• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 3: LA DÉCENTRALISATION MONTRÉALAISE ET LA CRÉATION DES

3.1. Le contexte à l’étude

Au tournant des années 2000, le Parti québécois réalise une ambitieuse réorganisation municipale aux visées centralisatrices qui se situe sur trois échelles : métropolitaine (création d’un organisme de planification, de coordination et de financement), locale (fusions municipales) et infra locale (subsidiarité vers les arrondissements). L'épisode de la récente réforme municipale québécoise s’amorce avec le dépôt en 2000 du Livre blanc de la réorganisation municipale qui met largement l'accent sur les nouveaux pouvoirs octroyés aux communautés métropolitaines18. Suite à la diffusion de cette publication gouvernementale est adopté le projet de loi 170, « qui précise le découpage territorial et le nouveau partage des pouvoirs entre les

18 Il existe deux communautés métropolitaines au Québec: la communauté métropolitaine de Québec (CMQ) et la

instances supramunicipales, municipales et les inframunicipales » (Alain 2008, 4; Gouvernement du Québec, 2000). Sept grandes villes ont été créées suite à la fusion de municipalités, soit celles de Sherbrooke, de Saguenay, de Québec, de Lévis, de Gatineau, de Longueuil et bien sûr, de Montréal. La nouvelle Ville de Montréal est le résultat de la fusion de 2819 municipalités. La réforme prévoit la création de 27 arrondissements. Ainsi, cette réforme mène à l’introduction d’un nouveau palier politique, soit l’échelle infra-locale (Alain 2008; Hamel et Collin 2011). Les arrondissements offrent des services directs à la population relatifs notamment aux domaines de la « propreté des lieux publics, l’entretien et la réfection de la voirie municipale, la distribution d’eau potable, les activités sportives et culturelles, les parcs locaux, le développement social et l’aménagement urbain (Ville de Montréal - Arrondissements, s.d.)».

Cette réforme institutionnelle ne se fait pas sans désaccord : l'opposition - très forte dans les municipalités de banlieue20 - mène à l'élection en 2003 d'un nouveau gouvernement à la tête du Québec qui représente alors un espoir de changement pour celles-ci. Cet espoir repose principalement sur la promesse de la tenue d’un projet de loi sur les défusions dans chaque municipalité qui le demande. Suite aux référendums tenus le 20 juin 2004 au sein de 22 anciennes municipalités, la Ville de Montréal passera de 27 à 19 arrondissements (Radio- Canada s.d., -). Ci-dessous, une carte du territoire montréalais suite à l'épisode des défusions et la création des arrondissements:

19 Il y avait 28 municipalités sur le territoire montréalais, mais la fusion a mené à la création de 27 arrondissements. 20 Le terme municipalité de banlieue est apposé aux territoires montréalais qui évoluaient de façon indépendante de

l'administration montréalaise. Ils étaient constitués d'un système politique, administratif et fiscal leur étant propre (avec entre autres un maire à la tête de leur municipalité).

Figure 3.1 Carte actuelle de la Ville de Montréal. Cartographie: Pier-Olivier Poulin, 2014

Avant la tenue des référendums, des mesures ont été prises pour donner plus de pouvoirs aux arrondissements montréalais. L’espoir était que cette dévolution de pouvoirs permettrait de contrer les défusions. En 2003, le gouvernement adopta in extremis, en accord avec le maire de Montréal Gérald Tremblay, le projet de Loi 33 (Gouvernement du Québec 2003a) qui accentua le caractère décentralisé des arrondissements nouvellement créés (Alain 2008). En somme, la loi 33 est au coeur de la compréhension du processus de décentralisation de la Ville de Montréal puisqu’elle accorde davantage de pouvoirs et de liberté d'action aux arrondissements (Trépanier et Alain 2008) et détermine le partage des pouvoirs actuels entre la Ville de Montréal et les arrondissements (Alain 2008).

Actuellement, les relations entre la Ville-centre de Montréal et les arrondissements relèvent de la délégation et de la dévolution de pouvoirs. Ces attributions sont des compétences, des ressources financières et des postes d’autorité. Les arrondissements montréalais possèdent plusieurs compétences, exclusives ou partagées, avec la Ville-centre. Ces compétences sont la gestion des ressources humaines, l’aménagement du territoire et l’urbanisme, la culture et les loisirs, les parcs, l’habitation, la voirie, les matières résiduelles, le développement social et communautaire et la prévention des incendies. À titre d’exemple, les compétences en matière d'aménagement et d'urbanisme permettent au conseil d'arrondissement d'initier des processus de modifications au plan d'urbanisme (Van Neste, Gariépy et Gauthier 2012). Ainsi, les outils de planification sont désormais partagés entre plusieurs niveaux suite à cette décentralisation infra-

municipale et ils « sont répartis sur le territoire entre arrondissements (horizontalement) » (Trépanier et Alain 2008, 224). Les entités infra-municipales sont aussi dotées de ressources financières. Notamment, les arrondissements peuvent dresser leur propre budget, un programme des immobilisations (PTI), constituer un fonds de roulement en plus de posséder un pouvoir de taxation locale (Gouvernement du Québec 2003a). Toutefois, une grande part de leur dotation relève des attributions redistribuées par la Ville-centre entre les 19 arrondissements. Finalement, les gouvernements de quartier montréalais sont dotés de pouvoirs décisionnels. À cet effet, la loi 33 remplace le poste de président d'arrondissement par celui de maire d'arrondissement (Gouvernement du Québec 2003a). Dans le même ordre d'idées, « le projet de loi accorde au maire d’arrondissement les pouvoirs de tout maire d’une municipalité à l’égard des domaines de compétence» qui relèvent du conseil d’arrondissement (Gouvernement du Québec 2003a, 7) . Les arrondissements sont dotés d’un maire, de conseillers de Ville et de conseillers d’arrondissement. De plus, des institutions décisionnelles - les conseils d’arrondissements- sont généralisées à l’ensemble des entités infra-locales. En matière de participation citoyenne, la loi 33 prévoit qu'un minimum de 10 séances ordinaires du conseil d'arrondissement doivent être tenues chaque année par les autorités de chaque arrondissement (Gouvernement du Québec 2003a).

Ces nombreux pouvoirs font foi que l’arrondissement montréalais représente « un espace nouveau par l’importance – entendre les nouveaux pouvoirs décentralisés – qui lui est accordé » et façonne le morcellement du territoire montréalais (Alain 2008, 26). De plus, nous constatons à ce jour que très peu d'études ont porté sur la question de la démocratie locale au sein des arrondissements montréalais, malgré leur caractère fortement décentralisé et leur structure assez unique à l'échelle mondiale (Collin et Robertson 2005). La gouvernance par quartier montréalaise constitue un cas tout à fait pertinent pour cerner les conditions favorisant la participation citoyenne dans un contexte décentralisé. Pour y arriver, nous utilisons une méthode en deux temps.

3.2. Première étape : établir un état des lieux de la participation