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Pour situer un peu les choses, par biotechnologie, l’on entend toute technique faisant usage d’organismes vivants ou de substances de ces organismes pour fabriquer ou modifier un produit, améliorer des plantes ou animaux, ou « créer » des microorganismes à des fins spécifiques.

Les biotechnologies incluent un gradient de technologies allant des biotechnologies

traditionnelles, établies de longue date et largement utilisées (fermentation des aliments, lutte biologique,

…), aux biotechnologies modernes, reposant sur l’utilisation des technologies nouvelles de l’ADN recombiné (Génie Génétique), des anticorps monoclonaux et des méthodes nouvelles de culture de cellules et de tissus par micro propagation.

Les biotechnologies ne constituent pas une science nouvelle. Il s’agit plutôt d’une appellation donnée à l’évolution récente de la science de la génétique, déjà fondée à la fin du XIX par Gregor Mendel.

Au cours des années 70, les chercheurs ont mis au point de nouvelles méthodes permettant de combiner des segments d’ADN (acide désoxyribonucléique : matière biochimique de toutes les cellules vivantes, support des instructions régissant les caractères héréditaires) et de transférer des segments d’ADN d’un organisme à un autre. Cet ensemble de techniques facilitatrices est dénommé technologie de l’ADN recombiné, ou génie génétique.

Au cours des vingt dernières années, l’on a assisté à une progression exponentielle du nombre des avancées significatives dans le domaine de la génétique.

Cet essor des techniques nouvelles, permettant de comprendre les organismes vivants et de les modifier génétiquement, a suscité dans la même période un intérêt accru pour les biotechnologies, se traduisant par un développement des investissements.

Le principal effet des nouvelles techniques des biotechnologies modernes sur l’agriculture est l’élargissement de la gamme du matériel génétique pouvant être utilisé dans les programmes d’hybridation conventionnels pour l’obtention de variétés nouvelles de plantes, d’animaux et de microbes utiles. Les

applications nées de ces méthodes nouvelles les situent incontestablement sur le continuum des techniques utilisées dans l’industrie, l’agriculture et le traitement des aliments, tout au long de l’histoire de l’humanité.

Ainsi les biotechnologies modernes fournissement des outils nouveaux d’une grande performance, qui sont utilisés pour créer des produits qui remplissent essentiellement les mêmes fonctions que ceux qui sont fabriqués avec des méthodes plus traditionnelles. Les propriétés de ces produits nouveaux ne diffèrent pas substantiellement de celles des produits qui nous sont familiers.

Les différences les plus marquantes entre les techniques des biotechnologies modernes et celles plus anciennes résident dans la précision accrue des premières et dans le fait qu’elles permettent l’obtention de résultats plus rapides et surtout plus précis.

La période de création d’une variété nouvelle et le coût de l’opération peuvent en être substantiellement réduits. La précision de cette technologie d’amélioration génétique des plantes (et des animaux) se traduit par une meilleure prévisibilité des produits obtenus. Cette plus grande prévisibilité signifie à son tour une sécurité accrue.

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Par ailleurs, les produits des biotechnologies modernes sont soumis à des essais complets qui déterminent leur rendement, leurs caractères agronomiques et leur qualité dans différents sites et sur plusieurs saisons, de la même manière que l’on procède à l’évaluation des produits des programmes d’hybridation conventionnelles (croisement).

Les techniques nouvelles des biotechnologies modernes suscitent des craintes en raison du pouvoir considérable qu’elles recèlent et du nombre impressionnant de leurs applications. Il importe de mettre en place des mécanismes de réglementation appropriés, afin d’assurer que les produits, nés de l’utilisation de ces techniques nouvelles, offrent la même sécurité que les produits des biotechnologies traditionnelles.

I. IMPLICATIONS POUR LA BIOSÉCURITÉ

I.1. Produits biotechnologiques :

Les produits des biotechnologies modernes appliquées à l’agriculture sont disséminés dans l’environnement et servent à la consommation humaine. Ici, ce sont les caractéristiques des produits eux même qui déterminent la sécurité qu’ils offrent. Les procédés servant à obtenir les produits n’entrent en ligne de compte que dans la mesure où ils décrivent les qualités ou caractéristiques de ces produits.

Dans le domaine de l’agriculture, les produits des biotechnologies modernes incluent des plantes, des animaux et des microbes, dotés par exemple d’une résistance accrue à des agents pathogènes ou ravageurs, de besoins nutritionnels transformés ou d’une performance modifiée. Certains estiment que ces produits requièrent une surveillance particulièrement attentive en raison des moyens employés pour les produire. Cette vigilance serait nécessaire du fait des

difficultés qu’il y aurait à prédire leur comportement, surtout en cas de dissémination dans l’environnement.

Il est important de signaler que de nombreux travaux conduits sous l’égide de l’OCDE, ont conclu que les caractéristiques des produits des biotechnologies modernes déjà créés, sont généralement similaires à celles des produits obtenus avec des techniques traditionnelles, et sont par conséquent familières aux organismes de réglementation.

Le défi que représente la production d’organismes génétiquement modifiés, devant survivre suffisamment longtemps dans l’environnement pour accomplir les fonctions qui leur sont assignées, constitue une puissante incitation à travailler, autant que faire se peut, sur des systèmes et des organismes bien caractérisés.

L’évolution des mesures réglementaires dans les pays qui ont accumulé le plus d’expériences des produits biotechnologiques permet de constater que la rigueur et la prudence initiales cèdent progressivement le pas à des dispositions moins contraignantes, à mesure que se multiplient les expériences rassurantes.

Les procédures d’évaluation et de gestion des risques posés par les produits biotechnologiques destinés à une utilisation non confinée ont été marquées au départ par une grande prudence. Au milieu des années 1990, de nombreux essais avaient été réalisés à petite échelle sur diverses espèces végétales (coton, maïs, pomme de terre, colza, riz, tomate et soja) et sur divers microorganismes. A la lumière de l’expérience acquise au travers de ces expérimentations, des procédures ont été élaborées pour la dissémination à grande échelle d’organismes génétiquement modifiés devant être utilisés commercialement dans l’agriculture. Toutefois, il y a lieu de procéder à la révision des procédures de réglementions afin d’en accroitre l’efficacité et de moduler le degré de réglementation en fonction du niveau de risque démontrable.

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I. 2. Evaluation des risques :

D’autres études menées pour le compte de l’Ecological Society of America, Tiedje et al. (1989) ont établi une liste de critères essentiels relatifs aux risques posés par la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés.

Elles ont ensuite développé des critères d’appréciation des risques établis en Australie et montré comment tous ces critères pourraient être harmonisés pour parvenir à un dispositif d’évaluation flexible qui

apporterait une précieuse contribution aux organismes de réglementation. Dans ce cadre la National Academy of Science (NAS) des Etats Unis et son National Research Council (NRC) ont publié un rapport établissant un cadre pour la prise de décision sur la dissémination volontaire de microorganismes et plantes génétiquement modifiés dans l’environnement. Plus tard les travaux de Millis (1990), ont identifié des critères permettant de définir des catégories de risques et de recommander des moyens pour évaluer les dangers potentiels liés à l’introduction d’organismes modifiés dans l’environnement.

En vertu des documents publiés par le NAS, l’évaluation des risques présentés par un organisme modifié par la technologie de l’ADN recombiné « doit s’appuyer sur la nature de l’organisme et sur l’environnement dans lequel il doit être introduit, et non sur la méthode par laquelle il a été modifié. En outre, bien que la modification génétique par voie moléculaire puisse être plus performante et capable de produire une plus grande diversité de phénotypes, « il n’existe pas de distinction conceptuelle entre la modification génétique des plantes et microorganismes selon qu’elle est opérée par des méthodes classiques ou par des méthodes moléculaires qui transforment l’ADN et transfèrent des gènes ».

Il est important de relever que le NRC a constaté que les plantes et microorganismes en question

sont utilisés depuis longtemps sans conséquences néfastes. « La société a, à ce jour, grandement bénéficié de l’utilisation de microorganismes et plantes génétiquement modifiées, et les essais en champ sont essentiels pour mieux apprécier le degré relatif de sécurité ou de risque impliqué par la dissémination à grande échelle de ces microorganismes génétiquement modifiés et pour déterminer l’utilité potentielle des organismes modifiés».

I. 2. 1. En ce qui concerne les essais en champs sur des plantes génétiquement modifiées le National Research Council (NRC) du National Academy of Sciences (NAS) des Etats Unis conclu que :

1. Les essais en champ sur des plantes modifiées par des méthodes génétiques classiques sont considérés comme dépourvues de risques sur la base de

l’expérience apportée par les essais en champs réalisés depuis des dizaines d’années sur des centaines de millions de génotypes. Les moyens actuellement disponibles pour décider de la dissémination de plantes améliorées par des méthodes classiques sont entièrement appropriées, et aucune surveillance supplémentaire n’est nécessaire ni recommandée ; 2. Les plantes modifiées par des méthodes moléculaires et cellulaires ne posent en principe pas de problèmes différents de ceux qu’impliquent les plantes modifiées par des méthodes génétiques classiques aboutissant à l’obtention de caractères similaires. Compte tenu du fait que les méthodes moléculaires sont plus spécifiques, les utilisateurs de ces méthodes opèrent l’introduction de caractères dans les plantes avec d’avantage de certitudes. Les caractères non familiers chez une plante spécifique devront être évalués avec prudence par des essais en champs à petite échelle dans le cadre desquels les plantes exhibant des phénotypes indésirables pourront être détruits ;

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3. La possibilité de création de super mauvaises herbes est perçue comme le principal risque

environnemental posé par la dissémination de plantes génétiquement modifiées. Cette probabilité est faible dans le cas de la modification génétique de plantes de cultures hautement domestiquées, compte tenu des connaissances sur leur morphologie, leur systèmes de reproduction, leurs conditions de croissance et leur incapacité de se perpétuer sans intervention humaine ; 4. Le confinement est la condition essentielle pour que les essais en champ de plantes modifiées par des méthodes classiques se déroulent dans des conditions de bonne sécurité ;

5. Les modes de confinement avérés comprennent, selon l’espèce végétale, l’isolement biologique, chimique, physique, spatial, environnemental et temporel, ainsi que la dimension de la parcelle expérimentale ;

6. Il est rare, voire inconnu, que des plantes faisant l’objet d’essais en champ en conditions de confinement s’échappent et causent des problèmes dans

l’écosystème naturel ;

7. Les méthodes de confinement établies sont aussi bien applicables aux essais en champ de plantes modifiées par des méthodes moléculaires et cellulaires qu’aux essais en champ de plantes modifiées par des méthodes génétiques classiques.

I. 2. 2. En ce qui concerne les essais en champs sur des microorganismes génétiquement modifiées, le National Research Council (NRC) du National Academy of Sciences (NAS) des Etats Unis conclu que :

1. La précision de bon nombre de méthodes

moléculaires permet aux chercheurs procédant à des modifications génétiques de souches microbiennes de caractériser entièrement celles-ci, jusqu’à déterminer dans certains cas les altérations spécifiques apportées aux bases dans la séquence des nucléotides de l’ADN ; 2. Les méthodes moléculaires ont une puissance particulière, car elles permettent aux chercheurs d’isoler des gènes et de les transférer en franchissant les barrières biologiques ;

3. Alors que les expérimentations en champs fournissent des informations approfondies sur certains microorganismes (rhizobiums, mycorhizes et nombre d’agents phytopathogènes et agents de lutte biologique), les informations sur l’écologie de ces microorganismes et l’expérience en matière de dissémination volontaire de microorganismes génétiquement modifiés dans l’environnement sont comparativement limitées. Aucun effet néfaste n’est résulté à ce jour de la dissémination de microorganismes génétiquement modifiés. Les

incertitudes écologiques peuvent recevoir des réponses scientifiques, par l’élucidation des caractéristiques génétiques et phénotypiques des microorganismes, et par l’étude des caractéristiques environnementales telles que la disponibilité d’éléments nutritifs ;

4. La probabilité d’effets néfastes peut être minimisée

ou éliminée par l’adoption de mesures appropriées pour confiner les microorganismes dans l’environnement cible dans lequel ils sont disséminés, par exemple en incorporant des gènes «suicides» dans ces microorganismes si cette méthode est praticable.

Le rapport du NRC propose également un cadre pour l’évaluation des risques posés par la diffusion de plantes et microorganismes génétiquement modifiés. Ce cadre repose sur les critères ci-après : 1. Les propriétés de l’organisme et de l’environnement dans lequel celui-ci doit être introduit nous sont-elles familières ?

2. Sommes-nous en mesure de confiner ou de contrôler l’organisme efficacement ?

3. Quels sont les effets probables sur l’environnement si l’organisme introduit ou l’un de ses caractères génétiques persiste plus longtemps que prévu ou se dissémine dans des environnements non ciblés ? Familier ne signifie pas nécessairement «dépourvu de risques». Les éléments d’une dissémination sont familiers lorsque l’on dispose de suffisamment d’informations pour pouvoir juger si cette dissémination réunit les conditions de sécurité indispensables ou si elle comporte des risques.

Les types de risques devant être pris en compte pour les biotechnologies appliquées à l’agriculture sont :

• La possibilité que des plantes deviennent des mauvaises herbes ;

• Le risque de toxicité de certaines plantes et substances de plantes ;

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• La pathogénicité potentielle de certains microorganismes ;

• La possibilité que des animaux deviennent des ravageurs.

Ces risques sont similaires à ceux qui se posent lorsque l’on introduit une plante, un animal ou un microorganisme exotique dans une zone, comme cela se fait souvent pour la lutte biologique contre un ravageur. Dans beaucoup d’applications des biotechnologies modernes nous aurons bien plus de facilités à évaluer le comportement probable de l’organisme génétiquement modifié - s’il s’agit d’une modification reposant sur un seul gène - que d’anticiper celui d’un organismes exotique qui ne nous est pas familier au sein de cet environnement.

Il serait regrettable que les craintes suscitées par l’impact potentiel des disséminations volontaires d’organismes génétiquement modifiés, qui comportent peut-être moins de risques que les technologies chimiques auxquelles ils pourraient se substituer, conduisent à une politique de réglementation si rigoureuse et si coûteuse que nous soyons contraints, pour ces considérations économiques, de continuer à avoir recours à des technologies plus anciennes et plus dangereuses telles que l’application généralisée de pesticides chimiques dans l’environnement.

II. DISPOSITIFS DE BIOSÉCURITÉ

ENVISAGEABLES AU NIVEAU NATIONAL

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