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Les contraintes de la flèche

état de l’art des procédés et des principes de sémiologie graphique « Les cartes de flux ressemblent à celle des réseaux, mais s’en écartent

Encart 4-2. De la physique à la géographie des flu

4.2 La conception d’une carte de flux : aspects graphiques et sémiologiques

4.2.3 Les contraintes de la flèche

Les contraintes graphiques au placement de la flèche qui illustre les flux sont essentiellement liées à leur agencement sur le document, à l’espace disponible sur le support, à leur éventuelle orientation, leur taille mais aussi à leur échelle.

4.2.3.1 Un problème de place et d’orientation

Le problème de place des flèches résulte de l’une des composantes de l’effet de maillage lié à la position des lieux, qui impacte la grosseur des flèches. En raison de la première loi de la géographie de W. Tobler (1970), les flèches les plus grosses, celles qui illustrent les valeurs de flux les plus importantes, concernent généralement des zones qui sont proches ce qui pose un problème évident de place qui est lié au placement des figurés, et à leur chevauchement. Ce problème de place est surtout spécifique aux matrices de flux denses, caractéristiques de l’effet spaghetti. C’est la raison pour laquelle les solutions graphiques qui y sont traditionnellement apportées consistent à réduire le nombre de figurés, ou bien à éluder la flèche, en représentant les flux par une bande. Ces solutions présentées sur la Figure 4-27, illustrent notre matrice exemple.

Une première famille de solutions consiste à apposer un angle (α°) au tracé des flèches qui sont initialement rectilinéaires, afin de les transformer en courbes (de Beziers). Cette méthode purement graphique de déformation du figuré présente deux avantages : elle permet de représenter une quantité plus importante de figurés, en même temps qu’elle réduit leur chevauchement. La principale contrainte à sa mise en œuvre réside dans la conservation de l’équi répartition des figurés arrondis, en conservant

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Une illustration de ce procédé qui consiste à faire varier la pointe de la flèche de manière proportionnelle à la migration nette est disponible ici : http://www.sasi.group.shef.ac.uk/thesis/print_display.php?print=105 [lien vérifié le 02/08/2015].

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une distance raisonnable de séparation visuelle, sans générer de chevauchements à d’autres endroits de la figure.

A noter que c’est une variante de ce procédé de déformation graphique qui prend la forme d’une fusion graphique, qui a été proposée par Phan et al. (2005) et D. Holten (2006) et, qui est par ailleurs à l’origine de la méthode de l’edge bundling que nous avons présentée dans la 4.1.6, située page 169. La seconde famille de solutions consiste à réduire la quantité de figurés à placer sur la carte, en appliquant un critère de sélection qui agit in fine sur la part d’objets. Nous y reviendrons dans les chapitres 8 et 9. La troisième famille de solution consiste à changer de procédé graphique, d’évincer la flèche au profit de la bande qui correspond à une flèche sans pointe, plus facile à manier. Elle est mise en œuvre lorsqu’il s’agit de représenter, certains types de flux mais pas d’autres. En effet, nous avons montré (chapitre 3) que la bande était adaptée à la cartographie des matrices de type (Fij+), décrivant un volume bilatéral.

Ces trois familles de solutions sémiologiques conduisant à réduire les problèmes de placement des figurés sont illustrées par la Figure 4-27, qui représente les flux de notre matrice exemple.

Figure 4-27. Illustration des problèmes de place des flèches et des solutions existantes

Il est important de noter que ces trois familles de solutions graphiques apportées au problème de place des figurés sont directement liées aux trois familles de méthodes de cartographie de flux, par conséquent au type de matrice. Elles dépendent de ce fait des éventuels traitements qui ont été réalisés sur les données, en amont de l’étape de représentation. Le changement de type figuré graphique (par exemple : le remplacement de la bande par une flèche) n’est rendu possible que parce que les valeurs de la matrice de données à représenter ont été modifiée, en l’occurrence que des valeurs de flux bilatérales (Fij) ont été décomposées en volume bilatéral (Fij+) ou en solde bilatéral (Fij-).

4.2.3.2 Un problème de « taille » lié à la disposition des flèches

Il est d’usage très répandu de gérer la disposition des flèches en fonction de leur taille, en portant au premier plan celles dont les corps sont les plus fins, c’est-à-dire les petites flèches ; les grosses flèches sont alors, dans ce cas de figure, placées à l’arrière plan. L’explication tient à ce que W. Tobler qualifie de « problème des lignes cachées » qui réduisent la visibilité des petites flèches lorsqu’elles sont placées en arrière plan (Tobler, 1987 : 159).

La Figure 4-28 illustre les deux possibilités de disposition des flèches, en fonction de leur taille, des valeurs de flux issues de notre matrice exemple.

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Figure 4-28. Illustration des possibilités de disposition des flèches

La disposition des petites flèches au premier plan est aussi suggérée par C. Zanin et M-L. Trémélo (2003) de manière naturelle, alors qu’elle peut être contre-productive. L’un des objectifs de la cartographie de flux est, en effet, de donner à voir généralement les échanges les plus importants ce qui nécessite de placer les plus grosses flèches au premier plan. Placer les petites flèches au premier plan revient à privilégier les petits flux (en valeur) au détriment des plus gros flux qui sont illustrés par des grosses flèches. Au premier plan visible se trouvent alors représentés les flux dont la valeur est la plus faible. Si cette solution est efficace d’un point de vue visuel – puisque les plus gros flux restent quand même visibles sous les plus petits, en étant plus large – elle contribue à privilégier une contrainte graphique au détriment d’une contrainte méthodologique liée à l’affichage de la valeur du flux, alors qu’il devrait en être autrement.

C’est la raison pour laquelle W. Tobler a suggéré de placer ces petites flèches plutôt en arrière-plan, en justifiant sa suggestion par le fait que cette manière de procéder privilégie la visibilité des valeurs de flux les plus importantes (Tobler, 1987 : 159 ; Tobler, 2003 : 21-25). Elle offre aussi l’opportunité d’une lecture différente de la même information, par une réduction de l’encombrement de la carte, par conséquent de l’effet-spaghetti. Elle contribue toutefois à masquer une partie de l’information disponible puisque les petites flèches sont masquées. Pour résoudre ce « problème des lignes cachées » qui en découle, D. Dorling a suggéré, à la suite de la proposition de W. Tobler, d’appliquer le procédé de la défonce graphique au corps des flèches. Ce principe est illustré par la Figure 4-29, à partir des valeurs (Fij) de notre matrice exemple.

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Couramment mise en œuvre en cartographie statistique pour représenter les points proportionnels, la méthode consiste à détourer les flèches avec un liseré blanc (Dorling, 1991 : 112). Les figurés, qui sont dès lors nécessairement teintés, voient ainsi leur séparation visuelle renforcée lorsqu’ils sont très nombreux. En cartographie statistique, la défonce est appliquée aux symboles ponctuels, lorsque les plus petits d’entre eux sont placés au premier plan, afin qu’ils puissent être distingués de ceux qui sont disposés en arrière plan. Elle devient inutile lorsque les symboles les plus petits sont placés en arrière plan, en raison de l’opacité de la teinte des figurés qui est généralement maximale. Ce principe, appliqué aux flèches, fonctionne de la même façon lorsque les plus petits flux sont placés au premier plan : dans ce cas, la défonce ne constitue pas un frein à la perception visuelle des plus petits et des grands flux, qui sont placés en arrière-plan. A l’inverse, lorsque les gros flux sont disposés au premier plan et que leur teinte est opaque, ils masquent par définition – en partie ou totalement – les plus petits flux, renforçant ainsi l’effet de surcharge graphique, caractérise de l’effet-spaghetti. L’ajout d’une défonce présente alors un effet pervers car elle augmente la complexité de la figure en alourdissant les figurés.

Derrière la surcharge graphique trop importante est parfois associé le second effet graphique qui caractérise également l’effet-spaghetti à savoir l’effet de couverture spatiale. Nous avons montré (chapitre 2, section 2.3.3.1), que celui-ci est lié aux dimensions du figuré, en particulier à la longueur des flèches, laquelle est directement liée au maillage, à la forme des zones qu’il convient de franchir pour générer le flux.

4.2.3.3 Un problème de longueur, lié au franchissement de limite de zone

Le respect de la convention qui consiste à représenter un effet de convergence ou de divergence des flux (voir Figure 4-26) renforce le problème de place et celui du chevauchement des figurés. Il génère, en effet, un effet pervers lié au recours à la notion de barycentre des zones et à la longueur des figurés, celle-ci dépendant de l’éloignement des couples de lieux d’origine et de destination. C’est l’effet de

couverture spatiale.

L’effet de couverture spatiale résulte de la nécessité de mettre en relation les centres des couples de

lieux qui sont éloignés. Le trait correspondant traverse ainsi, dans bien des cas, tout ou partie de la zone d’étude masquant l’ensemble des informations situées sur son passage, qu’il s’agisse d’informations relatives au fond de carte ou aux tracés de longueur moindre. Deux solutions ont été apportées à ce problème.

La première solution, apportée par E.G. Ravenstein (1885), dans sa carte n°5 sur les courants migratoires (voir section 1), consiste à ne représenter que l’endroit du franchissement de la frontière sans toutefois relier les centres des lieux d’origine et de destination (Bahoken, 2012). Ce procédé donne l’apparence d’une continuité du phénomène tout en proposant une carte très lisible, l’essentiel des tracés ayant été supprimé, sans nuire à la transmission de l’information.

La seconde solution, suggérée par W. Tobler, vise à ne représenter que les flux qui ont lieu entre des zones contigües (adjacentes), qui partagent une même frontière (Tobler, 1987 : 162). Les autres flux, qui s’expriment à plus longue distance, sont ensuite réorientés vers les zones adjacentes. Ce procédé est une variante des flux affectés sur réseaux mais sous la forme de flèches. Il correspond à la représentation de flux sous la forme d’arbre hiérarchique qui a été rendue populaire ces dernières années par D. Phan et al. (2005), que nous avons présentée dans la section 4.1.6.1, page 170. Si la méthode contribue à aérer la figure, elle l’appauvrit considérablement dans le même temps puisqu’elle nécessite une sélection drastique de l’information disponible.

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4.2.3.4 Un problème (de mise à) ou d’échelle des figurés

La question de la mise à l’échelle de la carte est sensible, car elle conditionne l’équilibre global de la figure. Cette question concerne d’une part, le choix du système de projection du fond de carte qui doit être adapté à l’échelle d’observation des flux représentés : une projection polaire apparaît ainsi plus adaptée à la cartographie de flux mondiaux qu’une projection de type Mercator. De l’autre, celle des figurés : la taille du symbole le plus petit doit rester visible sur la carte et celle du plus grand ne doit pas être trop envahissante.

La mise à l’échelle de la taille du figuré nécessite, par ailleurs, d’être cohérente avec l’amplitude de la distribution statistique des valeurs de flux, ce qui impose parfois de petits arrangements pour éviter de travestir la figure. B. Dent (1999) signale à ce sujet que, lorsque les plus grosses flèches sont trop larges, elles cessent d’apparaître comme porteuses des valeurs de flux les plus importantes, parce qu’elles apparaissent comme des symboles surfaciques et plus linéaires, ce qui préjudiciable. L’auteur propose trois manières de résoudre ce problème de mise à l’échelle des figurés quantitatifs (Dent, 1999 : 228). La première solution consiste, étrangement, en cas d’impossibilité de mise à l’échelle adéquate des figurés, d’abandonner la carte et de recourir à un autre modèle de représentation des flux (voir chapitre 2). La seconde solution est plus classique puisqu’elle consiste à déterminer un seuil en dessous duquel les valeurs des flux ne seront pas représentées par des figurés de taille proportionnelle, et de symboliser les valeurs éliminées par une flèche de taille unique, représentée par exemple, par des pointillés. Cette solution revient à sélectionner les figurés qui seront présentées sur la figure, de la même manière que pour gérer les problèmes de place. La troisième solution consiste à créer k classes de valeurs de flux discrètes puis à déterminer une taille standard de figurés pour chacune des classes. Il s’agit d’une solution classique, très fréquemment mise en œuvre, qui consiste à ré échantillonner les valeurs de flux de manière proportionnelle au milieu de la classe.

La Figure 4-30 illustre la procédure de mise à l’échelle des figurés, à partir des valeurs de notre matrice fictive (Fij). Cette procédure est une solution rapide et efficace, plus facile à mettre œuvre que la règle générale de proportionnalité de la largeur des figurés avec la valeur qu’elles représentent. Il est important de noter la modification de la perception des différentes tailles des figurés, par conséquent des valeurs de flux sur les exemples de la Figure 4-30 : celles-ci apparaissent plus lissées, et les différences de valeur moins importantes. Nous reviendrons sur cette question de la perception des valeurs de flux traduite par les dimensions du figuré, dans le chapitre 6.

Figure 4-30. Illustration de la mise à l’échelle des figurés

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La flèche est, depuis toujours, privilégiée pour la représentation des flux. Sa mise en œuvre pratique pose cependant de nombreuses contraintes, qu’elle soit réalisée manuellement ou de manière automatisé puisque, dans bien des cas, le tracé automatisé est repris à la main. Rares sont les outils qui permettent de gérer simultanément les différents problèmes de conception graphique qui se posent. Le procédé de la flèche présente, par ailleurs, l’inconvénient de ne pas permettre la représentation simultanée de plus de deux variables. C’est pourquoi différents auteurs ont proposé l’utilisation de variantes au procédé de la flèche.