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Le contrôle, poursuites et concurrence

4- LA CONCURRENCE RÉGLEMENTAIRE

4.5 L A SITUATION EUROPÉENNE

4.5.8 Le contrôle, poursuites et concurrence

La procédure de reconnaissance mutuelle pose des problèmes importants au chapitre de l’application de la loi. La responsabilité de supervision est divisée entre l’État d’origine, qui est le premier responsable selon la DSI et l’État hôte, qui conserve d’importants pouvoirs d’application en termes de protection des investisseurs et d’intégrité du système financier. Ce problème est traité de deux façons. En premier lieu, la directive prévoit une hiérarchie des responsabilités et des interventions entre les autorités du pays d’origine et du pays hôte. En second lieu, une procédure de collaboration étroite et de transfert d’information a été instaurée (Moloney, 2002, p. 409-416). Les collaborations inter-pays et entre les diverses autorités financières dans un même pays sont explicitement prévues dans la directive.

La concurrence entre les Bourses est un élément clé de la modernisation de la DSI110. En effet, la Communauté constate : « Concernant l'efficacité globale du marché, les dispositions réglementaires restreignant directement la concurrence entre les infrastructures d'exécution des ordres ne semblent pas produire, en termes de formation des prix, d'améliorations telles qu'elles justifieraient une intervention aussi forte au niveau des structures de marché en vue de favoriser l'exécution sur les Bourses de valeurs. Une analyse récente du prix des transactions portant sur presque toutes les actions négociées sur les principales places boursières européennes n'a étayé en aucune manière l'hypothèse selon laquelle le fait de les y concentrer améliorait l'efficacité du marché (telle que mesurée par les fourchettes moyennes entre cours acheteurs et vendeurs effectifs) »111. Il existe donc sur ce point une différence majeure entre les situations canadienne et européenne.

4.6 Conclusion

Les études des chercheurs et l’observation des marchés permettent de défendre que la situation de monopole réglementaire ne soit pas forcément préférable à celle de concurrence réglementaire, qu’il s’agisse de droit des sociétés ou des valeurs mobilières.

Cependant, il convient de ne pas opposer systématiquement les deux notions et une certaine forme de concurrence est certainement compatible avec une harmonisation minimale. Outre le fait d’éviter les coûts élevés de l’imposition d’une réglementation uniforme à des juridictions qui ne désirent pas renoncer à leurs prérogatives, cette approche pragmatique permet des ajustements locaux et des initiatives qui peuvent permettre la prise en compte de réalités locales ou changeantes. C’est la voie empruntée par la Communauté européenne.

110 Dont la nouvelle version est disponible sous:

http://europa.eu.int/comm/internal_market/fr/finances/mobil/isd/.

111 Source: London Economics: 2002.

Le système européen de reconnaissance mutuelle permet une certaine forme de concurrence mais n’entraîne pas la disparition des autorités locales, dont plusieurs pays assurent actuellement le renforcement. Par exemple, en France, la modernisation des autorités de contrôle a donné naissance à deux nouvelles autorités : l'Autorité des marchés financiers (AMF) et la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance (CCAMIP). Pour une plus grande efficacité, celles-ci résultent de la fusion d'organismes existants. L'AMF, en particulier, naîtra de la fusion de la Commission des opérations de Bourse (COB), créée en 1967, du Conseil des marchés financiers (CMF), créé en 1996, et du Conseil de discipline de la gestion financière, créé en 1988. Elle aura pour mission la protection de l'épargne investie en produits financiers, l'information des investisseurs et le bon fonctionnement des marchés.

L’Europe semble adopter une position qui concilie une forme de concurrence réglementaire, puisque certaines juridictions pourront appliquer les normes minimales et d’autres exiger davantage. Toutefois, l’harmonisation minimale qui est imposée interdit aux juridictions plus exigeantes de refuser l’accès du marché aux intermédiaires ou sociétés qui se sont placés sous la juridiction la moins exigeante. La concurrence réglementaire est donc pondérée par les normes minimales, qui limitent les possibilités de course aux minima. Cette approche de l’harmonisation en termes de valeurs mobilières réfère a u modèle de réciprocité et non de convergence.

L’approche de la réciprocité est basée sur la notion du respect des standards et règlements des autres juridictions. Dans la mesure où deux ou plusieurs juridictions ont en commun des principes relativement semblables, il leur est possible d’accepter, dans le cadre d’ententes bi ou multilatérales, que l’entité qui satisfait aux exigences dans la juridiction d’origine satisfait également aux exigences des autres juridictions.

Ce mécanisme peut être mis en place sur la base de standards minima.

Pour Warren (1990), la façon dont la CE a harmonisé partiellement le droit des sociétés et celles des valeurs mobilières pour permettre la reconnaissance réciproque est un exemple de cette approche pragmatique. Cette approche est applicable entre des juridictions qui présentent, au départ, des similitudes en termes de réglementation. Elle a toutefois été mise en pratique dans une CE fort diverse en termes de réglementation des valeurs et de rôle et responsabilité des commissions112. La convergence demande le développement d’un ensemble de règles équivalentes ou uniformes qui s’appliquent dans toutes les juridictions. Dans le domaine des valeurs mobilières, ces règles devraient inclure les normes comptables et de divulgation, les opérations d’initiés, les manipulations de marché, les conflits d’intérêt et la fraude (Warren, 1990, p. 191). L’entente en vigueur entre le Canada et les États-Unis (MJDS) est un système de reconnaissance réciproque basé sur l’établissement de

112 Voir Warren, 90, p 195 sur l’absence de réglementation et CESR, 2002.

standards substantiellement équivalents (Warren, 1990). Comme nous le verrons dans les sections suivantes, cet accord fonctionne presque unilatéralement, puisque les titres des sociétés canadiennes sont effectivement échangés sur le marché américain alors que les transactions au Canada de titres américains sont extrêmement rares. La convergence ne requiert pas obligatoirement la disparition des juridictions locales. Il semble toutefois essentiel, dans un ensemble non homogène tel que la CE, de préserver un niveau de concurrence réglementaire.

Selon Niemeyer (2001):

Thus, harmonization may very well improve the competition between different markets and agents. However, given the differences in legal system and regulatory tradition, harmonization is difficult. Furthermore, it may not even be desirable. First, individuals are likely to demand certain proximity in the regulation and supervision of securities markets.

If this proximity is reduced, their confidence in the appropriateness and impartiality of the regulation and supervision may be hurt.

Second, a far-reaching harmonization would reduce a healthy competition between different regulatory regimes. If the harmonized regulations are not open enough, they could easily curtail the development of new services and techniques. In the present non-harmonized regulatory situation, there are possibilities to compare how different regulatory structures handle different problems. There are therefore also possibilities to learn and over time improve the regulatory framework. In a fully harmonized world, this will be more difficult. As the pace of change in the markets increase, the need for regulatory change also increases. There is a clear risk that a fully harmonized regulatory system would be less flexible.

La question de l’adéquation du modèle de délégation réciproque a été débattue lors du 8e symposium de droit de l’Université Queen’s, en 2001. Maykut (2001) présente ce modèle comme une alternative raisonnable et viable aux propositions de centralisation. Pour Maykut, ce modèle recognizes and makes the most of the political and constitutional realities of our country. Maykut montre que la délégation des pouvoirs des commissions des valeurs mobilières est compatible avec la constitution canadienne et évoque l’exemple du MJDS, où il existe une délégation effective de pouvoir entre les autorités canadiennes et américaines. Elle présente la délégation inter-provinciale comme une progression naturelle à partir du REC. Elle observe que cette reconnaissance mutuelle devient de toute façon requise entre les juridictions nationales, puisque les transactions deviennent de plus en plus fréquemment transfrontalières. Pour l’auteur, la condition préalable à la mise en place d’un tel système est l’uniformité des législations. L’expérience européenne montre toutefois que l’uniformité n’est pas une condition nécessaire.

Une harmonisation minimale est certes requise, mais l’uniformité parfaite n’est ni une condition absolue, ni probablement une situation souhaitable. Elle éliminerait en effet les possibilités d’innovation qui sont l’un des avantages de la concurrence réglementaire.

Anand (2001) oppose à cette proposition les arguments suivants. La délégation réciproque ne peut être mise en place sans une harmonisation des réglementations provinciales. Anand écrit ensuite que uniformity can only be achieved with a national regulator in place. Deux observations peuvent être faites. En premier lieu, un système de délégation peut fonctionner sans uniformisation des réglementations. Une harmonisation minimale est requise, comme le montre l’exemple européen. En second lieu, cette harmonisation peut se faire sans une autorité centrale, même si elle demande l’instauration de structures et de mécanismes qui sont à la mesure des divergences entre les réglementations des diverses juridictions. Le Rapport Lamfalussy recommande des structures lourdes et un processus complexe, qui répond aux différences très importantes qui séparent les réglementations des pays d’Europe.

Les ACVM existent déjà au Canada et leur récente proposition de réglementation uniformisée montre que l’harmonisation peut être atteinte sans commission nationale.

5e partie

5- LES SYSTÈMES FINANCIERS CANADIENET AMÉRICAIN : CONCURRENCE ET