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contemporain : contours des marges de l’emploi Après avoir posé théoriquement ce cadre d’analyse, il nous faut maintenant dresser un

tableau général de la situation de l’emploi, c’est-à-dire documenter précisément cette dy-namique contradictoire du capitalisme, décrire les difficultés concrètes qu’a le travail à se vendre, qu’ont les bénéficiaires du RSA à se valoriser sur le marché de l’emploi.

Ce contexte contradictoire peut être appréhendé à partir du langage économique classique.

Tim Jackson en donne une bonne synthèse dans le rapport «Prospérité sans croissance...»,

traduit en français en 2010 (JACKSON,2010, pp. 97-105) : l’efficacité productive et

l’écono-mie en travail sont la clé de la survie des entreprises capitalistes mais cela est effectivement

« compensé » par une augmentation de la demande en biens et services. Le «consumérisme»,

la «croissance économique» sont les balanciers nécessaires pour que le chômage n’augmente

pas suite à la hausse de l’efficacité productive (Peter A. VICTORet ROSENBLUTH,2007;

Pe-ter A VICTOR,2012; JACKSON,2010)23.

On peut s’interroger, comme le fait très utilement Victor, sur la nécessité de la hausse conti-nue du produit social ; pourquoi, autrement dit, le bouclage macroéconomique n’est jamais considéré à partir d’un stock de richesse social minimal, nécessaire à assurer un minimum de bien-être matériel et social aux individus. La théorie marxienne de la sur-valeur et son analyse par Postone en termes d’effet « treadmill » constituent une réponse très convaincante à cette interrogation : la forme de richesse sociale capitaliste induit structurellement ce mouvement, cette dynamique permanente.

L’observation des données macro-économiques pour la France confirme ce constat (figure(3)

page170). Le PIB en volume depuis 1949 a été multiplié par 7 et il a plus que doublé depuis

1975. Dans le même temps, le nombre d’emplois en équivalent temps-plein (ETP), s’il n’est pas resté exactement stable, n’a augmenté que très lentement (multiplié par 1.23 depuis 1949). Depuis 1975, la population active (au sens du BIT) a augmenté quasiment au même rythme

23. Nous pouvons également faire référence au cas bien documenté par Rifkin de l’apparition du marketing et de la publicité dans les années mille-neuf-cent-vingt, dans un contexte de sur-production patente (RIFKIN, 1997, pp. ? ?).

que le nombre d’emplois ETP (resp. +26% et + 21%) ce qui laisse le taux de chômage à un niveau, certes élevé, mais à peu près constant. Nous avons donc une très forte stabilité, depuis lors, de l’insuffisance d’emplois pour satisfaire le besoin de conformation dans l’emploi de la population française.

L’augmentation de la population active s’est faite quasiment exclusivement par le biais de l’arrivée des femmes sur le marché du travail, la population active masculine restant presque

stable depuis 1975 (figure4page170).

Entre 1975 et 2013, le nombre d’emplois ETP par personne active est stabilisé un peu au

dessus de 0.9 emplois par personne (figure(4b))24. En revanche, si l’on pose leratioavec la

population en âge de travailler hors retraités, élèves et étudiants, nous arrivons entre 0.7 et 0.8 emplois ETP par personne. Ce ratio a eu tendance à croître faiblement entre 1975 et 2008 (il passe de 0.72 à 0.77), puis il diminue entre 2008 et 2013 (0.75). Il faut noter que dans la série longue de l’emploi ETP, la définition de la norme du temps plein est importante : le passage aux « 35 heures » a donc eu pour effet d’augmenter mécaniquement, et artificiellement, le nombre d’emplois ETP et donc le ratio du nombre d’emplois ETP par personne (c’est juste-ment entre 1999 et 2008 qu’il augjuste-mente le plus).

Ces ordres de grandeurs sont assez similaires dans les autres pays de l’OCDE en particulier en Allemagne, pays souvent comparé à la France. Dans tous les pays, le nombre d’emplois en ETP par personne est largement inférieur à 1, qu’il soit estimé pour la population en âge

de travailler ou pour la population active25.

Ce contexte étant posé à grands traits, nous allons proposer, dans cette section, une analyse plus fine de cette contradiction portée par les bénéficiaires. Pour ce travail nous nous inscrivons dans la lignée de la perspective résolument empirique du segmentationniste Wil-24. Nous préférons le ratioEmploisEQT P/P Aau taux de chômage classique dans la mesure où son résultat en nombre d’emplois ETP par personne correspond mieux à l’expression d’un mode de partage de l’emploi tel que nous l’envisageons (voir page17dans l’introduction de la thèse et MÉDA2010a, p.329).

25. Nous invitons le lecteur à se référer à la figure31 page 481en annexe, pour quelques éléments succincts de comparaison de la France avec d’autres pays, même si la comparaison ne reprend pas le même indicateur que celui que nous mobilisons ici.

A noter également que selon les modes de calculs de l’emploi disponible, le rang des pays peut se trou-ver changé. Surtout, les classements des pays européens selon le nombre d’emplois en équivalent temps plein rapporté à la population active ou à la population en âge de travailler et le classement selon le taux de chômage peuvent être assez différents. Par exemple, le taux d’occupation en équivalent temps plein de la population active est bien plus élevé en France qu’en Allemagne pour l’année 2008 (resp. 85.5% et 79.5%), alors que le taux de

B . Le travail valorisé dans le capitalisme contemporain : contours des marges de l’emploi

kinson :

Labour power as it enters production is itself the end product of a process of social production and reproduction which shapes its quantity, quality and the ease with which it can be used in production. (WILKINSON,1983, p.418)

Dans cet article de 1983, Wilkinson pose les bases d’une analyse complexe des formes d’em-ploi prenant en compte l’ensemble du « système productif », et cette analyse sera développée

ensuite par les segmentationnistes de Cambridge au Royaume-Uni (PETIT, 2004, pp.12-14).

Dans ce paradigme, «la politique d’emploi des entreprises est le fruit d’interactions entre les

marchés du travail, des produits et les institutions légales» et, par ailleurs, «le processus de production est toujours compris comme une combinaison d’éléments technologiques, écono-miques et sociaux» (ibid., pp.13).

Ainsi, nous commencerons cette section par poser les bases de notre description en recou-rant aux analyses segmentationnistes qui, depuis les années soixante-dix ont offert un cadre particulièrement riche pour décrire et comprendre les possibilités de mobilité et les risques d’enfermement entre différents segments aux caractéristiques contraires. Le fait marquant que nous mettrons en évidence est celui d’un risque accru d’enfermement dans les segments se-condaires du « marché du travail ».

Nous continuerons par deux développements en appui sur l’analyse segmentationniste, comme des focus sur des enjeux particuliers. D’abord nous ferons une pause sur les dynamiques sec-torielles contemporaines, qui ont partie liée avec les segments du marché du travail : nous constaterons le fort développement de certains secteurs particulièrement marqués par les seg-ments secondaires, offrant des conditions d’emploi difficiles et peu de perspectives de mobi-lité pour les salariés.

Enfin, nous finirons par une réflexion autour des évolutions récentes du temps de travail, notamment le développement du temps partiel et particulièrement du temps partiel subi, ou sous-emploi. Ce phénomène nous semble, en effet, particulièrement révélateur d’un mode de partage de l’emploi où le travail est dans une position contradictoire, centrale mais impos-sible à valoriser. Par ailleurs, il concerne fortement les bénéficiaires de minima sociaux et il est associé à un enfermement fort dans des segments secondaires.

FIGURE3. – PIB, emplois et population active

Indice base 100 en 1975. Champs: Emploi intérieur, France. Source: BDM, INSEE (calculs de l'auteur)

Indice

1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010

50

100

150

200 Nombre d'emplois en EQTP

PIB en volume

B . Le travail valorisé dans le capitalisme contemporain : contours des marges de l’emploi

FIGURE 4. – Emplois et populations actives.

(a) Détail de l’évolution de la population active et emplois en équivalent temps plein.

France. Millions 1980 1990 2000 2010 10 15 20 25

Nombre d'emplois en EQTP Population active totale −> Population active féminine −> Population active masculine

(b) Nombre d’emplois ETP par personne.

Source: BDM, Recensements de la population, INSEE (calculs de l'auteur). Lecture: en 2013 il y a en France environ 0.9 emplois en équivalent temps plein

par personne active. 0.55 0.6 0.65 0.7 0.75 0.8 0.85 0.9 0.95 1 1975 1982 1990 1999 2008 2013 Ratios:

Emplois ETP / 15−64 ans, hors retraités, élèves et étudiants Emplois ETP / Population active au sens du BIT

B. 1 . La segmentation, une analyse dynamique et actuelle des

flux sur le marché de l’emploi

L’analyse segmentationniste offre des outils intéressants pour penser le travail-emploi dans un contexte social particulier, celui du fordisme qui est son contexte d’émergence, et pour penser les évolutions du travail emploi vers le néo-libéralisme. Précisément, ce cadre d’analyse permet de comprendre la dualisation du marché du travail comme une nécessité et donne des clés d’analyse empirique utiles pour la compréhension des trajectoires profession-nelles des bénéficiaires du RSA.

Nous le verrons, la segmentation du marché du travail est le fruit d’une rencontre entre offre et demande de travail. Les actifs qui se portent sur le marché du travail amènent une série de ca-ractéristiques, qui peuvent être des supports à la segmentation ou, plus fortement, des sources propres de segmentation (comme le genre). Les entreprises qui embauchent vont proposer des formes d’emploi adaptées aux contraintes qu’elles subissent elles-mêmes, et vont également conduire des stratégies explicites et conscientes de segmentation du marché du travail. Les trajectoires professionnelles des bénéficiaires du RSA seront donc marquées par cette segmentation et particulièrement par le risque d’enfermement dans les marchés secondaires.

Par ailleurs, Alt et Iversen (ALTet IVERSEN, 2017, dernière version d’un papier diffusé dès

2014 par les auteurs) mettent en évidence l’effet négatif de la segmentation du marché du

travail sur la préférence des classes moyennes pour la redistribution des revenus26; en cela, le

RSA, avec le principe d’un renforcement de la conditionnalité et la réaffirmation de l’échange droits contre devoirs, peut être conçu comme une manifestation, un résultat, de la segmenta-tion du marché du travail français. La manifestasegmenta-tion d’un risque qui pèse sur une catégorie bien circonscrite de la population.

26. Ils relient la préférence pour la redistribution au risque estimé par chacun de se retrouver un jour futur dans la situation d’avoir besoin de subsides (perte d’emploi, bas salaires, etc) ; sous cette hypothèse, plus le marché est cloisonné, dual, moins le risque théorique de perte d’une situation professionnelle confortable est important, donc plus la préférence pour la redistribution est faible.

Si cette hypothèse comportementale (résumée ainsi par les auteurs : «we could say that people feel altruistic

toward their future selves» ALT et IVERSEN,2017, p.25) peut être contestée ou à tout le moins enrichie, il

semble bien que ce mécanisme ait été à l’œuvre dans les discours mettant en regard les supposés efforts d’une partie de la population avec les avantages supposés des moins favorisés.

B . Le travail valorisé dans le capitalisme contemporain : contours des marges de l’emploi

a . Une segmentation fonctionnelle dans le capitalisme

Boyer critique l’analyse segmentationniste pour sa contingence trop forte avec le rap-port salarial de type monopoliste ; au fond, il restreint sa validité au régime fordiste (BOYER,

1980). Pour lui au contraire, le concept de rapport salarial permet d’analyser la frontière entre

zones de stabilité et d’instabilité de l’emploi comme un trait structurant du capitalisme aux

contours et à la porosité variable selon les moments du capitalisme (ibid., p.18-19).

Contrairement à Boyer, nous pensons que cet outil descriptif reste opérant pour analyser le marché de l’emploi contemporain : les concepts segmentationnistes ont été actualisés depuis les articles fondateurs de Piore et Doeringer et des radicaux américains, et des contributions contemporaines ont rappelé sa capacité descriptive pour le marché du travail français

contem-porain (GAZIER et PETIT, 2007; AMOSSÉ, PERRAUDIN et al., 2011). En revanche, nous

nous accordons avec lui sur la nécessité d’inclure la segmentation dans des concepts plus larges, capables de comprendre les formes d’emploi dans le capitalisme en général. Si lui propose le rapport salarial comme concept général, nous pensons que la définition du travail comme rapport social esquissée dans notre première partie peut remplir efficacement ce rôle. En d’autres termes, nous mobiliserons l’analyse descriptive segmentationniste dans le cadre théorique général de la critique de la valeur.

Nous l’avons vu, une analyse institutionnelle du capitalisme dans ses formes historiques spécifiques ne contredit pas le point de vue général qui a été le nôtre jusqu’à présent. Et dans la cas de la segmentation du marché du travail, la résonance entre abstraction et description fonctionne bien. D’une part, la segmentation est un processus endogène au capitalisme, i.e. produit de l’accumulation capitaliste. En cela, elle s’insère naturellement dans le cadre théo-rique plus vaste qu’est celui de la « critique de la valeur ». D’autre part, grâce à l’analyse segmentationniste, nous pouvons progresser dans l’anticipation des conséquences concrètes du RSA : l’ensemble conceptuel rassemblé sous ce terme s’est largement construit, en effet, dans une perspective descriptive, il est donc sujet à de nombreuses rectifications/adaptations selon les territoires et les époques (les différents marchés qui co-existent sont plus ou moins perméables, et leurs contours sont plus ou moins nets).

La segmentation du marché du travail : quelques rappels

L’analyse segmentationniste a émergé au départ pour comprendre les fractures exis-tantes au sein même du rapport salarial fordiste. La gestion de la main-d’œuvre par les en-treprises donnait lieu en effet à l’émergence d’un « marché interne » du travail reposant sur un compromis avec les ouvriers. On peut reprendre la représentation schématique que Gautié

fait de ce compromis (GAUTIÉ, 2004) : les travailleurs, embauchés non-formés et avec une

productivité du travail faible sont formés au sein de l’entreprise et débutent leur carrière avec un salaire réel plus élevé que leur productivité. Leur productivité croit ensuite plus vite que le salaire réel, ce qui permet à l’entreprise de compenser le coût lié au différentiel salaire-productivité de début de carrière. En fin de carrière, alors que la croissance de la salaire-productivité ralentit, voire devient négative dans certains cas, le salaire maintient sa progression constante. Les gains et pertes pour la firme et le travailleur se compensent sur l’ensemble de la carrière de ce dernier. Le fonctionnement de ces marchés internes repose donc sur une relation sala-riale durable.

L’avantage pour l’employeur réside dans sa capacité à générer des compétences adéquates et dans certains cas spécifiques à son procès de production, avec la garantie, grâce à des avantages concédés (une progression constante du salaire et une stabilité contractuelle de la relation salariale), que le salarié, possesseur du savoir-faire de l’entreprise, n’ira pas em-ployer ce savoir-faire ailleurs. L’intérêt est d’éviter de former la main d’œuvre des entreprises concurrentes, mais aussi de limiter les coûts de formation, importants en début de carrière mais rentabilisés du fait de la longévité de la relation salariale (un fort turn-over engendrerait un coût de formation beaucoup plus important).

Ces « marchés internes », du fait des normes et des règles parfois implicites qui les ré-gulent, s’opposent au fonctionnement concurrentiel du marché du travail. Pour reprendre les

mots de Doeringer et Piore (DOERINGER et PIORE, 1985, p.37) dans leur article fondateur,

les marchés internes se définissent comme «an administrative unit, such as a manufacturing

plant, within which the pricing and allocation of labor is governed by a set of administrative rules and procedures» ce qui les différencie des marchés externes («external labor market»),

B . Le travail valorisé dans le capitalisme contemporain : contours des marges de l’emploi

la fixation des salaires, l’allocation du travail et l’organisation de la formation sont gouver-nées directement par les variables économiques» (ibid., traduction de l’auteur). Les marchés internes sont donc justement caractérisés par l’existence de règles, formelles ou implicites qui tiennent à distance le fonctionnement normal du marché.

Les marchés externes ne forment cependant pas un ensemble concurrentiel homogène.

Dans le cas du «marché primaire»27, la concurrence joue à l’avantage des travailleurs : leurs

compétences, rares et recherchées par les employeurs, leur permettent de tirer profits de contrats de courte durée. Ils enchaînent à leur rythme les missions, très spécifiques, mais des salaires élevés sont associés à cette relative instabilité de la relation salariale (relative car si l’employeur change souvent, les périodes d’inactivités sont rarement subies et souvent maîtrisées par le travailleur). Le second type de marché externe est qualifié de « marché se-condaire ». Ici, à la différence du marché primaire, la concurrence joue plutôt en défaveur des salariés.

Les approches segmentationnistes des années soixante et soixante-dix relèvent

large-ment d’une «segmentation par la demande» de travail. Selon cette approche, ce sont les

ca-ractéristiques des employeurs eux-mêmes qui déterminent l’organisation des marchés du tra-vail auxquels elles s’adressent. Lorsque les employeurs ont un pouvoir de marché, un chiffre d’affaire régulier, une dynamique favorable mais excluante va pouvoir s’installer : leur pou-voir de marché rend possible des prix élevés à même de garantir des profits, qui seront eux-mêmes la source d’investissements et de gains de productivité. Ces gains de productivité sont permis par une formation importante des travailleurs, ce qui représente un coût à même de consolider les liens qu’entretiennent l’employeur avec ses salariés. Les salaires et la stabilité augmentent, ce qui induit une hausse de la syndicalisation, elle-même ayant un effet de ren-forcement de ces particularités de l’emploi sur les segments « internes ». Les segments secon-27. Les termes utilisés peuvent prêter à confusion, nous les clarifions ici très brièvement. À l’origine le marché du travail était pensé comme dual, entre marchés primaires (stabilité, hauts salaires, etc.) et marchés secondaires. Ce sont Piore et Doeringer qui penseront ensuite les marchés primaires comme « une serie de mar-chés internes du travail » structurés tantôt autour d’une entreprise tantôt autour d’une profession (ROSENBERG,

1989).

Reich et al. proposent une typologie des segments relativement proche puisqu’ils insistent sur la segmentation au sein du marché primaire, entre des emplois «subordonnés» et «indépendants», les seconds ayant des carac-téristiques proches des emplois typiques du marché primaire supérieur : «voluntary turnover is high» (REICH

et al.,1973, p.360). Dans la thèse nous utilisons les expressions « marchés internes » et « marchés primaires » pour désigner respectivement ces deux types.

daires sont opposés parce que la demande de travail émane d’entreprises et de secteurs écono-miques n’ayant pas la capacité à enclencher cette dynamique positive.

Un cadre théorique à actualiser

Ce schéma est néanmoins daté ; non pas qu’il soit faux, mais il nécessite une actua-lisation. D’abord, la financiarisation de l’économie a conduit à une modification des priori-tés et des stratégies des employeurs. La « financiarisation » renvoie à un ensemble de

phé-nomènes concomitants, notamment : «the globalisation of financial markets, the

sharehol-der value revolution and the rise of incomes from financial investment»28(STOCKHAMMER,

2004, p.720). Le primat donné à la valeur actionnariale implique que l’existence d’un pouvoir

de marché ne coïncidera plus nécessairement avec cette dynamique positive de renforcement des salariés des marchés internes. L’arbitrage entre croissance et profits se fait d’avantage

en faveur des profits, les managers ayant intégré les préférences des rentiers (ibid., p.727).

Stockhammer montre en effet que cette financiarisation tend à ralentir l’accumulation d’actifs matériels par les entreprises (exprimée par le taux de croissance du capital brut), en

particu-lier pour les États-Unis (ibid., p.739), ce qui peut témoigner d’un désintérêt pour l’activité de

l’entreprise. Plus récemment, Darcillon met en évidence un lien empirique fort entre la finan-ciarisation et la baisse de pouvoir de négociation des organisations syndicales, lien d’autant plus fort que la financiarisation est captée par le degré d’intermédiation financière ; il suggère également que la financiarisation, entendue comme la part de la valeur ajoutée et des emplois associés au secteur de l’intermédiation financière, est associée négativement au degré de