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Contrôle de l’isomérisation : effet de la température

II. Complexes de fer bidentés et isomérie fac / mer

II.3. Vers un complexe bidenté purement facial

II.3.2. Contrôle de l’isomérisation : effet de la température

Comme précédemment évoqué, les deux isomères facial et méridional sont difficilement séparables sur colonne chromatographique du fait de leurs propriétés très proches.

Généralement, l’isomère fac est le composé le plus stable mais, en fonction des substituants, l’isomère mer peut devenir le plus stable en raison de l’encombrement stérique des ligands et/ou des interactions secondaires.66,81 Dans certains cas, il est possible de favoriser l’isomère le plus stable grâce à des stimuli extérieurs comme des températures élevées ou par voie photochimique.64,65 Dans ce contexte, le cas des complexes d’iridium(III) est particulièrement remarquable, avec les deux isomères facilement accessibles, l’isomère

mer étant le produit cinétique et l’isomère fac le produit thermodynamique. Par exemple, De Cola et ses collaborateurs ont développé des complexes bis-hétéroleptiques d’Ir(III) pour une application dans les diodes électroluminescentes polymères (PLED) (Schéma 10). Les complexes faciaux, plus luminescents, ont été obtenus par irradiation UV à partir des complexes méridionaux, plus faciles à synthétiser.

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Schéma 10 : Exemple de photoisomérisation pour un complexe bis-hétéroleptique d’iridium(III).

Par contre, ces stratégies ne sont pas efficaces pour les complexes tris(diimine) de fer(II), amplement étudiés, ce qui peut être attribuable à des orbitales 3d plus proches du métal, le fer(II) étant de la première série de transition. Nous avons envisagé l’étude de l’influence de la température lors de la synthèse du complexe C1. L’influence trans plus marquée des unités NHC par rapport à la pyridine pourrait favoriser l’obtention de l’isomère facial en chauffant le milieu réactionnel.

Pour ce faire, plusieurs paramètres ont été considérés. D’une part, l’introduction d’une étape initiale de mélange du sel ferreux avec L1. D’autre part, l’influence de la température a été étudiée : température ambiante, à 50°C et 110°C.

Une étape de coordination permettrait une organisation du ligand autour du centre métallique favorisant l’isomérisation du complexe. Le processus de coordination a été suivi par spectroscopie UV-visible à température ambiante ainsi qu’à 110°C à différents temps (t0, t20min et t60min). Le nombre d’équivalents de fer et des ligands, soit 1 de fer pour 3,3 de ligands, et la concentration sont les mêmes que ceux utilisés lors de la complexation. Les résultats sont présentés dans la Figure 41.

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Figure 41 : Suivi par spectroscopie UV-visible de l’étape de coordination dans le DMF : (a) du précurseur L1 et du fer(II) à température ambiante, (b) du précurseur L1 et du fer(II) à

110°, et (c) de la pyridine et du fer(II) à 110°. Le spectre du chlorure de fer est également montré en tant que référence.

D’après la Figure 41, nous pouvons constater que le chlorure de fer présente une absorption dans le DMF aux alentours de 300 nm, avec un épaulement vers 380 nm. Le ligand absorbe, quant à lui, dans la bande d’absorption du solvant. A température ambiante, aucune évolution de l’absorption n’est à signaler montrant uniquement le spectre du chlorure de fer (Figure 41a). Cependant à 110°C, une nouvelle bande apparait vers 360 nm (Figure 41b). Afin de vérifier si cette bande correspondait à une pré-coordination de la pyridine avec le fer, la même expérience a été tentée avec des ligands pyridines (Figure 41c). Après 20 min à 110°C, une nouvelle bande apparait à 358 nm, similaire à la bande présente dans la Figure 41b, démontrant qu’une étape de coordination du fer(II) par la pyridine du ligand doit avoir lieu.

(a) (b)

78 Cette étude montre ainsi qu’il existe une pré-organisation du ligand à haute température. Cependant, nous ne savons pas si cette étape est nécessaire pour favoriser une isomérisation vers un des deux composés. Pour ce faire, nous avons formé les complexes à différentes températures avec cette étape de pré-mélange de 20 min (Tableau 3).

À l’exception de l’étape initiale de pré-mélange, le protocole de synthèse est similaire à celui suivi pour la synthèse du mélange C1 précédemment décrite. Ainsi, le ligand est mis en solution dans du DMF avec le chlorure de fer qui est laissé sous agitation pendant 20 minutes à la température T1. La base, le tert-butoxide de potassium, est ajoutée dans le milieu puis le milieu réactionnel est agité pendant 1 heure supplémentaire à la température T2. L’étape de purification a été, néanmoins, modifiée à haute température. En effet, dans ce cas, le complexe est récupéré plus facilement puisque les impuretés sont solubles à chaud dans le DMF. Ainsi, après l’ajout du KPF6, une simple filtration suivie d’un lavage est suffisante. Nous nous affranchissons ainsi de la colonne chromatographique nécessaire pour la purification du complexe lorsque la réaction est effectuée à 25ºC.

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Tableau 3 : Optimisation des conditions de réaction pour favoriser l’obtention de fac-C1.

Essai Température

(T1)

Température

(T2) Rendement C1 Ratio (fac/mer)

a 1 25°C 25 °C 44% 6 : 94 2 50°C 50 °C 40% 20 : 80 3 110°C 110 °C 48% 100 : 0 4 25°C 110°C 40% 100 : 0 a

Déterminé par RMN 1H, d’après précision RMN à moins de 5%.

L’essai 1 correspond à la synthèse initiale que nous avons décrite pour C1, où un mélange d’isomères fac/mer 1/14 avait été obtenu (partie II.2.2, page 57). D’après les essais 2 et 3, lorsque l’on réalise la réaction à une température plus élevée, le rendement reste le même. Cependant, il est intéressant de noter le remarquable changement du rapport des isomères fac/mer, passant respectivement à 1 pour 4 à 50°C à purement facial à 110°C.

Pour déterminer si la formation exclusive de l’isomère facial peut être attribuable à une pré-coordination initiale plus appropriée et non à la température de réaction, un dernier essai a été réalisé. Ainsi, lors de la première étape, le mélange a été agité pendant 20 min à 25°C, et ce n’est qu’après ajout de la base que le milieu a été chauffé à 110°C (essai 4). A nouveau, le complexe formé est exclusivement fac, ce qui suggère que la température à cette étape n’a aucune influence sur la distribution finale des ligands autour du métal.

Nous avons tenté d’effectuer l’isomérisation de C1 à partir du mélange fac/mer 1/14 obtenu dans l’essai 1. Ce mélange a été mis en solution dans du DMF et chauffé pendant 1h à 110°C. Après précipitation et caractérisation, le produit obtenu est toujours le mélange d’isomères, sans impact sur le ratio.

Comme il a été indiqué précédemment, l’identification des isomères peut se faire facilement en analysant les signaux correspondants aux groupements méthyles. En effet, dans cette zone du spectre, il est plus aisé d’attribuer les pics aux différents isomères. Ainsi, trois pics d’intensités identiques sont obtenus pour l’isomère mer pour un seul pic pour le fac. Sur

80 les spectres RMN 1H (Figure 42), le pic du méthyle à 2,96 ppm correspond au composé facial. Nous remarquons bien l’évolution de ce pic entre 25°C (en bleu) et 50°C (en rouge) où le ratio entre isomères passe de 1/14 à 1/4, jusqu’à l’obtention d’un composé purement facial à 110°C (en vert).

Figure 42 : Spectres RMN 1H montrant l’évolution du ratio fac/mer : à température ambiante en bleu, à 50°C rouge et à 110°C en vert.

L’isomérisation du complexe nécessite donc de l’énergie, ici de la chaleur, afin d’atteindre le composé fac. En effet, le produit thermodynamique, ici le fac, est plus stable que le produit cinétique. Cependant à l’heure actuelle, nous ne pouvons être sûrs du mécanisme de réaction. L’isomérisation du complexe mer vers le fac peut être due à l’influence trans entre les liaisons.

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