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Chapitre 1. Introduction générale

1.1 Contexte de l’étude

1.1.1 Contexte global

Devant l’augmentation continuelle des émissions des gaz à effet de serre (GES) d’origine anthropique (Friedlingstein et al. 2010) et ses implications pour l’évolution du climat aux niveaux global et régional (dernier rapport du Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Evolution du Climat (GIEC ou IPCC pour son équivalent anglais, IPCC 2007), l’atténuation des changements climatiques est devenue un enjeu sociétal majeur au XXIème siècle. Parallèlement, dans un paysage où la population mondiale et par conséquent la consommation énergétique vont croissantes, la demande pour diversifier le portefeuille énergétique et accroître la part de l’énergie renouvelable est prégnante dans les appels à recherche de disciplines scientifiques variées : biogéochimie, écologie fonctionnelle, agronomie, physique de l’environnement. En vue de la parution de la première partie de son 5ème rapport en 2013 et 2014, le GIEC a présenté une première synthèse concluant que près de 80% de l’approvisionnement mondial en énergie pourrait être assuré par des sources d’énergies renouvelables d’ici à 2050 (IPCC 2011). Les 120 experts contributeurs affirment que le potentiel

2011, Moomaw 2011). Les grands vecteurs énergétiques sont représentés par les combustibles carbonés (e.g. pétrole, gaz), le nucléaire, et par les formes d’énergie renouvelables (EnR). Six familles bien connues constituent des sources d’énergie renouvelable: l’énergie solaire (photovoltaïque et thermique), l’énergie géothermique, l’énergie hydraulique, l’énergie marémotrice, l’énergie éolienne et enfin les bioénergies dont la biomasse. Plus spécifiquement, la biomasse est définie par la directive européenne (Pöttering et Necas 2009) relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables comme la «fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l'agriculture, y compris les substances végétales et animales, de la sylviculture et des industries connexes ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et ménagers» (e.g. bois, charbon de bois, déchets divers, biocarburants, biogaz).

Certains systèmes de cultures dédiés peuvent délivrer entre 80 et 90% de la réduction des émissions de GES comparés à l’énergie fossile. Cependant, la conversion d’usage des terres et la gestion des forêts peuvent dans certains cas neutraliser l’impact positif de l’atténuation des émissions des GES (Chum et al. 2011). En conséquence, l'énergie obtenue à partir de la biomasse est considérée comme renouvelable tant que l’équilibre entre les rejets de dioxyde de carbone (CO2) du cycle complet de vie du bois (de sa production à son exploitation) et sa mobilisation naturelle par le processus de photosynthèse pour la croissance du bois est respecté. Cette énergie est également soutenable si les impacts environnementaux sont maîtrisés, tel que le maintien de la fertilité des sols et de la diversité.

D’un point de vue économique, le caractère soutenable se manifeste si la compétition excessive d'usages est évitée.

L’Union Européenne à travers sa directive 2009/28/CE se fixe pour objectif que la part d’énergie renouvelable dans la consommation finale brute d’énergie des états membres d’ici à 2020 atteigne 20% (Pöttering et Necas 2009). En France, suite aux assises du Grenelle de l’Environnement mises en place en 2007, ce pourcentage s’élève à 23% dont 60% devraient provenir de la biomasse.

Avec une surface couvrant près de 30 % du territoire métropolitain, le massif forestier français est l’un des plus importants d’Europe après un doublement de sa surface depuis 1950. En 2009, la ressource en biomasse constituait ainsi la première source d’énergie renouvelable devant les sources d’origines hydraulique, solaire et éolienne (Figure 1.1).

Figure 1.1 Production d’énergies renouvelables par filière en 2009 exprimée en Mtep. Graphique adapté du Service de l’observation et des statistiques

L’objectif d’accroître la production annuelle nationale de bois biomasse – énergie de 21 millions de m3 à l’horizon 2020 a incité différents organismes à évaluer la ressource en biomasse ligneuse disponible à cet horizon. L’étude sollicitée par l’ADEME (2009), menée conjointement par l’IFN, le FCBA et SOLAGRO, estime que les ressources forestières durables et mobilisables représentent 12 millions de m3 par an supplémentaires à comparer avec les 65 millions de m3 récoltés en 2009 (Landmann et al. 2009). Ce chiffre est compatible avec les objectifs fixés sous conditions d’apporter des efforts de gestion durable sur les peuplements délaissés. Deux fonds de soutien à la filière bois ont été proposés pour atteindre les objectifs de mobilisation du bois et la mise en valeur de la forêt française (Puech 2009). A plus courte échéance, dans le cadre des Assises de la forêt et du Grenelle Environnement, il a été considéré que l’on pouvait miser d’ici 2012 sur un volume supplémentaire mobilisable annuel de l’ordre de 12 millions de m3. A l’aube de cette échéance, qu’en est-il réellement? Dans tous les cas, pour répondre à ces objectifs, la sylviculture est amenée à être gérée d’une manière plus dynamique pour permettre d’effectuer un bond quantitatif en termes de production. Les plantations à vocation de production intensive de biomasse sont une des voies envisagées tels que les cultures d’espèces ligneuses en Taillis à Courte Rotation (TCR) voire en Futaies résineuses à Courte Rotation (FCR) mais leur déploiement est encore peu étendu en France.

Les récents évènements climatiques extrêmes viennent accroître l’intérêt porté à la production de biomasse. En effet, dans le cas particulier du massif des Landes de Gascogne, une des priorités suite aux tempêtes Martin en 1999 et Klaus en 2009, consiste à reconstituer les peuplements dégradés. Devant les importantes pertes en peuplements de Pins maritimes, une véritable réflexion sur l’avenir du Massif landais est engagée. En mars 2009, une lettre de mission du ministre en date Michel Barnier destiné au Vice président du Conseil Général de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Espaces Ruraux évoquait comme indispensable « une réflexion globale sur le modèle aquitain de sylviculture dans le contexte de changement climatique dont les termes demeurent incertains » et une question était soulevée « Pourrait-on notamment promouvoir la conduite de peuplements diversifiés en structures et en essences, afin d’atteindre un certain niveau de résilience des peuplements et d’en accroître la multifonctionnalité ? » (Lafitte et Lerat 2009). Une synthèse établie par le groupe de réflexion prospective animée par le Ministère de l’Agriculture (Gip-Ecofor) évoque la possibilité d’itinéraires sylvicoles diversifiés en passant d’une sylviculture dite ‘économe’ à une sylviculture dite ‘intensive’ (Lesgourgues et Drouineau 2009). Elle propose par exemple des itinéraires sylvicoles basés sur une révolution courte destinée à la production de biomasse (Tableau 1.1). Le Pin maritime, autochtone, reste l’essence privilégiée, mais d’autres essences sont évoquées qui permettraient à la fois de maintenir la biodiversité et d’augmenter la résilience du massif forestier contre les adversités (ravageurs, tempêtes). Quelques espèces indigènes sont citées, et des espèces introduites sont également suggérées telles que diverses espèces ou variétés d’Eucalyptus. Le mélange d’espèces pourrait aussi représenter des possibilités d’adaptation élargie aux changements climatiques rapides.

Ce contexte nous amené à se focaliser sur ces deux espèces indigènes et exogènes, le Pin maritime et

Tableau 1.1 Itinéraires sylvicoles novateurs proposés pour le Pin maritime (autres que pour l’obtention de bois d’œuvre). (Lesgourgues et Drouineau 2009).

Courte révolution Semi dédié Biomasse

Durée de révolution (ans) 25 9 et 35 10 - 15

Objectifs Petits sciages Biomasse et

Bois d’oeuvre

Biomasse

Densité initiale 1200-1500 2000 à 2500 tiges/ha 1500-2500

Intervention Sans ou 1 éclaircie 1 éclaircie ‘biomasse’

puis 3 ou 4 éclaircies

Pas d’intervention

après semis, pas d’éclaircie

1.1.2 Contexte scientifique

Les forêts jouent un rôle prépondérant dans le système climatique, notamment pour leur contribution à la séquestration du dioxyde de carbone (CO2). Les travaux récents montrent que les forêts tempérées d’Europe représentent un puits de carbone conséquent (Nabuurs et al. 2003, Loustau 2010). Entre 2000 et 2007, Pan et al. (2011) évoque un chiffre de 0.24 PgC an-1 de carbone fixé dans les forêts tempérées européennes, chiffre plutôt stable par rapport à la période 1990-1999.

La production primaire nette (NPP) des forêts a augmenté de 67% en Europe au cours des 50 dernières années (Ciais et al. 2008b). Les raisons évoquées relèvent de plusieurs facteurs : structures jeunes des peuplements forestiers, augmentations de la concentration de CO2 contenus dans l’atmosphère ayant un effet de fertilisation (Ciais et al. 2008b, Luyssaert et al. 2010).

L’augmentation des dépôts azotés et son effet positif sur la croissance sont également suggérés (Van Oijen et al. 2008, Dezi 2010). Cependant le poids de la contribution de ces différents facteurs reste sujet à discussion. Bellassen et al. (2011) ont récemment simulé l’évolution de la production nette (NEP) des écosystèmes forestiers en Europe sur la période 1950-2000 et analysé les facteurs causaux des simulations obtenues, excepté l’effet de fertilisation azotée. Ils mettent en avant le rôle prépondérant de la fertilisation par le CO2 à l’échelle européenne. A une échelle plus locale par contre, un effet dominant de la structure des peuplements et du changement climatique est invoqué pour expliquer cette évolution. D’autres études en modélisation suggèrent que ces facteurs auront un effet positif sur la production forestière à venir (Loustau et al. 2005, Ciais et al. 2008b, Dezi et al.

2010). Cependant, sur une plus longue échelle temporelle, cet effet pourrait être inversé (Ciais et al.

2008b) en raison de changements dans les régimes de perturbations des écosystèmes forestiers, qu’ils soient d’origine naturelle, tels que les feux, les maladies, les sécheresses ou l’intensification des vagues de chaleur (Granier et al. 2007, Sohngen 2008) ou qu’ils soient d’origine anthropique tels les changements de pratiques sylvicoles comme la préparation du sol ou les fréquence et intensité des

éclaircies et des coupes rases (Kowalski et al. 2003, Chen et al. 2004, Misson et al. 2005, Dore et al.

2010).

Les forêts sont donc reconnues pour leur rôle majeur dans la mitigation du changement climatique et présentent l’avantage d’être facilement contrôlable par l’homme (Prieur 2004). Leur établissement et notre capacité à établir des plans de gestion adaptés ont permis en effet d’augmenter le stockage de carbone par cet écosystème (Ciais et al. 2008, Whitehead 2011) mais également d’accroître leur capacité de production d’énergie par l’augmentation des surfaces les plus productives. Cependant, les pratiques sylvicoles évoquées précédemment génèrent aussi des modifications du stock de carbone dans les sols, notamment les opérations de travail du sol qui viennent éloigner la distribution du carbone dans le système de son point d’équilibre en favorisant la décomposition et la minéralisation de la matière organique. Le potentiel d’atténuation peut être alors réduit dans le temps et dans l’espace (GIS sol 2011). Le caractère « intensif » des systèmes destinés à la production de biomasse sur de courte révolution, freine leur réelle mise en place par la méconnaissance de leurs besoins en eau, minéraux et carbone ainsi que de leurs interactions avec le continuum sol-végétation-atmosphère. Leurs réponses aux changements environnementaux et aux évènements extrêmes sont également peu connues. Il convient donc de mettre en regard de façon précise les potentialités forestières régionales d’une part et les exigences de ces nouveaux systèmes de sylviculture d’autre part, en complétant les connaissances sur leur fonctionnement biophysique. Il apparait que le recours à des modèles de fonctionnement biophysique soit un outil essentiel pour rendre compte de l’évolution des écosystèmes dans le contexte de changement global (Bellassen et al. 2011).