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En lien avec nos objectifs didactiques portant sur l’enseignement des notions de topologie dans RN en première année universitaire, nous avons été frappée par

deux aspects qui ont considérablement influencé nos analyses.

Tout d’abord, l’ensemble des manuels consultés s’adresse à un public plus expérimenté que celui visé dans notre travail. Nous avons en effet souvent relevé, au début des manuels, que ceux-ci couvrent les besoins d’un étudiant abordant une maîtrise en mathématiques, au sens actuel que nous lui donnons. Un deuxième as- pect frappant, qui pourrait être une conséquence du niveau d’enseignement visé, est que l’étude spécifique de la topologie élémentaire, c’est-à-dire dans R et dans RN, est très minimisée. Seuls les manuels de Choquet et Skandalis y consacrent une petite partie, préalablement à l’étude d’espaces plus généraux. Dans les autres manuels, leur place est réduite à quelques exemples illustrant les notions intro- duites dans des cadres plus généraux.

Ces deux aspects ne semblent pas pouvoir être reliés à la date de parution des manuels. Le cours de Choquet a en effet été publié en 1969 et celui de Skandalis en 2001. Notre étude s’en est donc trouvée très minimisée. Nous avons été amenée à nous centrer principalement sur l’émergence des notions dans chaque livre, la portée des résultats établis devenant très rapidement inaccessible au niveau d’en- seignement qui nous concerne. Le type d’étude que nous avons réalisé explique également la présentation succinte de chaque manuel, en mettant principalement l’accent sur la manière d’introduire les notions et en nous attachant finalement peu aux résultats et aux démonstrations associées.

Concernant l’analyse globale à proprement parler, nous avons tout d’abord retenu que la progression des contenus principalement choisie est de démarrer l’étude dans le cadre des espaces métriques et de généraliser les notions introduites aux espaces topologiques. Cinq des sept manuels consultés suivent ce schéma. Deux manuels (Choquet et Gostiaux) prennent toutefois comme cadre initial celui des espaces topologiques pour particulariser ensuite les notions dans les espaces métriques. Ce choix ne semble pas, lui non plus, être lié à l’époque puisque ces deux manuels datent de deux époques différentes, respectivement de 1969 et de 1993.

Un trait commun à l’ensemble des livres consultés est d’introduire le ré- seau de notions suivant : voisinage, ouvert, fermé, intérieur, adhérence/fermeture. Chaque notion est, en général, caractérisée de différentes manières à partir de cer- taines autres notions du réseau. Cet aspect est très présent dans l’ensemble des manuels. Les auteurs s’attachent à reprendre plusieurs fois la même notion au fil de leur exposé pour la mettre en lien avec d’autres notions. La présentation la plus détaillée des différentes possibilités de caractérisations des notions est fournie par Schwartz.

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L’ordre de présentation n’est toutefois pas commun à tous les manuels. Nous distinguons deux cheminements : celui qui consiste à partir de la notion de voi- sinage et celui prenant appui sur la notion d’ouvert. Le premier cas est rencontré dans les quatre manuels suivants : Rudin, Revuz, Skandalis et Lehmann. Ils ont en commun de prendre comme cadre initial celui des espaces métriques. Un voi- sinage est défini en termes de boules, un ouvert est défini en termes de voisinage et un fermé apparaît alors comme le complémentaire d’un ouvert. Pour les trois autres manuels, c’est-à-dire ceux de Schwartz, Choquet et Gostiaux, le cadre ini- tial est soit les espaces topologiques, soit les espaces métriques. Dans la première situation, un ouvert est un élément d’un espace topologique, un fermé est le com- plémentaire d’un ouvert et un voisinage est défini en termes d’ouvert. Dans la seconde situation, un ouvert est défini en termes de boule et les deux autres no- tions sont définies de manière semblable à la première situation.

La notion d’intérieur d’un ensemble est en général définie comme le plus grand ouvert contenu dans l’ensemble et celle de fermeture d’un ensemble comme le plus petit fermé contenant l’ensemble. Nous avons noté que les auteurs intro- duisent la notion de fermeture et tous ne mentionnent pas celle d’adhérence alors que ces deux notions coïncident, comme le montre Revuz.

Nous avons aussi relevé que le mode d’exposition de chaque manuel suit le schéma classique « définition, résultats, démonstrations ». L’introduction des no- tions est quelque peu motivée dans les livres de Revuz, Choquet et Lehmann. Nous avons principalement trouvé deux sources de motivation pour pénétrer dans le domaine de la topologie. La première est de parvenir à définir la notion de continuité. Revuz et Skandalis le mentionnent explicitement dans leurs objectifs. L’autre source, non indépendante de la première, est clairement une volonté af- fichée de travailler dans un cadre général et de présenter les notions de manière simplifiée, voire élégante, avec des définitions générales. Dans cette perspective, il n’y a pas lieu de définir préalablement les notions dans R et dans RN, sauf

pour des raisons pédagogiques comme dans le programme de cours mentionné par Choquet. La place accordée aux notions de topologie élémentaire est finale- ment réduite à deux aspects : d’une part énoncer des résultats classiques tels que l’existence de la borne supérieure, la compacité d’un intervalle fermé et borné et le théorème de Bolzano-Weierstrass. D’autre part, ces deux espaces servent d’exemples pour particulariser les notions introduites dans un cadre général et abstrait.

Pourtant, un aspect qui est très minimisé dans les livres est justement la pré- sence d’exemples. Ceux-ci sont souvent peu nombreux et ceux que nous avons rencontrés pour illustrer les notions sont très semblables. Dans R, c’est la notion d’intervalle qui est fréquemment citée pour illustrer les notions d’ouvert et de fermé. Les ensembles Q, R et {1/n : n ∈ N\{0}} reviennent très souvent aussi. Dans RN, la notion de boule ouverte (respectivement fermée) apparaît dans pra- tiquement tous les manuels comme exemple d’ouvert (respectivement de fermé). C’est donc au travers de ces quelques exemples que la topologie de RN apparaît

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Les dessins sont un moyen très peu utilisé pour illustrer les notions. Chez Skandalis et Lehmann, nous en avons trouvés pour illustrer les notions de voisi- nage et le fait qu’une boule ouverte est un ensemble ouvert. Ces dessins illustrent l’idée que chaque point de l’ensemble est le centre d’une boule contenue dans l’ensemble. Revuz est le seul auteur qui donne une vision intuitive et géomé- trique de certaines notions. Par exemple, après avoir défini les notions de ferme- ture et d’intérieur dans le cadre des espaces topologiques, il en donne tout d’abord une vision intuitive avec des mots : « Dans le plan (muni de la topologie déduite de la distance ordinaire), l’ensemble défini par un contour fermé et comprenant les points intérieurs au contour et une partie du contour admet pour fermeture le même ensemble avec ses frontières complétées et pour intérieur, l’intérieur (au sens vulgaire du mot), du contour ». Il illustre ensuite les notions :

A A ˚A

Il suit un cheminement semblable pour la notion de point adhérent pour lequel il explique que, « dans le plan a est adhérent à A si pour tout ε il y a des points de Adans la boule de centre a, de rayon ε. » Il l’illustre par un dessin :

a A

Une dernière similitude entre les manuels est un usage très marqué de la langue naturelle pour développer les contenus. Le registre symbolique est moins sollicité, y compris dans les indications fournies pour résoudre les exercices. Les définitions, les résultats et même les démonstrations sont écrites avec des mots, le registre symbolique n’intervenant qu’au travers de noms donnés aux objets et pour écrire les symboles correspondants aux opérations ensemblistes. Il n’apparaît pas comme fondamental pour décrire les notions. Schwartz l’utilise dans un souci d’économie d’écriture, en ne pointant que cette seule fonctionnalité. Et dans la suite du livre, il continue d’utiliser le registre de la langue naturelle.

Nous avons cependant relevé une différence majeure qui, nous semble-t-il, est fonction de l’époque considérée. Au réseau de notions décrit précédemment viennent s’ajouter d’autres notions dans les quatre manuels plus anciens, c’est- à-dire ceux de Rudin, Revuz, Schwartz et Choquet, que nous avons très peu re- trouvées dans les autres manuels. Il s’agit de types de points : point intérieur, point d’accumulation, point adhérent, point isolé. Ces points permettent de four- nir des définitions équivalentes pour les notions d’intérieur et d’adhérence qui apparaissent comme les ensembles formés des points intérieurs et adhérents de l’ensemble considéré. Dans les manuels récents, la notion qui apparaît souvent est celle de point d’accumulation. Les caractérisations des notions en termes de suite

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dans les espaces métriques, comme chez Skandalis par exemple, fournissent en effet des résultats mettant en jeu cette notion et celle de compacité. Mais globale- ment, la place des types de points est minorée dans les manuels plus récents.