Il y a trois sortes de relations entre les composants d’une

structure complexe ; la première sorte est la symbolisation, qui établit une correspondance

entre une unité phonologique et une unité sémantique. La deuxième est la catégorisation,

qui est analysée en termes de schématicité et peut impliquer des unités de toutes sortes,

c’est-à-dire des unités phonologiques, sémantiques ou symboliques, p. ex. un ensemble

des unités sémantiques peut être catégorisé ainsi :

Figure 3

manifestations différentes du même sens, stratifiées sémantiquement, par exemple considérer que -at construit des noms d'état, par exemple anonymat, des noms de lieu, par exemple secrétariat, de durée, par exemple consulat, etc., soit à ne pas distinguer deux procédés dérivationnelles différentes, par exemple (Corbin, 1991, p.26 note 25) : ! plum(er) V! suf. age 1 plumage N1 (“action de plumer”) et ! plume N! suf. age 2 plumage

N2 (“ensemble des plumes”)

ou les mêmes opérations effectuées dans une base ou une ordre différente par exemple (Corbin, 1991, p.26 note 26) :

! valide

A !

CONVCE valid(er)V (“rendre ou déclarer valide”) !

suf. able validable A (“qui

peut être validé”) !

préf. in invalidable A (“qui ne peut pas être validé”) et

! valide

A!

préf. in invalide A (“qui n’est pas valide”) !

CONVCE invalid(er)V (“rendre ou

déclarer invalide”) !

suf. able invalidable A (“qui peut être invalidé”) .

Trois conditions sont nécessaires pour considérer un mot comme construit (Corbin, 1991, p.17) :

! “Les constituants de sa structure morphologique profonde doivent tous être catégorisables et associables à un sens de façon reproductible”.

! “Son sens prédictible et sa structure morphologique profonde doivent être compositionnels l’un

par rapport à l’autre”.

! “Les éventuelles distorsions entre sa structure morphologique profonde et sa forme apparente ou entre son sens prédictible et son sens lexicalisé doivent être explicables par des mécanismes réguliers permettant de passer de l’un(e) à l’autre”. "#$%&#&'()&*(+,- µ$./0-$1$2&/0-+*31 4.? 56*(*&.&µµ7*#'.8. )#$*98/,#7:,*$#??? FRUIT´ TOMATE FRUIT POIRE BANANE POMME

[

POMME

], [

BANANE

], et [

POIRE

] ne posent pas de problème, ils sont des élaborations de la

catégorie définie par le schéma [

FRUIT

]. La [

TOMATE

] cependant est assimilée dans la

catégorie par extension ; nous avons appris que les tomates sont techniquement des fruits

mais certaines de leurs propriétés sont en conflit avec les propriétés prototypiques des

fruits, p. ex. le goût sucré. [

FRUIT

´] est schématique par rapport au [

FRUIT

] prototypique

et représente ce que la catégorie [

FRUIT

] et [

TOMATE

] ont en commun. Ces catégories

forment un réseau schématique qui peut être également représenté ainsi :

[

FRUIT

´] ! [

FRUIT

]

[

FRUIT

´] ! [

TOMATE

]

[

FRUIT

] ! [

TOMATE

]

[

FRUIT

] ! [

POMME

]

[

FRUIT

] ! [

BANANE

]

[

FRUIT

] ! [

POIRE

]

La troisième sorte est l'intégration, qui se produit au niveau syntagmatique quand deux