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La contestation par la nudité et les représentations sexuelles : un problème posé à la recherche

Mon cadre théorique est, comme il est apparu, multiforme, faisant jouer des références diverses. Ceci est en partie dû à la rareté des travaux sur la dimension politique de la nudité. Sans doute parce que la nudité est confinée à la sphère intime, ou lue par le prisme moral ou exotisant, ce thème intéresse plutôt les psychologues et les psychanalystes (Devereux, 1983), les philosophes (Andrieu, 2002 ; Fiat, 2007), les historiens (Bologne, 1997 ; Bertrand, 2008) ou les sociologues (Kaufmann, 1996) que les politistes. La nudité est rarement étudiée comme un élément du répertoire d’action collective. Certes, ce dernier constat vaut davantage pour la recherche francophone qu’anglophone qui traite bien de l’usage politique de la nudité (Brett, 2012 ; Kraushaar, 2015), et notamment de la contestation par la nudité de la part des femmes africaines (Falton, Moreau, 2016 ; Diabate, 2016). Mais ces études inscrivent ce geste dans le traditionnel et le maternel31, ne traitant pas du problème de l’érotisme et du sexuel. Je n’ai pas cru bon d’appliquer cette grille de lecture pour comprendre le geste des FEMEN par exemple, car elles n’affichent jamais une nudité totale ou de leur sexe. La monstration des seins s’inscrit alors davantage dans les schèmes de l’érotisme et du sexuel. De plus, il me fallait aussi prendre en compte les logiques artistiques qui traversent les démarches des deux mouvements que j’étudiais. J’ai construit mon cadre théorique en prenant le parti de considérer les groupes étudiés comme des mouvements sociaux, en ce que la démarche de ces groupes s’inscrit dans une optique d’action collective et mobilise les idées de lutte et de conflictualité sociales. Mon sujet relève donc à la fois de la sociologie de l’action collective (Tilly, 1986), de la sociologie des mouvements sociaux (Filleule, Agrikolansky, Sommier, 2010 ; Mathieu, 2011 ; Broqua, 2006), et notamment des relations entre les mouvements sociaux et les médias (Champagne, 1990 ; Deschamps, 2000 ; Neveu, 2010). Il touche également aux thématiques artistiques (Balasinski, Mathieu, 2006) comme l’art féministe ou l’art-performance (Warr, Jones, 2000) et aux représentations sexuelles (Lavigne, 2014 ; Boisclair, Dussault-Frenette, 2013).

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Les femmes se déshabillent pour montrer et rappeler aux hommes d’où ils viennent, ce qui est source d’une profonde angoisse.

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L’analyse portant sur Urban Porn permet aussi d’introduire des outils issus du féminisme pro-sexe et du mouvement post-porn, offrant par la même occasion un éclairage nouveau sur la démarche des FEMEN. Le féminisme pro-sexe voit le jour aux Etats-Unis dans les années 1980, dans le contexte des sex wars qui l’oppose au mouvement féministe anti-prostitution et anti-pornographie. Ce dernier, incarné notamment par Andrea Dworkin et Catharine McKinnon, fonde son argumentation sur l’idée que la sexualité serait le lieu premier de l’oppression des femmes. Dans cette perspective, toute prostitution serait une marchandisation du corps féminin ; et la pornographie aurait une part importante dans cette oppression, apparaissant manière univoque comme une violence grave faite aux femmes – Dworkin va même jusqu’à rapprocher meurtre et pornographie. Partant, ces autrices défendent l’interdiction de toutes les formes de pornographie, au motif que cela porterait atteinte aux droits civiques des femmes. Un des problèmes qui se posera alors est celui de la censure, dont les modalités peinent à être définies. Un autre problème est celui de la confiscation de la parole des principaux-principales concerné-e-s – travailleur-euse-s du sexe, adeptes du BDSM et du sexe radical, personnes appartenant à la communauté homosexuelle ou trans – au profit des « expert-e-s ». A l’opposé, des mobilisations émergent sous la bannière d’un féminisme anti-censure, à travers des alliances entre militant-e-s féministes, lesbiennes et gays et groupes de défense des travailleur-euse-s du sexe, dont Annie Sprinkle fait partie). De ces mobilisations naissent conjointement le mouvement du féminisme pro-sexe et les mouvement et théorie queer. Selon Virginie Despentes qui a réalisé un documentaire sur le sujet intitulé Mutantes, diffusé pour la première fois en 2009, le féminisme pro-sexe élabore une stratégie qui considère que le corps, le plaisir, la pornographie et le travail sexuel sont des outils politiques, dont les femmes doivent s’emparer. Cette stratégie va de pair avec la mise au premier plan de la parole de celle et ceux qui sont directement concerné-e-s, en lieu et place de la parole des expert-e-s. Refusant d’être érigé-e-s en victimes, les féministes pro-sexe revendiquent le droit de disposer de leur corps, et donc de leur sexe, comme elles l’entendent. Le féminisme pro-sexe est arrivé en France, à partir des années 2000. Des artistes, comme Wendy Delorme, s’en réclament.

Le féminisme pro-sexe entend s’emparer de la pornographie, et plus largement du sexuel, pour lutter à la fois contre le patriarcat et l’hétérosexisme. C’est notamment le cas de la démarche post-porn, apparue dans les années 1990. Son projet peut être résumé par

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cette phrase d’Annie Sprinkle : « La réponse au mauvais porno, ce n'est pas d'interdire le porno, c'est de faire du bon porno ». La pornographie dominante impose des représentations de la sexualité qui infériorisent les femmes, les corps non cisgenres, et les pratiques non hétérosexuelles. Elle dit ce qu’est un homme ou une femme, les rôles sexuels qui incombent à chacun-e. Le post-porn est un mouvement artistique et politique qui prône une monstration des corps trans et des pratiques non hétérosexuelles. Il prône également une dénaturalisation de la sexualité, c’est-à-dire qu’il considère celle-ci comme un ensemble de pratiques socialement construites. Une telle manière de concevoir la sexualité ouvre à la possibilité de déconstruire et réinventer celle-ci, de créer d’autres sexualités et d’autres images sexuelles, de modifier les pratiques et les imaginaires. Le post-porn refuse enfin la mainmise de l’Etat dans l’industrie culturelle sur la définition du montrable et de l’im-montrable. En France, Baise-moi, film de Virginie Despentes et Coralie Trinh-Thi sorti en 2000, est considéré comme le premier film post-porn. A sa suite, des théoricien-ne-s, comme Sam Bourcier32 et Paul B. Preciado33 se sont emparés du sujet et ont lié à la démarche post-porn la notion de performance. Actuellement, Rachele Borghi (2013) est considérée comme l’une des spécialistes du mouvement post-porn ; elle s’intéresse au rapport entre le corps, l’espace et les performances.

Par ailleurs, j’emprunte à Marie-Eve Lang34, en la discutant aussi quelque peu, la notion d’agentivité sexuelle qui s’avère incontournable pour mes recherches. Lang centre son propos sur les femmes, mais on peut l’élargir à d’autres corps minorisés. L’agentivité sexuelle est donc un concept utilisé pour décrire la capacité d’agir et de se constituer en sujet de l’action lors d’une interaction sexuelle. Selon Lang, elle se caractérise, entre autres, par la prise d’initiative, le choix, le sentiment de maîtriser son corps, le sentiment de liberté dans l’expérimentation de sa sexualité, le sentiment d’avoir le droit de désirer et d’accéder au plaisir. M.-E. Lang complexifie le concept en ajoutant à la notion d’agir la notion de responsabilité35. Ainsi, l’agentivité sexuelle n’est pas seulement une question d’action et de pouvoir sur sa propre sexualité ; il s’agit également d’être autrice et responsable de sa propre sexualité, et donc d’être responsable envers soi-même. Toutefois, l’idée de « se

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Queer Zones (Balland 2001, Éditions Amsterdam 2006, 2011),

33 PRECIADO (P.), Pornotopie, Paris, Climats, 2011

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« L’ "agentivité sexuelle" des adolescentes et des jeunes femmes : une définition ». In : Recherches féministes, vol. 24, n°2, 2011, p.189-209

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« Car l’agentivité sexuelle ne se limite pas à l’agir, mais elle renvoie également à l’idée de se sentir et de se savoir à l’origine de ses actes. » (ibid.)

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sentir et se savoir à l’origine de ses actes » m’amène à mettre en question un point de la définition de Lang. Dans l’article, la question du consentement est posée, à travers l’évocation du courant Just Say No, qui développe une réflexion sur le consentement, ce qui soulève divers problème. Refuser un acte sexuel non consenti relève de l’agentivité sexuelle ; mais Lang montre que ce refus peut également être motivé par des formes de pression sociale qui prescrivent aux jeunes filles et aux femmes d’ « éviter à tout prix d’être perçues comme des putes ». Il y aurait là une distinction à faire entre l’agentivité que l’on peut attribuer à un comportement et celle que l’on peut attribuer à celui-ci compte-tenu des motifs qui ont conduit l’acteur-trice à l’adopter. Cependant, dans le même article, M.-E. Lang évoque le cas de ces femmes qui participent à une émission de téléréalité et se dénudent : elles qualifient leur geste de libérateur, ce qu’elles justifient en invoquant leur sentiment d’être maîtresses de leur sexualité. M.-E. Lang refuse au contraire de considérer ce geste comme un comportement agentique : il reconduirait plutôt des logiques patriarcales et commerciales. Il y aurait ainsi une distinction à faire entre « le fait de se "sentir" habillée d’un pouvoir et le fait de l’être réellement ». Pour moi, réside ici une certaine incohérence : tout d’abord, ce propos semble en contradiction avec ce qu’elle développe plus loin, c’est-à-dire l’obligation préalable de connaître les motifs d’un comportement avant de juger de son agentivité. Ensuite, on pourrait penser que ces deux propos s’annulent mutuellement, voire annulent la notion d’agentivité même. En effet, si la jeune fille de Just Say No se libère des pressions sociales et dit oui à un acte sexuel ou à une attitude sexualisée devant des caméras, ce comportement s’inscrira dans d’autres formes de dominations patriarcales s’exerçant sur le corps des femmes. D’un comportement jugé agentique, on passerait donc à un comportement jugé non agentique. Où est alors l’agentivité sexuelle ? Un comportement ne peut être jugé agentique que par le regard et le discours surplombants d’un observateur extérieur qui reconstruit le geste, selon les scripts corporels qui constituent son regard. Cette reconstruction suppose aussi que les intentions de l’auteur du comportement soient entièrement limpides. Or, il y a toujours une certaine opacité sur ces intentions. De plus, ici, le refus est considéré a priori comme étant plus « agentique » que le non-refus : dire oui est considéré comme plus complexe et plus opaque que dire non. Or c'est là un présupposé qui n’est pas justifié, et qui apparaît comme tel peu justifiable. Cependant, ce que je retiens de cette définition que propose M.-E. Lang de l’agentivité sexuelle, c’est la capacité de se

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constituer en sujet sexuel d’une part, et la nécessité d’une prise en compte des motifs, du contexte d’un comportement, avant de juger de son agentivité, d’autre part.

Enfin, comme j’ai pu l’aborder plus haut, j’attache une grande importance à l’épistémologie du point de vue (Haraway, 1988 ; hooks, 2000 ; Dorlin, 2008). Celle-ci fournit en effet des instruments pour reconnaître et analyser l’inscription de la production des savoirs dans les rapports de domination, et donc pour reconnaître et analyser les rapports de domination et le regard dominant eux-mêmes. La notion de scripts corporels me semble permettre de poser la question de la domination : ce ne sont pas les effets de domination que j’interroge en premier lieu, mais le regard dominant. Par les scripts corporels, je regarde tout d’abord, non pas les dominé-e-s, mais les dominants en train de se regarder et de regarder les dominé-e-s.

En somme, mon sujet se situe au croisement des travaux en sociologie du corps, en sociologie des mouvements sociaux, et en sociologie de l’art, tout en s’inscrivant dans une perspective féministe et queer.

Méthodologie

Tout d’abord, je dois préciser ce que j’entends par la notion de corps. A l’instar d’Hélène Marquié qui reprend la définition, que donne Michel Bernard de la corporéité, pour conceptualiser la notion même de corps, je définis celui-ci dans la présente étude comme

un réseau plastique instable, à la fois sensoriel, moteur, pulsionnel, imaginaire et symbolique qui résulte des interférences d’une double histoire : d’une part, celle collective de la culture à laquelle nous appartenons, […] et celle, essentiellement individuelle et contingente, de notre histoire […]. Le corps est […] l’ouverture et le carrefour d’un double champ symbolique […]36

Considérer chaque corps comme un réseau de matérialité, d’imaginaire et de symbolique, me paraît pertinent pour cette étude. Cette définition envisage en effet le corps

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BERNARD (M.). Cité dans : MARQUIE (H.), « Repenser le genre chez Judith Butler au prisme des arts vivants ». In : PLANA (M.) et SOUNAC (F.) (dir.), Corps troublés. Approches esthétiques et politiques de la littérature et des arts, Dijon, Editions Universitaires de Dijon, 2018, p.82.

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hors de toute référence à une essence, comme le lieu où se croisent et se nouent une pluralité de divers processus historiques, sociaux et individuel.

Mon étude se fonde sur une démarche comparative : l’analyse sur la démarche post-porn vient en contrepoint d’une réflexion sur le mode d’action des FEMEN. Les analyses de ces deux mouvements fournissent en effet un éclairage complémentaire sur le double objet qui est le mien : d’une part, l’élaboration et la reproduction des scripts corporels dans lesquels s’inscrivent la nudité et les pratiques sexuelles, d’autre part la contestation et la réinvention de ces scripts comme enjeu politique. D’un côté, les FEMEN affirment que l’hypersexualisation prend racine dans un regard androcentré ; leur mode d’action, qu’elles nomment le sextrémisme, consisterait à s’opposer à ce regard à travers une forme d’ironie, qui permettrait une désexualisation de la nudité féminine – même si nous verrons que ce point est à nuancer. De l’autre, il y a la démarche post-porn, qui propose une sexualisation alternative des corps féminins, queer, voire crip37,– alternative, au sens où elle se situerait hors du cadre de l’imaginaire sexuel dominant. Comparer ces deux formes d’activisme reviendrait donc à analyser deux manières apparemment opposées de contester le script corporel sexualisant : d’un côté, par la tentative de neutraliser la sexualisation du corps des femmes ; et de l’autre, la tentative d’élaborer une sexualisation différente. Cependant, comme je l’ai dit, ces deux formes de mouvements présentent certains points communs : les relations étroites entre le champ artistique et l’univers militant ; non sans lien, le recours à la notion de performance ; enfin, la présence fréquente d’un ton ironique dans les actions.

J’ai réalisé des entretiens principalement avec des activistes (ou ex-activistes) et des journalistes. Ma fréquentation des milieux féministes et queer a sans doute facilité l’établissement des contacts avec les activistes. J’adopte les mêmes réflexes et les mêmes attitudes dans mes entretiens que dans les conversations que je peux avoir avec des personnes que je rencontre dans ces milieux. Dans un entretien avec un-e activiste d’UrbanPorn, la première question que je pose, est toujours : « Tout d’abord, pour ne pas commettre d’impairs, je dois vous demander quel pronom vous utilisez ? ». En effet, le pronom permet de voir facilement et sans lourdeur où se situe l’interlocuteur-rice dans le spectre des identités de genre, et de ne pas commettre d’impairs à ce propos. De plus, comme il m’est difficile de moduler, en fonction de la réponse (il, elle, iel), les questions que

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je prépare d’avance – j’en expliquerai la raison plus tard –, lorsque j’élabore mes grilles d’entretien, je veille à ce que la formulation de la question n’induise rien sur le genre de la personne interrogée, ne voulant pas l’inscrire dans une quelconque binarité. Concrètement, je fais en sorte qu’aucune marque grammaticale du masculin ou du féminin, se rapportant à l’interviewé-e, n’apparaisse dans les questions. Par exemple, je préfère ces formulations : «Comment avez-vous commencé à vous intéresser à…. » ou « Votre scolarité s’est-elle passée dans une école publique ? Privée ? » plutôt que : « Comment vous êtes-vous intéressé (ou intéressée) à… / ouvert (ou ouverte) à… » ou « Etes-vous allé (ou allée) dans une école publique ? Privée ? ». La question des pronoms n’est pas présente lors des entretiens pour les FEMEN, puisque la question de l’identité de genre ne se pose pas dans les mêmes termes.

Cependant, une question a pu concerner les deux terrains : celle des présupposés normatifs, voire moralisants, que les interviewé-e-s peuvent identifier dans certaines de mes questions. Dans Les ficelles du métier (2002), Becker évoque les entretiens qu’il a effectués auprès de fumeurs de cannabis, pratique illicite et socialement disqualifiée. Il affirme alors privilégier dans ses questions le how par rapport au why. En effet, les questions introduites par le how semblent tout d’abord plus neutres : les interviewé-e-s risquent moins d’y lire des reproches ou des intentions moralisatrices. Le second avantage de cette manière de poser la question est qu’elle induit des réponses ancrées dans l’expérience et centrées sur leurs trajectoires, alors que le why suscite davantage la reconstruction de raisons intellectuelles, c'est-à-dire une forme d’intellectualisation. Puisque j’évoque avec les activistes que j’interroge des pratiques illicites ou socialement dévalorisées – se mettre nu-e publiquement ; regarder/faire du porno –, j’applique le propos de Becker aux deux terrains, préférant au « pourquoi » le « comment » ou le « Qu’aimez-vous dans… ». Au lieu des questions « Pourquoi aimez-vous le porno ? » ou « Pourquoi êtes-vous entrée chez les FEMEN ? », je préfère la question : « Qu’aimez-vous dans le porno ? » ou « Comment avez-vous découvert les Femen ? ».

Mes entretiens se sont déroulés de deux manières. La première consiste à rencontrer physiquement l’interviewé-e ; la seconde, à réaliser l’entretien par écrit via un site de discussion instantanée. Chacune présente des avantages et des inconvénients. L’entrevue physique me permet de noter des éléments ethnographiques – ce que ne me permet pas l’entretien sur Internet où le corps, la voix, l’environnement de l’enquêté-e sont effacés.

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Cependant, l’entretien par discussion instantanée me permet d’avoir une plus grande autonomie dans la façon de mener les entretiens, reformulant les questions préparées – et m’en éloignant parfois beaucoup. Dans une entrevue physique, mon auxiliaire de vie doit faire ma voix et lire les questions pour qu’elles apparaissent sur l’enregistrement audio. Si je me permets quelques questions spontanées qui rebondissent sur les propos de l’enquêté-e, je limite néanmoins celles-ci – les écrire sur l’ordinateur est chronophage. Je me repose davantage sur les questions de ma grille d’entretien, même si j’en fais varier l’ordre. La grille d’entretien devient alors un matériau très important, et c’est pour cela que je mets une attention particulière dans la formulation des questions. Enfin, les entretiens par discussion instantanée me permettent d’économiser de l’argent, du temps et de l’énergie : les voyages à Paris et à Lille sont très coûteux ; et Lille est certes assez accessible en fauteuil roulant, mais l’environnement urbain parisien est très hostile pour les personnes en fauteuil roulant – et les taxis adaptés, ruineux –. Un entretien électronique qui s’annule au dernier moment me désespère beaucoup moins qu’une entrevue décommandée à la dernière minute, alors que je suis déjà à Paris.

J’ai également travaillé sur le traitement médiatique de ces deux mouvements, travail complété par des entretiens avec des journalistes. En ce qui concerne les FEMEN, je me suis concentrée sur le traitement médiatique de leurs actions et de leurs procès, par divers sites d’informations, notamment Libération, Le Monde et Le Figaro). Ce qui m’intéresse, d’analyser la manière dont la portée politique des actions est relayée (ou non) par les médias, de voir si, au sein de ces textes, les scripts corporels sont reproduits ou au contraire infléchis, notamment autour de la question de l’exhibition sexuelle. Quant au traitement médiatique de la démarche postt-porn, notamment d’Urban Porn, il concerne soit la presse locale lilloise ou nantaise (20 minutes), soit les médias spécialisés LGBT et/ou militants (Yagg). Cela me permet de questionner les variations des scripts corporels selon