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Au Congo, les femmes représentent 52 % de la population et constituent, de par leur nombre et leur rôle dans la société, un potentiel humain important dans la vie sociale. Mais la société ne peut pleinement tirer profit de ce potentiel qu’à condition que les femmes ne soient pas soumises à des contraintes tendant à réduire leur rôle tant dans la prise de décision que dans les activités productives.

L’analyse des contraintes liées au genre dans les domaines de l’accès aux services de production et de la participation à la prise de décision permettra de comprendre la nature de celles-ci et fournira la matière concernant les réponses politiques qui peuvent être envisagées.

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4.1. la productivité et l’accès aux services de production

Au Congo, l’agriculture demeure l’une des activités économiques dominantes, avec une population active agricole estimée à 300 000 individus (ministère de l’Agriculture et de l’Élevage, 2012). Cette activité a un visage féminin car les femmes représentent 70 % de la population active agricole, soit 210 000 individus. Elles assurent 60 à 80 % de la production vivrière et participent à 100 % des opérations de transformation artisanale des produits agricoles.

L’essentiel de la production est destiné aussi bien à la subsistance qu’à l’acquisition de revenus monétaires. En milieu rural, l’agriculture constitue la principale activité des femmes qui produisent 80 % des denrées alimentaires.

L’observation du domaine des activités agricoles fournit les éléments qui permettent de mettre en évidence l’existence et la persistance de pratiques de socialisation différenciée entre les garçons et les filles. En effet, en pratique, les filles sont orientées vers les travaux champêtres et ménagers tandis que les garçons le sont vers d’autres activités (pêche et autres). Ainsi, la culture congolaise (dans toutes les ethnies) reproduit insidieusement une division sexuelle du travail et des moyens de production. Cette division sexuelle du travail semble s’être suffisamment enracinée au point d’orienter les choix occupationnels des individus selon le sexe.

Figure 3.34 : Répartition par sexe des Figure 3.35 : Répartition par sexe des

promoteurs des unités économiques promoteurs des tpe/pme et artisans (en %) du secteur informel (en %)

Source : MPMEASI (2017), Recensement des très petites, petites, moyennes entreprises et artisans au Congo.

La récente enquête réalisée par le ministère des Petites et moyennes entreprises, de l’Artisanat et du Secteur informel dans le cadre de l’élaboration de la cartographie du secteur informel montre que peu de femmes sont promoteurs d’unités de production.

Ces deux graphiques montrent que la majorité des promoteurs d’unités économiques exerçant au Congo sont des hommes (79,6 %). Ce constat pourrait trouver son explication dans la répartition des rôles entre les hommes et les femmes dans la société congolaise. Ce qui constitue un réel problème pour la valorisation du capital humain dans la mesure où les activités dans lesquelles les femmes semblent être confinées sont de faible productivité. En effet, les moyens de production utilisés dans l’agriculture, qui occupe la majorité des femmes, sont restés rudimentaires et archaïques (houe, machette, etc.), loin de garantir des gains de productivité, et surtout cause d’accentuation de la pénibilité du travail.

En outre, elles s’occupent de la transformation et de la commercialisation des produits récoltés et en même temps remplissent leurs tâches traditionnelles de « mère nourricière » (ménage, cuisine, soigner les enfants, collecter l’eau et le bois, etc.). La journée de travail est longue, 16 heures en moyenne. La disparition des cultures de rente a cependant entraîné une participation des hommes aux cultures vivrières (manioc, igname, haricot). Une partie des tâches réservées traditionnellement aux femmes sont désormais pratiquées par des hommes, notamment des jeunes.

Concernant les aspects de bien-être subjectif, les données de l’enquête MICS Congo 2014-2015 montrent que de façon générale, les femmes sont proportionnellement plus optimistes que les hommes en ce qui concerne leur bien-être subjectif. Parmi les jeunes de 15-24 ans, 87 % des femmes et 78 % des hommes se disent très satisfaits ou satisfaits de leur vie en général. Pour le bonheur, parmi les femmes, 86 % se disent très heureuses ou heureuses de leur vie en général ; chez les hommes, la proportion est de 82 %.

Pour la perception d’une vie meilleure, 47 % des femmes de 15-24 ans pensent que leur vie s’est améliorée comparativement à l’année d’avant et qu’elle va également s’améliorer durant l’année à venir. Cette proportion s’établit à 44 % chez les hommes.

4.2. la participation à la prise de décision

La conférence de Beijing tenue en 1995 réaffirmait que « l’égalité de participation aux prises de décision n’était pas seulement une simple question de justice et de démocratie et qu’on pouvait y voir aussi une condition nécessaire pour que les intérêts des femmes soient pris en considération. Sans une participation active des femmes et la prise en compte de leur point de vue à tous les niveaux de la prise de décision, les objectifs d’égalité, de développement et de paix sont impossibles à réaliser. » Il faut noter qu’en plus de ce texte de Beijing, nombreux sont les traités internationaux qui consacrent le principe de la participation égale des femmes et des hommes dans les structures du pouvoir et de prise de décision, notamment la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Les femmes au Congo sont malheureusement très sous-représentées dans le champ politique en général et dans les instances de prise de décision.

Aujourd’hui, la représentativité des femmes dans les instances de prise de décision se présente comme suit : - 14 % de femmes au Parlement ;

- 23 % de femmes au gouvernement ;

- 19 % de femmes dans les conseils départementaux ; - 24 % de femmes dans les conseils communaux.

Figure 3.36 : Représentation des femmes dans les bureaux de conseils départementaux et communaux (en %)

Source : Centre pour la promotion de la femme en politique.

Cette situation ne date pas d’aujourd’hui, car déjà en 201455, lors des élections locales, on faisait le constat selon lequel dans la composition des bureaux des conseils de départements ou communes, les femmes étaient quasiment absentes. Cette exclusion volontaire ou involontaire semble traverser le temps et toucher tous les domaines de la vie des femmes au Congo.

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Parmi les facteurs qui peuvent expliquer cette sous-représentativité, on note la difficile mise en œuvre de la Politique Nationale Genre, le poids des us et coutumes qui engendre la méconnaissance par les femmes de leurs droits et le faible accès aux ressources et moyens de production par les femmes. Ces éléments ne concourent nullement à la valorisation du capital humain.

S’agissant des us et coutumes qui assignent à la femme le rôle « socialement construit de l’être inférieur », on peut constater que certains métiers exercés par les femmes assouplissent la force de coercition de ces us et coutumes. En analysant la profession des candidates aux élections législatives de 201256, il est apparu clairement que la majorité des candidates pratiquent des métiers de contact permanent avec le public. Les enseignantes et les agents de santé sont les plus représentées. Cependant, on y trouve très peu de retraitées. Ainsi, les métiers de contact semblent prédisposer les femmes à se présenter aux élections.

Figure 3.37 : métiers exercés par les femmes candidates aux élections

Source : Centre pour la promotion de la femme en politique.

Ainsi, malgré d’une part l’existence de textes qui garantissent l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, et d’autre part leur plus grand nombre dans la population congolaise, la participation à la prise de décision reste encore un défi qui intègre la problématique de la valorisation du capital humain des femmes congolaises.

56 Les femmes tirent les leçons des élections législatives de 2012, Rapport d’analyse. Centre de promotion de la femme en politique 2013, p. 12.

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