• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 - Introduction générale

1.1 Contexte et enjeux

L’accident nucléaire survenu à la centrale de Fukushima en mars 2011 a conduit certains pays, comme l’Allemagne, le Japon et la Suisse à revoir leur stratégie énergétique. En Suisse, le Conseil fédéral et le Parlement ont décidé quelques mois après l’accident la sortie progressive de l’énergie nucléaire. Cette décision nécessite d’ici 2050 de transformer par étapes le système énergétique du pays, en réduisant la consommation finale d’énergie et d’électricité, en promouvant les énergies renouvelables et en diminuant progressivement les émissions de CO2. Il s’agit de tendre à long terme vers une société à 2000 watts1 sans nucléaire.

Parmi les 3 variantes étudiées, le Conseil Fédéral a retenu pour la nouvelle Stratégie énergétique 2050, le scénario « Nouvelle politique énergétique (NPE) » qui représente à la fois le scénario le plus exigeant au niveau énergétique et celui qui permet de réduire d’ici à 2050 les émissions annuelles de CO2 à un niveau compris entre 1 et 1.5 tonne par habitant.

Les objectifs énergétiques fixés à l’horizon 2050 sont les suivants [1]:

Une réduction de la consommation nationale d’énergie finale par rapport à 2010, de 35% jusqu’en 2035 à 549 PJ (152 TWh) et de 46% jusqu’en 2050 pour atteindre 451 PJ (125 TWh) ;

Une légère augmentation de la demande d’électricité jusqu’en 2020 avant de fléchir à 191 PJ (53 TWh) à l’horizon 2050.

La Figure 1.1 illustre l’évolution de la consommation d’énergie finale et d’électricité en Suisse exprimée en pétajoule (PJ) à l’horizon 2050 pour les scénarios suivants : Poursuite de la politique énergétique actuelle (WWB), Mesures politiques du Conseil fédéral (POM) et Nouvelle politique énergétique (NEP). Cette figure représente également l’énergie finale consommée par le secteur du bâtiment et celle consacrée au chauffage des pièces selon le scénario retenu « Nouvelle politique énergétique ».

1 Vision à long terme, développée dans les années 90 par l’Ecole polytechnique de Zurich et Novatlantis, d’une société dans laquelle la consommation moyenne annuelle par tête d’habitant ne dépasse pas 2'000 watts en continu ou 17'500 kWh. Pour plus d’infos, consulter la publication de Novatlantis [96].

Figure 1.1. Evolution de la consommation d’énergie finale et d’électricité en Suisse de 1950 à 2010 et projections sur la période 2011-2050 pour les scénarios : Poursuite de la politique énergétique

actuelle (WWB), Mesures politiques du Conseil fédéral (POM) et Nouvelle politique énergétique (NEP), en PJ (3.6 PJ = 1 TWh). Les projections ont été réalisées par Prognos AG [2] et le graphique

a été repris et adapté du rapport explicatif sur la stratégie énergétique 2050 de l’OFEN [1]

Pour y parvenir, il est impératif d’agir rapidement en Suisse sur le secteur du bâtiment (résidentiel et tertiaire), qui représente à la fois le plus grand consommateur d’énergie finale et un des plus importants émetteurs de CO2. En 2010, il représentait à lui seul 46% de l’énergie finale consommée, soit près de 400 PJ (110 TWh). Le secteur résidentiel (collectif et individuel) est responsable de 28% de la consommation totale d’énergie et de près du quart des émissions de CO2 de la Suisse [3].

Les bâtiments jouent de ce fait un rôle clé dans la réalisation des objectifs de la Stratégie énergétique 2050. Par rapport à 2010, il est prévu de réduire la consommation d’énergie finale (électricité comprise) de ce secteur de 37% jusqu’en 2035 à 250 PJ (70 TWh) et de 51% jusqu’en 2050 pour atteindre 197 PJ (55 TWh) [1]. Pour le chauffage, les objectifs de réduction fixés sont respectivement de 45% et 64%, et ce malgré l’augmentation de la surface chauffée du parc en raison notamment de l’accroissement démographique attendu.

Les résultats sont représentés graphiquement sur la Figure 1.1.

Si la volonté de tendre vers ces objectifs d’économie d’énergie est certaine au niveau fédéral, la trajectoire à suivre mérite toutefois d’être analysée de plus près. A ce sujet, plusieurs questions se posent :

Dans quelles mesures, à quels coûts et dans quels délais ses prévisions d’économie d’énergie sont-elles atteignables ?

Quels sont les leviers et les outils les plus adaptés pour lever les obstacles encore existants et exploiter pleinement le potentiel d’économie d’énergie ? Y-a-t-il une vitesse critique pour l’amélioration de l’efficacité énergétique dans l’existant ?

Energieen PJ

Les connaissances actuelles sur les caractéristiques physiques et énergétiques des bâtiments, sur la dynamique du marché de rénovation énergétique et sur les pratiques des acteurs impliqués, sont-elles suffisantes pour pouvoir piloter ce changement ?

De manière générale, l’atteinte de tels objectifs ambitieux à l’horizon 2050 nécessitera d’améliorer en priorité l’efficacité énergétique en utilisant moins d’énergie pour le même service énergétique, et cela par des actions techniques et comportementales à tous les niveaux, de la production à l’utilisation, en passant par la distribution ; de changer les pratiques et les comportements à l’égard de l’utilisation de l’énergie (sobriété énergétique) ; et enfin de valoriser efficacement les ressources renouvelables et les rejets thermiques sur le territoire.

Ce travail a essentiellement porté sur l’efficacité énergétique et l’usage de l’énergie dans les bâtiments, en intégrant au mieux les aspects techniques, sociaux, économiques, financiers, politiques, environnementaux et de conservation du patrimoine. Le troisième pilier, à savoir le recours aux énergies renouvelables et à la valorisation des rejets de chaleur, est indispensable à l’atteinte des objectifs fixés en matière de politique énergétique et climatique. Même s’il ne constitue pas le corps de ce travail, il a néanmoins été abordé aussi bien dans l’étude de cas que dans l’état des lieux. Etant donné que la mise en œuvre de la politique énergétique dans le bâtiment relève essentiellement de la compétence des cantons en Suisse, nous avons choisi de limiter le périmètre géographique de l’étude à celui du canton de Genève.

Compte tenu du faible taux de renouvellement du parc de logements genevois (< 1%/an) et du renforcement des réglementations thermiques pour les constructions neuves, les principaux efforts d’amélioration de l’efficacité énergétique doivent se concentrer sur les bâtiments existants, en particulier sur le parc résidentiel collectif construit avant l’introduction des premières réglementations thermiques.

Les bâtiments d’habitation construits à Genève durant la période d’après-guerre, entre 1946 et 1980, arrivent aujourd’hui en période de rénovation. Ils présentent un indice moyen de dépense de chaleur (IDC) élevé qui se situe à 513 MJ/m2a en 2010, et qui dépasse ainsi celui des bâtiments édifiés avant 1946 (IDC moyende 481 MJ/m2a). Le défi majeur consiste dès lors à réussir la rénovation énergétique de ces bâtiments qui constituent un gisement important d’économie d’énergie et de réduction des émissions de CO2.

Certains de ces bâtiments ont déjà subi des travaux d’amélioration énergétique. Dès lors, il serait du plus grand intérêt de savoir quelles ont été les solutions d’efficacité énergétique retenues, les motivations et difficultés rencontrées, ainsi que les performances réelles énergétiques et économiques de ces rénovations, dans une perspective d’amélioration des pratiques et de leur promotion.

Le potentiel d’économie d’énergie issu de l’amélioration énergétique de ces bâtiments est particulièrement important, mais reste encore largement sous-exploité. A l’heure actuelle, les données statistiques publiées au niveau cantonal ne permettent toutefois pas de déterminer le taux de rénovation énergétique, ni d’évaluer la qualité des rénovations effectuées. On note aussi que les rénovations énergétiques de bâtiments destinés à l’habitat collectif font encore très peu l’objet de retours d’expérience.

Si l’on considère le taux de rénovation énergétique de 0.9% estimé par les experts [4] pour l’ensemble des bâtiments au niveau national, il faudra à ce rythme plus de 100 ans pour rénover énergétiquement le parc existant. On constate aussi que les bâtiments résidentiels rénovés énergétiquement et certifiés selon le label de haute performance énergétique Minergie ne constituent que 6% du total des bâtiments certifiés en Suisse durant l’année 2013 (202 bâtiments sur un total de 3'340 bâtiments, tous standards confondus). Le reste concerne des constructions neuves [5]. Cela met en évidence le faible taux de pénétration du label dans l’existant.

Pour satisfaire les objectifs de réduction fixés à l’horizon 2050, il est nécessaire d’accélérer le rythme annuel des rénovations ainsi que la qualité des opérations de rénovation énergétique. Cela nécessite de lever un certain nombre de contraintes, qui sont notamment d’ordre technique, d’usage, de conservation du patrimoine, d’ordre économique et financier ou encore organisationnel et de gouvernance. Ces contraintes sont par ailleurs relativement bien connues et documentées dans des études comme celles menées par le BPIE [6] et par Itard et al. au sein de l’Université de technologie de Delft [7].

S’agissant du parc de logements collectifs genevois, nous pensons qu’il est urgent dans un premier temps d’accroître les connaissances actuelles sur :

les caractéristiques physiques, énergétiques et structurelles du parc existant, sur la dynamique du marché de rénovation énergétique et sur les pratiques des acteurs impliqués ;

l’amplitude et la nature des écarts observés entre les performances énergétiques prévues et atteintes lors de travaux de rénovation énergétique ;

le potentiel réalisable d’efficacité énergétique pour le chauffage des bâtiments existants et les principaux leviers à utiliser pour mobiliser davantage ce potentiel.