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B. LES DISPOSITIFS DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

3. Les « contraintes budgétaires » : incitations à l’emploi et gains liés à

La « contrainte budgétaire » représente le revenu disponible après transferts (prestations sociales moins impôts) d’un foyer type en fonction de ses revenus d’activité. Le modèle Taxben de l’OCDE permet de construire les contraintes budgétaires pour des parents isolés avec deux enfants (non éligibles aux assurances chômage) dans chaque pays étudiés. Le modèle s’appuie sur les législations sociales et fiscales nationales. L’analyse des contraintes budgétaires permet de mettre en évidence les incitations financières à l’emploi (graphique 48) ainsi que la façon dont les enfants sont pris en compte par les différents systèmes nationaux en termes d’imposition et de transferts sociaux (graphique 49).

GRAPHIQUE 48 : REVENU DISPONIBLE D’UN PARENT ISOLÉ AVEC DEUX ENFANTS EN FONCTION DE SON REVENU NET D’ACTIVITÉ

Lecture du graphique : En France, un parent isolé avec deux enfants n’ayant aucun revenu d’activité a un revenu disponible (après transferts et impôt) équivalent à 40 % du salaire moyen. En Suède, le revenu disponible d’un parent isolé ayant deux enfants est équivalent à 44 % du salaire moyen, s’il ne travaille pas et jusqu’à des revenus nets d’activité équivalant à 20 % du salaire moyen.

Par soucis de comparabilité, les contraintes budgétaires ont été normalisées en fonction du salaire brut moyen des salariés travaillant à plein-temps observé dans chaque pays. L’ordonnée à l’origine sur le graphique 48 correspond ainsi aux revenus de transferts (minimum social, prestations familiales, allocations logement) d’un parent isolé avec deux enfants n’ayant aucune autre ressource, ce revenu étant exprimé en % du salaire moyen national.

GRAPHIQUE 49 : GAIN LIÉ À LA PRÉSENCE DE DEUX ENFANTS POUR UN ADULTE SEUL EN FONCTION DE SON REVENU NET D’ACTIVITÉ

0 5 10 15 20 25 30 35 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 G ain lié à la p rés en ce d 'en fa n ts (e n % du s al ai re m o y en na ti ona l)

Revenu d'activité (en % du salaire moyen national)

France Allemagne Pays-Bas Suède Royaume-Uni Lecture du graphique : en Suède, le gain de revenu disponible dont dispose un parent isolé ayant deux enfants à charge ne travaillant pas est équivalent à 12 % du salaire moyen relativement à celui d’une personne seule sans enfant. Ce gain est constant jusqu’à des revenus nets d’activité équivalent à 20 % du salaire moyen, puis croit pour les revenus nets d’activité compris entre 20 % et 40 % du salaire moyen ; décroît pour des revenus nets d’activité compris entre 40 % et 80 % du salaire moyen. Au-delà, il est constant et représente 18 % du salaire moyen.

Source : OCDE TaxBen 2009.

En France, depuis la réforme du RSA, le revenu disponible est toujours une fonction croissante du revenu d’activité. Le RSA activité permet en effet de cumuler revenus d’activité avec le RSA avec un taux de dégressivité de 38 % lorsque les revenus d’activité augmentent : ainsi toute reprise d’emploi est désormais rémunératrice. Le gain de RSA lié à la prise en compte de la situation familiale, qui ne bénéficiaient qu’aux inactifs dans le système du RMI, bénéficie désormais

également aux travailleurs pauvres touchant le RSA activité. Contrairement aux autres pays, les gains à la reprise d’emploi sont plus élevés en bas de l’échelle des revenus (c’est-à-dire pour des reprises à temps partiel, voire très partiel) que plus haut dans l’échelle des revenus, ce qui se traduit par une pente de la contrainte budgétaire forte au départ puis moins importante. La France est également le pays où les revenus d’inactivité (pour les parents isolés sans autre ressource) sont les plus faibles (elles représentent 40 % du salaire moyen contre 52 % au Royaume-Uni, 46 % aux Pays- Bas, 45 % en Allemagne et 44 % en Suède). Comme en France, la contrainte budgétaire d’un même ménage britannique est globalement croissante avec le revenu d’activité. Le système social britannique apparaît néanmoins plus généreux pour les parents isolés sans ressources (c’est-à-dire sans emploi) : les revenus d’inactivité y sont les plus élevés des cinq pays. L’Allemagne est dans une situation comparable à celle du Royaume-Uni avec une contrainte budgétaire dont la pente faible mais positive pour les faibles revenus d’activité. Cependant, le système paraît globalement moins généreux pour les parents isolés qu’il ne l’est au Royaume-Uni. La contrainte budgétaire d’un parent isolé suédois est caractéristique d’un système social incluant une garantie de ressource minimale dont le montant est différentiel. L’allocation versée est égale à la différence entre un montant garanti et le montant des ressources propres. Les incitations à la reprise d’emploi sont faibles voire nulles pour peu d’heures travaillées (ce qui se traduit par une contrainte budgétaire plate en bas de l’échelle des revenus) ; puis ces incitations sont plus forte au-delà (ce qui se traduit par une forte pente de la contrainte budgétaire). De même qu’en Suède, les parents isolés néerlandais bénéficient d’une garantie de ressource minimale différentielle (Loi sur l’aide sociale, Wet Werk en Bijstand), ce qui réduit les incitations à travailler à temps très partiel pour les bas salaires (ce qui était le cas en France avant l’introduction du RSA).

Le graphique 49 a été obtenu par différence entre la contrainte budgétaire pour un parent isolé avec deux enfants et celle pour une personne seule. Il représente le gain lié à la présence de deux enfants en fonction du revenu net d’activité ; ce gain est exprimé en pourcentage du salaire moyen (1). Au Royaume-Uni, les gains liés à la présence de deux enfants sont élevés pour les faibles revenus d’activité, puis fortement décroissants et faibles pour les revenus d’activité élevés. Cela illustre un modèle de protection sociale qui cible les foyers les plus pauvres : l’intervention publique et sélective et non pas universelle. À l’inverse, la France est le seul pays où le gain en euros est croissant pour les hauts revenus (puis constants) traduisant un

(1) Par exemple, en France, le RSA socle, versé aux personnes sans revenus est familialisé : il est fixé à 467 euros pour un célibataire sans enfant et 700 euros pour un célibataire avec deux enfants âgés de plus de trois ans. Le gain lié à la présence de deux enfants est de 233 euros (700-467), auquel il faut rajouter des allocations loge- ment plus généreuses. Ce gain peut ensuite être rapporté au salaire brut moyen des salariés travaillant à temps plein (2 745 euros mensuels selon l’OCDE).

souci d’équité horizontale (1) auquel répond le quotient familial de l’impôt sur le revenu (puis son plafonnement). L’Allemagne se situe dans une position intermédiaire entre la France et le Royaume-Uni. En France, au Royaume-Uni, et aux Pays-Bas, les gains maximaux liés à la présence d’enfants apparaissent à des niveaux de revenus d’activité non nuls, conséquence de la mise en place de crédits d’impôts pour travailleurs à bas salaires, dont le montant dépend du nombre d’enfants, ou de la dégressivité plus tardive de prestations sociales (exemple des allocations logement en France). Ceci traduit en partie le souci d’activation des dispositifs sociaux en direction des parents isolés dans ces pays. En Suède, le même profil de gains est obtenu du fait que les prestations familiales sont partiellement déductibles des minima sociaux, mais s’additionnent avec les revenus d’activité.

Le Royaume-Uni est typique du modèle dit « libéral » dans lequel les prestations visent en priorité à réduire la pauvreté. En cela, les parents isolés constituent une cible privilégiée : ils bénéficient ainsi de prestations relativement généreuses, ce qui est également dû au fait que les parents isolés ont des revenus avant transferts particulièrement faibles. L’effet potentiellement désincitatif des prestations est compensé par des dispositifs de crédit d’impôt pour les travailleurs pauvres. À l’opposé, la Suède suit un modèle social-démocrate universel qui ne cible pas spécifiquement les parents isolés mais dont le haut niveau de services publics subventionnés (en termes de garde d’enfant notamment) et le marché de l’emploi permettent au plus grand nombre de travailler. La France est dans une position intermédiaire entre le modèle britannique et suédois : les parents isolés y constituent une cible privilégiée et la France mise aussi sur les incitations via un dispositif de crédit d’impôt pour travailleurs pauvres. Mais, de même qu’en Suède, les parents isolés français ont des revenus plus élevés qu’au Royaume-Uni et bénéficient ainsi moins de la progressivité du système social et fiscal. Les Pays-Bas suivent un modèle propre avec des allocations hors travail généreuses qui expliquent un taux de pauvreté à 50 % faible. Enfin, en Allemagne, les transferts sociaux, peu généreux, ne parviennent pas à compenser la situation défavorable des parents isolés, ce qui explique le taux de pauvreté élevé des parents isolés.

(1) Selon le principe d’équité horizontale, deux foyers de composition différente mais de niveau de vie égal doivent faire face au même taux d’imposition (principe d’impôt selon la capacité contributive dit de « sacrifice proportionnel égal »). Ce principe justifie le système de quotient familial. Le Quotient familial est égal au revenu fiscal du foyer divisé par le nombre de parts ; on lui applique le barème progressif de l’impôt. L’imposition progressive à quotient familial, implique un gain lié à l’enfant croissant par rapport au revenu d’activité lorsqu’il est exprimé en euros (et non en euros par part). Ce gain est plafonné.

C. INCITATION, ACTIVATION ET ACCOMPAGNEMENT DANS L’EMPLOI DES